Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Dernière mise à jour :
24.09.2025
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Comment finir la guerre au Yémen ? Comment parvenir à un règlement négocié ?
D'abord par la reconnaissance mutuelle de tous les protagonistes qui conviennent que ce conflit pèse de plus en plus cher sur leurs finances et qu'il faut lui trouver une issue acceptable. L'Arabie saoudite qui héberge le gouvernement loyaliste et l'Iran qui soutient les Houthis au pouvoir à Sanaa sont donc condamnés à s'entendre. Leurs ministres du Pétrole se côtoient déjà dans les réunions de l'OPEP et leur intérêt commun est un pétrole cher... et en ce moment il est de plus en plus cher.
Comme cela s'est passé pendant plusieurs années entre les représentants américains et talibans à Doha, les contacts secrets sont en train de devenir moins secrets entre Ryad et Téhéran. Un rapprochement est en cours, mais il faudra encore du temps avant qu'il aboutisse. Il y a déjà eu plusieurs accords de cessez-le-feu, aucun n'a été respecté plus d'une journée.
La Chine qui souhaite mettre en pratique un accord de coopération historique avec l'Iran joue également un rôle important dans ce rapprochement. Les chefs de la diplomatie de l’Arabie saoudite et de plusieurs autres monarchies du Golfe, ainsi que le ministre turc des Affaires étrangères et le secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe (CCG), étaient présents ces derniers jours à Pékin. D'après RFI, ces visites ne sont pas sans lien avec la phase finale des négociations sur le nucléaire iranien.
Dans les périodes d'intenses négociations, chaque camp intensifie ses attaques sur le terrain de façon à pouvoir en tirer des bénéfices et imposer ses conditions sur le plan diplomatique. L'attaque houthie hier près de l'aéroport d'Abou Dhabi avait peut-être pour but de "mouiller" les Emirats très actifs au Sud Yémen séparatiste. Quelques heures plus tôt, les Houthis avaient annoncé une "opération militaire d'envergure aux Emirats arabes unis".
Attaque meurtrière des rebelles yéménites aux Emirats, raids sur Sanaa
AFP, TV5 Monde - 17 jan 2022
https://information.tv5monde.com/info/attaque-meurtriere-des-rebelles-yemenites-aux-emirats-raids-sur-sanaa-440765
Les rebelles yéménites Houthis ont ciblé lundi des installations civiles aux Emirats arabes unis faisant trois morts, et menacé de lancer de nouvelles attaques en appelant les civils et les compagnies étrangères à éviter les "sites vitaux" dans ce pays. L'attaque contre les Emirats, qui ont averti qu'elle ne resterait "pas impunie", a suscité des condamnations internationales de pays arabes et occidentaux en tête desquels les Etats-Unis, ainsi que de l'ONU. Les Emirats sont membres d'une coalition militaire sous commandement saoudien qui soutient depuis 2015 au Yémen les forces gouvernementales en guerre contre les Houthis soutenus par l'Iran.
En riposte à l'attaque des Houthis, la première à faire des morts sur le sol émirati, cette coalition a annoncé avoir mené des raids aériens sur Sanaa, la capitale du Yémen aux mains des insurgés. Aucune indication n'a pu être obtenue dans l'immédiat sur d'éventuelles victime [D'après Reuters, une frappe aérienne de la coalition a tué au moins 14 personnes dans un immeuble à Sanaa; ndc].. Annonçant le lancement d'une opération militaire baptisée "Ouragan du Yémen", les Houthis ont affirmé sur leur chaîne Al-Massira avoir "ciblé des installations et site émiratis importants et sensibles" à l'aide de missiles balistiques et de drones. "Nous prévenons les entreprises étrangères, les citoyens et les résidents de l'Etat ennemi des Emirats qu'ils devraient se tenir éloignés des sites vitaux pour leur propre sécurité", a ajouté le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Saree, dans une allocution sur Al-Massira.
