Le Monde d'Antigone

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Dernière mise à jour : 01.10.2025
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Dom Phillips et Bruno Pereira, deux amoureux de l'Amazonie

Publié le 17/06/2022 à 00:26 par monde-antigone

 
La mort de Bruno Pereira et Dom Phillips confirmée, vague d'indignation dans le pays
correspondance à Sao Paulo de Martin Bernard
RFI - 17 jun 2022
https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20220617-br%C3%A9sil-la-mort-de-bruno-pereira-et-dom-phillips-confirm%C3%A9e-vague-d-indignation-dans-le-pays


Les dépouilles mortelles de Bruno Pereira et Dom Phillips, assassinés en Amazonie la semaine dernières, ont été acheminées par avion à Brasilia, la capitale brésilienne. Le double assassinat a soulevé une vague d’indignation au Brésil.

Après dix jours d'intenses recherches, la police fédérale a annoncé mercredi qu'un des deux suspects, le pêcheur Amarildo da Costa de Oliveira, avait reconnu avoir enterré les corps des deux hommes, disparus depuis le 5 juin lors d'une expédition dans la Vallée amazonienne du Javari. Sur les lieux, la police a découvert des « restes de corps humains » ayant « 99 % de probabilité » d'appartenir aux deux hommes. Enfermés dans deux cercueil de bois, ils sont arrivés jeudi soir à Brasilia pour l'identification définitive.

La police a communiqué tard jeudi sur les traces de sang retrouvées sur le bateau d'Amarildo da Costa de Oliveira lors de son arrestation la semaine dernière. Elles ne correspondent pas à l'ADN de Dom Phillips et des « examens complémentaires » sont nécessaires pour déterminer si c'est celui de Bruno Pereira. En outre, « aucun ADN humain n'a été détecté » dans les viscères trouvés flottant sur le fleuve. Cette découverte avait été annoncée par le président Jair Bolsonaro lors d'une interview radio qui avait conclu: « Tout porte à croire qu'on leur a fait du mal ». [L'examen odontologique des prélèvements analysés vendredi dans un laboratoire à Brasilia permet de dire de façon certaine que ces restes humains sont bien ceux de Dom Phillips et Bruno Pereira; ndc]

L'enquête se poursuit pour déterminer le mobile du crime, les circonstances de la mort apparemment « par arme à feu », le rôle exact joué par les deux suspects arrêtés, Amarildo da Costa et son frère Oseney, et leurs éventuels complices. Selon la presse brésilienne, trois autres suspects ont été identifiés, dont le commanditaire présumé des meurtres. La police fédérale n'a pas confirmé l'information mais n'a pas exclu d'autres arrestations.

Jair Bolsonaro a discrètement présenté ses condoléances aux familles des victimes sur Twitter, mais le président brésilien a surtout fait face à une avalanche de critiques. « Ce meurtre cruel et brutal est la preuve concrète de l’absence totale de l’Etat brésilien en Amazonie et à l’égard de tous ceux qui donnent leurs vies pour lutter contre la déforestation », affirme Ana Toni, de l’institut Climat et Société. « Il semble, dit-elle, que l’État a livré l’Amazonie à des milices et à des criminels ».

Côté politique, l’ancien président Lula a également réagi. « C’est très triste parce que ce pays est très grand, ce pays est très civilisé, et ce pays ne peut pas paraître à la face du monde comme si nous n’étions pas civilisés. Que nous tuons les défenseurs de l’Amazonie, que nous tuons les défenseurs des indigènes, qu’ils les tuent parce qu’ils défendent la lutte contre les orpailleurs en terre indigène ».

