Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
10.11.2025
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Tous les étés ou presque, je fais découvrir un pays dont on ne parle jamais... parce qu'il ne s'y passe "jamais rien"... ou presque.
Pour le 14 juillet, j'ai choisi un pays où l'on marche au pas ! Le Turkménistan.
Propriété depuis une quinzaine d'années de la famille Berdymoukhamedov (les "Berdy" pour les intimes), le Turkménistan est considéré par HRW et RSF comme l’un des régimes les plus répressifs et "fermés" au monde.
Situé en bordure de la mer Caspienne, le Turkménistan partage des frontières avec l'lran au sud, l'Afghanistan à l'est, l'Ouzbékistan au nord. C'est un pays presqu'aussi fermé que la Corée du Nord, vivant à l'écart des organisations internationales (à part son siège à l'ONU). Il n'a par exemple déclaré aucun cas de Covid-19 (le mot était même interdit). Il entretient très peu de relations extérieures, excepté avec la Russie (de moins en moins) et la Chine (de plus en plus). Il a même pris ses distances avec la CEI, n'étant plus que "membre associé" depuis 2005.
Il a fait le choix d'une "neutralité permanente", reconnue comme telle par une résolution de l’ONU en 1995, devenue "perpétuelle" depuis 2006. Il se sert de ce statut pour organiser des conférences internationales ou de grands événements culturels et sportifs régionaux.
Mais le Turkménistan existe surtout sur la scène internationale comme une puissance gazière. Il détient les 4e réserves mondiales derrière la Russie, l'Iran et le Qatar. Depuis la guerre en Ukraine et l'abandon du gaz russe, son gaz peu exploité est devenu pour les pays occidentaux une alternative de diversification des approvisionnements. Pour du gaz, on est prêt à se boucher le nez...
Berdar Berdymoukhamedov (42 ans) est officiellement le président de cette ex-république soviétique depuis son "élection" en 2022. Chef de l'Etat, il est aussi chef du gouvernement, chef de l’armée et chef du parti au pouvoir. C'est un pouvoir absolu, mais en réalité c'est son papa, Gurbanguly (un ancien dentiste), qui tire les ficelles en tant que président du Conseil populaire et "leader national". Celui-ci avait succédé à un autre super autocrate, Saparmourad Niazov (orthographié aussi Saparmyrat Niyazow), alias "Turkmenbachi" (Père des Turkmènes), maître incontesté du pays entre 1985 et 2006, et dont il avait été le Premier ministre fayot à partir de 2001. Pendant 5 ans, il avait appris le métier de dictateur à l'ombre de son mentor. Depuis le décès de celui-ci, il a été élu et réélu avec 98 % des suffrages, et les réalisations mégalomanes de Gurbaguly ont éclipsé celles de Niazov. L'élève a dépassé le maître...
Le Parti démocratique du Turkménistan (TDP) est l'héritier en droite ligne du PC de la République Socialiste Soviétique, et parti unique ou presque. Seuls, des partis affiliés ou ayant fait allégeance au TDP sont autorisés. Leur fonction est de faire croire au multipartisme. Aucune opposition n'est tolérée. Les prisonniers politiques, torturés, disparaissent en prison. L'accès à internet a été mis sous cloche. Même des sites comme YouTube ou Facebook sont bloqués. Les antennes de relais sont interdites rendant impossible tout moyen de s'informer en dehors des frontières. Et parce que tout cela ne suffisait pas, le Turkménistan a annoncé vouloir construire un nouveau réseau Internet, national et autonome, complétement hermétique au réseau international... Mais Berdy a trois filles mariées à des diplomates qui parcourent le monde, nommés dans de grandes capitales occidentales, et ses petits-enfants sont allés étudier en Suisse...
Le culte de la personnalité des "Berdy" est entretenu défilé après défilé, célébration après célébration. La presse aux ordres chante quotidiennement leur gloire sur fond de musique sirupeuse ou martiale. Les discours officiels sont ponctués par des "Gloire à Arkadag et Serdar !". Des statues plus hautes les unes (celles de papa Berdy) que les autres (celles de Niazov) sont érigées sur les places centrales. Des portraits de l'Arkadag" ("le Héros-Protecteur") et de sa famille sont en bonne place dans tous les foyers. Il n'existe pas un commerce, un bureau, un endroit dans le pays, où le portrait de Gurbanguly Berdymoukhamedov n'est pas accroché. D'après la propagande, les livres qu'il a écrits (parce qu'il est aussi écrivain) sont "très populaires".
Sachez enfin que le dictateur est superstitieux. Il a interdit la couleur noire parce qu'il a la phobie des chats noirs. Son palais est en marbre blanc. En 2018, il a fait repeindre en blanc tout ce qui était en noir dans tout le pays, jusqu'aux bordures des trottoirs de la capitale. Un "Palais du bonheur" a été inauguré à Achkhabad en 2011, recouvert de marbre blanc, pour accueillir les cérémonies.
Les voitures sombres sont interdites. Les femmes n'ont plus le droit de conduire, une statistique "officielle" les ayant accusées de causer le plus grand nombre d'accidents de la route. En réalité, c'est pour les obliger à ne plus voyager seules. Le Turkménistan est un pays musulman sunnite avec un apport soufi et des codes difficiles à appréhender pour un occidental. Figurent sur la liste des interdictions: le tabac, le paracétamol, les tatouages, les jupes courtes, la liberté (je résume), etc. Mais ces interdictions ne s'appliquent pas à la famille Berdy quand elle réside en Occident.
Si vous avez envie de passer quelques jours inoubliables dans ce magnifique pays, ne sortez pas sans vos papiers. La présence policière est telle qu'on vous les demandera plusieurs fois dans la même journée. Toujours les avoir sous la main. Les contrôles routiers sont fréquents. Sans compter les fouilles de véhicules, des chambres d'hôtel. Dans les régions frontalières, des couvre-feux peuvent être instaurés n'importe quand. Obéissez, collaborez, vous serez en sécurité !
