01 - Vivre en France

 
La police française a tué Nahel parce que le racisme français le permettait [extrait]
par Crystal M. Fleming, professeur de sociologie et d’études africaines à l’Université de Stony Brook à New York, auteure de "Resurrecting Slavery: Racial Legacies and White Supremacy in France" (Temple University Press, 2017)
Al Jazeera - 30 jun 2023
https://www.aljazeera.com/opinions/2023/6/30/french-police-killed-nahel-because-french-racism-enabled-it 

Cette semaine, la police française a brutalement tué un jeune de 17 ans en plein jour lors d’un contrôle routier. La police a d’abord menti et accusé le jeune homme d’avoir tenté d’écraser un agent. Et, comme c’est souvent le cas, les médias nationaux ont rapporté les fabrications policières comme des faits – jusqu’à ce que la vidéo d’un téléphone portable d’un passant révèle la vérité dévastatrice.

À l’heure actuelle, les gens du monde entier ont vu les images horribles de la police française brandissant des fusils et menaçant les occupants d’un véhicule jaune dans la banlieue parisienne de Nanterre avant d’exécuter sommairement le conducteur adolescent d’une balle dans la tête alors qu’il s’éloignait. Contrairement aux fausses affirmations de la police, aucun agent ne se tenait devant la voiture ou n’était menacé physiquement par le jeune qui s’éloignait.
Les images de la fusillade ont produit ce que le sociologue français classique Émile Durkheim appellerait un « choc pour la conscience collective ». Des manifestations ont éclaté dans tout le pays, pour se heurter au déploiement de milliers de policiers, à des gaz lacrymogènes et à des promesses de rétablir « l’ordre public ».

Malheureusement, il n’est pas surprenant que Nahel, l’adolescent français dont la vie a été tragiquement écourtée par la police, soit d’origine algérienne.
La France a une longue et sordide histoire de racisme colonial et de violence contre les personnes racialisées [Je conteste ce mot qui apparaît par 3 fois dans ce texte 1/ parce que la "race" humaine n'existe pas: l'Homme est une espèce. 2/ parce que utiliser ce mot est une façon d'admettre la "race" et donc d'être raciste. Pas besoin de faire de surenchère verbale. Le mot "immigré" dit bien ce qu'il veut dire. Et puis, 3/ marre d'entendre des insultes qui se terminent par "ta race"; ndc] comme « non blanches », allant d’Haïti, de la Guadeloupe et de la Martinique dans les Caraïbes à l’île de la Réunion dans l’océan Indien, en Afrique du Nord et de l’Ouest ainsi qu’au Vietnam, parmi de nombreuses autres populations. La France a impitoyablement opprimé le peuple algérien en particulier – y compris ceux qui sont citoyens français.

En effet, la colonisation française de l’Algérie remonte au début des années 1800 et impliquait l’utilisation généralisée de la violence brutale et des massacres pour établir la domination française.
Pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962), des centaines de milliers et peut-être plus d’un million d’Algériens ont été massacrés et systématiquement torturés par le régime français dans une tentative désespérée de maintenir leur empire colonial au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

Les violences policières ont également historiquement ciblé les Arabes et les Noirs en France. En 1961, la police française a tué plus de 100 Arabes français qui manifestaient pacifiquement à Paris.
Des dizaines de milliers de personnes ont défilé en faveur de l’indépendance de l’Algérie et pour protester contre le couvre-feu imposé pour réprimer la dissidence. En réponse, la police a tué des Algériens français dans les rues, noyant même des manifestants dans la Seine. La plus jeune mort documentée était celle d’une autre adolescente, Fatima Beda, âgée de 15 ans. À une époque bien antérieure aux téléphones intelligents, les autorités françaises se sont livrées à une dissimulation effrontée et largement réussie qui a duré des décennies. Il a fallu plus de 50 ans pour qu’un président français reconnaisse ce qui s’est passé. Même maintenant, il n’y a pas eu d’excuses officielles.

Le contexte historique du racisme colonial et du maintien de l’ordre qui a conduit à l’assassinat de Nahel à Nanterre est largement absent des récits dominants des politiciens français blancs et des experts des médias.
Malgré le fait que les meurtres policiers en France sont en augmentation, la majorité des victimes étant noires ou arabes, la réalité du racisme systémique en France est régulièrement et agressivement niée par les autorités françaises sous le double voile du daltonisme et de l’arrogance culturelle.
Les Français blancs en particulier sont plus à l’aise d’interpréter l’exécution d’un jeune Nord-Africain français en 2023 comme résultant de problèmes insolubles d’immigration et de pauvreté dans les banlieues (connues sous le nom de « banlieues ») ou la conséquence d’un policier mal formé appuyant sur la gâchette – la proverbiale « pomme pourrie ».

À la suite de manifestations massives, le président français Emmanuel Macron a qualifié le meurtre d'« inexplicable ». Mais cela aussi est encore une autre fabrication française et une forme de déni persistant. La mort de Nahel n’est pas un mystère insoluble – c’était le résultat d’un racisme systémique.
Des études ont depuis longtemps démontré l’étendue des préjugés raciaux dans la police française ciblant les Arabes et les Noirs en particulier. En 2020, le médiateur français des droits de l’homme a constaté que les jeunes hommes racialisés en tant qu’Arabes ou Noirs sont 20 fois plus susceptibles d’être profilés et interpellés par la police.

La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance met depuis longtemps en garde contre la discrimination raciale perpétrée par la police française, et les communautés sur le terrain reconnaissent souvent le lourd tribut de la diabolisation et du harcèlement en raison de l’idéologie raciste. Les noms des minorités racialisées qui ont été victimes de violences policières en France au cours des deux dernières décennies – Zyed et Bouna, Adama Traoré, Théo, entre autres – ont laissé un bilan angoissant d’impunité policière. (...)

La véritable violence en jeu n’est pas seulement l’incendie de bâtiments et la destruction de biens – c’est le coût humain très réel de victimes comme Nahel qui s’ajoutent au nombre de cadavres produits par des siècles d’oppression française.

[Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d’Al Jazeera] [ni même ma pensée; ndc}

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