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Dernière mise à jour :
10.09.2025
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Pour contourner les sanctions et continuer à vendre son pétrole à un prix élevé, la Russie a créé une "flotte fantôme".
Une résolution du Parlement européen du 14 novembre 2024 révélait que la Russie « exploiterait environ 160 à 200 navires-citernes par mois pour transporter du pétrole, sur une flotte totale estimée à 600 navires. […] Ces navires sont vieux, naviguent souvent sans l’assurance requise dans le secteur et changent fréquemment de nom et de pavillon d’immatriculation, ce qui permet à la Russie de vendre une part importante de son pétrole au-dessus du plafond de prix ».
Ces bateaux constituent un danger pour l’environnement, à cause de leur vétusté et des opérations de "transbordement". Ils « transfèrent et mélangent du pétrole russe entre navires sans accoster dans aucun port dans le but de dissimuler l’origine du pétrole ». Ils naviguent parfois en éteignant leur système de communication de sécurité, appelé AIS, « pour se soustraire à la surveillance et aux inspections officielles ».
En cas d’accident, les coûts du nettoyage des dommages environnementaux pourraient s’élever « à des milliards d’euros pour les pays côtiers et leurs contribuables, étant donné que les propriétaires de ces navires sont pour la plupart introuvables », ajoute la résoution du Parlement européen. Celle-ci précise que pour atteindre ses objectifs, Moscou « a grandement besoin de la complicité et de la collaboration de plusieurs pays, en particulier la Chine, l’Inde et la Turquie ».
Toujours d'après cette résolution, « le trafic de ces navires a augmenté de manière spectaculaire au cours de l’année 2024 », de sorte que selon la Kyiv School of Economics, citée par Le Monde, les pertes de revenus liées aux sanctions occidentales sur le pétrole russe sont passées de 8,2 milliards d’euros début 2023 à 1,8 milliard d’euros à la mi-2024. D'après The Financial Times, le système serait tellement au point qu'il permettrait à Moscou d'exporter du GNL (gaz naturel liquéfié)... vers l'Europe. L'UE serait d'ailleurs le premier marché pour les exportations de GNL russe.
Sécurité maritime: Pourquoi la "flotte fantôme" russe échappe-t-elle à tout contrôle ?
par Aurore Lartigue
RFI - 11 jan 2025
La Russie a développé une armada de navires qui continue d'exporter son pétrole sous sanction grâce à des pavillons de complaisance et des propriétaires opaques. De plus en plus fournie, cette flotte parallèle représente un risque pour la sécurité maritime internationale. Mais en dépit des alertes, les pays occidentaux semblent bien impuissants.
Le 25 décembre dernier, le Eagle S, un pétrolier de 228 m immatriculé aux îles Cook et exploité par une société basée aux UAE, a endommagé le câble sous-marin électrique EstLink 2 et quatre câbles de télécommunication entre la Finlande et l’Estonie. Le navire est soupçonné d'appartenir à ce qu’on appelle la "flotte fantôme" russe. « Le navire suspect fait partie de la flotte de la Russie qui menace la sécurité et l’environnement, tout en finançant le budget de guerre de la Russie », avait indiqué dans une déclaration commune la Commission européenne et les autorités chargées de l'enquête au lendemain dans l'incident.
Si la définition peut différer d'un organisme à l'autre, cette "flotte fantôme" désigne globalement les navires utilisés par Moscou pour écouler clandestinement son pétrole malgré l’embargo européen et les sanctions du G7+ qui plafonnent son prix de vente. Une flotte parallèle constituée de pétroliers enregistrés sous pavillons de complaisance, à la propriété souvent difficile à déterminer, et généralement vétustes et pas ou mal assurés. Le système n’est pas nouveau: l’Iran, le Venezuela, ou encore la Corée du Nord, et même la Russie avant l'invasion de l'Ukraine, y ont déjà eu recours.
Des navires fantômes de plus en plus nombreux
Mais depuis 2022 et le début de la guerre en Ukraine, le phénomène a explosé, soulignent les analystes du secteur. Les chiffres varient, mais selon les données reprises par l'Union européenne qui s'appuie sur une étude S&P Global de juin 2024, ils seraient aujourd’hui autour de 600 navires russes de l'ombre à sillonner les mers. Soit environ 10 % des pétroliers opérant au niveau international, indique une enquête du Lloyd's List Intelligence, publication de référence dans le domaine maritime. Une stratégie bien organisée puisque la Russie aurait investi près de 10 milliards de dollars pour mettre sur pied cette flotte, d’après l'Institut Kyiv School of Economics. Et c'est pas moins de 70 % du pétrole russe exporté par voie maritime qui seraient acheminés par ces embarcations.
