Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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27.11.2025
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Erdogan veut garder un contrôle total sur l'information alors que deux élections importantes sont prévues cette année. Il compte surtout se prémunir contre le pouvoir de "nuisance" des réseaux sociaux qui l'avaient mis en difficulté pendant les grandes manifestations du parc Gezi.
La Turquie renforce la censure sur Internet
AFP, France24 - 06 fev 2014
http://www.france24.com/fr/20140206-turquie-justice-loi-internet-web-erdogan/#./?&_suid=139169290890604982841020283182
Mercredi soir, le Parlement turc s’est prononcé en faveur d’une série d’amendements permettant à l’État de renforcer son contrôle sur Internet. Ces nouvelles dispositions ont été violemment critiquées par l’opposition, qui a dénoncé un texte "liberticide", alors que le gouvernement est englué dans un scandale de corruption sans précédent. Après un débat de plusieurs heures particulièrement animé, les amendements proposés en séance ont été votés par les députés de l'AKP, au pouvoir, et qui dispose de la majorité absolue à la chambre. Ces textes étaient présentés dans le cadre d’un projet de loi fourre-tout visant à "protéger la famille, les enfants et la jeunesse".
"À votre arrivée au pouvoir, vous parliez de renforcer la démocratie en Turquie, aujourd'hui vous tentez d'imposer le fascisme", s’est exclamé Hasan Ören, un élu du Parti républicain du peuple (CHP). "Souvenez-vous qu'Adolf Hitler a employé les mêmes méthodes lorsqu'il a pris le pouvoir en Allemagne", a-t-il poursuivi. "Chaque jour notre démocratie régresse, ces mesures sont purement liberticides", a renchéri un membre de l’opposition du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, prokurde), Altan Tan.
De nombreuses mesures instaurées provoquent un large débat dans le pays, à l’image de celles qui autorisent l'autorité gouvernementale des télécommunications (TIB) à bloquer, sans décision de justice, un site internet s’il est prouvé qu’il révèle des informations portant "atteinte à la vie privée" ou des contenus jugés "discriminatoires ou insultants". La TIB pourra même solliciter les fournisseurs d'accès pour obtenir des informations sur les sites visités par chaque internaute, et sera libre de conserver ces données sur une péroide de 2 ans. Cette nouvelle loi vient amender celle qui avait été mise en place en 2007 par le Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.
Je reprends la dépêche de mardi dernier:
Turquie: Inquiétudes autour d'une loi sur l'internet jugée liberticide
AFP, France24 - 04 fev 2014
http://www.france24.com/fr/20140204-turquie-inquietudes-autour-dune-loi-linternet-jugee-liberticide/#./?&_suid=1391528545247045994968724205226
La Turquie s'apprête à adopter une série de mesures destinées à renforcer le contrôle de l'Etat sur l'internet, qui suscitent beaucoup d'inquiétudes pour la liberté d'expression, à l'heure où son gouvernement se débat en plein scandale politico-financier. Dès mercredi, le Parlement turc doit examiner en séance plénière une série de dispositions concernant la régulation du web, inclus dans un projet de loi fourre-tout déjà adopté en commission. Le parti du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan y disposant de la majorité absolue, l'issue du débat fait peu de doutes.
Entre autres mesures controversées, ce texte autorise l'autorité administrative de régulation des télécommunications (TIB) à obtenir des fournisseurs d'accès et des hébergeurs de sites toute information qu'elle jugera utile sur les activités des internautes. Mieux, le directeur de cette instance pourra bloquer, en urgence et sans décision de justice, n'importe quel site coupable d'une "atteinte à la vie privée", publiant des contenus jugés "discriminatoires ou insultants" ou, simplement, pour protéger la famille et l'enfance.
