Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

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Les forêts brûlent au Portugal, victimes de l'argent

Publié le 01/09/2013 à 11:56 par monde-antigone


Les forêts brûlent au Portugal, victimes d'un système absurde qui repose sur l'argent. La solution n'est pas de mendier plus d'argent et de moyens, ce qui revient au même puisque tout se paie, et parce que de toute façon ce sera toujours insuffisant. Relever le curseur des moyens nécessaires consiste à effectuer un calcul corrigé au plus juste en fonction de ce que l'on considère comme le minimum. Avec ce type de gestion, les problèmes les plus lourds sont repoussés à plus tard, et immanquablement le moment arrive où les catastrophes se reproduisent sous l'effet de circonstances "exceptionnelles", en fait de négligences et de carences qui n'ont pas été appréciées comme elles auraient dû l'être... pour des raisons budgétaires.
La meilleure solution est au contraire d'en finir avec l'argent parce que de cette façon les moyens humains, matériels, scientifiques ne seront plus bloqués pour de vulgaires histoires budgétaires, d'économie, de calcul de profit et de rentabilité. Il n'y aura qu'une priorité: protéger la forêt, la nature, condition essentielle pour satisfaire les besoins humains de chacun.


Incendies au Portugal: ni folie pyromane ni fatalité climatique
par Pedro da Nobrega
Tlaxcala - 31 aot 2013
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=10442


Les graves et vastes incendies qui dévastent actuellement le Portugal et qui ont causé déjà la mort de plusieurs personnes, dont une majorité de pompiers, sonnent comme la reprise d’un triste refrain qui rappelle la funeste période 2003/2005 mais sans atteindre l’effroyable record de 2003, où 425.000 hectares de forêt étaient partis en fumée, soit plus de 5 % du territoire national pour une superficie supérieure à celle du Luxembourg.

Les piteuses déclarations du pouvoir actuel face à l’ampleur des incendies et la difficulté à les maîtriser ont-elles aussi un air de déjà-vu qui tient plus de la fuite en avant que d’une réelle prise en compte de problèmes pourtant clairement identifiés depuis des années mais qui, loin de s’être améliorés, n’ont qu’empirer pour les mêmes raisons hélas. Car plutôt que d’accréditer l’idée d’une subite flambée, c’est le cas de le dire, des vocations pyromanes au Portugal comme c’était déjà l’excuse il y a 10 ans, ajoutée à des considérations climatiques qui n’ont pourtant rien d’exceptionnel, le gouvernement actuel serait plus inspiré de réfléchir aux conséquences désastreuses sur la prévention des feux des politiques d’austérité menées depuis des années et du total laxisme dans la gestion du domaine forestier dont 87 % appartient à des propriétaires privés.

Avec 37 % du territoire continental national couvert par des forêts, le Portugal est le 3e pays de l’Union Européenne concernant le poids de la filière bois dans le PIB. C’est en 1996 que le gouvernement PS d’António Guterres a décidé d’écarter les effectifs de l’Armée de l’Air Portugaise (FAP) du plan national de combat contre les incendies, au nom de la rentabilité économique, préférant déléguer à des opérateurs privés les moyens de combat contre les incendies. Ce choix a été aggravé par le gouvernement de droite suivant qui a même réduit de près de 40 % le budget alloué à la lutte contre les incendies et abandonné toute politique de prévention et de gestion de la forêt, là encore en justifiant ces décisions par la nécessité de faire des économies.

Un domaine forestier où les obligations incombant aux propriétaires n’ont jamais été imposées, notamment sur les voies d’accès, le débroussaillage, les points d’eau et la création de zones-tampon. Une situation aggravée par des moyens humains dérisoires au regard des besoins et par une désertification rurale que les cures successives d’austérité n’ont fait qu’aggraver au Portugal. Sans parler de l’implantation massive d’espèces exogènes comme le pin et l’eucalyptus pour l’industrie du papier qui ont totalement bouleversé l’équilibre de la forêt au Portugal.

Pourtant déjà en 2003 et 2005, seuls les moyens, en particulier aériens, apportés par des pays étrangers, notamment l’Espagne, la France et la Maroc avaient permis de juguler un drame d’une ampleur inégalée. Mais le gouvernement actuel, totalement obnubilé par ses impératifs austéritaires n’en a eu cure, avant que la catastrophe ne survienne. Le dernier rapport annuel de l’Autorité Nationale de la Protection Civile (ANPC) est à cet égard révélateur. Dans le dernier budget, le gouvernement avait prévu une enveloppe de 74 millions d’euros pour le combat des incendies et à peine 20 millions d’euros pour la prévention, alors que tous les spécialistes s’accordent à dire que c’est l’inverse qui devrait être fait, ce qui garantirait une bien plus grande efficacité dans ce domaine. Sur un budget global de 94 millions d’euros consacrés aux incendies de forêt, 79 % sont donc dévolus à la lutte contre les feux et seulement 21 % à la prévention. Cette proportion initiale pourrait se déséquilibrer encore plus, en raison des ajustements budgétaires nécessaires pour faire face aux évènements exceptionnels actuels, prévient l’ANPC. L’an dernier, la proportion était pratiquement identique avec 75 millions d’euros consacrés à la lutte contre les incendies et juste 18 millions pour la prévention, ce qui situe la répartition à 81 % contre 19 %.

Le rapport annuel de l’Institut de Conservation de la Nature et des Forêts et de l’ANPC portant sur les incendies de 2012 détaille l’enveloppe consacrée à la prévention et permet de se faire une idée plus précise du dénuement: la plus grande part de ces 18 millions d’euros (10,6 millions d’euros) est consacrée au financement partiel des 278 équipes de sapeurs-forestiers (1390 personnes pour tous le pays !) et du Groupe d’Analyse de l’Usage du Feu (GAUF), structure spécialisée d’appui à l’ANPC créée en 2006 et composée d’experts dans la lutte contre les incendies au nombre de 24, qui plus est avec des contrats précaires ! Une enveloppe d’à peine 3,8 millions d'euros a été consacrée aux infrastructures de protection de la forêt, comprenant l’aménagement de points d’eau, l’entretien du réseau de voies forestières notamment. Et juste 3,19 millions d’euros pour le soutien aux directions des Forêts des collectivités territoriales !

On comprend mieux pourquoi plus de 60.000 hectares ont déjà brûlé cette année au Portugal, selon les données fournies par le Système Européen d’Information sur les Incendies de Forêts (EFFIS), dont plus de 40.000 pour le seul mois d’août. Lorsque l’on sait que le gouvernement a débloqué une somme de 36,5 millions d’euros pour l’affrètement de moyens aériens de lutte contre les incendies, selon le Ministère de l’Administration Interne (MAI), on mesure mieux la dimension de l’incurie. Mais qu’à cela ne tienne, les arbres peuvent continuer à brûler et les pompiers à succomber, l’important n’est-il pas que le Portugal maintienne ses objectifs de réduction des dépenses publiques comme exigés par la Troïka, qui reste d’ailleurs d’un silence sépulcral sur cette question ?

Pendant ce temps le Tribunal Constitutionnel vient de rejeter la loi permettant le licenciement de milliers de fonctionnaires que la droite voulait imposer dans le cadre d’un énième plan d’austérité, mais là, la Troïka s’est vite exprimée pour presser le gouvernement de contourner ce veto. Ainsi va le Portugal avec un gouvernement dénué aujourd’hui de toute légitimité, aux ordres d’une Troïka qui n’en a aucune.