Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Dernière mise à jour :
05.09.2025
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Qui pourrait faire revenir Poutine à la raison ? Personne parmi ses proches ne prend le risque de contredire le maître du Kremlin, comme au temps de Staline. Les derniers principes qui guidaient la politique étrangère de la Russie (coexistence, stabilité, prudence) ont été mis à la poubelle en l'espace de quelques semaines. S'il y en a qui désapprouvent cette invasion suicidaire de l'Ukraine, ils se taisent, bafouillent ou baissent la tête, comme Guerassimov et Naryshkin au Conseil de sécurité du 21 février, l'un hôchant la tête sans conviction, l'autre ânonnant son allégeance.
Poutine est de plus en plus isolé sur la scène internationale. Même le Venezuela et Cuba ont pris leurs distances. Il n'y a guère que les régimes dictatoriaux de Kim Jong-Un (Corée du Nord), Assad (Syrie) et Afewerki (Erythrée) qui lui apportent encore leur soutien à l'ONU.
Cette fuite en avant s'inscrit dans la dérive que l'on a constaté après la mise à l'écart des libéraux (Alexeï Koudrine, Sergueï Ivanov) entre 2011 et 2016, remplacés par les "siloviki", clan formé par les hommes issus des forces de sécurité et anciens du KGB. Cette dérive n'a fait que s'accélérer dans un contexte international dominé par l'arrivée au pouvoir de Trump et la montée en puissance des populistes européens.
Poutine est décrit aujourd'hui comme un homme seul et paranoïaque [Zelensky dit qu'il vit dans "une bulle". En fait, il ne sort plus de son bunker au Kremlin]. Le pouvoir nuit gravement à sa santé. Il se croit revenu en 1941 quand Hitler déclencha l'opération Barbarossa. Il veut revenir au monde tel qu'il était avant la chute du Mur de Berlin. Il se voit commander une nouvelle "Grande guerre patriotique" pour restaurer l'empire perdu. Avec lui, c'est le grand bond vers le passé. Il mène une guerre d'un autre temps. Personne n'ose lui dire que l'on vit au XXIe siècle...
On ne s'interroge pas seulement sur son état mental, sa santé suscite aussi des questions. En l'espace de deux ans, il a changé physiquement. Il ne ressemble plus à ses caricatures, visage allongé. Il est devenu bouffi. Certains le disent malade. Des médecins croient avoir décelé des tremblements sur sa main droite. Maladie de Parkinson ? cancer incurable ? Covid long ? syndrome d'Asperger ? Il serait sous cortisone, traité au Botox ? Toutes sortes de rumeurs circulent ...
Chose étonnante: il met de plus en plus de distance avec son proche entourage, le premier cercle du pouvoir. En attestent ces longues tables surdimensionnées, du genre de celle du Roi Charles V et Trois font Huit et Huit font Seize dans "Le roi et l'oiseau". Poutine se tient à un bout tandis que Lavrov, ses généraux, ou même Macron, sont repoussés à une dizaine de mètres à l'autre bout de la table, au fond de la salle... Pourquoi ? Personne n'apporte de réponse.
L'article de France 24 fait un portrait de ses deux plus proches collaborateurs dont l’accord est nécessaire pour déclencher le feu nucléaire: Choïgou et Guerassimov. Il oublie un troisième personnage qui est une sorte de générateur de secours au cas où l'armée se retournerait, au cas où Choïgou et Guerassimov trahiraient Poutine. C'est Viktor Zolotov, le chef de la Garde nationale, ancien chef de la sécurité du président, formé au KGB.
Sergueï Choïgou et Valéri Guerassimov, les maîtres de guerre de Vladimir Poutine
par Sébastian Seibt
France24 - 03 mar 2022
https://www.france24.com/fr/europe/20220303-sergue%C3%AF-cho%C3%AFgou-et-val%C3%A9ri-guerassimov-les-ma%C3%AEtres-de-guerre-de-vladimir-poutine
Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major des armées sont devenus, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, des pièces centrales du drame mis en scène par Vladimir Poutine.