S'ils permettent à la Russie de continuer à exporter l’or noir qui lui permet de financer sa guerre en Ukraine, ces tankers, souvent achetés sur le marché secondaire, constituent aussi un danger en termes d’environnement. Si les navires impliqués dans la marée noire en cours en Crimée, immatriculés en Russie, n'appartiennent pas à cette catégorie, ce samedi 11 janvier, l'Allemagne indiquait tenter de sécuriser un pétrolier à la dérive dans la Baltique avec 99.000 tonnes de pétrole à bord, après une panne de moteur liée à une coupure de courant. La ministre des Affaires étrangères allemande Annalena Baerbock a accusé l'Eventin, battant pavillon panaméen, de faire partie de la flotte fantôme de « pétroliers délabrés » de Vladimir Poutine. Selon le groupe d'assurances Allianz, les navires fantômes sont liés à plus de 50 accidents en mer ces trois dernières années, avec des opérations de dédommagement compliquées.
« Au premier semestre 2024, près de 75 % du pétrole russe a été transporté à partir des ports de la mer Baltique et de la mer Noire, dont 60 % à bord de pétroliers fantômes, estime l'Institut KSE dans un rapport publié en octobre dernier visant à établir une stratégie pour « circonscrire cette flotte. Cela signifie que trois pétroliers fantômes plein passent chaque jour par les eaux de l'Europe du Nord, y compris le détroit du Danemark et la Manche. Des incidents tels que des quasi-échouements et des collisions se sont déjà produits et un incident majeur n'est qu'une question de temps, avec le risque d'une catastrophe environnementale coûteuse ».
Cette flotte de l'ombre représente donc un défi pour la sécurité maritime internationale, et la Baltique est particulièrement concernée. D'autant que ces navires sont aussi soupçonnés d'être utilisés pour de la surveillance, dans le cadre de la guerre hybride que mène Moscou. Dans le cas des câbles endommagés par l'Eagle S, l’enquête se poursuit pour savoir s’il s’agit d’un acte de sabotage. Mais Lloyd’s List Intelligence cite des sources indiquant que le tanker transportait également du matériel d’enregistrement destiné à de l’espionnage.
Des méthodes efficaces qui prospèrent sur un cadre maritime favorable
Face à ces menaces, l'OTAN a indiqué renforcer sa présence dans la Baltique. Mais les autorités maritimes, les pays du G7 et l'Union européenne semblent bien démunis pour contrôler cette armada aux méthodes « quasi implacables », souligne Jean-Pierre Beurier, professeur émérite et cofondateur du Centre de droit maritime et océanique (CDMO) de l’université de Nantes. Pour brouiller les pistes et masquer la provenance de leurs cargaisons, ils pratiquent notamment le transbordement de bateau à bateau, qui est autorisé par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM).
« Rendez-vous est donné en haute mer, loin des regards, à un navire étranger à qui un de ces navires va transférer sa cargaison », décrit Jean-Pierre Beurier. Pour plus de discrétion, les bâtiments impliqués peuvent désactiver le système d'identification automatique (AIS) qui permet leur géolocalisation. « Le bateau tiers a lui un port de destination, un client et un titre de transport officiel. » Une façon de « blanchir » en quelque sorte ces cargaisons. « Il faut donc un certain nombre de complicités », souligne le spécialiste en droit maritime, pour qui le destinataire final ne peut pas ignorer l’origine de la marchandise. Cette flotte n'est pourtant pas si "fantôme" que cela, puisque « ces navires sont parfaitement connus et identifiés et disposent d’une immatriculation de l’OMI » (Organisation maritime internationale), comme le rappelle Jean-Pierre Beurier. Même s'il arrive que les navires falsifient leurs documents.
Il n'en demeure pas moins qu'elle reste insaisissable. Car cette flotte de l'ombre prospère aussi grâce aux spécificités du droit maritime international, qui autorise notamment l'usage de pavillons de complaisance. Ces navires sont enregistrés sous des juridictions peu scrupuleuses, dans des pays africains comme le Liberia ou le Gabon, ou encore au Panama ou aux îles Cook comme le Eagle S. Des États choisis car ils ne sont guère regardants sur les règlementations et les contrôles.
