Le Monde d'Antigone

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La présence militaire chinoise en Afrique

Publié le 04/08/2020 à 00:09 par monde-antigone

 
La présence militaire chinoise en Afrique
une enquête de Michael Pauron
Mondafrique - 03 jul 2020


Chine/Afrique (I), une présence militaire massive
https://mondafrique.com/chine-afrique-i-des-ventes-darmes-en-progression-constante/


Vente d’armes, déploiement de troupes, recours à des sociétés de sécurité privées… La Chine est de plus en plus présente en Afrique dans le secteur de la défense.

Derrière la vaste offensive économique chinoise, le bruit des bottes se fait désormais entendre, ainsi qu’une inflexion perceptible de sa célèbre politique de « non-ingérence »Les ventes d’armes chinoises aux pays africains ont été multipliées par 3 sur la période 2008-2019 par rapport à la décennie précédente. Bon marchés, les équipements militaires chinois ont de plus en plus d’acquéreurs sur le continent, depuis les armées régulières jusque dans les rangs des groupuscules terroristes et rebelles. Ainsi des hélicoptères Z-9 en Zambie, mais aussi des lance-roquettes WS-1 dans l’armée soudanaise ou encore des missiles anti-chars Red Arrow-73D chez les voisins du Soudan du Sud et du Darfour.

L’Algérie est le premier client africain de la Chine, devant la Tanzanie, le Maroc et le Soudan. Suivent le Nigeria et le Cameroun. Mais « plusieurs États africains sont également les destinataires d’armes légères et de petit calibre chinois, bien que le volume de ces transferts soit absent des statistiques publiques. La Chine s’est opposée à l’inscription de ces armes au Registre des armes classiques des Nations Unies », expliquent les chercheurs Mathieu Duchâtel, Richard Gowan et Manuel Lafont Rapnouil, dans une note de 2016, « Into Africa: Chinese global security shift » (European Council on Foreign Relations, ECFR).

Selon les chiffres du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), compilés par Mondafrique, avec 3,278 Mds $ entre 2008 et 2019, le volume des ventes chinoises reste loin de celui des Russes, 1er vendeur d’armes en Afrique avec 15,775 Mds $ sur la même période, mais se rapproche du niveaux des États-Unis, 2e marchand sur le continent avec 5,667 Mds $ sur la décennie étudiée. Pour Andrew Hull et David Markov, de l’Institute for Defense Analyses (IDA), la bascule se situe vers 2010, année où le salon African Aerospace and Defense (AAD) organisée en Afrique du Sud tous les deux ans a accueilli pour la première fois une représentation chinoise importante, avec une dizaine de sociétés sur un pavillon national de 1.200 m².

La présence militaire de la Chine ne se traduit pas seulement par la vente d’armes. « La Chine dispense une formation aux militaires nigérians et camerounais pour leurs opérations contre Boko Haram, et soutient la mission de l’Union africaine contre Al Shabaab en Somalie », lit-on encore dans la note de l’ECFR. Le chercheur He Wenping, repris dans la note de l’ECFR citée plus haut, dit que « les évènements libyens et soudanais, en 2011, où des ressortissants et des entreprises chinoises ont été pris au dépourvu par des conflits armés meurtriers, ont amorcé le changement de politique africaine de la Chine.


Chine/Afrique (II), une stratégie militaire agressive
https://mondafrique.com/chine-afrique-ii-une-strategie-militaire-militaire-agressive/


Qu’il s’agisse de l’installation d’une base militaire à Djibouti ou de la lutte contre le terrorisme, la Chine inscrit des objectifs militaires dans ses missions en Afrique

Un livre blanc officiel du gouvernement chinois a été publié en 2015 qui décrit ainsi la nouvelle stratégie de sa politique étrangère en Afrique: « [la Chine] soutiendra les efforts des pays africains (…) pour renforcer les capacités de sauvegarde de la paix et de la stabilité en Afrique. [La Chine] continuera d’aider les pays africains à renforcer leurs capacités de défense nationale et de maintien de la paix pour préserver leur propre sécurité et la paix régionale ».