Quand Vladimir Poutine n’est pas seul face à l’écran, ils sont presque systématiquement là. Depuis le début de l’invasion en Ukraine, le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major des armées, Valeri Guerassimov, sont devenus les visages de la guerre. Ces deux proches du maître du Kremlin jouaient, par exemple, les faire-valoir militaires de Vladimir Poutine lorsque ce dernier a annoncé à la télévision, le 28 février, avoir mis la puissance nucléaire russe en alerte.
Pas surprenant que le Kremlin ait décidé de mettre Sergeï Choïgou et Valeri Guerassimov sur le devant de la scène. Aux yeux du président russe, ils sont les artisans de la campagne victorieuse d’annexion de la Crimée en 2014, de la stratégie militaire russe en Syrie, et du soutien des rebelles prorusses de la région du Donbass.
Ils sont aussi perçus comme faisant partie des plus fidèles parmi les fidèles de Vladimir Poutine et semblent évoluer en permanence en binôme. Ils ont, en effet, été nommés tous les deux en 2012 à quelques semaines d’intervalle à leur poste respectif, et selon un adage, Sergueï Choïgou restera en poste aussi longtemps que Valeri Guerassimov demeurera chef d’état-major et vice-versa. Pourtant, ces deux hommes placés en première ligne pour mettre en œuvre la volonté du président russe en Ukraine ont des parcours et des profils très différents.
Sergueï Choïgou, ministre de la Défense
Il est l’éternel dauphin. Sergueï Choïgou est l’un des rares membres du premier cercle du pouvoir a avoir eu autant d'influence sous Boris Eltsine, à la fin des années 1990, que sous Vladimir Poutine. Cet apparatchik a commencé sa carrière politique à la fin de l’ère soviétique, pour devenir, en 2012, un ministre de la Défense sans expérience militaire. Une particularité qui n’est pas rare sous Vladimir Poutine, soucieux d'écarter les gradés à ce poste. Mais Sergueï Choïgou n’a pas non plus l'expérience des services secrets, ce qui est beaucoup moins fréquent parmi les proches de Poutine.
Sa grande qualité est qu’il est « un serviteur pour les tsars et un père pour les soldats », écrit le quotidien russe Moscow Times, paraphrasant le célèbre poème "Borodino", de Mikhaïl Lermontov, à la gloire de l’héroïsme de l’armée russe. Moins lyrique, Sergueï Konvis, un politicien de la région de Touva, en Sibérie, d’où Sergueï Choïgou est originaire, décrit le ministre de la Défense comme un “parfait caméléon”, capable de se transformer à volonté pour se plier au bon plaisir des dirigeants.
Ainsi, sous Boris Eltsine, il s’est fait connaître au poste de ministre des Situations d’urgence. Au tournant du XXIe siècle, cet organisme était devenu un véritable petit État dans l’État, avec plus de 350.000 hommes et même une police spécifique prête à se déployer au moindre incendie sur le sol russe. Un ministre très actif qui ne manquait pas de se déplacer sur les lieux d’un drame, ce qui lui a valu une forte popularité… et le titre de dauphin de Boris Eltsine.
Mais c’est Vladimir Poutine qui a pris le pouvoir en 2002. Sergueï Choïgou n’a pas eu l’air d’en prendre ombrage et s’est immédiatement mis au service du nouvel homme fort du Kremlin. Il a notamment dirigé le parti Russie unie, à la solde de Vladimir Poutine, afin de cimenter l’emprise du président sur le jeu politique russe. Sergueï Choïgou a aussi invité plusieurs fois Vladimir Poutine dans sa maison à Touva, où il a organisé de très médiatiques parties de pêche.