Depuis un mois, ces amendements à la loi sur internet votée en 2007 suscitent une levée de boucliers générale. L'opposition turque, la société civile et les ONG de défense de la presse ont toutes dénoncé un pas de plus sur la voie de la "censure". (...) Le gouvernement islamo-conservateur turc, qui règne sans partage sur le pays depuis 2002, a balayé toutes les craintes d'un revers de main. "Il n'y a pas de censure sur internet", s'est agacé lundi le vice-Premier ministre Bülent Arinç, "nous sommes bien plus libres que beaucoup d'autres pays et nous respectons la liberté de la presse". Voire. Car le passif de la Turquie en matière de censure est déjà lourd. De 2008 à 2010, la plateforme de distribution de vidéo YouTube y a été interdite pour avoir diffusé des images montrant des supporteurs de football grecs se moquant des Turcs.
Le Comité de protection des journalistes (CPJ) la considère comme la plus grande prison au monde pour les médias, devant la Chine. Et le géant Google a récemment classé Ankara, avec Pékin encore, au premier rang des censeurs du web avec une hausse de 966 % du nombre de demandes de retraits d'informations sur les 6 derniers mois... Et la fronde antigouvernementale de juin 2013 n'a pas arrangé le bilan, au contraire. Au pire de la crise, M. Erdogan lui-même a qualifié le réseau Twitter, principal moyen de communication des manifestants, de "fauteur de troubles". Dans ce climat, le nouveau texte n'a surpris personne. "C'est un nouveau pas vers la création d'un Etat orwellien", juge Yaman Akdeniz, professeur de droit à l'université privée Bilgi d'Istanbul, "la Turquie avance vers la surveillance de masse de tous les internautes". (...)
Alors que le gouvernement turc est secoué depuis plus d'un mois par un scandale de corruption sans précédent, un épisode récent en a donné un aperçu éclairant. Le TIB a ordonné la semaine dernière à un député de l'opposition, et dans la foulée à plusieurs médias, de retirer de leur site internet le texte d'une question au Parlement dans laquelle il mettait en cause, sur la foi d'écoutes téléphoniques, l'intervention personnelle du Premier ministre dans le rachat de médias "amis". Outré, l'élu du Parti républicain du peuple (CHP), Umut Oran, a refusé. (...) L'autorité de régulation a convenu qu'elle avait commis une "erreur", mais le mal est fait. "Ces mesures n'empêcheront pas la publication sur internet de documents de type Wikileaks", veut croire M. Akdeniz, "mais il est très inquiétant que de telles mesures aussi antidémocratiques puissent être adoptées dans une société démocratique".
EDIT (8 février 2014)
Turquie: La police disperse une manifestation pro-Internet, Erdogan défend sa loi contestée
AFP, Romandie news - 08 fev 2014
http://www.romandie.com/news/n/_Turquie_la_police_disperse_une_manifestation_pro_Internet_Erdogan_defend_sa_loi_contestee48080220141826.asp
ISTANBUL - La police anti-émeutes turque a dispersé samedi soir une manifestation sur la place Taksim à Istanbul dénonçant une loi controversée sur internet votée par le parlement à l'instigation du pouvoir islamo-conservateur, et défendue par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Plus d'un millier de personnes se sont rassembleés aux abords de cette place centrale de la rive européenne de la métropole, emblématique de la fronde anti-gouvernementale de juin dernier, aux cris "Ne touche pas à mon internet", a constaté un journaliste de l'AFP. La police, largement mobilisée pour l'occasion, qui a bloqué l'accès à la place, a fait usage de canons à eau pour repousser la foule vers la grande avenue piétonne d'Istiklal alors que des manifestants tiraient des feux d'artifice en direction des policiers.