Et pourtant, bien que la police soit omniprésente sur l'ensemble du territoire, bien que la surveillance soit particulièrement étroite et pesante, la criminalité est importante, dès la tombée de la nuit, notamment dans les trains. Sorti de la capitale Achgabat, la misère s'étend à perte de vue.
Voici des conseils données par le Guide du Routard:
« Le Turkménistan est un pays sûr pour une bonne raison: enfreindre la loi, ne serait-ce que pour voler un trombone, peut vous exposer à des années d’emprisonnement et de torture. Autant dire que la tentation est limitée.
Néanmoins, gardez à l’esprit que dans de telles conditions de vie, et avec un salaire, ne dépassant pas 1 $ par jour pour plus de la moitié de la population, passer à l’acte dans l’espoir d’améliorer son quotidien fera plus que traverser l’esprit à beaucoup de gens.
À Achgabat, vous éviterez de vous promener seul dans les quartiers non éclairés, en particulier à la périphérie du centre ville. Dans le pays comme dans la capitale, ne prenez que des taxis officiels à la nuit tombée. N’embarquez jamais dans un véhicule sans avoir vérifié que les sièges arrière étaient vides.
Ne vous moquez jamais en public d’une statue, fresque, acte, parole ou même d’un timbre poste à l’effigie de Saparmurat Nyazov ou de son successeur… »
Je finis par ce commentaire tiré d'un site de voyage: « Le Turkménistan, où la magnificence côtoie l'opulence, est un pays curieux qui ne cessera d'étonner ses visiteurs ». Amazing Turkménistan !
Plongée à Arkadag, l'étrange ville "intelligente" à la gloire de l'homme fort du Turkménistan
RTS - 05 jul 2023
https://www.rts.ch/info/monde/14154544-plongee-a-arkadag-letrange-ville-intelligente-a-la-gloire-de-lhomme-fort-du-turkmenistan.html
Le Turkménistan, ex-république soviétique, a inauguré une ville entière la semaine dernière en l'honneur de son ancien président, Gourbangouly Berdymoukhamedov. Pourtant à Arkadag, les rues sont désespérément vides malgré les blocs d'immeubles qui s'alignent à perte de vue sur une terre aride. La cité doit bientôt accueillir 70.000 âmes, assurent les autorités.
Baptisée "Arkadag" (Héros-Protecteur), la nouvelle ville du Turkménistan a des airs de ville dystopique plantée en plein désert. Elle a été construite à la gloire de l'ex-président de ce pays reclus d'Asie centrale, Gourbangouly Berdymoukhamedov. Ce dernier fêtait ses 66 ans jeudi dernier, dont plus de 16 à présider cette ex-république soviétique.
"Gloire au dirigeant turkmène, gloire au Protecteur !", chantaient sous un soleil de plomb des milliers de citoyens en tenue traditionnelle pour l'inauguration de la ville, le même jour. A l'occasion de cette fastueuse cérémonie, des journalistes ont été conviés, invitation exceptionnelle tant l'accès au Turkménistan, pays reclus d'Asie Centrale, est rare. Trois heures durant, les participants ont enchaîné danses, spectacles et démonstration de dressage de chevaux, avant qu'un feu d'artifice en soirée ne vienne clôturer cette cérémonie.
Le principal intéressé était pourtant absent, parti en Arabie saoudite pour le grand pèlerinage musulman du hajj. En l'absence du père, c'est donc le fils Serdar, actuel président, qui s'est chargé d'inaugurer cette ville située à environ 30 km de la capitale Achgabat. Au centre de la nouvelle métropole trônent différents monuments, dont l'un couleur or à l'honneur de Gourbangouly Berdymoukhamedov sur son cheval préféré, un akhal-teke.
"Le monument Arkadag au centre de la nouvelle ville est un hommage à l'éminent homme politique de la modernité et au grand fils du peuple turkmène Gourbangouly Berdymukhamedov", a déclaré sous couvert d'anonymat un membre du ministère de la Construction et de l'Architecture. "Le Héros-Protecteur s'est constamment familiarisé avec l'état d'avancement tout au long de la période de construction de la ville, donnant des recommandations et des conseils précieux. Grâce à ses efforts, une ville magnifique a été construite", a-t-il poursuivi. Lors de la construction d'Arkadag, Gourbangouly Berdymoukhamedov avait chargé le gouvernement d'étudier l'inscription au livre Guinness des records de cette ville, qu'il estime être la "plus belle, plus originale et plus grande de la région".
Les ONG accusent régulièrement l'homme fort du pays de dépenser sans compter les revenus tirés des immenses réserves de gaz dans des projets grandioses sans grands bénéfices pour la population. Mais les autorités l'assurent: "les meilleures conditions ont été créées" pour accueillir les futurs 70.000 habitants d'Arkadag, première "ville intelligente" de ce pays recouvert par les sables. Tout est fait pour y vivre confortablement et cette ville respectera de nombreuses normes écologiques, renchérissent les médias étatiques, alors que le Turkménistan se situe dans les abysses du classement de l'ONG Reporters sans frontières de la liberté de la presse.
La construction de ce "projet grandiose", débutée en 2019, a tout de même coûté environ 5 milliards de dollars. À titre de comparaison, le PIB turkmène est d’environ 45 milliards de dollars, selon la Banque mondiale. Mais la ville déjà a été récompensée par 21 certificats internationaux, se félicite le pouvoir. "Ce jour véritablement historique sera inscrit en lettres d'or dans la glorieuse chronique de la patrie indépendante et neutre", assure l'agence de presse turkmène.