« Les moyens pour lutter contre cette flotte sont limités en raison du statut particulier de la mer, concède Laurent Célérier, enseignant à Sciences Po et capitaine de vaisseau de réserve. Et surtout de la haute mer [au-delà des 200 milles marins de la zone économique exclusive, ndlr], qui reste un espace de liberté, où les règles qui s'appliquent sont peu disantes. En haute mer, un bateau n'est soumis qu'aux lois de son pavillon. Quelques rares exceptions existent pour les cas de piraterie, d'esclavage, de pollution et de trafic de drogue ». Ou en cas d'absence de pavillon. Mais en dehors de ces cas, seuls les États du pavillon ont le droit de contrôler ou d'arraisonner un navire en haute mer.
Ils peuvent même en théorie longer les côtes, de l'UE par exemple, puisqu'ils jouissent du "droit de passage inoffensif" dans les eaux territoriales (jusqu'à 12 milles depuis la côte), comme le prévoit la CNUDM. C’est-à-dire qu'un navire étranger peut traverser cette zone tant qu'il ne porte pas atteinte à la paix ou à la sécurité de l'État côtier. Pour résumer, tant qu'ils évitent les ports où ils pourraient subir des contrôles ou être retenus, ou qu'ils n'occasionnent pas une marée noire, ces bateaux peuvent donc sillonner les mers du globe sans risque d'être inquiétés.
Des mesures à l'efficacité limitée
« À moins de prendre ces navires en flagrant délit de transbordement et de pouvoir prouver qu'ils sont bien liés à la Russie, ce qui est très compliqué car la mer est grande, il est très difficile de prouver de tels trafics et d'y mettre fin », confirme Jean-Pierre Beurier, pour qui une des solutions consisterait à « s'attaquer aux clients » qui achètent ces cargaisons douteuses. « Comme pour la drogue, s'il n'y a pas de client, il n'y a pas de trafic », commente-t-il. Au vu du blocage actuel des instances internationales, une évolution du droit de la mer ne semble pas à l'ordre du jour. Cela nécessiterait un large consensus. Or, la Chine, l'Inde ou la Turquie sont les principaux bénéficiaires de ce marché alternatif, sans compter les États qui délivrent des pavillons de complaisance.
Des mesures ont malgré tout été prises ces derniers mois. En décembre 2023, l'OMI a adopté une résolution pour lutter contre les opérations maritimes illégales qui oblige les navires à signaler tout transbordement de navire à navire à l'État de leur pavillon et encourage des inspections portuaires renforcées des navires suspects.
Le 14 novembre dernier, le Parlement européen a adopté une résolution « contre la flotte fantôme russe et pour garantir la pleine application des sanctions contre la Russie », demandant notamment l'interdiction des transferts de navire à navire. Le 16 décembre, douze pays du nord de l'Europe ont convenu de renforcer les contrôles en exigeant des preuves d'assurance des navires transitant dans leurs eaux, afin de dissuader les activités de la flotte fantôme. En décembre 2024, l'UE a ajouté 52 navires supplémentaires à sa liste noire, portant le total à près de 80 navires sanctionnés. Des mesures dont la portée reste limitée aux eaux européennes.
« Dès lors que des institutions internationales comme l'ONU sont impuissantes, dès lors que des instances régionales comme l'UE sont insuffisantes pour avoir un effet global, analyse Laurent Célérier, il faut en passer par des forums un peu plus informels comme le G20 où pourraient être mises en places des règles de conduites, notamment concernant la sécurité, qui pourraient un jour peut-être se transformer en droit dur ».
Le pétrolier Eagle S, lui, est pour l'heure hors d'état de nuire. 32 déficiences ont été relevées lors du contrôle de l’État du port (PSC) mené sur le pétrolier Eagle S qui a pu être arraisonné par la Finlande. 3, portant sur le système de sécurité incendie, l’équipement de navigation et la ventilation en salle des pompes, sont, selon l'agence Traficom, « si graves qu’elles ont conduit à l’immobilisation du navire » tant qu’il n’y est pas remédié.
EDIT (29 juin 2025)
En Méditerranée, la quasi disparition de la marine russe expose la "flotte fantôme" de Moscou aux attaques
par Franck Alexandre
RFI - 29 jun 2025
L’espace méditerranéen a toujours été hautement stratégique pour Moscou. La perte de la base navale de Tartous après la chute du régime Assad, en décembre 2024, a cependant porté un coup majeur à l’influence russe dans les mers chaudes. Officiellement, la Russie n’a pas été éjectée de ses bases syriennes. Pourtant, le fait que la frégate Soobrazitelny soit depuis plusieurs semaines au mouillage devant le port de Tartous sans y entrer semble confirmer que la base navale n’est plus utilisée. La frégate Grigorovitch a, de son côté, franchi le détroit de Gibraltar mi-juin pour rejoindre son port d’attache en mer Baltique, après 19 mois de mission.