Plus tôt devant des milliers de ses partisants dans cette même ville, M. Erdogan a défendu avec véhémence cette loi que sa majorité gouvernementale, très critiquée en Turquie et à l'étranger, a fait voter au Parlement, affirmant qu'elle rend internet plus libre. "Il n'y a absolument aucune censure imposée sur l'internet avec ces dispositions (...) Au contraire il le rend plus sûr, plus libre", a-t-il assuré dans un discours prononcé au cours d'une cérémonie d'inauguration d'une série de projets urbains à Istanbul. Il a aussi nié que les informations personnelles des utilisateurs soient exposées au contrôle des autorités gouvernementales, comme l'affirment les détracteurs de la loi. "Jamais, pas question que les données privés des gens soient fichées", a-t-il poursuivi. (...)
EDIT (7 mars 2014)
Turquie: Erdogan menace d'interdire YouTube et Facebook
AFP, Romandie news - 07 mar 2014
http://www.romandie.com/news/n/_Turquie__Erdogan_menace_d_interdire_YouTube_et_Facebook99070320141456.asp
ANKARA - Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, empêtré dans un scandale politico-financier, a menacé de faire interdire YouTube et Facebook en Turquie après les élections municipales du 30 mars, dans un entretien diffusé jeudi soir. "Nous sommes résolus à ne pas laisser le peuple turc être esclave de YouTube et Facebook", a déclaré M. Erdogan sur la chaîne de télévision ATV. "Nous prendrons les mesures nécessaires, quelles qu'elles soient, a-t-il insisté, y compris la fermeture".
Depuis deux semaines, la plateforme Youtube diffuse des enregistrements de conversations téléphoniques piratées du chef du gouvernement, dans lesquelles il ordonne notamment à son fils Bilal de dissimuler de fortes sommes d'argent ou évoque une commission jugée insuffisante versée par un groupe industriel. Le président Abdullah Gül a toutefois écarté la menace brandie par M. Erdogan. "YouTube et Facebook sont des plateformes reconnues dans le monde entier. Une interdiction est hors de question", a déclaré M. Gül vendredi devant la presse.
Depuis la mi-décembre, le Premier ministre, qui dirige sans partage la Turquie depuis 2002, est éclaboussé par un scandale de corruption qui a vu des dizaines de ses proches inculpés pour une série de malversations. Depuis la semaine dernière, il est directement mis en cause par la diffusion d'une série d'écoutes téléphoniques. La publication des enregistrements de ces conversation, que le chef du gouvernement a d'abord dénoncé comme des montages avant d'en reconnaître certaines, a provoqué la colère de l'opposition et plusieurs manifestations dans les grandes villes du pays pour exiger sa démission.
M. Erdogan accuse ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influente dans la police et la justice, d'être à l'origine des enquêtes qui visent ces proches pour précipiter sa chute à la veille des élections municipales du 30 mars et dans la perspective de la présidentielle prévue en août prochain. Le Premier ministre a fait de ce scrutin local un référendum pour ou contre sa personne. Sa sortie contre les réseaux sociaux intervient après le vote par le Parlement, où il dispose de la majorité absolue, d'une loi qui renforce le contrôle d'internet. Ce texte a été dénoncé comme liberticide en Turquie comme dans plusieurs capitales étrangères, notamment à Bruxelles et à Washington.
M. Gül, qui s'est récemment distancié des positions intransigeantes de M. Erdogan, avait émis des critiques contre le projet de loi internet avant de le promulguer, après l'adoption de quelques modifications mineures. Le Turquie est considérée par les ONG de défense des libertés comme un des pays les plus répressifs en matière de contrôle du Web. YouTube y avait déjà été interdit entre 2008 et 2010.
EDIT (21 mars 2014)
Turquie: Le gouvernement censure Twitter à une semaine des élections municipales
Le Courrier de Turquie - 21 mar 2014
http://balkans.courriers.info/article24490.html
ISTANBUL - Dernier exemple en date de la dérive autoritaire du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan: la fermeture, par décision de justice, du réseau social Twitter en Turquie. A une semaine des scrutins municipaux qui seront un test pour le parti au pouvoir, le régime turc montre de plus en plus de signes de nervosité.