Turkménistan: Ne pas avoir de coup d’État
Eurasianet, Akhal-Teke (bulletin du Turkménistan) - 11 jul 2023
https://eurasianet.org/turkmenistan-dont-have-a-coup
C’est toujours un signe certain que le gouvernement du Turkménistan est ébranlé par la couverture médiatique lorsqu’il prend la peine d’émettre un démenti.
Le 9 juillet, Turkmen.news, basé à Amsterdam, a rapporté, citant ce qu’il a décrit comme des sources crédibles, que plus de 20 personnes avaient été arrêtées parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir fomenté un coup d’État armé en juin. D'après le rapport, qui, selon le site Internet, a été retiré temporairement en attendant des éclaircissements, le cerveau s’appelait Batyr Meredov et était le fils d’un ancien ministre de l’Agriculture décédé en prison en 2013. Turkmen.news a affirmé que le vice-ministre de l’Intérieur Akhmet Khodjatov figurait parmi les détenus. C’est pour éviter toute fuite d’informations sur ce prétendu événement que les autorités auraient pu étrangler Internet le mois dernier, a spéculé le site Web.
Le gouvernement turkmène publie parfois des réfutations de l’une ou l’autre histoire, mais il le fait rarement. A cette occasion, un représentant du ministère des Affaires étrangères s’est empressé d’annuler ce récit. L’ambassadeur au Kazakhstan, Batyr Rejepov, a déclaré au journal kazakh Tengri News que le rapport « ne correspondait pas à la réalité », bien qu’il ait étayé son cas de manière peu convaincante. « Ce n’est pas un média turkmène. Ce média n’est pas enregistré dans notre pays et ne fonctionne pas officiellement », a déclaré Rejepov.
Aucun média autre que ceux qui singent servilement la ligne gouvernementale n’est autorisé à exister au Turkménistan, tandis que les publications en exil comme Turkmen.news ont un fort public parce qu’elles sont considérées comme transmettant une image plus précise de ce qui se passe dans le pays.
Cet épisode illustre parfaitement l’énigme que les boîtes noires de l’information comme le Turkménistan se créent elles-mêmes. Parce qu’ils ne permettent pas de journalisme approprié, la spéculation et les informations incertaines sont rapidement élevées au statut de dure réalité aux yeux de beaucoup. Les bulletins officiels, quant à eux, sont souvent méfiants, probablement même s’ils sont exacts.
Le 7 juillet, le président Serdar Berdymoukhamedov a publié un décret pour destituer Annageldi Yazmyradov de son poste de vice-Premier ministre chargé du portefeuille de l’Agriculture. Yazmyradov lui-même a demandé le licenciement, invoquant des raisons de santé non spécifiées. Cependant, d’autres causes étaient probablement en jeu.
L’agriculture est un secteur extrêmement important au Turkménistan pour le nombre d’emplois qu’elle fournit dans ce qui reste une nation fortement rurale. Elle est toutefois minée par une mauvaise gestion et une définition des priorités mal conçue. Même le président Berdymoukhamedov l’admet. Après avoir écouté un responsable après l’autre, y compris Yazmyradov, livrer des rapports optimistes sur les rendements céréaliers attendus et d’autres réalisations, Berdymoukhamedov s’est plaint lors d’une réunion du gouvernement le 3 juillet de lacunes non spécifiées et a déclaré que si la technologie agricole était utilisée correctement, « il serait possible d’atteindre des indicateurs plus élevés ».
Le blé en est un bon exemple. L’objectif pour cette année est de récolter 1,4 million de tonnes sur 690.000 hectares. Fin juillet 2022, cependant, Yazmyradov a pu se vanter auprès du président que les agriculteurs avaient récolté 1,5 million de tonnes de blé. La récolte record de blé au Turkménistan, atteinte en 2016, était de 1,6 million de tonnes, mais sur 760.000 hectares. Laissant de côté le fait que ces chiffres peuvent être sévèrement coupés de la réalité, ils indiquent évidemment une tendance qui sera frustrante pour une direction nationale qui se vante sans cesse de la machinerie agricole moderne qu’elle a importée. La prétendue maladie de Yazmyradov pourrait bien être liée à la performance.
La raison pour laquelle le blé est cultivé sur 690.000 hectares, soit dit en passant, est qu’en novembre 2019, l’ancien président (et père du président sortant), Gurbanguly Berdymukhamedov, a ordonné que le quota de blé soit réduit et que davantage de coton soit cultivé. Il raisonnait à l’époque que la population était plus que entièrement approvisionnée en farine et en pain, ce qui était un mensonge flagrant attesté par les longues files d’attente dans les magasins du gouvernement. Le rendement du coton devrait, a déclaré Berdymoukhamedov père, passer de 1 million de tonnes à 1,25 million de tonnes, ce qui, selon lui, constituerait une aubaine pour l’industrie textile.
Un autre changement de vitesse a été effectué en décembre 2021, lorsque le vice-Premier ministre de l’époque, Esenmyrad Orazgeldiyev, a annoncé que le volume de terres réservées à la culture du coton devait être réduit pour faire plus de place aux pommes de terre, aux autres légumes et aux melons, ainsi qu’à l’augmentation de la production de cocons de vers à soie. Au total, 40.000 hectares doivent être libérés à ces fins, tandis que 580.000 hectares de terres agricoles seront encore utilisés pour le coton. Cela a dû signifier que le Turkménistan cultiverait moins de coton, n’est-ce pas ? Eh bien, non, comme le note le rapport de la Campagne cotonnière sur la récolte 2022: « Le gouvernement n’a pas ... réduire le quota de production de coton, en insistant sur le fait qu’une plus petite quantité de terre pourrait produire la même quantité de coton que l’année précédente en augmentant les rendements.