Il n’est cependant pas qu’un courtisan hors pair. Sergueï Choïgou est décrit comme le responsable d’une vaste modernisation de l’armée russe, souligne le Guardian britannique. C’est aussi lui qui, en tant que ministre de la Défense, a supervisé le très redouté GRU - le service de renseignement militaire russe - qui est soupçonné d’avoir multiplié, dans les années 2010, les opérations d’assassinat en Europe. À commencer par la tentative d’empoisonnement à Salisburry (Angleterre) de l’ex-agent double Sergueï Skripal en 2018…
Valeri Guerassimov, chef d'Etat major des armées russes
L’actuel chef d’état-major des armées est un mythe. Non pas que Valeri Guerassimov n’existe pas. Ce militaire de carrière né en 1955 à Kazan - l’une des villes les plus peuplées de Russie après Moscou - a bel et bien servi dans les divisions blindées de l’armée rouge sur tout le territoire de l’ex-Union soviétique.
Valeri Guerassimov a également été l’un des commandants de l’armée du Caucase du Nord durant la seconde guerre de Tchétchénie (1999-2009). À cette occasion, il s’est attiré les louanges de la célèbre journaliste et critique du pouvoir russe Anna Politkovskaïa - assassinée en 2006 - qui a dit de lui qu’il était l’exemple « d’un homme qui a su préserver son honneur d’officier » durant cette guerre, a raconté la BBC en 2012. Son fait d’armes: avoir fait arrêter et condamner un soldat russe accusé d’avoir brutalisé et assassiné une jeune tchétchène durant le conflit. Et il ne fait nul doute que c’est ce général, décrit par Sergueï Choïgou comme un « militaire de la tête à la pointe des pieds », qui est le chef d’état-major de toutes les armées russes depuis 2012. C’est lui qui a mené les opérations en Ukraine en 2014, en Syrie et aujourd’hui de nouveau en Ukraine.
Mais sa renommée internationale repose sur un mythe, ou plus exactement un malentendu. Valeri Guerassimov est considéré comme le père d'une doctrine militaire qui, en réalité, n'existe pas ou a été mal comprise. C'est lui qui serait l'inventeur de la “guerre hybride” russe, celle qui mélange le recours aux armes conventionnelles à des méthodes non-militaires - comme la désinformation, ou les cyberattaques - pour préparer le terrain aux soldats. Il existe même une “doctrine Guerassimov” pour désigner cette approche militaire. Sauf que l’inventeur de ce terme, le spécialiste britannique des questions militaires russes Mark Galeotti, a maintes fois tenté de rectifier le tir, assurant qu’il n’existait pas de telle doctrine officielle en Russie. Et que Valeri Guerassimov n'a, de toute façon, rien d'un théoricien de la guerre.
Tout vient à l’origine d’un discours prononcé par ce dernier en 2013, dans lequel il assure que la « frontière entre les temps de guerre et de paix était devenue de plus en plus floue » et que les « moyens non-militaires pour atteindre des objectifs stratégiques avaient gagné en importance ». Un discours qui, après l’annexion de la Crimée où de tels moyens non-conventionnels (propagande pro-russe en Ukraine, création d’incidents pour justifier des buts de guerre) ont été appliqués, a paru prophétique aux observateurs.
La “doctrine Guerassimov” venait alors de gagner ses lettres de noblesse et le discours du chef d’état-major était étudié de très près à Washington, raconte le Financial Times. Sauf que l’analyse de Valeri Guerassimov « ne décrivait pas comment l’armée russe devait agir, mais comment ce militaire pensait que l’Occident opérait », souligne Ruslan Pukhov, directeur du Centre russe d'analyse des stratégies et des technologies, interrogé par le Financial Times. En clair, Valeri Guerassimov pensait que cette “guerre hybride” était ce que les États-Unis avaient utilisé pour fomenter les printemps arabes et que Washington cherchait à la mettre en pratique contre le pouvoir en place à Moscou.
