Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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Dernière mise à jour : 08.12.2025
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40 ans de déclin: l'anguille menacée par l'homme

Publié le 23/12/2021 à 00:07 par monde-antigone

 
"70 millions d'années d'existence et 40 ans de déclin": l'anguille menacée par l'homme
AFP, France24 - 17 dec 2021
https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20211217-70-millions-d-ann%C3%A9es-d-existence-et-40-ans-de-d%C3%A9clin-l-anguille-menac%C3%A9e-par-l-homme


TOKYO – Longtemps abondante dans le monde entier et même parfois considérée comme nuisible, l'anguille, dont le cycle de vie est encore mal connu, est aujourd'hui menacée de disparition à cause de l'activité humaine, avertissent scientifiques et organisations environnementales.

- Comment a évolué la perception de l'anguille ? En quelques décennies, "on est passé d'un statut où on pensait que l'anguille était nuisible à un statut où l'on craint pour l'avenir de l'espèce", explique à l'AFP Eric Feunteun, professeur en écologie marine du Muséum national d'histoire naturelle français. Dans les années 1960, "l'anguille était dans tous les cours d'eau, les estuaires", raconte ce spécialiste de l'espèce. Les civelles (les alevins de l'anguille) avaient peu de valeur commerciale: "Ma grand-mère tenait un café à Nantes, tout près de la Loire, et de temps en temps ses clients les moins fortunés lui apportaient un seau de civelles pour payer le café. Elle acceptait en râlant", se souvient-il.

Son apparence serpentiforme lui a longtemps donné une mauvaise réputation en Europe. Parfois accusée à tort de manger les saumons, l'anguille est même classée comme nuisible en France jusqu'en 1984. "On a tiré la sonnette d'alarme dès les années 1980" mais "il faut attendre 2007 pour que l'UE adopte un règlement obligeant les Etats membres à mettre en place un plan de gestion de l'anguille".Alors que le "recrutement" (arrivées dans les eaux continentales depuis l’océan) de civelles européennes est aujourd'hui tombé à moins de 10 % de son niveau des années 1960-1970, l'anguille européenne est la plus menacée des espèces de ce poisson, juste devant ses cousines japonaise et américaine, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

- Pourquoi sa population décline ? "On a accusé la pêche professionnelle d'être à l'origine de ce déclin, mais c'est une erreur à la fois scientifique et politique. On sait que les raisons sont multiples et que la pêche n'est pas le facteur principal", note M. Feunteun. "On sait que la pollution a des effets bien supérieurs à la pêche sur le stock: les pesticides issus des activités humaines, les médicaments, les plastifiants, les métaux, responsables d'une perte de taille" et donc de fertilité des anguilles femelles. "On a détruit l'habitat de l'anguille, c'est ça qui l'a vraiment tuée", enrage Andrew Kerr, président de l'organisation Sustainable Eel Group.

L'Europe a perdu les 3/4 de ses zones humides en moins d'un siècle, et compte plus d'un million d'obstacles en tout genre (barrages, écluses, gués...) perturbant les migrations et décimant les populations d'anguilles, rappelle-t-il. M. Feunteun évoque aussi "les courants marins (qui) changent avec le réchauffement climatique notamment. Le Gulf Stream va un peu moins vite et plus loin vers le nord, du coup le trajet des larves est plus long et la mortalité augmente".

- Comment sauver l'anguille ? Divers moyens ont été mis en place, comme des programmes de restauration de l'habitat dans les cours d'eau, de repeuplement, des adaptations des barrages ou des systèmes améliorant la traçabilité de l'anguille, dont la raréfaction alimente un juteux trafic à destination de l'Asie. "Il y a des efforts mais ils sont parfois mal orientés", déplore M. Feunteun. En ne visant que la pêche, "on se trompe. Tant que l'animal est pêché, qu'il y a une économie derrière, on s'intéresse à l'espèce. Si plus personne ne la pêche, qui tirera la sonnette d'alarme ?" "Une approche mondiale est nécessaire pour sauver l'anguille" car toutes les espèces souffrent des mêmes maux, alerte aussi Andrew Kerr.

