Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
11.11.2025
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Début septembre, les jihadistes du JNIM ont commencé à instaurer des barrages ponctuels sur les grands axes menant vers la capitale, entraînant une perturbation de la circulation des biens et des personnes près de Bamako et dans l'ouest du pays. Les véhicules transportant du carburant ou des produits de consommation en provenance du Sénégal et de la Côte d'Ivoire sont visés par ces attaques.
Le blocus sur les importations de carburant entraîne l'arrêt de nombreuses activités, la fermeture des écoles et la raréfaction de certains produits de première nécessité. Les attaques jihadistes sur les routes sont aujourd'hui quasi quotidiennes.
La semaine dernière, les jihadistes ont libéré deux otages émiriens et un Iranien, en échange d'une rançon de 50 à 70 millions de dollars et de matériel militaire. Ces derniers jours, plusieurs ambassades ont appelé leurs ressortissants à quitter le pays.
Le JNIM resserre son étau sur Bamako, privilégiant l'étouffement économique à un assaut militaire. Il impose la charia dans les zones qu'il contrôle.
Au Mali, le JNIM tente d'asphyxier l'économie "pour déclencher un mécontentement populaire"
par Grégoire Sauvage
France24 - 10nov 2025
Bamako va-t-elle tomber aux mains des jihadistes ? Depuis l'opération Serval de 2013 qui avait permis de stopper l'avancée des groupes armés, jamais la capitale malienne n'avait semblé aussi vulnérable.
Depuis un mois, les hommes du JNIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), affilé à Al-Qaïda, contrôlent une partie des principaux axes routiers et prennent pour cible lescamions-citernes qui viennent livrer de l'essence, une stratégie de blocus éminemment efficace dans un pays enclavé, très dépendant des importations en provenance de ses voisins ivoiriens et sénégalais.
Pour les quelque 3,2 millions d'habitants de Bamako, trouver de l'essence relève d'un vrai casse-tête, avec à la clé, de longues files d'attente devant les stations-service. Mais "il y a eu une amélioration ces derniers temps. C'est un peu au jour le jour en fonction des entrées des convois", explique un habitant joint par France 24 qui déplore l'explosion des prix sur le marché noir. "Certains stockent pour pouvoir vendre plus cher les jours maigres, entre 2.000 à 5.000 francs CFA" le litre de carburant contre 775 FCFA (soit 1,18 € au cours actuel) à la pompe, prix plafonné par les autorités. Face à cette situation, l'armateur de porte-conteneurs, le géant mondial italo-suisse MSC, a annoncé le 6 novembre suspendre ses livraisons terrestres de marchandises vers le Mali, en raison de "problèmes de sécurité" et de la "pénurie de carburant". Une décision qui pourrait aggraver la crise en cours.
Si le transport et la logistique sont les premiers touchés, tous les secteurs commencent à ressentir les effets des pénuries de carburant dans un pays où les biens sont transportés par voie routière : énergie, agriculture et même éducation. "Cette stratégie de blocus est nouvelle pour le JNIM qui cherche à déstabiliser la junte au pouvoir et déclencher un mécontentement populaire à l'égard du régime d'AssimiGoïta", décrypte le journaliste et spécialiste de l'Afrique, Antoine Glaser, sur l'antenne de France 24.
Pas de chute imminente de Bamako
Arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'État en août 2020, le colonelAssimiGoïta avait bâti sa popularité sur la promesse d'un rétablissement de la sécurité et de la souveraineté du Mali. Cinq ans plus tard, la junte malienne et ses supplétifs russes de Wagner ont échoué à contenir la progression des groupes armés qui ont prospéré sur l'inexistence de l'État. "La junte n'a pas été en mesure de renverser le rapport de force. La menace est désormais partout sur le territoire. Cela signe l'échec de la stratégie dutout-militaire et dutout-sécuritaire mise en place par les militaires", affirme le journaliste et écrivainSeidik Abba qui constate une évolution de l'agenda du JNIM. "Au départ, il s'agissait d'occuper le territoire malien. Maintenant on constate qu'il y a une volonté d'exercer le pouvoir car le JNIM a acquis une capacité opérationnelle très importante en récupérant des équipements mais aussi des capacités financières en lien avec les otages". Début novembre, France 24 révélait que le groupe jihadiste dirigé parIyad Ag Ghali avait perçu une rançon record de 50 millions de dollars en échange de la libération de trois otages, dont un ancien général émirati. Un profil qui a permis au JNIM de faire monter les enchères.