A Abou Dhabi, trois camions-citernes ont explosé "près des réservoirs de stockage" de la compagnie pétrolière d'Abou Dhabi, entraînant la mort d'un Pakistanais et de deux Indiens, a indiqué l'agence officielle émiratie WAM, en faisant état de 6 blessés.En outre, un "incendie mineur" s'est produit dans "la nouvelle zone de construction de l'aéroport international d'Abou Dhabi", a ajouté l'agence sans faire état de victime. L'explosion et l'incendie ont "probablement" été causés par des "drones", des "objets volants" étant "tombés" sur les deux lieux touchés, selon WAM. (...)
Un responsable des Houthis, Abdellilah Hajar, avait plus tôt affirmé à l'AFP à Sanaa que "si les Emirats continuent d'agresser le Yémen, ils ne seront pas en mesure à l'avenir de supporter des frappes douloureuses". Les Houthis ont menacé par le passé de frapper des cibles aux Emirats et revendiqué des attaques qui n'ont jamais été confirmées par les autorités émiraties. Après avoir pris un temps leurs distances, les Emirats ont relancé leur soutien militaire sur le terrain aux forces pro-gouvernementales au Yémen, en appuyant la brigade des "Géants" qui a repris des territoires aux rebelles.
Le conflit au Yémen a fait 377.000 morts, selon l'ONU, et s'est intensifié ces dernières semaines avec une augmentation des raids de la coalition militaire et des offensives au sol des forces gouvernementales. De leur côté, les rebelles ont multiplié les attaques de missiles et de drones contre l'Arabie saoudite, pays voisin du Yémen et grand rival régional de l'Iran. La coalition a fait état lundi d'une augmentation du nombre de "drones piégés lancés par les Houthis depuis l'aéroport international de Sanaa" et affirmé avoir "intercepté et détruit huit drones lancés en direction du royaume" saoudien.
Depuis leur prise de Sanaa en 2014, les rebelles ont réussi à s'emparer de vastes pans du territoire yéménite, en particulier dans le Nord. Le 3 janvier, ils ont saisi le bateau "Rwabee" battant pavillon des Emirats, au large du port yéménite de Hodeida (ouest), affirmant qu'il transportait des armes. La coalition a assuré que le bateau transportait du matériel médical et dénoncé un acte de "piraterie". (...)
Iran et Arabie saoudite tentent doucement de normaliser leurs relations
RFI - 17 jan 2022
https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20220117-iran-et-arabie-saoudite-tentent-doucement-de-normaliser-leurs-relations
Téhéran a confirmé que trois diplomates iraniens avaient obtenu un visa pour se rendre en Arabie saoudite pour siéger à l'Organisation de la coopération islamique (OCI) qui est basée à Djeddah. « Pour l'instant, nous nous concentrons sur la reprise du travail de nos diplomates auprès de l'OCI, mais comme nous l'avons dit nous sommes prêts à ouvrir de nouveau notre ambassade en Arabie saoudite », a déclaré le porte-parole de la diplomatie iranienne Saïd Khatibzadeh. L'Arabie saoudite, puissance sunnite régionale, et l'Iran chiite, ont rompu leurs relations en janvier 2016 après l'exécution par Riyad d'un influent opposant religieux chiite saoudien qui avait provoqué l'attaque et le saccage de l'ambassade saoudienne à Téhéran.
L'Arabie saoudite accuse l'Iran d'ingérence dans les affaires des pays arabes de la région. Le royaume saoudien est également inquiet par le programme nucléaire, mais aussi balistique de Téhéran. De son côté, l'Iran dénonce la guerre menée par l'Arabie saoudite au Yémen. Malgré ces différends, les deux pays ont mené quatre séries de discussions à Bagdad pour tenter de renouer leurs relations. Un 5e round est prévu prochainement dans la capitale irakienne.