Les fonctionnaires voudront peut-être attribuer leurs capacités productives à des percées scientifiques. Les médias locaux ont rapporté le 7 juillet, par exemple, qu’un institut de recherche de l’Institut agricole turkmène a conçu une nouvelle variété de coton à fibres fines appelée Yoleten-58. « Le rendement de la nouvelle variété est de 33,2 centièmes (3 320 kg) par hectare, soit 2,1 centièmes de plus que la variété standard. Il mûrit un jour plus tôt que les variétés standard et est également résistant aux champignons », a rapporté Turkmenportal. Yoleten-58 est cependant encore en phase de test.
Après avoir passé une grande partie de son mandat à trouver des moyens d’accroître la misère de ses sujets, Berdymoukhamedov l’aîné, qui a pris sa retraite pour occuper un poste de président arrière en 2022, se redéfinit maintenant dans le moule de l’uber-philanthrope. Le 8 juillet, il a présidé la toute première réunion de la Fondation caritative Gurbanguly Berdymukhamedov pour l’aide aux enfants ayant besoin de tutelle. Cette organisation combine des tarifs prévisibles – payer les opérations pour les enfants nécessiteux et envoyer des médicaments en Afghanistan – avec un investissement commercial peut-être moins attendu. Berdymukhamedov l’aîné a déclaré qu’une partie des fonds de l’organisation caritative – dont la provenance est, naturellement, embourbée dans le mystère – sera affectée à la « construction d’installations de production dans le cadre de la deuxième étape du développement de la ville d’Arkadag ». Construire des usines n’est normalement pas une activité que l’on associe à des fonds de bienfaisance pour aider les enfants pauvres.
La ville d’Arkadag, ainsi nommée d’après le titre honorifique conféré à Berdymukhamedov, a été inaugurée le mois dernier, mais beaucoup plus de travail sera nécessaire avant que ses créateurs soient satisfaits que le travail soit fait. L’effort continu signifie des contrats à gogo, et la famille régnante sera en première ligne.
Turkménistan: Les portes de l'enfer, au coeur du désert de Karakoum
AFP, Romandie news - 20 jun 2014
http://www.romandie.com/news/Turkmenistan-les-portes-de-lenfer-au-coeur-du-desert-de/489715.rom
DESERT DE KARAKOUM (Turkménistan) - Surnommé les portes de l'Enfer, un cratère géant crache du feu depuis 40 ans. Le Turkménistan, l'un des pays les plus fermés au monde, veut en faire une attraction touristique au coeur du désert de Karakoum. « Ca coupe le souffle et ça fait très peur ! », dit Goziel Iazkoulieva, 34 ans, qui est venue d'Achkhabad observer pour la première fois le puits de flamme en combustion continue depuis 1971. « Je comprends pourquoi on appelle ce lieu les portes de l'Enfer. Cela fait vraiment un sacré effet ! On pense directement à nos péchés et on ressent le besoin de prier », raconte-t-elle en souriant.
Aujourd'hui rien ne signale le cratère quand on traverse en jeep le désert du Karakoum, dont le nom veut dire Sables noirs, et qui couvre près de 80 % de l'ex-république soviétique d'Asie centrale. En été le température y atteint 50°, en hiver elle tombe à - 20°. Mais les guides savent où bifurquer pour s'approcher du cratère de Darvaza, à 270 km de la capitale, Achkhabad, par une piste traversant des dunes de sable. Une lueur jaune et orange est visible dans le ciel et guide les rares touristes qui s'aventurent jusqu'au monstre crachant du feu.
Le Turkménistan, qui reste un des pays les plus isolés du monde 25 ans après l'effondrement de l'URSS, reçoit chaque année seulement quelque 12 à 15.000 touristes, de plus de 50 pays, selon une source au sein du comité gouvernemental du tourisme. Un peu plus que pendant l'époque soviétique. Le gouvernement turkmène veut développer le tourisme destiné aux amateurs de sensations extrêmes, ou aux amoureux de la nature. Des safaris en jeep, en quad ou à dos de chameau pourraient bientôt être organisés afin d'amener les touristes près du cratère.
Des langues de feu lèchent constamment les parois du cratère, profond de 20 m et de 70 m de diamètre, et des bourrasques d'air brûlant s'en échappent. La chaleur extrême et le grondement sourd du feu font tourner la tête, bien qu'on ne sente pas de gaz dans l'air. Malgré le danger, aucune grille ni protection n'entoure le cratère ou n'empêche les touristes les plus intrépides de s'approcher du bord. A leurs risques et périls, car le sol de sable s'effondre par endroits.
Le phénomène est le résultat d'une erreur de calcul des savants soviétiques. En 1971, les géologues soviétiques ont commencé à forer pour prospecter. Personne n'aurait pu deviner qu'au final, ils allaient percer des couches souterraines qui contenaient du gaz, raconte à l'AFP Anatoli Bouchmakine, géologue turkmène. En forant, ils sont tombés dans une poche souterraine, le matériel de forage y a disparu, mais heureusement personne n'est mort. Comme ils craignaient que le cratère n'émette des gaz empoisonnés, ils ont décidé d'y mettre feu, explique-t-il. Les scientifiques soviétiques espéraient ainsi brûler le gaz jusqu'à son extinction. Mais les flammes ne se sont pas éteintes depuis maintenant 40 ans. Elles sont devenues le symbole de l'étendue des réserves de gaz du Turkménistan, les 4es plus vastes au monde.
Les touristes qui visitent ce cratère de feu éprouvent des sentiments mitigés - certains sont sidérés par le paysage, d'autres par ce gaspillage de gaz, remarque Begli Ataïev, 40 ans, qui travaille dans une agence de tourisme à Achkhabad. En réalité, les experts turkmènes ont déjà tenté d'éteindre les flammes, sans succès. Une réserve naturelle, grande de 90.000 hectares, a été instaurée l'an dernier par le gouvernement autour du cratère de Darvaza, explique Ovez Kourbanov, responsable de l'Institut de la faune et de la flore des déserts du Turkménistan.