La présence navale russe en Méditerranée est désormais historiquement faible et pourrait se limiter à seulement quatre bâtiments. Outre le Soobrazitelny, on relève la présence du navire espion Leonov, aperçu par la marine britannique le 2 mai 2025 en Méditerranée occidentale et qui actuellement pourrait se trouver en Méditerranée orientale. Le Vyazma était lui en escale en Algérie, le 26 mai. Déployé en Méditerranée depuis le mois de novembre 2024, ce pétrolier ravitailleur de la marine russe, semble être victime de plusieurs avaries. Une fuite d’huile, notamment, l’empêche désormais de faire escale dans les ports de Méditerranée. Il ne peut donc ni se ravitailler, ni assurer sa mission de soutien aux profits des autres bâtiments militaires russes.
Le navire, dont les soutes paraissent vides au regard de sa ligne de flottaison, aurait dû être relevé par le ravitailleur Kola, mais celui-ci a également subi une avarie majeure et a quitté la zone. À bord du Vyazma, les conditions de vie semblent difficiles: selon les marines occidentales, une panne de climatisation et un approvisionnement de plus en plus compliqué, en nourriture et produits variés, dont les cigarettes, seraient sources de fortes tensions au sein de l’équipage. Quant au navire de transport Lady Maria, il est entré en Méditerranée le 22 juin.
Un environnement hostile aux Russes
Comme en mer Noire, la Méditerranée semble ainsi être devenue un espace dangereux pour la marine russe et, là encore, plane la main des services secrets ukrainiens. Dans la nuit du 23 au 24 décembre 2024, le cargo russe Ursa Major, placé sous sanctions par le Trésor américain pour son soutien logistique à la guerre en Ukraine, a coulé à la suite de plusieurs explosions. Le résultat d’une attaque terroriste, affirme son propriétaire russe, l’entreprise Oboronlogistika. Et ces derniers mois, les incidents se sont multipliés.
Plusieurs pétroliers ayant fait escale en Russie ont été touchés dans des ports méditerranéens. Ainsi, fin janvier, le pétrolier Seacharm a été victime d’une explosion alors qu’il se trouvait dans le port turc de Ceyhan. En février, le Seajewel, suspecté d’appartenir à la "flotte fantôme" russe qui permet de contourner l’embargo sur les hydrocarbures, a subi une double explosion en mer de Ligurie, au large du port italien de Vado Ligure. À la même période, le tanker Grace Ferrum a subi au large des côtes libyennes des dommages importants, manifestement liés encore une fois à une explosion.
Inquiétude de la Russie
Signe d’une grande fébrilité du Kremlin, les analystes "en sources ouvertes" occidentaux notent que depuis quelques semaines, la corvette Boiky, de la flotte de la Baltique, a pour mission d’escorter des pétroliers sous sanctions, le Selva et le Sierra entre la Méditerranée et la Baltique en passant par la Manche. Si l’ombre de l’Ukraine plane sur les sabotages des tankers russes, rien ne permet à ce stade de pointer la responsabilité de Kiev. Reste que ces incidents à répétitions sont autant de freins au déploiement de cette flotte de tankers indispensable à l’économie russe.
Cette flotte est également essentielle au transfert d’armements vers les partenaires de la Russie, en particulier en Afrique. Étroitement surveillés par les marines occidentales et victime d’actions clandestines, la "flotte fantôme" nécessite désormais la protection rapprochée de navires de guerre. Une mission particulièrement éprouvante pour les frégates russes.
02/07/2025 >> La "flotte fantôme" utilisée par la Russie, l’Iran et la Corée du Nord, pour transporter du pétrole en contournant les sanctions pourrait compter « environ 900 navires », affirme l’amiral Benoît de Guibert, préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord. « Il s’agit essentiellement de tankers de moyenne capacité, souvent de construction ancienne, récemment acquis par des opérateurs peu identifiables et ne respectant pas souvent les standards minimums de sécurité. Nous avons également des doutes sur la solidité de la police d’assurance face à cet enjeu », a-t-il précisé.