Entre Riyad et Téhéran, le rapprochement s’accélère
par Laure-Maïssa Farjallah
L'Orient-Le Jour - 16 oct 2021
https://www.lorientlejour.com/article/1278226/entre-riyad-et-teheran-le-rapprochement-saccelere.html
Le rapprochement entre Riyad et Téhéran semble s’accélérer. Dans un article paru vendredi dans le quotidien britannique Financial Times, un responsable saoudien déclarait, sous le couvert de l’anonymat, que « Riyad envisageait d’autoriser la réouverture du consulat iranien dans la ville portuaire de Djeddah », précisant cependant que « les discussions n’avaient pas suffisamment progressé pour restaurer des relations diplomatiques complètes ». Ces déclarations s’inscrivent dans la continuité des révélations distillées au cours de ces derniers mois dans la presse internationale, selon lesquelles une première rencontre secrète entre des responsables iraniens et saoudiens s’est déroulée à Bagdad le 9 avril dernier. D’abord niée par les deux parties, des sources officielles irakiennes avaient confirmé la tenue de cette réunion, fruit des efforts diplomatiques du Premier ministre irakien, Moustapha el-Kazimi.
Depuis, quatre autres réunions bilatérales ont suivi au sujet de la guerre au Yémen, où Riyad mène depuis 2015 une coalition militaire pour appuyer les forces gouvernementales du président Abd Rabbo Mansour Hadi dans leur guerre contre les rebelles houthis, soutenus par Téhéran. Enlisés dans le conflit, les Saoudiens souhaitent que Téhéran fasse pression sur les houthis pour trouver une issue à la guerre, tandis que les Iraniens insistent en priorité sur le rétablissement de leurs liens diplomatiques avec Riyad. « Les Iraniens ne semblent cependant pas ouverts sur le dossier yéménite et les Saoudiens hésitent à rétablir simplement les liens diplomatiques sans réel progrès sur les dossiers en suspens », affirme Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute. Interrogé hier par le FT à ce sujet, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhan al-Saoud, a indiqué que les pourparlers avec l’Iran étaient encore dans leur phase « exploratoire ». « Nous sommes sérieux à propos de ces discussions. Pour nous, ce n’est pas un si grand changement. Nous avons toujours dit que nous voulions trouver un moyen de stabiliser la région », a-t-il affirmé.
À couteaux tirés depuis 2016, les deux poids lourds de la région ont rompu leurs relations diplomatiques dans le sillage de l’exécution, par le royaume, du cheikh chiite saoudien et opposant au régime, Nimr al-Nimr, et du saccage de représentations saoudiennes qui s’en est suivi en Iran. Face à l’escalade des tensions et l’intensification des attaques de drones et missiles imputées aux houthis contre l’Arabie saoudite, des tentatives de médiation internationale avaient été lancées, notamment par l’intermédiaire du Pakistan, pour tenter de ramener Riyad et Téhéran à la table des négociations. Sans succès.
L’absence de réaction des Américains face aux attaques sans précédent des installations pétrolières de la compagnie nationale Saudi Aramco à Abqaïq et Khurais en septembre 2019 provoque toutefois un électrochoc dans le royaume. Bien que le royaume soit l’allié principal des États-Unis dans le Golfe, l’épisode est alors révélateur pour les Saoudiens: le parapluie sécuritaire américain s’est fragilisé, mettant en lumière pour Riyad la nécessité d’élargir ses alliances et partenariats. « Les Saoudiens ont réalisé tardivement qu’ils étaient en train de perdre la compétition avec l’Iran, du Yémen à la Syrie », affirme Bruce Riedel, ex-responsable au sein de la CIA et chercheur à la Brookings Institution. Une perception qui s’est renforcée dans la foulée de l’arrivée d’une administration démocrate à la Maison-Blanche cette année, déterminée à rompre avec le blanc-seing accordé aux autocrates du Golfe par Donald Trump, au regard des violations des droits humains [Non ce n'est pas une question de droits de l'Homme, c'est économique. Les USA, grâce au schiste, sont le premier producteur mondial de pétrole, devant l'Arabie saoudite, et le premier producteur mondial de gaz, devant la Russie. Ils sont énergiquement auto-suffisants. Ils ne dépendent des monarchies du Golfe que pour les achats et la détention de milliards de dollars de bons du Trésor...; ndc]. S’exprimant aux côtés de son homologue saoudien en visite hier à Washington, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a toutefois réaffirmé « l’engagement des États-Unis à défendre le royaume ».