« La présence de sites comme le cratère excite énormément la curiosité des touristes et des chercheurs », se félicite M. Kourbanov. Mais pour attirer les visiteurs dans un pays dont la capitale est à 4 heures d'avion de Moscou, il faudra élargir les routes, construire des hôtels, explique le Comité du tourisme. Et surtout, améliorer la réputation touristique du Turkménistan.
"Porte de l'enfer": Comment les fuites de méthane au Turkménistan menacent le climat
par Grégoire Sauvage
AFP, France24 - 07 jul 2023
https://www.france24.com/fr/plan%C3%A8te/20230615-porte-de-l-enfer-comment-les-fuites-de-m%C3%A9thane-au-turkm%C3%A9nistan-menacent-le-climat
Le Turkménistan a un problème de fuite diablement difficile à résoudre. Depuis un demi-siècle, le cratère de Darvaza (également appelé Derweze), situé dans le désert de Karakoum, brûle sans discontinuer rejetant dans l'atmosphère des quantités effrayantes de méthane. Ce gaz à effet de serre focalise de plus en plus l'attention des scientifiques et des gouvernements dans la lutte contre le réchauffement climatique. Surnommé "la Porte de l'enfer", ce gouffre d'environ 70 m de diamètre et 30 m de profondeur, qui fait le bonheur des rares touristes en visite dans cette ancienne république soviétique d'Asie centrale, n'a aucune origine surnaturelle mais reste l'un des secrets les mieux gardés de l'ex-URSS.
Selon le récit le plus largement admis, le cratère est le résultat d'une opération d'exploration gazière qui a mal tourné. En 1971, des ingénieurs soviétiques ont effectué un forage pour quantifier les réserves du site. Mais le sol instable s'est effondré donnant naissance à ce trou béant dont s'échappe une énorme quantité de gaz naturel. (...) Cependant, d'autres versions de l'histoire existent. "Ce que j'ai entendu de la part de géologues turkmènes, qui sont sur place depuis des décennies, c'est que l'effondrement a pu avoir lieu dans les années 1960 et que le trou n'a pas été allumé avant les années 1980", expliquait dans un documentaire l'explorateur canadien George Kourounis, qui a effectué des prélèvements à l'intérieur du cratère en 2013.
Depuis l'indépendance du Turkménistan en 1991, le pouvoir politique a affiché à plusieurs reprises son intention d'éteindre "la Porte de l'enfer". "Nous gâchons des ressources naturelles de grande valeur pour lesquelles nous pourrions recevoir des gains qui seraient utilisés pour accroître le bien-être de notre peuple", a encore affirmé début 2022 le président Gourbangouly Berdymoukhamedov, le père de l'actuel président.
Mais éteindre le cratère de Darvaza est une entreprise titanesque et n'a jamais semblé être une priorité réelle pour le Turkménistan, dont le sous-sol regorge de gaz et de pétrole. Une abondance qui a notamment permis aux autorités de fournir gratuitement l'électricité, le gaz et l'eau à tous les habitants entre 1993 et 2019. Cependant, cet état autoritaire semble aujourd'hui décidé à prendre le diable par les cornes grâce à l'aide des États-Unis. Selon Bloomberg, Washington est actuellement en discussion avec le Turkménistan pour éteindre le brasier mais aussi piéger le méthane. Une opération complexe et incertaine, indiquait l'explorateur George Kourounis en 2013. "Même si nous parvenions à éteindre le feu en le recouvrant avec de la terre, le gaz pourrait encore trouver un chemin vers la surface et il ne faudrait alors qu'une étincelle pour que tout s'enflamme à nouveau".
Au-delà d'apporter son expertise pour refermer la "Porte de l'enfer" les États-Unis pourraient également investir dans les infrastructures pétrolières et gazières vieillissantes du pays. Car aussi spectaculaire soit-il, avec ses flammes semblant sortir tout droit des entrailles de la Terre, le cratère de Darvaza n'est que la partie émergée de l'iceberg des fuites de gaz au Turkménistan, l'un des plus gros pollueurs au monde, malgré une population de seulement 6 millions d'habitants. Entre 2019 et 2022, le pays a enregistré un record mondial de 840 événements dits de "super émissions" de méthane liées à des fuites de puits, de sites de stockage ou de conduites, selon les données satellites fournies par l'entreprise Karryos.
La start-up française, qui développe depuis trois ans une technologie de suivi du méthane à l'échelle mondiale, a démontré l'impact ahurissant du secteur des hydrocarbures du Turkménistan sur l'environnement. En 2022, les deux principales régions de production du pays ont ainsi autant participé au réchauffement climatique que tout le Royaume-Uni, selon ces données satellitaires. "Jusqu'à présent, on était sans visibilité sur le sujet et dans la politique du 'pas vu pas pris'. Désormais, on sait que le Turkménistan mais aussi l'Irak, les États-Unis et la Russie font partie des pays dont le secteur des hydrocarbures rejettent le plus de méthane. Au Turkménistan, le problème vient à la fois des normes environnementales et de la maintenance des infrastructures", détaille Antoine Rostand, le fondateur de Karryos, qui rappelle que le méthane brûlé reste près de 100 fois moins polluant qu'une fuite de gaz naturel.
Ces fuites sur des installations d'hydrocarbures, qui peuvent durer parfois plusieurs semaines, représentent à court terme une véritable bombe climatique. Deuxième gaz le plus présent dans l'atmosphère derrière le CO2, bien que moins persistant dans l'air, le méthane a un potentiel de réchauffement environ 80 fois supérieur sur 20 ans. "L'augmentation extrême et inattendue du méthane atmosphérique au cours des deux dernières années est particulièrement inquiétante [...] Comparé au CO2, molécule pour molécule, le méthane est bien plus néfaste pour le climat", expliquait en 2022 à France 24 Euan Nisbet, chercheur à la Royal Holloway de l'université de Londres et l'un des principaux spécialistes de l'impact climatique du méthane.