- La reproduction artificielle, une piste ? Des chercheurs japonais planchent depuis les années 1960 sur la reproduction artificielle de l'anguille, qui a la particularité de ne pas se reproduire en élevage. "Actuellement, près de 100 % des anguilles que nous consommons sont des civelles capturées dans la nature et élevées en aquaculture, nous sommes donc dépendants des ressources naturelles", explique Ryusuke Sudo, chercheur dans un centre spécialisé de l'Agence japonaise de la pêche. Mais "le coût est trop élevé, le taux de reproduction est bas, et le temps de croissance des civelles est long", dit M. Sudo, convenant que la méthode artificielle "n'est pas rentable commercialement" à ce stade.

- L'anguille peut-elle disparaître ? "C'est une famille qui existe depuis 60-70 millions d'années, qui a survécu aux dinosaures, et qui paradoxalement s'est très peu diversifiée", souligne Eric Feunteun. Il n'existe en effet que 19 espèces et sous-espèces d'anguilles. Si l'anguille a peu évolué c'est parce qu'elle est très performante: elle naît dans des zones où d'autres poissons ne peuvent pas se développer car leurs larves n'y trouvent pas à manger, note le scientifique. Mais la survie de l'espèce est "aujourd'hui mise à mal par les pressions humaines: 70 millions d'années d'existence et quarante années de déclin", résume-t-il. M. Feunteun dit cependant garder espoir, "car c'est une espèce qui a montré au cours des crises climatiques passées qu'elle a su repartir à partir de très peu d'individus".


Biz illégal d'anguilles serait "plus lucratif que la drogue et les armes"
G.G., avec AFP, RTBF - 16 dec 2021
https://www.rtbf.be/tarmac/article/detail_le-trafic-illegal-d-anguilles-plus-lucratif-que-la-drogue-et-les-armes?id=10899294


Le biz [ou business; ndc] illégal d’anguilles serait plus rentable que celui des armes, de la drogue et des êtres humains. 3 milliards d’euros ! C’est la valeur annuelle estimée du trafic illégal de civelles européennes vers l’Asie. Les civelles, ce sont les bébés des anguilles. On les élève en bassin et ça donne des anguilles adultes, un plat que les asiatiques kiffent particulièrement. Et comme les anguilles ne se reproduisent pas en captivité, ce sont les civelles qui intéressent les éleveurs.

Face à un tel succès, les anguilles japonaises, l’espèce répandue à travers l’Asie de l’Est, sont menacées d’extinction. Du coup, les éleveurs de la région se sont mis à importer des des espèces de civelles européennes et américaines pour alimenter leur aquaculture. Résultat, les prix ont flambé, et on surnomme la civelle "l’or blanc". En 2010, l’Union européenne a décidé d’interdire toute exportation de civelles hors de ses frontières. Depuis 2007, l’espèce européenne fait partie de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). Son commerce doit donc être réglementé pour éviter de les exterminer complètement.

Mais puisque la demande est toujours bien présente en Asie, un important trafic s’est mis en place. D’après l’ONG Sustainable Eel Group (SEG), 23 % des civelles européennes sont exportées illégalement chaque année vers l’Asie, et principalement vers la Chine. Pour son président, Andrew Kerr, il s’agit du "plus grand crime contre la faune de la planète". Pour te faire une idée, "un pêcheur européen touche environ 0,1 €" par civelle, explique Andrew Kerr. "Arrivées à Hong Kong, chacune vaut 1 €, et après avoir été mise en aquaculture pendant un an dans un élevage chinois une anguille vaut 10 €, soit au total une multiplication par 100 de son prix en l’espace d’un an. Le profit est plus gros que pour le trafic de drogues, d’humains et d’armes".

Il y aurait eu 108 contrebandiers présumés de civelles interpellés par les polices de 19 pays européens pendant la saison de pêche 2019/2020, selon Europol. Deux tonnes de civelles d’une valeur estimée à 6,2 millions d’euros ont été saisies sur la même période. La pandémie de Covid-19 ayant perturbé le transport aérien de passagers à l’international (jusque-là le moyen privilégié des trafiquants utilisant des "mules"), les contrebandiers privilégient depuis le fret aérien, dissimulant les civelles au milieu d’autres marchandises. C’est un jeu permanent "du chat et de la souris", souligne Andrew Kerr.