Le journaliste Dom Philips avait interpellé le président Bolsonaro lors d’une conférence de presse, en lui demandant comment il allait préserver l’Amazonie. Jair Bolsonaro avait alors rétorqué au journaliste britannique : « Vous devez d’abord comprendre que l’Amazonie appartient au Brésil, elle n’est pas à vous ! »


Brésil: Un suspect dit avoir enterré les corps des deux disparus
par Filipe Augusto, avec Eugenia Logiuratto à Rio
AFP, TV5 Monde - 16 jun 2022
https://information.tv5monde.com/info/bresil-un-suspect-dit-avoir-enterre-les-corps-des-deux-disparus-460720


Dix jours après la disparition du journaliste britannique Dom Phillips et de l'expert brésilien Bruno Pereira en Amazonie, les pires craintes se sont confirmées mercredi: un suspect a reconnu avoir enterré leurs corps et des "restes humains" ont été retrouvés sur les lieux des recherches. "Hier soir nous avons obtenu les aveux du premier des deux suspects arrêtés (...) qui a raconté en détail comment le crime a été commis et nous a dit où les corps avaient été enterrés", a expliqué lors d'une conférence de presse à le chef de la police fédérale de l'Etat d'Amazonas, Eduardo Alexandre Fontes, à Manaus, la plus grande ville d'Amazonie, dans le nord du Brésil.

Le policier a indiqué que le suspect, un pêcheur de 41 ans nommé Amarildo da Costa de Oliveira, avait reconnu avoir participé au "crime", mais sans préciser son rôle. Le pêcheur avait été amené par la police sur les lieux des recherches pour leur montrer l'endroit précis. Oliveira dit que les deux hommes ont été tués "par arme à feu", a précisé le policier, qui n'exclut pas de nouvelles arrestations. Peu avant, des caméras de télévision avaient filmé le suspect sortant d'un commissariat pour être amené en bateau sur les lieux des recherches menées par les forces de l'ordre.

Amarildo da Costa de Oliveira, surnommé "Pelado", a été arrêté dès le 7 juin. Des témoins ont dit l'avoir vu passer à vive allure à bord d'un bateau allant dans la même direction que l'embarcation de Dom Phillips et Bruno Pereira, avant leur disparition. Le second suspect, Oseney da Costa de Oliveira, dit "Dos Santos", a été arrêté mardi, "soupçonné de participation à l'affaire", selon la police fédérale. Selon le site G1, ce serait le frère du premier suspect. "Des excavations ont été effectuées sur place, les fouilles vont continuer, mais des restes humains ont déjà été retrouvés", a ajouté M. Fontes. "Dès que nous aurons pu vérifier grâce à l'expertise qu'il s'agit bien de restes des corps de Dom Phillips et Bruno Pereira, ils seront restitués aux familles".

L'épouse brésilienne du journaliste, Alessandra Sampaio, a tenu à remercier dans un communiqué "toutes les équipes qui ont mené les recherches, notamment les indigènes bénévoles" dont l'absence lors de la conférence de presse a été critiquée par de nombreux observateurs. "Même si nous attendons encore les confirmations définitives, ce dénouement tragique met fin à l'angoisse de ne pas savoir où de trouvaient Dom et Bruno. À présent, nous allons pouvoir les ramener à la maison et leur dire adieu avec amour", a-t-elle déclaré. "Aujourd'hui, nous débutons aussi notre combat pour la justice (...) Nous n'aurons la paix que quand seront prises les mesures nécessaires pour que de telles tragédies ne se reproduisent pas".

Le journaliste britannique et l'expert brésilien avaient été vus pour la dernière fois le 5 juin, durant une expédition dans la zone de la Vallée de Javari. Cette région proche de la frontière avec le Pérou et la Colombie est réputée très dangereuse, s'y déploient de multiples trafics de drogue, de pêche ou d'orpaillage illégal. Elle est devenue ces dernières années un axe stratégique pour les gangs de narcotrafiquants qui acheminent par voie fluviale de la cocaïne ou du cannabis produits dans les pays voisins du Brésil, notamment la Colombie et le Pérou.

Auteur de dizaines de reportages sur l'Amazonie, Dom Phillips, 57 ans, s'était rendu une nouvelle fois dans la région dans le cadre de ses recherches pour un livre sur la préservation de l'environnement. Bruno Pereira, 41 ans, expert reconnu et défenseur des droits des peuples autochtones, a travaillé durant de nombreuses années à l'agence gouvernementale brésilienne pour les affaires indigènes (Funai). Il a notamment dirigé l'antenne de la Funai à Atalaia do Norte (nord-ouest), localité où les deux hommes étaient censés rentrer en bateau quand ils ont disparu, ainsi qu'un programme de protection de groupes indigènes isolés de la Vallée de Javari.