Ce militaire n’était donc pas le visionnaire et grand stratège que l’Occident redoutait. « Malheureusement, comme le monstre échappé d’un film d’horreur, cette idée d’une doctrine de "guerre hybride" a pris corps dans les cercles d’analystes à Washington et des réflexions entières ont été menées dans lesquelles la "doctrine Guerassimov" fait figure de pièce centrale de "théorie du chaos", selon laquelle la Russie cherchait à semer le désordre mondial », souligne Michael Kofman, l’un des plus grands spécialistes américains de l’armée russe. Valeri Guerassimov et sa mythique doctrine incarnait le retour du grand méchant russe, « alors qu’il ne l’avait probablement même pas écrit lui-même ce fichu discours », conclut Mark Galeotti. [L'aspect complexe et multiforme de la guerre hybride s'accorde mal à l'option nucléaire. C'est ce qui fait dire aux experts que Guerassimov serait "le maillon faible"; ndc]
Guerre Ukraine-Russie: Qui fait partie du cercle restreint de Poutine et dirige la guerre ?
par Paul Kirby
BBC News - 03 mar 2022
https://www.bbc.com/afrique/monde-60603156
Vladimir Poutine fait figure de solitaire, dirigeant l'armée russe dans une guerre à haut risque qui menace de détruire l'économie de son pays. Il a rarement paru aussi isolé que lors de deux récentes apparitions chorégraphiées avec son cercle restreint, où il est assis à une distance résolue de ses plus proches conseillers.
En tant que commandant en chef, c'est à lui qu'incombe la responsabilité ultime de l'invasion, mais il s'est toujours appuyé sur un entourage profondément loyal, dont beaucoup ont également commencé leur carrière dans les services de sécurité russes. La question est de savoir qui a son oreille, en ce moment le plus fatidique de sa présidence.
- Sergei Shoigu, ministre de la Défense
S'il y en a un, c'est bien Sergei Shoigu, un confident de longue date, qui s'est fait l'écho de la ligne poutinienne consistant à démilitariser l'Ukraine et à protéger la Russie de la soi-disant menace militaire de l'Occident. Cet homme, qui accompagne le président à la chasse et à la pêche en Sibérie, a été considéré par le passé comme un successeur potentiel. Mais regardez cette photo extraordinaire de lui au bout de cette table, assis maladroitement à côté du chef des forces armées, et vous vous demandez quelle partie de l'oreille du président Poutine il est capable d'atteindre.
Cette photo a été prise trois jours après le début d'une campagne militaire aux prises avec une résistance ukrainienne inattendue et un moral militaire bas. "Shoigu était censé marcher sur Kiev, il est ministre de la Défense et était censé la gagner", explique Vera Mironova, spécialiste des conflits. C'est à lui que l'on doit la prise militaire de la Crimée en 2014. Il était également à la tête de l'agence de renseignement militaire GRU, accusée de deux empoisonnements aux agents neurotoxiques - l'attaque meurtrière de 2018 à Salisbury au Royaume-Uni et l'attentat quasi fatal contre le leader de l'opposition Alexei Navalny en Sibérie 2020.
L'image semble encore pire en gros plan. "On dirait un enterrement", dit Mme Mironova. Cela peut sembler bizarre, mais l'expert en sécurité et écrivain russe Andrei Soldatov estime que le ministre de la Défense reste la voix la plus influente que le président entend. "Shoigu n'est pas seulement en charge de l'armée, il est aussi en partie en charge de l'idéologie - et en Russie, l'idéologie est surtout liée à l'histoire et il contrôle le récit".
