Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
17.12.2025
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A Mayotte, depuis hier, les réserves d'eau étant épuisées, les distributions de bouteilles d'eau ont commencé...
A Mayotte, on se prépare à distribuer de l'eau en bouteille à toute la population
AFP, La1ère - 17 nov 2023
https://la1ere.francetvinfo.fr/a-mayotte-on-se-prepare-a-distribuer-de-l-eau-en-bouteille-a-toute-la-population-1444151.html
L'île de Mayotte arrive au bout de ses réserves d'eau et l'Etat comme les collectivités se préparent à devoir distribuer des bouteilles d'eau à toute la population à partir de lundi, quels que soient les défis logistiques et humains. Ces distributions à destination des plus vulnérables ont nécessité l'arrivée progressive de sapeurs-pompiers et de militaires de la Sécurité civile à Mayotte et leur nombre a été porté à 150 pour se préparer au passage à la distribution d'eau à toute la population.
Les premiers renforts étaient arrivés le 18 septembre pour aider à la distribution d'eau auprès de 60.000 personnes en situation de handicap, âgées de plus de 65 ans, les femmes enceintes ainsi que les nourrissons. Les derniers ont rejoint mardi le 101e département français pour l'élargissement des distributions à toute la population, soit au moins 310.000 personnes, à compter du 20 novembre.
Une promesse de Philippe Vigier, ministre délégué chargé des Outre-mer. Au total, "330.000 litres d'eau par jour seront distribués", annonçait-il à l'occasion de sa dernière visite sur l'île le 2 novembre. Soit un litre par personne, au quotidien. Car le département le plus pauvre de France est actuellement privé d'eau courante plus de 2 jours sur 3. En cause: une sécheresse exceptionnelle couplée à un manque d'infrastructures et d'investissements, dans un territoire qui, sous pression de l'immigration clandestine venue notamment des Comores voisines, connaît une croissance démographique de 4 % par an.
Dans ce contexte, l'élargissement de la distribution était attendu depuis longtemps. Le 6 octobre, déjà, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa demandait "la distribution d'eau à l'intégralité de la population". "Nous allons vers une crise de plus en plus aiguë", alertait-elle. "On attendait ces distributions à toute la population depuis longtemps. Maintenant, il y a quand même une inquiétude de la part de la population: on ne sait pas comment ces bouteilles seront distribuées et si tout le monde pourra vraiment en bénéficier", s'interroge Safina Soula, présidente du collectif des citoyens Mayotte 2018.
Du côté des centres communaux d'action sociale, cette nouvelle mesure inquiète également. Les communes, qui gèrent les distributions gratuites depuis leur mise en place, assurent être déjà "débordées". "Nous craignons les mouvements de foule", concède Anziza Daoud, directrice du centre communal d'action sociale de Mamoudzou, qui gère actuellement huit sites.
La préfecture assure que de nouveaux sites seront réquisitionnés, comme les Maisons des jeunes et de la culture. 25 points de distribution devraient permettre d'alimenter toute la population. "Les effectifs supplémentaires devraient être suffisants, ils viendront en appui des personnels communaux pour la distribution, assure Gilles Cantal, le préfet de l'eau. Nous évaluerons toutes les semaines les besoins. S'il y a un pépin, nous réagirons". Des renforts qui arrivent au moment où les réserves sont au plus bas. Les deux retenues collinaires - qui assurent 80 % de l'approvisionnement en eau avec les rivières - ne sont plus remplies qu'à environ 6 %, contre 58 % en moyenne en 2022 à la même époque.
Les services de l'État prévoyaient qu'elles seraient à sec autour du 15 novembre, mais les récentes pluies ont permis de gagner quasiment "une semaine", selon une source proche du dossier. Pour autant, lorsque ces réserves seront vides, le territoire ne sera capable de produire que 20.000 m³ par jour alors que la consommation journalière stagne autour de 26.000 m³, malgré les restrictions.
Début novembre, Philippe Vigier assurait qu'à "quelques jours près, ça (allait) passer", remerciant les Mahorais "d'accepter l'inacceptable".
Selon un des acteurs qui suit l'état des ressources, "plusieurs scénarios sont envisagés, mais rien n'est encore validé". "La Mahoraise des eaux (gestionnaire sur l'île) fait actuellement des simulations afin de réduire l'étendue des secteurs de distribution pour qu'il y ait suffisamment de pression partout sur le territoire. Un allongement des tours d'eau (coupures d'eau tournantes selon les quartiers, NDLR) est aussi envisagé, il faut trouver le bon équilibre", estime-t-il, sous couvert d'anonymat.