Père de trois enfants, Bruno Pereira a relaté à plusieurs reprises avoir été la cible de menaces par des bûcherons, des mineurs et des pêcheurs illégaux qui tentaient d'empiéter sur les terres protégées. Installé au Brésil il y a 15 ans, Dom Phillips était marié avec une Brésilienne et avait entrepris des démarches pour adopter un enfant. Leur disparition a suscité une vive émotion dans le monde entier, avec des réactions de personnalités politiques de premier plan et de célébrités comme les membres du groupe de rock irlandais U2.

Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, favorable à l'exploitation minière et agricole de réserves indigènes en Amazonie, a été fortement critiqué pour avoir qualifié l'expédition des deux hommes d'"aventure peu recommandable". Mercredi, il a affirmé que Dom Phillips était "mal vu" en Amazonie parce qu’il avait écrit "de nombreux reportages contre les orpailleurs, sur l'environnement". "Dans cette région très isolée, beaucoup de gens ne l'aimaient pas. Il aurait dû redoubler de précautions (...) Là-bas, il y a des pirates sur le fleuve, c'est imprudent d'arpenter les lieux sans être armé", a-t-il ajouté, lors d'un entretien à la chaîne Youtube de la journaliste Leda Nagle.


Brésil: Un journaliste britannique et un expert brésilien disparaissent en Amazonie
AFP, TV5 Monde - 07 jun 2022
https://information.tv5monde.com/info/bresil-un-journaliste-britannique-et-un-expert-bresilien-disparaissent-en-amazonie-459502


RIO DE JANEIRO – (...) Située dans le sud-ouest de l'Amazonie, non loin du Pérou, la Vallée de Javari est très difficile d'accès et abrite des tribus dont une vingtaine sont totalement isolées. Cette région connaît une escalade de la violence armée en raison de la présence de mineurs, orpailleurs ou chasseurs clandestins. (...)

Ils avaient "reçu des menaces sur le terrain la semaine (précédant) leur disparition", ont révélé dans un communiqué l'Union des organisations indigènes de la Vallée Javari (Univaja) et l'Observatoire pour les droits humains des peuples indigènes isolés et récemment contactés (OPI). Ces dernières n'ont pas précisé le type de menaces reçues, mais Bruno Araujo Pereira, fin connaisseur de la région et qui a longtemps travaillé à la Funai (...) a régulièrement fait l'objet de menaces de la part d'exploitants forestiers et miniers clandestins convoitant des terres indigènes. (...)

Selon l'Univaja et l'OPI, les deux hommes ont quitté Atalaia do Norte, dans l'Etat d'Amazonas, pour interviewer des habitants autour d'une base de la Funai, et ont rejoint le lac Jaburu vendredi soir. Ils ont ensuite pris le chemin du retour dimanche matin, et devaient revenir aux alentours de 9h locales à Atalaia do Norte. Mais ils ont fait un arrêt dans la communauté de Sao Rafael, où Bruno Pereira avait prévu un rendez-vous avec le chef local afin d'évoquer la question des patrouilles indigènes pour combattre les "invasions" de terres, de plus en plus fréquentes sous le gouvernement de Jair Bolsonaro.

Selon le journal O Globo, deux pêcheurs ont été arrêtés par la police dans la nuit de lundi à mardi, dont une personne avec qui les deux hommes avaient rendez-vous. Le journal ne précise pas s'il s'agit de ce chef local. Ce dernier n'arrivant pas, les deux hommes ont décidé de rentrer à Atalaia do Norte, à 2 heures en bateau, selon les deux organisations. Ils ont été vus pour la dernière fois à Sao Gabriel, en aval, non loin de Sao Rafael. Ils voyageaient sur un bateau neuf, avec 70 litres d'essence, soit "suffisamment pour le voyage", et possédaient un équipement de communication satellitaire, selon la même source. La base de la Funai dans la Vallée de Javari a été attaquée plusieurs fois ces dernières années. En 2019, un représentant de la Funai y avait été abattu.