De son côté, le ministère français des Affaires étrangères a recommandé dans une note publiée le 7 novembre à ses ressortissants de quitter temporairement le Mali "dès que possible" rappelant que "les déplacements par voie terrestre restent déconseillés". Pour autant, à ce stade, la perspective d'une attaque militaire du JNIM pour prendre Bamako est écartée par la plupart des analystes sécuritaires. "Le JNIM n'a pas les capacités d'entrer dans une ville comme Bamako et de la contrôler, il ne peut pas prendre seul la capitale", explique le journaliste Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes à France 24. "En revanche, des négociations sont en cours pour créer une coalition hétéroclite avec des forces d'opposition ostracisées par le pouvoir et qui mènerait à une gouvernance islamique".
"Le JNIM est conscient que Bamako n'a pas été 'travaillée' sur le plan idéologique par les islamistes pendant 50 ans. Donc, le JNIM cherchent des partenaires qui pourraient s'accommoder des islamistes en pensant qu'ils vont se normaliser au sein de l'appareil d'État", détaille le chercheur auCeri deSciences-Po Luis Martinez, auteur de "L'Afrique, le prochain califat ?" (éd. Tallandier).
"Dédiabolisation"
Selon cet ancien consultant pour l’UE en Afrique subsaharienne, les actions de harcèlement et de blocus menées par les jihadistes ont d'abord pour objectif de discréditer le pouvoir de la junte et susciter de nouvelles vocations dans les rangs de l'armée. "Le JNIM cherche à démontrer aux officiers de second rang qu'il n'y a plus d'avenir avec la junte dans l'espoir d'obtenir la reddition d'un certain nombre de divisions, de commandants, de colonels, de capitaine de l'armée... Il est clair que le JNIM aspire à gouverner une partie du territoire malien et même s'il ne fait pas tomber Bamako, restreindre le pouvoir des militaires dans la capitale et à sa périphérie la plus proche, c'est déjà une conquête énorme sur le plan politique et idéologique".
"Les renseignements que nous avons montrent que le JNIM n'est pas nécessairement ni en capacité, ni n'a la volonté [...] de contrôler le pays, de contrôler le Mali, conscient aussi de ses limites", a confirmé lundi le patron de la DGSE française, Nicolas Lerner, sur la radio France Inter. "En revanche, tout laisse à penser que le JNIM souhaite la chute de la junte et souhaite l'installation d'un pouvoir qui soit en effet favorable à l'installation d'un califat sur tout ou partie du territoire malien".
Voile obligatoire, séparation des hommes et des femmes, promotion d'une lecture rigoriste du Coran... dans les zones tombées sous influence, les jihadistes ont déjà laissé entrevoir le modèle de société qu'il entend imposer à l'ensemble du Mali. Dans le centre du pays, le groupe a fait signer des accords à plusieurs villages interdisant tout contact avec les forces de sécurité. À cette volonté de proposer une alternative au pouvoir des militaires, le JNIM a mis en œuvre "une stratégie de dédiabolisation pour tenter de se faire accepter par le peuple malien" en évitant de s'en prendre systématiquement aux civils.
"Le JNIM n'a aucun intérêt à une diffusion de la terreur au sein de la population. C'est aussi une question de crédibilité internationale. Le JNIM a tiré les leçons du passé, notamment celle de l'État islamique en Libye et veut éviter qu'une coalition internationale lui tombe dessus et l'empêche d'atteindre ses objectifs. Et il ne s'agit pas de se contenter du Mali", prévient Luis Martinez. "Après le Mali, ce sera très clairement le Burkina Faso, pays où 70 à 80 % du territoire échappe au contrôle de l'armée avec à la clé une forme de victoire jihadiste en Afrique sahélienne qui était difficilement imaginable il y a encore quelques temps".
Au Mali, l'exode silencieux des habitants de Léré, étranglés par le blocus jihadiste
AFP, France24 - 10nov 2025
Fassalé (Mauritanie) – Devant le poste frontalier deFassala, sur cette terre désertique qui sépare le Mali de la Mauritanie, quelques dizaines de personnes attendent, assisesdanIls fuient le blocus imposé sur leur ville de Léré par les jihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, qui resserre l'étau sur le régime militaire malien, de plus en plus fragilisé.