Au-delà des discussions en cours avec les États-Unis pour moderniser ses infrastructures, le président Serdar Berdymoukhamedov, a également approuvé lundi “une feuille de route” pour rejoindre les 150 pays qui ont déjà signé l'engagement mondial sur le méthane, conclu à la conférence mondiale sur le climat (COP26) de Glasgow, visant à réduire de 30 % leurs émissions en 2030. La feuille de route annoncée par le Turkménistan prévoit aussi de coopérer avec des partenaires étrangers ainsi que l'Observatoire international des émissions de méthane (Imeo) des Nations unies. "Après les annonces, cependant, le véritable travail commence pour réduire effectivement les émissions", prévient Manfredi Caltagirone, le patron de l'Imeo, interrogé par le Guardian.
Selon les experts du climat, la réduction des fuites de méthane, qui ne nécessite aucune avancée technologique particulière, pourrait apporter des résultats rapides et concrets dans la lutte contre le réchauffement climatique. "Selon nos estimations, si nous étions capables d'éliminer ne serait-ce que la moitié de tous les grands lâchés de méthane, ce qui est faisable d'ici deux ans, c'est comme si on parvenait à électrifier l'intégralité du parc automobile européen", avance Antoine Rostand.
Cependant, l'industrie pétro-gazière, qui participe à hauteur de 40 % aux émissions de méthane, rechigne à se mettre au travail, déplore l'AIE dans son dernier rapport, "Global Methane Tracker 2023”, et ce malgré un coût dérisoire. Selon l'AIE, il est possible d'éviter les 3/4 des fuites de méthane provenant du pétrole et du gaz en investissant 100 milliards de dollars, soit "moins de 3 % des revenus accumulés par les sociétés pétrolières et gazières dans le monde" en 2022.
À portée de main, la réduction des émissions de méthane pourrait bien constituer l'une des meilleures chances de contenir la hausse des températures. Selon le GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, diminuer les rejets de méthane de 45 % d'ici à 2030 permettrait d'éviter une hausse de près de 0,3°C des températures mondiales d'ici à 2040.
Le gaz du Turkménistan au centre de toutes les convoitises
par Nicolas Rauline
Les Echos - 05 jul 2023
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/le-gaz-du-turkmenistan-au-centre-de-toutes-les-convoitises-1959327
La Porte de l'Enfer va-t-elle se refermer ? Ce champ de gaz naturel brûle depuis… 1971. Situé au Turkménistan, l'un des pays les plus fermés au monde, ce cratère a été créé par accident par les Soviétiques. Ils tentaient à l'époque d'exploiter les immenses réserves de gaz de la région.
C'est aujourd'hui encore l'un des désastres écologiques les plus impressionnants de la planète - et la principale attraction pour les rares touristes qui visitent la république d'Asie centrale. Ses flammes, alimentées par le gaz présent dans le sous-sol, libèrent de gigantesques quantités de méthane dans l'atmosphère. Après plus de 50 ans de quasi-abandon, la Porte de l'Enfer attire de nouveau l'attention et se retrouve au centre des discussions entre le Turkménistan et les principales puissances mondiales, y compris l'Union européenne.
La guerre en Ukraine et la crise énergétique ont tout accéléré. En termes de potentiel, le pays est la 4e puissance gazière mondiale, avec des réserves estimées à 14.000 milliards de m3. Aujourd'hui, ce potentiel reste sous-exploité. Le pays n'est que le 11e producteur au monde, et sa production part pour plus des 3/4 vers la Chine.
Or, aujourd'hui, le président Serdar Berdimuhamedov tente de diversifier ses partenaires. « Les Chinois ont essayé de profiter de leur position dominante sur les exportations gazières d'Achkhabad pour lui imposer des prix de vente au rabais. Les Turkmènes ont compris qu'il n'était pas dans leur intérêt de trop dépendre de leur client chinois et ont donc repris langue avec les Russes et même, plus récemment, avec les Iraniens », explique Michaël Levystone, chercheur associé à l'IFRI.
Les relations avec le voisin russe avaient été perturbées par la question gazière depuis l'indépendance. Elles se sont réchauffées ces derniers mois, Moscou sentant le danger de voir l'Asie centrale basculer dans la sphère occidentale. La Russie a recommencé à acheter du gaz turkmène. Le Turkménistan a aussi vu son projet de gazoduc vers l'Inde et le Pakistan perturbé par des problèmes de sécurité en Afghanistan. [En avril, le Turkménistan a quand même livré du gaz au Pakistan en traversant le territoire afghan d'ouest en est. Cette livraison répondait à une demande du Pakistan, alors que ce pays connaît une pénurie de gaz; ndc]
Les Occidentaux ont donc tenté de s'engouffrer dans la brèche. Ces dernières semaines, plusieurs délégations européennes se sont rendues au Turkménistan pour étudier les contours d'une nouvelle collaboration. Cela pourrait représenter 10 à 15 milliards de m3, soit à peu près l'équivalent des importations de GNL russe aujourd'hui. Le gazoduc de la Transcaspienne, qui relierait le Turkménistan et l'Azerbaïdjan à l'Europe, via la Turquie, pourrait servir ces projets. Ankara a récemment tenté de le ressusciter.
« Pour le Turkménistan, il y a une fenêtre de tir réduite avec l'Europe. Nous avons besoin de sécuriser des approvisionnements à court terme. Après, avec la baisse annoncée de la consommation et les nouvelles infrastructures aux Etats-Unis et au Qatar, cela n'aura plus de sens. Si un accord n'est pas trouvé dans les prochains mois, il n'arrivera jamais », souligne un observateur du marché, impliqué dans les négociations. Celles-ci ne font pas l'unanimité chez les Etats membres. La situation des droits de l'homme et les normes environnementales catastrophiques au dans le pays rebutent. Un article récent du Guardian, qui se basait sur les données de la société française Kayrros, révélait que le Turkménistan était le premier émetteur de méthane de la planète [Voir article ci-dessous].