« Nous allons éradiquer Twitter et les autres réseaux sociaux. Je me moque des réactions internationales. Tout le monde pourra constater la force de la République turque ! » Ces quelques mots lancés par le Premier ministre à des milliers de partisans lors d’une réunion de campagne électorale jeudi soir auront été rapidement suivis d’effets. Vers minuit, les fournisseurs d’accès Internet du pays bloquaient Twitter suite à une décision de justice d’un tribunal d’Istanbul.
Le gouvernement du Parti pour la justice et le développement (AKP) est décidément en froid avec les réseaux sociaux. Depuis près d’un mois, des enregistrements mettant directement en cause le Premier ministre Erdoğan et son entourage sont diffusés sur Youtube, des écoutes d’abord qualifiées de « montage » par le chef du gouvernement avant que celui-ci ne reconnaisse la véracité de certaines bandes. En réaction, Recep Tayyip Erdoğan avait menacé de bloquer l’accès à Youtube et Facebook, « pour ne pas laisser le peuple turc être l’esclave » de ces réseaux sociaux. Une loi qui renforce le contrôle de l’Etat sur Internet a d’ailleurs été votée par le Parlement turc il y a quelques semaines.
A une semaine des élections municipales du dimanche 30 mars, le blocage de Twitter risque cependant d’avoir surtout pour conséquence d’amplifier la colère des opposants à l’AKP et des défenseurs des droits de l’Homme. La censure de Twitter est facilement contournable, ce qui explique que l’activité sur le célèbre réseau social était particulièrement forte ce vendredi matin. #TwitterisblockedinTurkey est devenu le mot-clé le plus populaire à l’échelle mondiale, tandis que les internautes turcs se gaussent de la censure sur… Twitter.
Le blocage de Twitter révèle cependant aussi les querelles au sein même de l’AKP. Vendredi midi, le Président de la République en personne, Abdullah Gül, dénonçait le blocage du site de micro-blogging en utilisant Twitter ! La censure du réseau social par le Premier ministre pourrait bien ne pas être qu’inutile, mais aussi dangereuse pour la cohésion d’un parti déjà miné par les luttes intestines.
EDIT (22 mars 2014)
Twitter: Quand Erdogan vole un espace de liberté
par Deniz Yenihayat
T24 Istanbul (27/01/2014), rapporté par Courrier international - 21 mar 2014
http://www.courrierinternational.com/article/2014/03/21/twitter-quand-erdogan-vole-un-espace-de-liberte?page=all
Les jeunes avaient trouvé dans les réseaux sociaux un exutoire pour exprimer leur colère et tourner en dérision une classe politique jugée ringarde et pathétique, écrivait le journal en janvier 2014. - Jusqu'à ce que que leur Premier ministre bloque Twitter.
La Turquie se classe 2e, derrière les Etats-Unis, pour ce qui est de l’usage des réseaux sociaux en général, selon le quotidien Türkiye. Et elle arrive en tête en ce qui concerne Twitter, avec 31,10 % d’internautes abonnés au réseau, juste devant le Japon (28 %). Les Turcs sont aussi très friands de Foursquare, une application qui permet d’indiquer à ses amis où on se trouve. Ils en sont les 2es plus grands utilisateurs au monde.
Oh là là ! Qu’est-ce qu’on se marre sur Internet ces derniers temps ! Le terme "parallèle" ne s’applique plus seulement à l’Etat [Erdoğan a qualifié le mouvement Gülen d’Etat parallèle], mais à la population turque qui mène, à côté de sa vie quotidienne, une existence cocasse et stressante sur les réseaux sociaux.