Pénurie d’eau à Mayotte: Une crise qui aurait pu être évitée
Oxfam France - 06 sep 2023
https://www.oxfamfrance.org/actualite/penurie-deau-a-mayotte-une-crise-qui-aurait-pu-etre-evitee/
A Mayotte, la situation devient de plus en plus intenable pour ses habitants qui doivent faire face à une pénurie d’eau. En effet, les réserves d’eau (nappe phréatique, deux réserves collinaires, une usine de dessalement et plusieurs rivières) sont quasi-intégralement épuisées et la saison des pluies ne démarrera qu’en novembre au mieux, la crise climatique décalant chaque année cette date. Elle ne pourrait potentiellement intervenir qu’en janvier prochain. Par conséquent, la préfecture de Mayotte a décidé de couper l’eau 2 jours sur 3, organisant des “tours d’eau” par zone géographique. La situation est telle que d’ici fin septembre, le département ne pourra produire que 20.000 m³/jour d’eau soit moins de la moitié des besoins en eau de l’île.
Des témoignages s’accumulent sur la situation gravissime que subissent les habitant.es du département. Des cas de déshydratation, d’impossibilité de se laver ou de tirer la chasse d’eau, des maladies liées au manque d’eau et à sa qualité apparaissant, des habitants remplissent leur poubelle d’eau en prévision des coupures, etc. La situation est d’autant plus alarmante qu’elle doit perdurer jusqu’à la saison des pluies, c’est à dire dans seulement trois mois, au mieux.
A Mayotte, une sécheresse sans précédent aggravée par l’inaction de l’Etat
Cette crise de l’eau est la conséquence de la plus grave sécheresse que vit Mayotte depuis 1997. Pourtant, la situation aurait pu être anticipée. Mayotte, département français, est une île de l’archipel des Comores, situé dans le canal du Mozambique, à l’ouest de Madagascar. Partagée elle-même en deux îles ceinturées d’une barrière de corail, sa surface totale ne dépasse pas 380 km². Sa population, en forte croissance, est évaluée à 320.000 habitants (cf. actualisée INSEE 2023). La couverture des besoins élémentaires (eau potable, assainissement…) n’est pas encore assurée pour tous les Mahorais. La ressource en eau par habitant est très faible, ce qui place Mayotte en situation de pénurie au regard des critères de l’OMS, alors que la croissance démographique de l’île augmente la demande (+ 10 700 naissances en 2022).
Plusieurs facteurs aggravent le manque d’eau sur l’île, issus de l’absence de réponse politique adéquate. D’abord, le réseau de distribution est extrêmement fragile: de l’eau collectée serait perdue à cause des fuites. De plus, la majorité des masses d’eau de l’île sont dans un état écologique “mauvais” ou “médiocre”, en raison de pollutions liée au déchets, et aux pollutions multiples comme le mentionne le SDAGE (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux), pour la période 2022 – 2027, document public de référence sur la gestion de l’eau du territoire.
L’impact du changement climatique sur l’Ile est également connu et évalué par l’administration, dans le même document, de longue date. Pourtant l’autorité environnementale soulignait en 2021 que le SDAGE ne “permettra pas à elle seule une mise en conformité de l’assainissement avec la réglementation européenne et un travail considérable reste à accomplir en matière de gestion des déchets pour préserver les cours d’eau, les ravines, le littoral (mangroves) et le lagon".
Une succession d’échecs politiques
Rien n’a été fait pour éviter la catastrophe que subissent les habitants de Mayotte aujourd’hui. En 2022, moins de la moitié des mesures annoncées en 2016 avaient été “engagées ou terminées”, mesures elles-mêmes considérées déjà comme insuffisantes. Le réseau de distribution d’eau est géré par le Syndicat intercommunal des eaux. En 2020, la Cour des comptes critiquait déjà fortement la gestion de ce syndicat et ses dépenses, avec pour effet collatéral d’affaiblir le système de distribution des eaux, et son incapacité à anticiper de potentiels phénomènes de sécheresses, multipliées par la crise climatique.
En effet, les infrastructures de production et d’approvisionnement d’eau potable sont insuffisantes alors que le besoin en eau croît rapidement. Cela s’explique par l’incapacité des décideurs politiques à anticiper les besoins et l’adaptation nécessaire de l’Ile. Plusieurs élus du conseil départemental, fonctionnaires (de la direction de l’environnement de l’aménagement et du logement, responsable de la gestion de l’eau) et de la préfecture ont d’ailleurs été condamnés pour corruption et prise illégales d’intérêts à de multiples reprises. Le syndicat a été incapable d’engager les travaux d’amélioration du réseau, pourtant financés à hauteur de 140 millions d’euros par l’Etat et l’Union européenne.
De plus, l’Ile bénéficie de plusieurs dizaines d’espèces endémiques dont la survie dépend des zones humides, du second plus grand lagon du monde et de mangroves qui entrent dans le cycle de l’eau et notamment sa qualité, en plus d’autres services fondamentaux pour les écosystèmes. Pourtant, force est de constater que l’Etat échoue à protéger ces milieux naturels malgré les statuts de protection existants. Cet échec se traduisant ensuite par une eau de moins bonne qualité et en quantité plus limitées.