Dans la foulée, les Etats-Unis ont annoncé qu'ils avaient conclu un accord de coopération avec Achkhabad pour « déployer des solutions de détection et de réparation des fuites et développer un plan d'investissement de réduction des émissions de méthane dès 2023. » Un premier pas américain vers le marché turkmène… « Le projet transcaspien relève plus du fantasme aujourd'hui, estime Michaël Levystone. En l'état actuel, cela ferait davantage sens pour le Turkménistan d'accentuer sa coopération gazière avec le russe Gazprom, notamment en vue de rénover ses infrastructures énergétiques, sans non plus se limiter à la Russie. Le pays garde d'ailleurs toutes ses options ouvertes: il accroît progressivement le volume de ses exportations vers son voisin iranien, et n'a visiblement pas renoncé à son projet de gazoduc vers l'Afghanistan, l'Inde et le Pakistan… » [Le Turkménistan s'était entendu en 2021 avec l'Azerbaïdjan sur un projet de gazoduc transcaspien, mettant fin temporairement à un conflit ancien sur la délimitation des zones de forage en mer Caspierre; ndc]
Le Turkménistan adopte un plan pour réduire ses gigantesques fuites de méthane
Courrier international - 13 jun 2023
https://www.courrierinternational.com/article/climat-le-turkmenistan-adopte-un-plan-pour-reduire-ses-gigantesques-fuites-de-methane
Le pays d’Asie centrale est le premier responsable mondial de “méga fuites” de méthane, un gaz à effet de serre très puissant. Après de récentes révélations du Guardian, le président a lancé deux initiatives pour limiter ces émissions.
En mai dernier, le journal britannique The Guardian mettait en lumière les émissions de méthane “hallucinantes” du Turkménistan. Un pays dont “les deux principaux champs d’hydrocarbures ont davantage contribué au réchauffement climatique en 2022 que la totalité des émissions carbone du Royaume-Uni”, soulignait le quotidien. Entre 2019 et 2022, des données satellitaires ont permis de détecter 840 événements de “super émissions” issus de fuites de puits, de sites de stockage ou de conduites sur le territoire du Turkménistan, un record mondial, rapportait The Guardian.
Ce 13 juin, le même quotidien informe que le président turkmène “a lancé deux initiatives destinées à réduire les fuites de méthane colossales du secteur national des hydrocarbures”. “En cas de succès, ce serait une avancée majeure pour limiter la crise climatique". Le président, Serdar Berdymoukhammedov, a approuvé le 10 juin “une feuille de route”, explique The Guardian, “ouvrant la voie à la nation d’Asie centrale pour rejoindre les 150 pays qui ont déjà signé l’engagement mondial sur le méthane visant à réduire de 30 % en 2030 les émissions de méthane”. “En outre, une commission gouvernementale transversale se consacrera à la réduction des émissions de ce gaz à effet de serre très puissant”, en particulier à court terme.
La feuille de route prévoit notamment une coopération avec des partenaires étrangers et avec l’Observatoire international des émissions de méthane (IMEO) des Nations unies. “Il est très encourageant qu’une action mondiale soit engagée afin d’aider le Turkménistan à diminuer ses émissions de méthane”, souligne le directeur de l’IMEO, Manfredi Caltagirone. “Les investissements étrangers pourraient se révéler cruciaux pour mettre fin à ces fuites”, note en effet The Guardian, qui cite une récente chronique parue dans Eurasia Review, selon laquelle le gouvernement turkmène est “allergique à consentir lui-même des dépenses”. “Après les annonces, cependant, le véritable travail commence pour réduire effectivement les émissions”, prévient le patron de l’IMEO. Le président Berdymoukhammedov avait déjà assuré par le passé que son pays faisait des efforts pour réduire ses émissions, rappelle The Guardian, sans évolution notable des fuites de méthane observées par satellite au Turkménistan.
EDIT (12 août 2023)
Le Turkménistan réprimande la Russie pour ses commentaires sur l'union gazière
[Turkmenistan rebukes Russia over "gas union" comments]
par Marat Gurt, rédaction d'Olzhas Auyezov, édition de David Evans
Reuters, Zonebourse - 12 aot 2023
https://www.zonebourse.com/cours/devise/US-DOLLAR-RUSSIAN-ROUBL-2370597/actualite/Le-Turkmenistan-reprimande-la-Russie-pour-ses-commentaires-sur-l-union-gaziere-44600909/
Le Turkménistan a mis en garde samedi la Russie contre toute tentative d'étendre son influence sur la chaîne d'approvisionnement en gaz naturel entre l'Asie centrale et la Chine, après que Moscou a déclaré que d'autres pays pourraient rejoindre son "union gazière" avec le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan acheminent tous trois du gaz vers la Chine via un gazoduc traversant les trois pays; la plus grande partie du gaz provient du Turkménistan, car les deux autres pays ont connu une forte croissance de la demande intérieure de gaz.
La Russie, qui tente d'ouvrir de nouveaux marchés asiatiques pour son gaz après les sanctions occidentales, a déclaré l'année dernière qu'elle mettait en place une union gazière avec le Kazakhstan et l'Ouzbékistan qui rationaliserait l'expédition et l'exportation de gaz vers ces pays et vers des tiers. Jusqu'à présent, la seule mesure concrète annoncée par l'union a été un projet d'inversion d'un autre gazoduc, qui relie le Turkménistan, l'Ouzbékistan et le Kazakhstan à la Russie, afin que la société russe Gazprom puisse expédier du gaz à l'Ouzbékistan, qui a commencé à souffrir de pénuries d'énergie.