Oui, les réseaux sociaux sont devenus partout dans le monde un incroyable moyen de communication pour exprimer son opposition. On a pu le constater lors des "printemps arabes", au Brésil ou encore récemment en Ukraine, sans parler bien sûr de notre parc Gezi, où là c’était carrément la totale. En effet, c’est là que la jeunesse turque, généralement considérée comme apolitique, a envoyé un puissant uppercut à la génération d’en haut. Alors que nous vivions ces événements, nos principaux soutiens ont été les réseaux sociaux en général, et Twitter en particulier. C’était le seul moyen de communication susceptible de nous sauver la vie à chaque étape, en nous fournissant une foule d’informations nous permettant d’acquérir un avantage substantiel sur le terrain de la lutte politique.
Quand les héros de la nuit rentraient chez eux fourbus après de longues heures de tabassage en règle et retrouvaient la monotonie de leur vie en journée, il n’y avait que les blagues, les vidéos parodiques et les petites phrases ridicules des personnalités politiques diffusées sur les réseaux sociaux pour entretenir leur moral et leur force de conviction. Ces jeunes, qui habituellement ne prennent jamais rien au sérieux, ont encaissé des jets de gaz lacrymogène, ont été insultés, intimidés. Ils ont frôlé la mort mais ont toujours gardé à l’esprit la rigolade. Bien entendu qu’ils s’intéressent à la politique, mais à leur façon.
Lors des événements du parc Gezi se sont mises en place une solidarité et une mobilisation via les réseaux sociaux qui perdurent des mois plus tard. Ainsi, lorsqu’un jeune s’est fait tabasser par un agent de sécurité dans le métro d’Istanbul, des milliers de personnes se sont immédiatement mobilisées via les réseaux sociaux et ont organisé un rassemblement pour s’insurger contre cette injustice. Lorsqu’un des fils du Premier ministre a été accusé de corruption, une campagne a rapidement été lancée sur ces mêmes réseaux sociaux pour réclamer que ces riches à la fortune mal acquise payent les tickets de métro des citoyens sans histoire. Et quand les informations diffusées offrent à l’internaute un angle de traitement ironique ou comique, elles sont rediffusées en boucle pour faire partager le rire et évacuer ainsi le stress.
Aujourd’hui, plus besoin de s’organiser de façon structurelle pour avoir son mot à dire sur la vie politique. Grâce à ces banlieues virtuelles que sont les réseaux sociaux, le peuple occupe désormais une place prépondérante dans le débat d’idées. Ceux qui font de la politique de manière ringarde se heurtent désormais sur les réseaux sociaux à une opposition sarcastique et sans pitié de la part des simples citoyens.
Par ailleurs, les ministres, les journalistes et les maires trouvent sur ces réseaux une belle occasion d’exprimer leurs opinions ou de montrer qu’ils sont proches du peuple. Il y a ce maire [celui d’Ankara, Melih Gökçek] qui n’arrête pas de se disputer sur Twitter avec certains journalistes. Sans oublier ce procureur qui envoie l’air de rien des messages critiques à l’attention des autorités qui l’empêchent de faire son travail. Les députés, voire les ministres, annoncent désormais leur démission sur Twitter avant même que la procédure officielle ne soit enclenchée. Des allusions suspicieuses sont balancées de part et d’autre, et il arrive parfois même que soient dévoilés sur les réseaux sociaux les éléments d’une intrigue annonçant d’imminentes opérations judiciaires.
Nous nous efforçons alors de ridiculiser cette façon pathétique de faire de la politique. De toute façon, on ne s’ennuie pas longtemps. Les blagues sur tel ou tel gouverneur ou ministre ne tardent pas à débouler sur les réseaux, transformant ces personnages en véritables phénomènes virtuels. Que voulez-vous, il faut bien s’amuser un peu, non ?
L’actualité politique rocambolesque de notre pays explique sans doute notre sarcasme et notre volonté de nous exprimer. Grâce à l’incapacité du gouvernement à gérer les conséquences des manifestations de Gezi, grâce à la bataille sans pitié que se livrent le gouvernement et son ancien allié [le mouvement Gülen], bref grâce à la politique turque nous avons réussi à devenir une réelle force d’opposition sans pour autant abandonner notre sens de la dérision.