En tant que chef d'état-major, il lui incombait d'envahir l'Ukraine et de mener à bien cette tâche rapidement, et c'est à ce titre qu'il a fait défaut. Il a joué un rôle majeur dans les campagnes militaires de Vladimir Poutine depuis qu'il a commandé une armée lors de la guerre de Tchétchénie en 1999, et il était également à l'avant-garde de la planification militaire pour l'Ukraine, supervisant des exercices militaires en Biélorussie le mois dernier. [On le voit toujours habillé en uniforme militaire... alors qu'il n'a aucun grade militaire; ndc]
- Valery Gerassimov, Chef d'Etat-Major général des forces armées russes
Décrit comme une "brute souriante et rugueuse" par le spécialiste de la Russie Mark Galeotti, le général Gerasimov a également joué un rôle clé dans la campagne militaire d'annexion de la Crimée. Certains récits suggèrent qu'il a été mis sur la touche en raison du début hésitant de l'invasion de l'Ukraine et des informations sur le faible moral des troupes. Mais Andrei Soldatov estime que c'est un vœu pieux de la part de certains: "Poutine ne peut pas contrôler chaque route et chaque bataillon, et c'est son rôle". Et même si le ministre de la Défense aime ses uniformes, il n'a aucune formation militaire et doit s'en remettre aux professionnels, ajoute-t-il.
- Nikolai Patrushev, Secrétaire du Conseil de Sécurité
"Patrushev est le plus belliqueux des faucons, il pense que l'Occident s'acharne sur la Russie depuis des années", déclare Ben Noble, professeur associé de politique russe à l'University College de Londres. Il est l'un des trois fidèles de Poutine qui ont servi avec lui depuis les années 1970 à Saint-Pétersbourg, lorsque la deuxième ville de Russie s'appelait encore Leningrad. Les deux autres piliers sont le chef des services de sécurité, Alexander Bortnikov, et le chef des services de renseignement extérieur, Sergei Naryshkin. Tous les membres du cercle restreint du président sont connus sous le nom de siloviki, ou exécuteurs, mais ce trio est encore plus proche. Peu de personnes ont autant d'influence sur le président que Nikolai Patrushev. Non seulement il a travaillé avec lui dans l'ancien KGB à l'époque communiste, mais il l'a remplacé à la tête de l'organisation qui lui a succédé, le FSB, de 1999 à 2008.
C'est au cours d'une étrange réunion du conseil de sécurité russe, trois jours avant l'invasion, que M. Patrushev a fait valoir son point de vue selon lequel le "but concret" des États-Unis était l'éclatement de la Russie. La séance a donné lieu à une extraordinaire pièce de théâtre, montrant le président derrière un bureau tandis que les membres de son équipe de sécurité s'approchaient l'un après l'autre d'un pupitre et exprimaient leur opinion sur la reconnaissance de l'indépendance des rebelles soutenus par la Russie en Ukraine. Nikolai Patrushev a réussi le test. "C'est lui qui a exprimé le point de vue le plus guerrier, et a conforté Poutine dans le choix de la position la plus extrême", déclare Ben Noble.
- Alexander Bortnikov, Directeur du Service fédéral de Sécurité (FSB)
Les observateurs du Kremlin affirment que le président fait confiance aux informations qu'il reçoit des services de sécurité plus que toute autre source, et Alexander Bortnikov est considéré comme faisant partie du sanctuaire de Poutine. Autre vieux routier du KGB de Leningrad, il a pris la tête du FSB qui l'a remplacé lorsque Nikolai Patrushev est parti. Les deux hommes sont connus pour être proches du président, mais comme le souligne Ben Noble: "Ce n'est pas comme si nous pouvions dire avec une totale confiance qui mène la barque et qui prend les décisions". Le FSB a une influence considérable sur les autres services de maintien de l'ordre et dispose même de ses propres forces spéciales. Il est important mais il n'est pas là pour défier le dirigeant russe ou donner des conseils au même titre que les autres, estime Andrei Soldatov. [ >>Le FSB a été écarté, en avril, des affaires militaires et remplacé par le GRU. On dit que Bortnikov serait en résidence surveillée; ndc]
- Sergei Naryshkin, Directeur du Service de renseignement extérieur (SVR)
Complétant le trio des anciens espions de Leningrad, Sergei Naryshkin est resté aux côtés du président pendant la majeure partie de sa carrière. Que penser alors de la remarquable rebuffade dont il a fait l'objet lorsqu'il s'est écarté du sujet lors de la réunion du Conseil de sécurité ?