Encouragé par Washington, qui souhaite se désengager de la région, le rapprochement entre Riyad et Téhéran intervient également en parallèle de la reprise des négociations pour raviver l’accord sur le nucléaire iranien, dont Donald Trump s’est retiré unilatéralement en 2018 avant de rétablir les sanctions sur Téhéran. Les pays du Golfe, qui ne sont pas inclus dans les négociations, ont notamment manifesté leur souhait de voir l’accord élargi aux missiles balistiques de l’Iran et à ses supplétifs dans la région. Alors que la reprise des pourparlers pourrait être imminente, l’émissaire des États-Unis pour l’Iran chargé des négociations sur le nucléaire, Robert Malley, doit se rendre dans les prochains jours en Arabie saoudite, au Qatar et aux E.A.U., pour envisager avec ses partenaires régionaux les conséquences d’un potentiel échec des négociations pour revenir à l’accord de Vienne.
Si le climat régional est à la désescalade depuis ces derniers mois, Riyad et Téhéran ont placé leurs pions en entamant par l’entremise de Bagdad un rapprochement. Si les deux puissances régionales espèrent en tirer des bénéfices économiques, ainsi qu’une stature plus favorable sur la scène internationale, elles ont aussi des intérêts domestiques à calmer le jeu. Dans les deux pays, des voix s’élèvent contre l’engagement militaire et financier de leurs dirigeants sur des théâtres extérieurs. Alors que Téhéran traverse une grave crise économique liée notamment aux sanctions qui lui ont été imposées depuis le retrait américain de l’accord sur le nucléaire en 2018 et que la population a grandement souffert de la pandémie de Covid-19, des critiques fusent au sein de la République islamique contre l’utilisation de ressources que constitue l’implication iranienne en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen. De son côté, « le prince héritier s’est embarqué de manière imprudente dans une guerre coûteuse qui ne profite qu’à Téhéran », affirme Bruce Riedel.
Bien que l’heure semble au rapprochement, certaines divergences pourraient néanmoins difficilement être surmontées. Si les Iraniens parvenaient à convaincre les houthis de s’asseoir à la table des négociations, il n’est pas moins sûr que cela permette de mettre un terme à la guerre au Yémen. En outre, il est peu probable que Téhéran abandonne les milices et groupes armés qu’elle soutient et que l’Arabie saoudite accepte que la République islamique continue de leur fournir armes et missiles balistiques tout en développant son programme nucléaire. « S’il y a réconciliation, ce sera certainement une réconciliation froide et conditionnelle », estime Hussein Ibish.
Arabie saoudite-Iran: Qu’est-ce qui motive ce rapprochement diplomatique ?
par Ali Harb
Middle East Eye - 07 jun 2021
https://www.middleeasteye.net/fr/decryptages/arabie-saoudite-iran-rapprochement-diplomatique-mbs-biden-mbz
« Nous savons que nous sommes une cible de choix pour le régime iranien… Nous n’attendrons pas que la bataille atteigne l’Arabie saoudite. Nous ferons en sorte que la bataille soit menée là-bas en Iran. » (Prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, 2017)
« L’Iran est un pays voisin. Nous voulons de bonnes relations privilégiées avec l’Iran. Nous ne voulons pas que l’Iran soit dans une situation difficile. Au contraire, nous voulons un Iran prospère. » (Prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, 2021)
Même selon les normes de la volatile géopolitique au Moyen-Orient, le revirement de Mohammed ben Salmane (MBS) – de l’évocation d’une guerre à son désir de relations de bon voisinage avec l’Iran – est très soudain.