C’est vrai, nous vivons des moments très difficiles. Il est d’ailleurs probable que tout s’accélère et que nos conditions de vie empirent. Mais si on analyse la situation avec un peu de recul, on se rend compte que notre cri de colère contre ce système ringard et immoral commence à se faire entendre. Notre pays est sans doute le premier pays au monde où l’usage des réseaux sociaux a eu un tel impact sur la vie politique. On ne se contente plus, comme dans la plupart des pays occidentaux, de descendre dans la rue pour manifester contre les effets néfastes du néolibéralisme.
On s’oppose aussi à ce système qui vole nos années de jeunesse et notre temps, qui est précieux. En utilisant les réseaux sociaux, nous tentons ouvertement de nous en prendre à cet Etat qui décide de tout à notre place. C’est la première fois que se développe un tel usage d’Internet, à des fins de changement politique. C’est un véritable cas d’école digne de figurer dans la littérature politique. Et c’est peut-être la première fois de l’histoire moderne que la Turquie est en avance sur les pays occidentaux en matière de démocratie participative.
EDIT (23 mars 2014)
Twitter bloqué, le nombre de tweets explose
ATS, Romandie news - 22 mar 2014
http://www.romandie.com/news/n/Censure_Twitter_bloque_le_nombre_de_tweets_explose67220320142043.asp
Le gouvernement turc a justifié samedi le blocage de Twitter, largement contourné par des internautes en colère. Il a évoqué une "mesure préventive" contre une entreprise de "diffamation", à la suite d'une série de fuites dans un scandale de corruption l'impliquant personnellement. "Twitter a été utilisé comme un outil de diffamation systématique en faisant circuler des enregistrements acquis illégalement, des écoutes téléphoniques truquées", ont transmis à l'AFP par communiqué les bureaux du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. "Le gouvernement turc est contre la libre circulation de ces enregistrements (...) sur Twitter et d'autres sites et réseaux sociaux qui visent à entraver la Sécurité de l'Etat et à salir la réputation des citoyens. Il n'est pas contre Internet", ont-ils également ajouté.
L'autorité turque des télécommunications a interdit jeudi soir l'accès à Twitter, après que M. Erdogan, impliqué dans un scandale de corruption, eut annoncé sa décision d'éradiquer le site de microblogging. M. Erdogan a menacé de s'en prendre à YouTube et Facebook après l'organisation, le 30 mars, d'élections municipales aux allures de référendum pour ou contre le chef du gouvernement. (...) Le gouvernement a indiqué avoir décidé ce blocage après que le réseau social eut refusé de se conformer à des "centaines de décisions de justice" sur le retrait des enregistrements de conversations téléphoniques piratées.
L'interdiction a provoqué une explosion du nombre de tweets, qui ont augmenté de 138 % au total, selon une étude de la société Brandwatch. Les Turcs ont eu recours aux réseaux privés virtuels (VPN) et changé de système de noms de domaines (DNS) pour contourner les restrictions.
EDIT (27 mars 2014)
Après Twitter, le gouvernement turc bloque l’accès à YouTube
AFP, Le Devoir - 27 mar 2014
http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/403829/apres-twitter-le-gouvernement-turc-bloque-l-acces-a-youtube
ANKARA — Le gouvernement turc a ordonné jeudi le blocage de la plateforme YouTube, une semaine après avoir fait de même pour Twitter, à la suite de la diffusion de nouveaux enregistrements pirates mettant en cause le régime, ont annoncé les médias turcs. La décision des autorités des télécoms (TIB) concernant YouTube a été communiquée aux serveurs d’internet et aux opérateurs GSM turcs, a précisé le quotidien Hürriyet sur son site internet. « L’accès a été bloqué par l’Autorité turque des télécommunications (TIB) », indique un message aux internautes qui souhaitent accéder à la plateforme.