Le ministère russe des affaires étrangères a déclaré cette semaine que l'union gazière pourrait être élargie car d'autres pays sont intéressés à la rejoindre, sans toutefois les nommer. Le ministère turkmène des affaires étrangères a réagi samedi en déclarant que, bien que les commentaires de la Russie soient vagues, Achgabat tenait à préciser qu'il n'avait pas été consulté au sujet de l'ajout potentiel de nouveaux fournisseurs au gazoduc chinois. "Le Turkménistan considère qu'une telle approche est incompréhensible et inacceptable, et notre pays estime qu'elle va à l'encontre du droit international et des pratiques établies dans le secteur du gaz", a-t-il déclaré dans un communiqué.
La Russie était le principal acheteur de gaz turkmène avant la construction du gazoduc chinois, mais sa part dans les exportations turkmènes est désormais faible, et l'inversion du gazoduc entre la Russie et l'Asie centrale mettrait fin à ces expéditions.
EDIT (6 août 2025)
Au Turkménistan, l'heure de refermer les polluantes "portes de l'Enfer"
AFP, Sciences & Avenir - 06 aot 2025
Darvaza (Turkménistan) (AFP)–"Nous avons décidé de venir ici avec mon mari après avoir vu des photos impressionnantes des flammes de Darvaza sur Internet", raconte à l'AFP Irina, touriste originaire d'Achkhabad, capitale de ce pays reclus. Mais après 5 heures de voiture sur une route défoncée à travers le désert pour arriver au cratère à mi-chemin entre la capitale et la troisième ville turkmène,Dachogouz, le spectacle est tout autre. "Je suis un peu déçue", reconnaît la trentenaire. Devant elle, des flammèches ont remplacé le brasier dans ce cratère de 70 m de diamètre et 20 de profondeur.
D'après de rares rapports scientifiques, la part de Darvaza dans les immenses rejets de méthane du Turkménistan reste marginale, mais ce cratère est le symbole d'une catastrophe environnementale. Si les autorités turkmènes verrouillent toute information, des satellites ont révélé que le Turkménistan détenait en 2024 le record du monde du nombre desuper-émissions de méthane (ou fuites massives), d'après l'AIE. Bien plus réchauffant que le CO2, le méthane est responsable d'environ 30 % du réchauffement planétaire depuis la révolution industrielle, selon les chercheurs, tandis que les Etats-Unis et la Chine restent les plus gros émetteurs en volume.
"Longue combustion"
Le Turkménistan le promet: ces "portes de l'Enfer", renommées en "lueurs du Karakoum", vont bientôt disparaître. En 2022, le tout-puissant dirigeantGourbangoulyBerdymoukhamedov avait ordonné d'éteindre le cratère, car ces "énormes quantités de gaz ont un impact négatif sur l'environnement et la santé des populations environnantes". Dans ce pays à l'économie tenue à bout de bras par ses immenses réserves gazières, cette décision est aussi d'ordre budgétaire. "De précieuses matières premières sont perdues. Leur exportation pourrait générer des profits importants et contribuer au bien-être de notre population", avait déclaré le chef d'Etat, connu pour son culte de la personnalité.
Au Turkménistan, un des pays les plus fermés au monde où les souhaits de M.Berdymoukhamedov sont des ordres, les scientifiques ont dû trouver la parade. "L'intensité de la combustionnon-organisée du cratère a été divisée par plus de trois", s'est félicitée en juin Turkmengaz, entreprise étatique qui assure avoir "réussi à contrôler l'alimentation en gaz, augmenter significativement l'extraction de gaz et diminuer l'intensité" du brasier. Mais les travaux sont compliqués par la particularité géologique du désert, a indiqué à l'AFP un spécialiste de Turkmengaz, sous couvert d'anonymat. Les gisements (d'hydrocarbures) du Karakoum se caractérisent par la présence d'un grand nombre de couches minces, intercalées avec des couches denses contenant de l'eau",résume-t-il.
Au lieu d'avoir une grande poche gazière qui s'épuiserait, "la longue combustion du cratère s'explique par l'interaction de ces couches" multiples, détaille-t-il. "Dès que l'intensité du flux de gaz dans le cratère diminuera, il sera possible d'isoler la surface du cratère, éliminant ainsi complètement les émissions incontrôlées de gaz dans l'atmosphère", estime le collaborateur de Turkmengaz. Impossible cependant de visiter les installations de Turkmengaz sans de multiples autorisations non reçues par l'AFP. Quant aux rares données communiquées par autorités, elles sont généralement invérifiables.
Tourisme menacé
Les "portes de l'Enfer" se sont ouvertes en 1971, quand des géologues soviétiques étudiant les riches sous-sols du Karakoum, désert aussi grand que l'Allemagne, ont percé accidentellement une poche de gaz. "La plateforme de forage s'est effondrée sous terre. La libération incontrôlée de gaz menaçait d''intoxiquer la population et les animaux", explique à l'AFP Anatoly Bouchmakine, scientifique turkmène de 90 ans. "Les géologues ont décidé d'y mettre le feu, espérant qu'il s'éteindrait rapidement. Mais le cratère brûle toujours", poursuit M.Bouchmakine, pour qui cet incident a au moins "permis aux scientifiques d'évaluer très précisément les perspectives gazières dans cette zone". Mais fermer Darvaza risque de mettre à mal l'embryonnaire tourisme local.
Ce pays recouvert par les sables ne compte presque aucune attraction touristique et souffre de la comparaison avec les pays voisins. Et pour la poignée d'étrangers ayant réussi à obtenir un visa pour visiter ce pays fermé sous étroite surveillance, ce lieu est en tête de liste. "Ce n'est un secret pour personne que la plupart des touristes étrangers viennent au Turkménistan pour admirer ce miracle", dit à l'AFP Ovez Mouradov, employé d'une agence locale de voyages. "Si Darvaza cesse complètement de brûler, de nombreuses agences de voyages perdront des revenus".