De plus, la Chine a adopté une loi antiterroriste en décembre 2015, qui autorise le déploiement de troupes dans des missions de lutte contre le terrorisme à l’étranger. Ainsi, selon Jordan Link, de la China Africa Research Initiative (Cari, université John Hopkins), entre 2003 et 2017, « les pays africains ont signé pour 3,56 Mds $ de prêts à des fins militaires et de sécurité intérieure et à double usage [équipements pouvant être utilisés dans le civil comme dans le militaire et dont on ne connaît pas l’affectation exacte, NDLR] ». D’après le chercheur américain, les prêts à des fins de défense et / ou de sécurité intérieure et à double usage ont représenté un peu plus de 2 % de tous les prêts chinois à l’Afrique.

En 2017, à Djibouti, lorsque Pékin a inauguré sa première base militaire à l’étranger, beaucoup, au premier rang desquels les américains, s’en sont inquiétés. Il faut dire que le camp chinois n’est qu’à quelques kilomètres du camp Lemonnier, créé après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, et où stationnent quelque 4 000 marines. Certains sont impliqués dans des missions très secrètes, notamment des assassinats ciblés de drones au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique, et des raids au Yémen. Washington a aussitôt craint une surveillance chinoise de ces activités.

La marine chinoise sera bientôt la première du monde, devant les États-Unis. De fait, « la base de Djibouti constitue un énorme développement stratégique », selon Peter Dutton, professeur d’études stratégiques au Naval War College de Rhode Island: « C’est l’expansion de la puissance navale pour protéger le commerce et les intérêts régionaux de la Chine dans la Corne de l’Afrique, c’est ce que font les pouvoirs expansionnistes. La Chine a tiré des leçons de la Grande-Bretagne il y a 200 ans », a-t-il expliqué au New York Times en 2017. La base de Djibouti faciliterait aussi le transfert d’armes chinoises, disent les experts. 

Largement commentée, la base chinoise ne compte officiellement, elle, que 400 marins de l’Armée populaire de libération (APL). Le positionnement est cependant stratégique: non seulement elle est la première chinoise à l’étranger, mais, de plus, elle doit répondre au besoin impérieux de sécuriser les nouvelles routes de la soie, au cœur de la Belt and Road Initiative (BRI) qui mobilise des centaines de milliards de dollars.

Au large des côtes africaines et dans le détroit de Bab-el-Mandeb croisent 30.000 navires par an, mais aussi 7 câbles de télécommunication essentiels pour les liaisons entre l’Asie et l’Europe. Les militaires chinois participent donc aux opérations de lutte contre la piraterie, jusque dans le Golfe de Guinée, à la demande des pays côtiers et où les attaques se sont multipliées ces dernières années.

Aux opérations maritimes, s’ajoutent les opérations terrestres. La Chine est devenu le 2e contributeur financier aux opérations de paix et fournit l’un des principaux contingents de casques bleus sur le continent, notamment au Mali, au Soudan et en Centrafrique. En 2016, une attaque contre une base des Nations unis au Mali a tué un sergent et blessé cinq autres militaires chinois. Les expériences de terrain, en dehors de ses zones habituelles d’intervention, situées en Asie, ont aguerri l’armée chinoise.


Chine/Afrique (III), les sociétés privées à l’assaut
https://mondafrique.com/chine-afrique-iii-les-societes-privees-a-lassaut/


La Chine s’investit de plus en plus dans des sociétés privées de sécurité comme c’est le cas pour Blackwater, le mercenaire américain associé aux Chinois. La Chine, qui compte plus de 5.000 entreprises et des millions de travailleurs sur le continent, est de plus en plus exposée aux menaces, comme le terrorisme et le banditisme.