Cette décision fait suite à la publication jeudi sur YouTube de l’enregistrement d’une conversation dans laquelle quatre hauts responsables turcs, dont le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu et le chef des services de renseignement (MIT) Hakan Fidan, évoquent l’hypothèse d’une opération militaire en Syrie. L’authenticité de cette discussion et les conditions de son enregistrement, diffusé sur la plateforme YouTube, n’ont pas été établies.
Dans la bande sonore, la voix attribuée à M. Fidan envisage d’envoyer « quatre hommes (en Syrie) pour lancer 8 missiles dans un terrain vague » en Turquie, afin de justifier une riposte militaire turque. Dans un communiqué, le ministère turc des Affaires étrangères a assuré que cet enregistrement avait été « manipulé » et dénoncé avec véhémence une « attaque haineuse » à la sécurité nationale de la Turquie.
Depuis le mois dernier, des dizaines d’enregistrements de conversations téléphoniques piratées mettant en cause M. Erdogan et son entourage dans un vaste scandale de corruption ont été diffusées sur internet. Pour empêcher leur publication, Ankara a bloqué il y a une semaine le réseau Twitter, provoquant une avalanche de critiques dans le monde entier. Un tribunal d’Ankara a ordonné mercredi la suspension de cette mesure, qui restait toutefois en vigueur, car la TIB dispose de 30 jours pour s’y conformer. Des élections municipales se déroulent dimanche en Turquie, cruciales pour M. Erdogan.
EDIT (28 mars 2014)
Comment les internautes turcs contournent la censure d'Internet
par Martin Untersinger
Le Monde - 28 mar 2014
http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/03/21/pourquoi-le-blocage-de-twitter-a-ete-si-facilement-contourne-en-turquie_4387279_3214.html
La Turquie se rapproche un peu plus du club très fermé des pays censeurs du Net. Après Twitter, les autorités d'Ankara ont ordonné le blocage de Youtube, jeudi 27 mars. Concrètement, le BTK, l'organisme turc de régulation d'Internet, a demandé aux fournisseurs d'accès d'interdire à leurs clients d'accéder à Twitter et à Youtube. Mais ces mesures sont peu efficaces. Le nombre de tweets postés a ainsi augmenté de 138 % après le blocage, selon l'agence médias sociaux We are social. Dans le bras de fer entamé entre le gouvernement et les internautes, ces derniers semblent prendre le dessus. Voici comment:
Les internautes turcs peuvent contourner le blocage des sites grâce à un VPN (réseau privé virtuel), une sorte de passerelle permettant de déjouer le blocage. Dans les faits, l'utilisateur se connecte à un ordinateur hors de Turquie, qui va servir d'intermédiaire pour se connecter à Twitter ou Youtube. Cette méthode empêche les fournisseurs d'accès de détecter que l'internaute turc visite, en réalité, un site censé être bloqué.
D'autres internautes peuvent modifier les réglages DNS de leur connexion. Le système DNS est une sorte d'aiguillage permettant d'orienter les connexions sur Internet. Lorsqu'un internaute turc décide d'aller sur Twitter ou Youtube, il s'adresse aux serveurs DNS de son fournisseur d'accès à Internet pour obtenir le chemin vers les serveurs du réseau social. En changeant ces réglages, cela empêche aussi, dans une certaine mesure, le fournisseur d'accès de détecter que son client désire se rendre sur les sites bloqués.
Access au Twitter bloqué #Turquie comment changer votre DNS, pic.twitter.com/gSx7NHQrjH #TwitterisblockedinTurkey
Mais cette technique s'est révélée si populaire que le gouvernement turc a bloqué les serveurs DNS de Google et durci le blocage de Twitter de manière à rendre inopérant le changement de DNS.
