Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
26.11.2025
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A moins d'une semaine du match d'ouverture de la Coupe du monde de foot au Brésil, les journaux font leur Une sur les mouvements de grève dans les grandes villes. Néanmoins la contestation sociale que l'on observe est loin d'égaler celle de l'année dernière. On se souvient des manifestations monstres dans les rues de Rio et de Sao Paulo... Aujourd'hui il s'agit davantage d'une vague de revendications corporatistes. Les grévistes, chacun dans leur coin, cherchent à obtenir des compensations financières. Pour cela, ils utilisent la médiatisation planétaire de l'événement et un mécontentement très largement partagé par rapport à des millions engloutis, détournés, jetés par les fenêtres alors que les services publics sont insuffisants et en mauvais état.
Cependant, pour Dilma Roussef qui remet son mandat présidentiel en jeu au mois d'octobre, la situation n'est pas aussi alarmante qu'on pourrait le penser. L'économie brésilienne ne va pas bien, elle est grippée, certes, mais elle n'est pas à l'agonie. Alors, bien sûr, la croissance est tombée au dessous de 2 % en rythme annuel, alors qu'en 2010, elle caracolait à 7,5 %, dopée par les exportations de matières premières en direction de la Chine. Depuis 2012, le Brésil subit de plein fouet le ralentissement de l'économie chinoise. Faute d'alternative, les produits importés sont devenus couteux et la balance commerciale a basculé dans le rouge. A cela s'ajoute le changement dans la politique monétaire de la Fed qui a entrainé au Brésil, mais aussi dans l'ensemble des pays émergents, un rapatriement des capitaux américains vers les Etats-Unis. Il en résulte une hausse des prix (l'inflation s'établissait au mois de mars à 6,3 %) et un début de remise en cause d'un système social qui, au cours des dernières années, avait permis l'émergence d'une classe moyenne. Pour autant le chômage reste faible (4,9 %), et c'est ce qui devrait sauver Dilma Roussef.
Je ne crois pas que sa réélection dépende des résultats de l'équipe brésilienne, et qu'elle soit en danger si jamais la Seleção ne figurait pas dans le dernier carré (les 4 équipes qualifiées pour les 1/2 finales). La contestation est dirigée contre la FIFA et les maires des grandes villes plus que contre le pouvoir central. Evidemment, tout pourrait changer si, par exemple, une tribune construite à la va vite s'effondrait causant de nombreuses victimes, ou si un match était interrompu par une coupure de courant et suivi de scènes de pillage... Dans ce cas, l'organisation serait mise en cause et le pouvoir ne pourrait en sortir indemne. Par contre, si le Brésil gagnait la coupe, tout serait oublié. Dilma n'aurait même pas besoin de faire campagne. Je me souviens qu'en 1998 en France, le gouvernement Jospin avait profité d'un surcroît de croissance après la victoire des "Bleus". L'euphorie fait consommer !
Dilma Rousseff sur la ligne de tir
La présidente sera-t-elle le bouc émissaire d’une mauvaise performance du Brésil ?
par Guillaume Bourgault-Côté
Le Devoir - 07 jun 2014
http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/410376/politique-bresilienne-dilma-rousseff-sur-la-ligne-de-tir
Vue de Londres, ça va mal pour Dilma Rousseff. Du moins, selon le Financial Times. En mai, celui-ci soutenait en effet que, si la sélection brésilienne n’atteint pas au moins la demi-finale du Mondial, la présidente brésilienne risque la défaite à l’élection d’octobre. À résultat sportif, destin politique. Vraiment ? « Les Brésiliens pardonneront peut-être le coût du tournoi s’ils le gagnent, mais pas s’ils ne parviennent pas à obtenir un résultat respectable, disait le réputé quotidien en éditorial. Faute de cela, le coût et les perturbations provoquées par la compétition n’auront servi à rien. Et, à la mi-juillet, quand le football s’arrêtera, la campagne électorale entrera dans sa phase intense ».