Dom Phillips et Bruno Pereira, deux amoureux de l'Amazonie
par Eugenia Logiuratto
Bourse direct - 16 jun 2022
https://www.boursedirect.fr/fr/actualites/categorie/societe/dom-phillips-et-bruno-pereira-deux-amoureux-de-l-amazonie-afp-00a8f1bff51c7e39302a34add569843c9c99b2a1


Le journaliste britannique Dom Phillips et l'expert brésilien des indigènes Bruno Pereira, disparus depuis dix jours et dont les corps ont été enterrés selon les premiers aveux mercredi d'un suspect, étaient des passionnés d'Amazonie.

Dom Phillips, âgé de 57 ans, était un collaborateur régulier du quotidien britannique The Guardian, installé au Brésil depuis 15 ans. Il a d'abord vécu dans le Sud-est, à Sao Paulo, puis à Rio de Janeiro, avant de s'installer il y a quelques années à Salvador (nord-est), avec son épouse brésilienne, Alessandra Sampaio. Ce passionné d'Amazonie a fait des dizaines de reportages dans les zones où il se trouvait il y a encore 10 jours, enquêtant pour un livre sur la vallée de Javari, avec l'appui de la Fondation Alicia Patterson, basée aux Etats-Unis.

Au Brésil, Dom Phillips a souvent enquêté sur l'avancée des mineurs et des éleveurs clandestins dans des régions protégées pour divers médias tels que The New York Times, The Washington Post, The Financial Times ou The Intercept, outre The Guardian. "Belle Amazonie", a-t-il écrit le 30 mai sur son compte Instagram, l'une de ses dernières publications, avec une vidéo où il navigue sur une rivière à bord d'une petite embarcation.

Avant d'arriver au Brésil en 2007, Phillips a été rédacteur en chef d'une revue musicale au Royaume Uni, Mixmag, et a publié un livre sur la culture des DJs. C'est l'univers musical et culturel du Brésil qui l'a attiré pour un voyage à Sao Paulo, où il est resté finalement. "Il s'est senti à la maison au Brésil", ont écrit des correspondants étrangers dans une lettre publiée par le quotidien O Globo. Il s'est impliqué dans divers projets sociaux, dans les favelas de Rio de Janeiro ou de Salvador. "Pour ses amis, c'est un type souriant qui se lève avant le soleil pour aller faire du stand-up paddle", disent ses amis journalistes dans la même lettre. Dom Phillips, ajoutent-ils, attendait "avec impatience" la fin des démarches "pour pouvoir adopter un enfant avec son épouse".

Bruno Pereira, âgé de 41 ans, a été des années durant un expert de la Funai, organisme chargé des affaires des indigènes du Brésil, et un défenseur reconnu des droits des autochtones. Cet homme marié et père de trois enfants a été coordinateur régional de la Funai à Atalaia do Norte, municipalité vers laquelle il se dirigeait le 5 juin avec Dom Phillips lorsqu'ils ont disparu. Il a également été le coordinateur de l'unité des indigènes isolés ou récemment contactés de la Funai, pour laquelle il a été chargé de l'une des plus grandes expéditions récentes destinée à contacter des groupes ethniques isolés et éviter des conflits entre eux.

Il était en disponibilité de la Funai et se dédiait, avec diverses ONG, à des projets de surveillance de la sécurité des villages de la vallée de Javari, un territoire indigène immense frontalier du Pérou sous la pression des narcotrafiquants, des pêcheurs, des bûcherons et des orpailleurs clandestins. Son action en faveur des peuples indigènes lui a valu des menaces régulières, y compris de mort, de ces groupes criminels. Quand ils ont disparu, Bruno Pereira servait d'accompagnateur et de guide à Dom Phillips, pour son deuxième voyage dans cette région très reculée. Il était "courageux et très impliqué", a dit à l'AFP Fiona Watson, directrice des recherches de l'ONG Survival International. "En fait il a été écarté de la Funai parce qu'il faisait ce que cet organisme devrait faire et ne fait plus depuis que (le président) Jair Bolsonaro est arrivé au pouvoir: défendre les peuples indigènes".