Le logiciel Tor, qui permet de rendre anonyme la navigation sur Internet, est également un outil très efficace pour échapper à la censure et au blocage d'Internet. La preuve ? L'augmentation sensible de l'utilisation de cet outil par les internautes turcs après la décision du blocage de Twitter. Pendant plusieurs heures, le principal fournisseur d'accès a même bloqué le site sur lequel il est possible de télécharger le logiciel. Mais des sites « miroirs », répliquant le contenu du site originel, ont déjà été mis en place.
Twitter a mis en œuvre une procédure alternative, permettant aux utilisateurs turcs de tweeter en envoyant des SMS, évitant de fait le réseau Internet contrôlé. Sur un de ses comptes officiels, le réseau social a promu ce type de manœuvre:
"Turkish users: you can send Tweets using SMS. Avea and Vodafone text START to 2444. Turkcell text START to 2555."
Enfin, certains utilisateurs ont recours à des applications tierces, comme notre correspondant sur place qui a pu, en procédant de la sorte, se connecter à Twitter:
"Me voici de nouveau sur #Twitter. Pour s'y connecter depuis un smart phone ou tablette téléchargez l'application Onadio. #turquie"
Twitter et Youtube sont loin d'être des cas isolés. Selon le site turc Engelli Web, qui répertorie les sites bloqués par les autorités, ils seraient plus de 40 000 dans ce cas. Dans son dernier rapport sur les libertés numériques, l'ONG Reporters sans frontières notait que les dernières évolutions législatives en Turquie faisaient des « fournisseurs d'accès des instruments de censure et de surveillance, les forçant à rejoindre une nouvelle organisation qui centralise les demandes de blocage et de suppression de contenus ».
EDIT (30 juillet 2020)
La Turquie adopte une loi renforçant le contrôle des réseaux sociaux
AFP, L'Express - 29 jul 2020
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-turquie-adopte-une-loi-renforcant-le-controle-des-reseaux-sociaux_2131940.html
Le Parlement turc a adopté ce mercredi un projet de loi qui élargit le contrôle des autorités sur les réseaux sociaux, un texte controversé qui suscite l'inquiétude des défenseurs de la liberté d'expression. Cette loi oblige notamment les principaux réseaux sociaux comme Twitter et Facebook à avoir un représentant en Turquie et à obtempérer aux injonctions de tribunaux turcs demandant le retrait de certains contenus, sous peine d'une forte amende. [Les plateformes auront 48 heures pour retirer tout contenu que les tribunaux jugent offensant. Elles doivent aussi tenir des registres précis sur les données de leurs utilisateurs. Si les réseaux sociaux s’opposent à ces règles, leur bande passante pourra être réduite de 50 %, voire de 90 %; ndc]
Selon l'AKP, la formation du président Recep Tayyip Erdogan, cette loi vise à mettre fin aux insultes en ligne. Début juillet, le président turc avait appelé à "mettre de l'ordre" dans les réseaux sociaux après que sa fille et son gendre ont été visés par des injures sur Twitter. Mais ce texte suscite l'inquiétude de nombreux internautes et ONG qui accusent Erdogan de chercher à museler les réseaux sociaux, l'un des rares espaces où les voix critiques osent encore se faire entendre en Turquie. "Les réseaux sociaux sont d'une importance capitale pour de nombreuses personnes qui les utilisent pour s'informer. Cette loi annonce une sombre période de censure en ligne", a ainsi estimé HRW lundi. Twitter et Facebook sont déjà étroitement surveillés par les autorités turques, de nombreux procès pour "insulte au chef de l'Etat" ou "propagande terroriste" s'appuient uniquement sur un ou quelques tweets.
Les ONG s'inquiètent de l'érosion de la liberté d'expression en Turquie, et un contrôle accru des réseaux sociaux pourrait aussi limiter l'accès des Turcs à des informations indépendantes ou critiques, dans un paysage dominé par les médias pro-gouvernementaux. Selon le dernier "rapport sur la transparence" de Twitter, la Turquie figurait, au 1er semestre 2019, en tête des pays demandant le retrait de contenu sur Twitter, avec plus de 6.000 requêtes.