Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
11.11.2025
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RD Congo
Sud-Kivu: De plus en plus de paysans sans terres
par Thaddée Hyawe-Hinyi
Syfia Gds Lacs - 06 mai 2010
http://www.syfia-grands-lacs.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1753
Les terres du Sud-Kivu montagneux sont aujourd'hui très convoitées par les citadins, de plus en plus nombreux à acheter leurs champs aux villageois, sans toujours les mettre en culture. Les agriculteurs, eux, viennent grossir les bidonvilles de Bukavu ou deviennent salariés sur leurs propres parcelles.
"L’opération d’achat et de vente des terres a augmenté le nombre de paysans sans terres dans la région du Sud-Kivu montagneux", selon le sociologue Basheka Ciringa. À l’est de la RD Congo, depuis 2006, les routes construites par les Chinois relient à nouveau les villages à la ville, incitant des citadins à investir dans les campagnes. De leur côté, les agriculteurs, lassés de leurs conditions de vie difficiles, sont eux disposés à vendre leurs terres. Ces derniers temps, ils n'hésitent pas à liquider leurs champs "pour faire étudier les enfants et se relancer dans la vie", comme l'explique Déo Muzirigerha, qui a vendu ses parcelles de Cirunga (Kabare) et habite désormais à Bukavu. " D’autres paysans le font "pour fuir les conflits de voisinage au village". Les terres héritées des parents n’échappent pas à ces ventes qui divisent les familles. Tous s’installent dans les bidonvilles de Bukavu où ils construisent une maisonnette. Le reste de l’argent est investi dans le petit commerce.
Une région de grands propriétaires
Dans la plaine de la Ruzizi et sur les collines du Sud-Kivu, on voit ainsi de grandes concessions, réservées à l'élevage de prestige de gros bétail, qui restent en friches ou sont seulement plantées d’arbres. La crise foncière est profonde dans la région, causée par la marchandisation de la terre, la croissance démographique rapide et la forte demande des terres villageoises par les non paysans. Même la société allemande Pharmakina, qui fabrique de la quinine, a vendu certaines de ses plantations à des privés qui les laissent en jachère. Les grands propriétaires fonciers se comptent par dizaines – commerçants, politiciens, Églises chrétiennes et chefs coutumiers disposant de grandes concessions comme les planteurs de quinquina et de thé – tandis que les rangs des paysans sans terres grossissent.
Depuis 1980, la loi stipule que "le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’État". En même temps, ce texte a subordonné la réglementation des droits de jouissance acquis sur les terres à une ordonnance présidentielle attendue jusqu’à ce jour, ce qui place les paysans dans une grande précarité juridique.
Dans le Bushi, au Sud Kivu, quatre types de contrats régissent traditionnellement la jouissance foncière. Seul l'un d'eux (le kalinzi) "donne un droit irrévocable de propriété foncière acquis après paiement en nature (vaches, chèvres, bière) ou en espèces au chef coutumier. Il reste privatif, pérenne et héréditaire", explique le sociologue Kinghombe wa Kinghombe. Les autres contrats sont conclus pour une ou deux saisons culturales seulement avec obligation de planter des cultures à cycle végétatif court.
La terre est devenue une source de conflits au village et en ville parce qu’on peut la vendre pour s’enrichir. La loi a domanialisé les terres rurales en 1980 et les gens n’en ont pris conscience qu’il y a peu de temps. C’est ce changement qui a fait des terres une marchandise monnayable en supprimant les pratiques coutumières comme source des droits fonciers. Certains chefs coutumiers spolient et vendent donc souvent les champs des paysans à des bourgeois urbains, seuls capables de diligenter l’enregistrement des terres dans les méandres de l’administration. "Paradoxalement, constate Maître Séverin Mugangu, spécialiste en droit foncier shi, de nombreux paysans, sont devenus manoeuvres sur les exploitations qu’ils ont eux-mêmes vendues". Ils y gagnent occasionnellement 1 000 FC (1,11 $) par jour à la tâche.
"Les terres arables du Kivu montagneux occupent 13 % des surfaces, mais regroupent environ 70 % de la population de la province", rappelle le Père Didier de Failly, installé dans la région de longue date, en analysant la situation foncière au Kivu. "Les contrées de Kabare, Walungu, l'île d’Idjwi et Kalehe comptent plus de 400 habitants au kilomètre carré", ajoute-t-il. À Burhale (Walungu), la densité atteint 540 hab/km2. Les ménages, qui comptent en moyenne six personnes, n’ont que 0,17 ha pour vivre.
L’Action sociale et d’organisation paysanne (ASOP), une association de Bukavu, avance sur le dossier d’un plaidoyer social. Elle a déjà proposé des amendements à la loi foncière pour une distribution équitable de la terre. Elle propose la réaffectation des terres en tenant compte des besoins agricoles et des espaces adaptés aux cultures vivrières. L'ASOP insiste aussi pour que la prochaine loi foncière prenne en compte des avis de chefs coutumiers lors de la désaffectation des terres.
Une nécessité à l'heure où l'achat ou la location de terres sur une longue durée par des étrangers prend de l'ampleur en RDC. La Chine a déjà obtenu 2,8 millions d'hectares où elle compte, entre autres, faire la plus grande plantation d'huile de palme au monde. Un syndicat de fermiers sud-africains pourrait, lui, se voir attribuer 10 millions d'hectares…
Île d'Idjwi: Les Pygmées, privés de forêt, errent dans les villages
À Idjwi, l'île au milieu du lac Kivu, les Pygmées errent aujourd'hui dans les villages. En 2008, ils ont été chassés de la forêt de Nyamusisi où ils habitaient depuis des temps immémoriaux. Celle-ci a été morcelée et vendue à des commerçants et des politiciens par les chefs coutumiers à la grande consternation de la population.