Lorsqu'on lui a demandé son évaluation de la situation, le chef des services de renseignement s'est agité et a bafouillé son texte, avant de se faire répondre par le président : "Ce n'est pas ce dont nous discutons". La longue session a été éditée, le Kremlin ayant visiblement décidé de montrer son malaise devant une grande audience télévisée. "C'était choquant. Il est incroyablement cool et posé, donc les gens se seront demandé ce qui se passe ici", commente Ben Noble à la BBC. Mark Galeotti a été frappé par l'atmosphère toxique de l'événement. Mais Andrei Soldatov pense qu'il a simplement profité du moment: "Poutine aime jouer avec son cercle proche, le faire passer pour un imbécile".
Sergei Naryshkin a longtemps suivi M. Poutine, à Saint-Pétersbourg dans les années 1990, puis dans le bureau de M. Poutine en 2004, avant de devenir président du Parlement. Mais il dirige également la Société historique russe et, selon M. Soldatov, il s'est avéré très important pour fournir au président les fondements idéologiques de ses actions. L'année dernière, il a accordé une interview au correspondant de la BBC à Moscou, Steve Rosenberg, dans laquelle il a nié que la Russie ait commis des empoisonnements et des cyberattaques ou qu'elle ait interféré dans les élections d'autres pays.
- Sergei Lavrov, Ministre des Affaires étrangères
Depuis 18 ans, il est le diplomate le plus haut placé de Russie, présentant la position de la Russie au monde, même s'il n'est pas considéré comme ayant un rôle important dans la prise de décision. Sergueï Lavrov, 71 ans, est une preuve de plus que Vladimir Poutine s'appuie fortement sur les figures de son passé.
Il est rusé: le mois dernier, il a tenté de ridiculiser la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, en raison de ses connaissances en géographie russe [Lavrov lui a demandé si elle reconnaissait la souveraineté de la Russie sur les régions de Rostov et de Voronej. Truss, croyant qu'il s'agissait de villes ukrainiennes alors qu'elles font partie de la Russie, lui aurait répondu que le Royaume-Uni ne reconnaîtrait jamais la souveraineté de la Russie sur ces régions; ndc]. L'année précédente, il avait cherché à humilier le responsable de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell. Mais il a longtemps été mis sur la touche pour tout ce qui touche à l'Ukraine et, malgré sa réputation bourrue et hostile, il a plaidé en faveur de la poursuite des discussions diplomatiques sur l'Ukraine et le président russe a choisi de l'ignorer. Il est peu probable qu'il se soit soucié du fait que la plupart des membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies aient quitté la salle alors qu'il tentait de défendre l'invasion russe par liaison vidéo.
- Valentina Matviyenko, Présidente du Conseil de la Fédération
Rare visage féminin dans l'entourage de Poutine, elle a supervisé le vote de la chambre haute pour approuver le déploiement des forces russes à l'étranger, ouvrant ainsi la voie à l'invasion. Valentina Matviyenko est une autre fidèle de Poutine, originaire de Saint-Pétersbourg, qui a également contribué à l'annexion de la Crimée en 2014. Mais elle n'est pas considérée comme un décideur de premier plan. Cela dit, peu de gens peuvent dire avec une totale certitude qui mène la barque et prend les grandes décisions. Comme tous les autres membres du conseil de sécurité de la Russie, son rôle a été de donner l'impression d'une discussion collective alors qu'il est plus que probable que le dirigeant russe avait déjà pris sa décision.