Rousseff condamnée à la victoire par association ? Oui, dit Yann Roche, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand et spécialiste de la géopolitique du sport. « Il est clair que Mme Rousseff souffrirait énormément d’un éventuel échec du Brésil. Ce serait vécu comme un camouflet pour le Brésil, et le gouvernement en serait tenu pour responsable, pense-t-il. Car, oui, le football représente une force politique, surtout comme exutoire des tensions sociales et comme enjeu de fierté nationale ».
Il est vrai que la présidente brésilienne de gauche est la cible d’une multitude de critiques depuis plusieurs mois. La vague de mécontentement contre l’organisation de la Coupe du monde ne faiblit pas: plus de 4 Brésiliens sur 10 se disent opposés à la tenue de l’événement et 72 % sont mécontents de la situation, rappelait Le Monde cette semaine. « À l’heure du désenchantement, les autorités donnent depuis des mois l’impression de courir non seulement après le temps, pour livrer les chantiers des stades et des infrastructures, mais également pour éviter un désastre en termes d’image ».
La situation n’est pas rose. Mais, de là à dire que la survie politique de Mme Rousseff dépend des bons résultats de la sélection, il y a un pas que ne franchit pas Philip Oxhorn, professeur de science politique à l’Université McGill et directeur de l’Institut d’étude du développement international. « Je n’adhère pas du tout à cette lecture, dit-il. Il ne faut surtout pas sous-estimer la force du Parti des travailleurs — des scandales de corruption n’ont pas empêché Lula d’être réélu — ni surestimer la capacité de l’opposition à capitaliser sur les effets d’une mauvaise Coupe du monde » pour la Seleção.
Même: Philip Oxhorn se dit d’avis que Dilma Rousseff ne sentira pas d’effets négatifs si l’événement se déroule mal d’un point de vue organisationnel. « C’est évident que ça n’aidera pas sa campagne, mais je ne pense pas que ce sera décisif. Ses principaux adversaires [Aécio Neves et Eduardo Campos] sont toujours loin derrière elle dans les sondages [Les derniers sondages indiquent que Dilma Rousseff recueillent 37 % des intentions de vote (- 3 par rapport à début mai). Elle mène la course largement devant Neves (social-démocrate) à 19 % (- 1) et Campos (PS), en recul lui aussi, à 7 % (- 4)]. Pour l’élection, le thème économique sera beaucoup plus important que le football. Et l’opposition n’a pas été capable jusqu’ici de convaincre l’électorat qu’elle pourrait mieux gérer l’économie que ne le fait le gouvernement actuel ». À l’inverse, M. Oxhorn croit que Dilma Rousseff « profiterait assurément d’une Coupe du monde qui se déroule bien ». Il rappelle que les appuis du Parti des travailleurs sont bien ancrés, grâce à une économie somme toute solide (la 7e au monde), des politiques sociales populaires et l’héritage de Lula.
Mêmes échos du côté d’Éric Mottett (UQAM), professeur de géographie et spécialiste de la géopolitique des grands événements sportifs. « Dilma Rousseff demeure somme toute très populaire », dit-il, en soutenant que les médias étrangers ont tendance à l’oublier. Et son bilan économique n’est pas aussi mauvais que les manifestations le laissent paraître, ajoute Éric Mottett. « C’est vrai qu’il y a plusieurs véritables problèmes économiques au Brésil: la croissance est faible, l’inflation est élevée, le pays est très dépendant de la Chine et des investissements étrangers [sa cote de crédit vient d’être abaissée par l’agence Standard Poor’s]. Mais, malgré tout, Rousseff maintient le cap avec ce que Lula a mis en place, cette formule un peu sociolibérale qui vise à permettre aux pauvres d’intégrer la classe moyenne. » Une formule qui demeure appréciée, soutient-il.
Alors donc, gagne ou perd, la Seleção ne sera pas un joueur important de la prochaine élection, croit M. Mottett. Non plus que la Coupe du monde comme telle. « Il ne faut pas donner une importance démesurée au Mondial, dit-il. Longtemps, le foot a été le seul aspect national qui permettait au Brésil de lutter avec les grandes puissances. C’était très important. Mais cette dimension est moins importante depuis que le pays est devenu une puissance économique ».