Depuis lors, ils peinent à trouver un lieu où construire une habitation et cultiver. Ils dénoncent la marginalisation dont ils sont l’objet. "Ne pouvant plus chasser ni vivre de la cueillette ou de la vente des braises, nous exigeons d’avoir des champs pour le labour comme les autres paysans", déclare Zafarindi Barhakengera, le chef des Pygmées d’Idjwi.
Par solidarité, des compatriotes en ont logé certains dans leurs villages en leur octroyant des lopins de terre. À Kisiza, dans le groupement Mpene, les Pygmées sont les plus nombreux et leurs enfants sont scolarisés, "afin de faire entendre notre voix les années à venir", affirme ce même chef, "et à la longue pouvoir construire des maisons à étage pour quitter ces petites huttes", ajoute Kavuganyi Kahimano, un élève pygmée de l’école primaire Kashofu.
RD Congo: Kinshasa enfouit ses immondices dans les marécages
par Horely Mbala, Ange Lombo
Syfia Gds Lacs - 06 mai 2010
http://www.syfia-grands-lacs.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1751
Faute de centre de traitement des ordures, la capitale congolaise déverse et enfouit ses déchets sur des terrains marécageux bordant le fleuve Congo. Une solution qui perturbe la vie des riverains habitués à y pêcher et pollue l’air ambiant.
Un peu en amont du beach Ngobila, le port fluvial où se font les traversées entre Kinshasa et Brazzaville, Kingabwa est un vaste quartier populaire qui borde le fleuve Congo. De petits ports privés vétustes y sont installés sur des terrains souvent marécageux. Sur l’un des sites, Mandrandele, toutes sortes de petites activités foisonnent : des pirogues de pêcheurs bravent le courant pour ramener du poisson, des marchands de bois s’affairent à écouler leur marchandise... C’est ici que le Programme d’assainissement urbain de Kinshasa (Pauk), vient déverser des ordures collectées dans trois des 24 communes de la capitale de la Rd Congo. "Chaque jour, des véhicules de 10 t déversent 500 m³ de déchets sur ce site de 3 ha", précise Pierre Mindela, qui s’occupe de la décharge.
Financé par l’Union européenne, le Pauk a démarré en novembre 2009. Mais le choix du site comme centrale de dépôt des déchets de la ville ne s’est pas fait sans mal. Dès le début, les riverains ont vivement protesté dénonçant la pollution de l’environnement. L’air est en effet devenu irrespirable. Des odeurs répugnantes se répandent partout à chaque passage des véhicules du Pauk. On n’y circule plus sans se boucher le nez. "Nous nous réfugions dans nos maisons pour ne pas respirer cette puanteur", raconte Eugène Bayinga. Les habitants du quartier se plaignent accusant ces immondices d'être à l'origine de la recrudescence des maladies comme la fièvre typhoïde et le paludisme.
Menace pour la santé des riverains
Toutes sortes d’ordures ménagères et autres échouent sur le site. À l’exception, selon Pierre Mindela, des détritus d’hôpitaux. Malgré les odeurs que dégagent ces saletés, des personnes démunies viennent y fouiller et ramasser des objets recyclables. Fer, matières plastiques… sont systématiquement récupérés et revendus aux petites usines de transformation. "Je nourris ma famille en revendant les objets plastiques", avoue une veuve. Des jeunes filles ramassent aussi, les mains nues, des mèches usagées pour se faire tresser les cheveux.
Maîtres du fleuve, les pêcheurs ont, eux, perdu une grande partie de leur espace de vie. Les marécages qui reçoivent les immondices constituaient un bon vivier où ils capturaient facilement du poisson. "Notre production a baissé. Et nous sommes obligés d’aller pêcher plus loin dans le fleuve", témoignent-ils. Ils ont en outre perdu leurs cases construites sur pilotis, où ils amarraient leurs pirogues bien attachées à l’aide des chaînes. Sans case, ils parquent aujourd’hui un peu plus loin et passent leurs nuits dans leurs petites embarcations pour ne pas se faire voler…
Au Pauk, les responsables justifient le choix de ce site qui sert de grand dépotoir à la ville. Mégapole de plus de 8 millions d’habitants, Kinshasa produit environ 5 000 t de déchets ménagers par jour. Mais la capitale n’a pas de centre approprié de traitement des ordures. "Les marécages au bord du fleuve ont été choisis pour être transformés en site viable qui accueillera un port et d’autres infrastructures", explique Pierre Mindela.
Un site plus viable ?
Les ordures déchargées dans le dépotoir sont ensuite compactées par des engins puis recouvertes de terre jaune. Lors de l’opération, des barrières sont érigées pour marquer les limites entre les marécages et le fleuve. Une fois enterrés, "il ne se pose aucun problème de pollution, car les déchets ne coulent ou ne flottent pas dans le fleuve", se défend le Pauk. Les riverains ont fini par se calmer et accepter cet état de fait. "Le Pauk a promis de nous reconstruire des vraies maisons à la place des huttes détruites", disent des pêcheurs quelque peu rassurés.
Tout proche de Mandrandele, sur un autre espace marécageux, un vaste projet s’est lancé le défi de bâtir une petite ville moderne déjà baptisée "Cité du fleuve". Sur cet ambitieux chantier, des motopompes géantes aspirent le sable du fond des eaux qu’elles déversent sur les marécages pour solidifier le terrain. "Le Pauk aurait dû recourir à cette technique non polluante pour viabiliser son site", conseille un expert qui se plaint aussi des odeurs qui lui parviennent du dépotoir voisin.