- Victor Zolotov, Directeur de la Garde nationale
Ancien garde du corps du président, il dirige aujourd'hui la garde nationale russe, Rosgvardia, créée par le président Poutine il y a seulement six ans comme une sorte d'armée personnelle dans le style de la garde prétorienne de l'empire romain. En choisissant sa propre garde personnelle pour la diriger, il s'est assuré de sa loyauté, et Viktor Zolotov a fait passer ses effectifs à 400.000 hommes.
Vera Mironova pense que le plan russe initial consistait à achever l'invasion en quelques jours, et lorsque l'armée a semblé échouer, la garde nationale russe a pris la tête. Le problème, c'est que le chef de la garde nationale n'a pas d'entraînement militaire et que, comme ses troupes n'ont pas de chars, elles sont également vulnérables aux attaques.
- Qui d'autre Poutine écoute-t-il ?
Le Premier ministre Mikhaïl Mishustin a la tâche peu enviable de sauver l'économie, mais il a peu de prise sur la guerre.
Le maire de Moscou, Sergei Sobyanin et le chef du géant pétrolier d'État Rosneft, Igor Sechin, sont également proches du président, selon l'analyste politique Yevgeny Minchenko.
Les frères milliardaires Boris et Arkady Rotenberg, qui étaient des amis d'enfance du président, sont depuis longtemps de proches confidents également. En 2020, le magazine Forbes les a désignés comme la famille la plus riche de Russie.
Un homme important de "l'arrière" a été oublié: Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin depuis 10 ans.
A 54 ans, l'ancien play-boy est le jeunot de la bande. Il a fait ses armes dans la diplomatie avant de devenir responsable de la communication et des relations avec la presse (RT, Sputnik). On le présente comme "l'idéologue" du Kremlin, celui qui fait tout avaler. Il ment comme il respire. Il est passé maître dans l'art de travestir la réalité. C'est un adepte des "fake" ou "faits alternatifs". Il est à l'initiative de la récente loi qui instaure des peines de prison pour la diffusion d'"informations mensongères" sur l'armée russe. Poutine lui confie de temps en temps des tâches politiques. Il est marié à une ancienne championne du monde de patinage artistique.
Sur la base de cette revue de détail, l'hypothèse d'une révolution de palais paraît très improbable. Poutine a su s'entourer d'hommes serviles qui lui doivent tout, fortune et carrière, et ils sont dans leurs petits souliers. Il n'y a personne pour lui disputer le leadership. L'appareil d'Etat est complètement verrouillé.
Medvedev a avalé ses réformes économiques. La situation d'octobre 1964 quand Khrouchtchev fut évincé par Brejnev, qui avait décidé de mettre fin aux "réformes", ne se reproduira pas.
La dernière tentative de coup d'Etat, le "putsch de Moscou" d'août 1991, a lamentablement échoué parce que c'était une tentative désespérée de restaurer l'ordre ancien auquel plus personne ne croyait. Gorbatchev enlevé, Eltsine s'est imposé comme le nouvel homme fort du pays.
Mais aujourd'hui, Poutine est sans rival. Nemtsov a été assassiné, Khodorkovski est en exil à Londres et Navalny est en prison loin de Moscou. Poutine jouit d'une cote de popularité dépassant 60 %, et il incarne le retour de la toute puissance d'une armée qui gagne ses galons sur de nombreux théâtres d'opération.
Le seul danger pour Poutine ne peut venir que de l'extérieur, d'un mouvement de contestation qui se développerait dans les grandes villes, parmi la génération des 20-40 ans, à partir d'un effondrement économique. L'impact du retour des milliers de cercueils de soldats est également à prendre en considération, comme cela avait été le cas pour la guerre d'Afghanistan.
Les dirigeants politiques qui ont perdu des guerres ont connu des lendemains difficiles. Acculé, Poutine pourrait considérer les sanctions contre la Banque centrale de Russie comme une atteinte à l'intégrité nationale et les considérer comme une "déclaration de guerre"...