Enfin, le département de Mayotte détient le record de déforestation de France, pour construire des habitations, ou installer des surfaces cultivées. Pourtant, les forêts permettent de capter et stocker plus d’eau, participant au remplissage de la nappe, à la qualité de l’eau et plus généralement à l’équilibre du cycle de l’eau. On estime qu’une centaine d’hectares de forêt permet de stocker 400.000 m³ d’eau dans les nappes, qui seront alors disponible en saison sèche.
L’urgence mal gérée par le gouvernement
Le gouvernement a annoncé vouloir distribuer quotidiennement deux litres d’eau maximum par personne aux plus vulnérables, notamment les femmes enceintes et les enfants de moins de 2 ans: 51.000 personnes seraient identifiées. Toutefois, les critères d’éligibilité (disposer d’une pièce d’identité, ou encore un “justificatif” de vulnérabilité), ne favorisent pas la distribution. Parallèlement, bien que le gouvernement ait gelé les prix de vente des bouteilles d’eau commercialisées sur le territoire, nous constatons que ces mesures ne sont souvent pas respectées en pratique ainsi que des ruptures de stocks régulières dans les plus grands magasins de l’île.
En plus de cela, d’après de multiples témoignages d’instituteurs, les élèves sont contraints de remplir leurs gourdes avec de l’eau non potable issue des robinets des établissements car aucune bouteille d’eau n’est disponible. Dans certains cas, les chasses des toilettes scolaires n’étant également plus alimentées, la consigne est donnée d’utiliser les environs. Pire, aux niveaux des centres de santé, des contrôles d’identité et des interpellations ont lieu par les forces de l’ordre aux abords des points d’eau, ce qui dissuade de nombreuses personnes de s’approvisionner à ces endroits et d’avoir recours aux soins.
Pénurie d’eau à Mayotte: Quelles solutions ?
Les solutions “pansements” annoncées par le gouvernement, comme la distribution de bouteilles d’eau, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. La situation doit être traitée de façon structurelle pour garantir aux habitants de ce département l’accès équitable à une ressource vitale et protéger plus globalement les milieux aquatiques. Pour cela, il est indispensable d’actionner deux leviers: réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour réduire l’impact de la crise climatique et s’adapter aux effets déjà palpables.
- Investir massivement pour renouveler et améliorer le réseau de distribution d’eau afin de prévenir des futures fuites et plus généralement d’adapter le territoires aux futurs aléas climatiques; La non-prise en compte de la situation migratoire de Mayotte par le gouvernement français biaise toute réflexion globale et stratégique sur l’accès à l’eau. Au-delà des solutions techniques, une réponse politique et sociale est nécessaire. Il faut intégrer la réflexion sur l’accueil digne des migrants pour apporter une réponse socialement juste à l’accès à l’eau.
- Les usages industriels et agricoles représentent 15 % des prélèvements totaux du département et les risques de pollutions sont multiples. Il faut prévenir des pressions du secteur privé sur la ressource et des pollutions induites, notamment au niveau des zones portuaires, en établissant un plan de dépollution et de prévention des pollutions.
- Les milieux naturels sont soumis à de fortes pressions: le lagon souffre de l’apport de déchets et du rejet d’eaux usées insuffisamment traitées sur le littoral et dans les cours d’eau; la déforestation et l’urbanisation détruisent des habitats naturels et portent atteinte au lagon par apport d’eau douce, de déchets et de sédiments. Il est urgent de protéger la ressource à travers des pratiques de protection de la biodiversité, afin d’en améliorer la qualité et la disponibilité. Par exemple, il faut finaliser au plus tôt la délimitation des zones sensibles au titre de la directive Eaux résiduaires urbaines ou intégrer dans le suivi l’état des mangroves et du lagon, ainsi qu’augmenter significativement les moyens des associations et de l’Etat pour contrôler et dépolluer les mangroves.
- Donner les moyens d’actions aux associations locales afin de contribuer à l’amélioration de la disponibilité de la ressource, à l’adaptation et l’atténuation des effets du changement climatique et créer un espace de concertation local et démocratique en lien avec le CEB.
- Stopper la déforestation massive de l’île en l’interdisant localement et réformer le code forestier afin de prévenir de futurs abattages. Reforester l’île afin de garantir l’écoulement de l’eau dans la nappe et participer à améliorer le cycle de l’eau.
- Sanctuariser les centres de soins ainsi que des points collectifs de distribution afin d’assurer un accès ininterrompu et sans crainte à l’eau potable pour tous les habitant.es de l’île.
Plus globalement, sur le long terme, il faut engager une réelle politique pour réduire nos émissions de GES. Sans traiter la crise climatique à la racine, les solutions resteront des pansements sur une jambe de bois pour les mahorais.
07/12/2023 >> Depuis que la distribution des bouteilles a commencé, des millions de bouteilles plastique transforment les plages en décharge à ciel ouvert...