Depuis une dizaine d’années, ses ressortissants sont d’ailleurs régulièrement pris pour cible. En 2011, l’APL a dû évacuer 35.000 chinois de Libye. En 2015, elle a renouvelé l’opération au Yémen, pour 600 de ses compatriotes. La même année, trois d’entre eux ont été tués lors d’une attaque dans un hôtel, à Bamako. Plusieurs mineurs ont été enlevés au Nigeria en 2016 et en 2019. Pendant la crise du Covid19, alors que la Chine a été accusée d’être responsable de la pandémie, les relations entre les locaux et les ressortissants chinois se sont tendues, et trois entrepreneurs ont été assassinés à Lusaka, capitale de la Zambie, au cours du week-end des 23 et 24 mai 2020.

Ces évènements ont poussé Pékin à réagir. Non seulement l’APL s’est déployée sur le terrain à plusieurs reprises, mais la sécurité privée est encouragée à se développer. Déjà bien occupé par les Américains, les Israéliens, les Russes et les Sud-africains, ce marché attire des acteurs chinois qui ont l’avantage d’être jusqu’à 12 fois moins chers.

La plupart des dirigeants de ces sociétés sont issus de la sécurité publique, et leurs liens avec l’État chinois ne sont pas très clairs, bien qu’ils soient supposés importants. « En ce qui concerne le recrutement, la pratique d’employer d’anciens militaires par les sociétés chinoises est la norme tout comme elle l’est dans le reste de l’industrie mondiale de la sécurité », précise une étude du Cari sur le sujet publié en mars 2020. Et, comme dans tous les autres domaines, les États-Unis y verraient une menace: « Les principaux acteurs américains craignent que, dans un avenir pas trop lointain, le marché chinois de la sécurité ne fournisse des concurrents mondiaux, comme cela s’est déjà produit dans plusieurs secteurs industriels chinois », poursuit le Cari.

Parmi les sociétés déjà actives, la société HXZA se concentre sur la sécurité maritime, en particulier le long de la côte est-africaine. Toujours selon l’étude du Cari, « les principaux services de HXZA comprennent la sécurité maritime armée, la réponse aux kidnappings, la protection des cadres, la sécurité statique des sites, la formation à la sécurité, l’évaluation des risques et l’intégration des technologies de sécurité. L’expansion de HXZA à l’étranger a été déclenchée par l’exigence de suivre le processus d’internationalisation de ses clients chinois, en particulier les entreprises publiques dans les secteurs de l’extraction de pétrole et de gaz ».

Un autre acteur s’est fait particulièrement remarqué. Considéré comme l’un des principaux  mercenaires américains, Erik Prince, le fondateur de Blackwater, a créé à Hong Kong Frontier Services Group (FSG), en partenariat avec le conglomérat financier chinois CITIC group. Doté d’un bureau à Pékin, FSG est arrivé en 2014 au Soudan du Sud, où l’entreprise soutient le secteur extractif chinois. En 2018, le périmètre d’activité de FSG s’est élargi avec le projet de construction de centres de formation à destination des entreprises chinoises de sécurité privée. L’étude du Cari estime que,« FSG devrait tirer parti de l’expansion économique de la Chine en Afrique et de leurs besoins de sécurité ».

Les activités de coopération entre la Chine et FSG en Afrique iraient de la sécurité en Somalie, à la gestion d’évacuations sanitaires par les airs à partir du Kenya, en passant par le soutien aux opérations minières chinoises en RD Congo et en Guinée. Mais les experts alertent sur les risques du développement de cette nouvelle activité chinoise, qui pourrait conduire certaines sociétés privées paramilitaires à nourrir des conflits et développer le trafic illégal d’armes.  « Les entreprises de sécurité privée sont une réponse à certaines menaces, mais si elles ne sont pas encadrées, elles peuvent attirer d’autres acteurs qui risquent de déclencher des conflits supplémentaires et inattendus », prévient l’étude du Cari.