A cette heure de l'après-midi, le soleil est brûlant. Fatima, une mère touarègue vêtue d'une tunique aux couleurs vives, serre contre elle sa dernière-née. Dans ses bras, l'enfant observe ce paysage inconnu de ses grands yeux noirs avant d'éclater en sanglots. Fatima reste indifférente. Elle attend que l'enfant se calme. Bientôt, ce sera son tour. Elle passera devant l'agent et sera accueillie comme réfugiée sur le territoire mauritanien. Au revoir le Mali. Au revoir la guerre.
"Plus rien à manger"
"On nous a dit qu'il fallait quitter la ville. Il n'y avait plus rien à manger. Alors nous sommes partis", dit-elle d'un ton calme, les yeux perdus vers un horizon introuvable. La situation était intenable. Depuis deux semaines, le JNIM a imposé un blocus de la localité de Léré, dans le centre du Mali, à un peu plus de soixantaine kilomètres de là. Ils seraient déjà entre 2.000 et 3.000 à avoir franchi la frontière mauritanienne pour se mettre à l'abri, selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) . "Il s'agit du plus important afflux de réfugiés maliens depuis fin 2023", expliqueNorikSoubrier, expert terrain pour la branche humanitaire de l'Union européenne. Un plan de contingence a été déclenché avec des priorités identifiées: eau, nourriture, abris et soins de santé.
Sur tout le territoire malien, les blocus jihadistes se multiplient depuis septembre. Cette stratégie d'étranglement de l'économie se fait sentir jusqu'à la capitale Bamako qui fait face à une pénurie de carburant. Près de la zone d'enregistrement, une femme amène un bidon d'eau. Quelques hommes remplissent des cruches métalliques et portent à leurs lèvres le liquide précieux. Un baume pour leur gorge sèche. Les corps, hâlés par le soleil et lourds de poussière, sont fatigués, après plusieurs jours de marche. Beaucoup se sont déplacés avec toute leur famille. Certains ont apporté leurs maigres ressources: un âne, quelques chèvres, un cheval. La plupart de ces hommes sont bergers. Ils ont laissé derrière eux une partie de leur bétail. A l'ombre d'un acacia, un groupe d'hommes discutent. L'un d'entre eux tient dans sa main un téléphone portable. Le réseau est mauvais et les nouvelles ne sont pas bonnes.
"24 heures pour partir"
"Les jihadistes nous ont fixé un ultimatum de 24 heures pour partir. Nous avons quitté parce que nous avons eu peur. Hier, ils ont assassiné ceux qui étaient restés", raconte un homme sous couvert d'anonymat pour des raisons de sécurité. "Ils les suspectent d'être de mèche avec l'armée malienne, raison pour laquelle il y a eu ces représailles", précise l'un de ses voisins, vêtu d'un boubou vert et de son turban traditionnel. Au total, 12 personnes ont été tuées lundi lors de cette attaque dans la ville de Léré.
Quatre jours plus tôt, deux bergers avaient été enlevés. Ils ont eux aussi été retrouvés morts, selon plusieurs sources locales et militaires. "Ces personnes n'ont pas été tuées au hasard", explique un chef communautaire arrivé quelques jours plus tôt. "Ils avaient des listes. Ils étaient renseignés et recherchaient des noms bien précis", affirme-t-il. Il raconte la nature de ce blocus, dont la pression est beaucoup plus forte que celui déjà imposé à la ville, fin 2024. "Lorsque les forces armées maliennes (FAMA) sortent, elles peuvent circuler sans problème. Il n'y a pas de combat. Mais dès qu'elles retournent dans la caserne, le JNIM les remplacent et les populations sont prises au piège". "Une fois que le blocus est imposé, les denrées se font rares. Les prix explosent", explique-t-il. "Et même pour fuir, désormais, c'est impossible. Ils ont donné un temps aux gens pour sortir. Maintenant c’est fini".
Les jihadistes tiennent aussi la route la plus directe vers la Mauritanie et ont imposé aux habitants de deux autres villages de partir. Selon lui, cette situation "est une punition pour les populations qui sont fidèles aux FAMA". "À Léré, tu es obligé de répondre aux ordres des FAMA, même si tu es le premier fidèle du JNIM. La population, dit-il, est comme un chiffon qu'on se dispute: elle passe de main en main selon celui qui la domine".