Donald Trump est parti, la nouvelle administration américaine négocie avec le gouvernement iranien et les Houthis intensifient leurs attaques contre le royaume; le prince héritier se tourne donc désormais vers la diplomatie après des années de politique étrangère agressive qui n’ont pas produit les résultats escomptés.
« Ce changement est vraiment incroyable. Le ton lui-même est tout autre », estime Jean-François Seznec, expert en affaires saoudiennes et chercheur à l’Atlantic Council et au Middle East Institute. Le prince héritier n’est pas certain du soutien inconditionnel de l’administration Biden à l’Arabie saoudite, explique le spécialiste à MEE. « Donc, plutôt que d’avoir à se préparer à une guerre avec l’Iran sans le plein soutien des États-Unis, je pense qu’il préfère l’option “parlons et voyons ce qui se passe” ». Riyad et Téhéran négocient secrètement depuis le mois dernier pour apaiser les tensions entre les deux pays, selon de nombreux médias.
Lors d’un entretien avec Al Arabiya fin avril, MBS a évoqué les sujets de tensions avec l’Iran: son soutien aux milices et ses programmes de missiles balistiques et nucléaires. Il a toutefois indiqué que le royaume œuvrait avec des « partenaires dans la région et dans le monde » pour résoudre les problèmes et nouer des liens « positifs » avec Téhéran. Il a décrit l’Iran comme un État voisin avec lequel les désaccords pourraient être surmontés, et des « relations privilégiées » établies.
Moins de quatre ans plus tôt, peu avant de remplacer son cousin Mohammed ben Nayef en tant que prince héritier, MBS avait dépeint la République islamique comme un régime intrinsèquement « extrémiste » cherchant à s’étendre pour diffuser une version politisée de l’islam chiite. À l’époque, il avait laissé entendre que la tenue de pourparlers avec l’Iran était futile parce que l’idéologie de Téhéran ne répondait pas aux négociations. « Les points communs sur lesquels nous pouvons nous mettre d’accord avec ce régime ? Ils sont presque inexistants », assurait celui qui était alors vice-prince héritier en 2017. Aujourd’hui, le dirigeant (de fait) saoudien modère son ton, non seulement sur l’Iran, mais aussi sur les ennemis les plus directs du royaume au Yémen – les Houthis.
Après des années de bombardements féroces au Yémen et de rejet des rebelles yéménites qualifiés de « terroristes » soutenus par l’Iran, il a tendu un rameau d’olivier sans ambiguïté aux Houthis. Il a réitéré la proposition de cessez-le-feu du royaume et fait allusion à la perspective d’un soutien économique au Yémen, exhortant les rebelles à s’asseoir à la table des négociations. Le prince héritier a même reconnu que les Houthis étaient Yéménites et Arabes – pas de simples agents de l’Iran. Le chef du renseignement saoudien a également rencontré fin avril son homologue syrien à Damas, selon un article du Guardian, autre signe d’une détente générale dans la région. Qu’est-ce qui pousse Riyad à sauter le pas de la diplomatie après des années de postures combatives ?
Pour de nombreux Américains, l’élection de Biden pourrait être la réponse intuitive, mais Kristian Coates Ulrichsen, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institute for Public Policy de la Rice University, estime que le catalyseur de ce changement est antérieur à l’accession du président démocrate à la Maison-Blanche. L’attaque de drone contre d’importantes installations pétrolières saoudiennes en septembre 2019 a mis en lumière les vulnérabilités du royaume, rappelle Ulrichsen, d’autant plus que le président Trump avait refusé de riposter contre l’Iran, principal suspect de l’incident qui aurait coûté 2 milliards de dollars au royaume. L’absence de réaction américaine a semblé dire aux plus proches alliés de Trump dans la région, MBS et son homologue émirati Mohammed ben Zayed (MBZ): « Débrouillez-vous », indique Kristian Coates Ulrichsen à MEE.