L’accélération de la disparition de la forêt amazonienne menace les peuples autochtones
par Félix Bhérer-Magnan, étudiant au doctorat en science politique, Université Laval
The Conversation - 13 jun 2022
https://theconversation.com/lacceleration-de-la-disparition-de-la-foret-amazonienne-menace-les-peuples-autochtones-183768


Les forêts s’amenuisent chaque année dans le monde. Et le Brésil est l’épicentre du phénomène. Selon le Fonds mondial pour la nature, plus du quart de la forêt amazonienne sera dépourvue d’arbres d’ici 2030 si la vitesse à laquelle ils tombent se maintient. Si rien ne se passe, on estime même que 40 % de cette forêt unique au monde sera rasée d’ici 2050.

Au-delà des conséquences matérielles et environnementales, cette déforestation menace certains droits humains, notamment le droit à la vie, à l’intégrité physique, à une qualité de vie raisonnable et à la dignité des communautés marginalisées. Le Brésil est l’un des cas les plus inquiétants en ce sens.

Massacre à la tronçonneuseL’article 25 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007) a statué que ces communautés possèdent pleinement le « […] droit de maintenir et de renforcer leur relation distinctive avec leurs terres, territoires, eaux et mers côtières et autres ressources qui leur appartiennent ou qu’ils occupent et utilisent traditionnellement […] ». Cet article n’est pas respecté par l’État brésilien en Amazonie.

Même si le pays s’était engagé à réduire de façon significative la déforestation et limiter les coupes à blanc à 3.925 km², les données de Human Rights Watch, une organisation internationale de défense des droits de la personne, démontrent que les tronçonneuses ont rasé près de 13.000 km² de forêts tropicales vierges, rendant vulnérables encore plus les communautés de peuples autochtones.

Le taux de déforestation sur les territoires où vivent ces communautés s’est accru de 34 % entre 2018 et 2019, alors que le pays s’était pourtant engagé en 2009 à le réduire de 80 %. Cela entraîne des déplacements forcés sur des centaines de kilomètres, des problèmes de santé majeurs et une perte de repères. Selon Human Rights Watch, ce sont près de 13.235 km² de forêt vierge amazonienne qui ont subi une coupe à blanc entre août 2020 et juillet 2021, soit une augmentation de 22 % de la superficie coupée à blanc par rapport à la même période l’année précédente. Cela coïncide avec l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro. Juste pour le mois de janvier 2022, on enregistre la destruction de 430 km2 de forêt tropicale, une superficie cinq fois plus élevée qu’au mois de janvier 2021.

Menaces et assassinatsDe multiples abus sont répertoriés depuis les débuts de la colonisation, dont l’empiètement illégal de l’État brésilien sur des territoires officiellement autochtones. Mais sous l’actuel président Bolsonaro, les réseaux criminels accentuant la déforestation de l’Amazonie se sont multipliés. Le crime organisé considère les grandes industries du bois et de l’agriculture comme autant d’opportunités pour déplacer et blanchir de l’argent. Il exploite illégalement des territoires forestiers puis cache de la drogue dans des expéditions de bois à destination de l’Europe ou de l’Asie.
Des experts qualifient de "narcodéforestation" ce phénomène illégal. De nombreux sites d’extraction d’or et de minerais illégaux sont aussi en activité en Amazonie, et les entreprises qui les gèrent profèrent souvent des menaces envers la communauté indigène Munduruku qui y habite.

À la grandeur de l’Amazonie, les personnes et les militants qui résistent à ces coupes sont menacées, harcelées et souvent tuées. En 2019, l’ONG Global Witness a enregistré 24 décès de défenseurs de l’environnement et du territoire, dont la quasi-totalité est survenue en Amazonie. Le Brésil se retrouve ainsi en 3e position des pays les plus meurtriers à l’égard des défenseurs environnementaux, après la Colombie et les Philippines.

L’actualité vient nous le rappeler: Bruno Araujo Pereira, défenseur des droits environnementaux et des droits des autochtones, et le journaliste britannique Dom Phillips, sont portés disparus depuis le 5 juin en Amazonie dans une région réputée « sans foi ni loi ». Ils avaient reçu des menaces de mort peu avant, selon l’organisation locale partie à leur recherche. La police brésilienne a déclaré dimanche que des équipes de recherche avaient découvert leurs effets personnels et lundi, que des corps ont été repérés dans la zone de leur disparition. Ils n'ont toutefois pas encore été formellement identifiés.

Par ailleurs, le nombre de décès attribuable à la défense de l’environnement et du territoire pourrait être largement sous-estimé, puisque les données ne sont pas disponibles et transparentes pour tous les pays. Un rapport de l’ONU révèle qu’une forte corrélation existe entre l’aggravation des changements climatiques et la détérioration des droits de la personne dans le monde.

Les femmes et les enfants, principales victimes de la déforestation - La déforestation affecte disproportionnellement les communautés autochtones, notamment les enfants et les femmes. Elle accentue la pression qui repose déjà en plus grande partie sur les épaules des femmes pour nourrir leurs enfants et leur famille tout en limitant l’accès à des produits essentiels, dont des médicaments.

En effet, leur santé repose sur l’accès à des produits naturels médicinaux que l’on retrouve dans la biodiversité. L’Amazonie est un réservoir majeur de substances entrant dans la fabrication de plusieurs produits pharmaceutiques disponibles sur le continent sud-américain. Encore aujourd’hui, près de 80 % de la population des pays en voie de développement compte sur les produits naturels médicinaux pour leur soin de base primaire. Dans la majorité des communautés, ce sont aussi les femmes qui sont responsables de cultiver la terre et d’assurer le transport et le traitement de l’eau.

Les enfants sont autant à risque. Par exemple, une étude réalisée dans les pays de l’Afrique subsaharienne montre un lien entre la perte de couvert forestier et la dégradation des conditions de santé des plus jeunes. La malnutrition, causée par la réduction de la disponibilité des fruits, des légumes et des noix, peut affecter la croissance des enfants. L’exposition des enfants à la fumée des multiples feux de forêt en Amazonie est aussi susceptible de causer des problèmes respiratoires voire des pathologies plus graves chez les enfants.

Plus on cultive, plus on coupe des arbres - La déforestation au Brésil propose un avant-goût de l’impact qu’auront les changements climatiques sur les droits humains, autant en Amérique latine qu’ailleurs dans le monde. De plus, en raison de la guerre en Ukraine, le plus grand pays d’Amérique du Sud compte suppléer au déficit de ressources alimentaires sur les marchés mondiaux, comme le blé et le grain.

Bien que la contribution du Brésil soit appréciée par les pays les plus touchés par la crise alimentaire résultant du conflit en Ukraine comme le Soudan, le Pakistan et Haïti, l’augmentation de la production risque d’accélérer dangereusement la déforestation et on peut s’attendre à une hausse des violations des droits de la personne.
Chose certaine, l’un des poumons de notre planète est gravement malade et le temps presse.


18/06/2022 >> La police brésilienne indique que les deux hommes ont été tués par "arme à feu". Pereira a été atteint par trois tirs, dont un à la tête, et Phillips par une balle au thorax. Un pêcheur qui aurait "participé activement au double homicide" s'est rendu samedi matin. L'Univaja (Union des peuples indigènes de la Vallée de Javari) réfute la version policière expliquant qu'"un groupe organisé avait planifié le crime dans ses moindres détails", et que cette "organisation criminelle" avait "tenté à tout prix d'effacer ses traces au cours de l'enquête".

24/01/2023 >> La police brésilienne annonce avoir réuni des "preuves solides" permettant d'identifier "le cerveau" du double meurtre au mois de juin en Amazonie. D'après ses conclusions, Ruben da Silva Villar, alias "Colombia" serait "le cerveau dres crimes". En détention depuis décembre, celui-ci est soupçonné de diriger une organisation criminelle de pêche illégale dans la vallée de Javari.