« Cette réaction américaine a vraiment changé l’équation régionale pour MBS et MBZ », estime-t-il. « Plutôt que de penser “nous pouvons toujours compter sur le soutien des États-Unis quoi qu’il arrive”, ils ont réalisé qu’ils devaient au moins trouver d’autres moyens de désamorcer les tensions, parce que de toute évidence, il leur fallait trouver des moyens de coexister parce que l’Iran est leur voisin ». Kristian Coates Ulrichsen ajoute que la défaite de Trump face à Biden, qui cherche à reprendre les négociations avec l’Iran et semble moins intéressé par le Moyen-Orient dans son ensemble, pressé par des questions plus immédiates au plan national, a accéléré le revirement saoudien en faveur de la diplomatie.
Sina Toossi, analyste de recherche au National Iranian American Council (NIAC), s’est fait l’écho des remarques d’Ulrichsen. Il a déclaré que l’Arabie saoudite avait mis tous ses œufs dans le panier de Trump, mais l’attaque contre les installations d’Aramco a montré les limites de l’empressement de Washington à protéger ses alliés du Golfe. « Cette impression de bénéficier d’une garantie de sécurité américaine a explosé pendant l’ère Trump », déclare Toossi à MEE. Il a ajouté que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis se sont rendus compte que la « pression maximale » ne conduirait pas à l’effondrement de l’Iran, tandis que l’engagement de Washington envers la sécurité de Riyad a ses limites.
Cette conclusion a commencé à se forger davantage dans ces pays, et les prévisions sont claires: « L’Amérique quitte cette région, et ce sera nous et les Iraniens et le Qatar et les Turcs et les Syriens », a déclaré Toossi. « Ces politiques hyper-agressives qu’ils appliquaient n’ont donné aucun résultat en leur faveur. Elles se sont retournées contre eux ».
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a approuvé le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran sans confirmer que des pourparlers bilatéraux étaient en cours. « S’ils se parlent, je pense que c’est une bonne chose dans l’ensemble », a déclaré Blinken au Financial Times. « Parler est généralement mieux que l’alternative. Est-ce que cela donne des résultats ? C’est une autre question. Mais parler, essayer d’apaiser les tensions, essayer de s’accorder sur un modus vivendi, essayer d’amener les pays à infléchir certaines de leurs actions qui ne vous plaisent pas – c’est bien, c’est positif ».
L’administration Biden s’est engagée à réévaluer ses relations avec le royaume après quatre ans de liens étroits entre Riyad et Washington sous Trump. Le premier voyage étranger de l’ancien président depuis la Maison-Blanche en 2017 fut en Arabie saoudite. Peu après sa prise de fonction début 2021, Biden a annoncé la fin du soutien américain aux « opérations offensives » de l’Arabie saoudite au Yémen et réclamé sans équivoque la fin de la guerre. Il a également ordonné la publication d’un rapport révélant les conclusions de la communauté du renseignement américain sur le meurtre de Jamal Khashoggi, qui rejette la faute sur MBS lui-même.
En attendant, l’administration américaine est engagée dans des pourparlers nucléaires indirects avec l’Iran et dénonce l’échec de la campagne de pression maximale de Trump qui a pris la forme de sanctions contre la République islamique. La crise du Golfe avec le Qatar a été résolue quelques semaines avant l’entrée en fonction de Biden, et désormais l’Arabie saoudite cherche à conclure un cessez-le-feu au Yémen. Le dialogue avec l’Iran semble être un autre pas important dans la direction opposée aux politiques précédentes. Et Biden n’est pas le seul qui doit inquiéter les Saoudiens. Le président a derrière lui un Parti démocrate qui contrôle les deux chambres du Congrès [Ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui à cause de deux sénateurs dissidents; ndc] et qui est de plus en plus critique à l’égard de Riyad [Justement, non. Il a été obligé de se recentrer parce que Biden n'a plus les moyens d'une telle politique; ndc].
L’horrible assassinat de Khashoggi a marqué un tournant dans les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, en particulier au Congrès, où les démocrates continuent de faire pression pour l’adoption de mesures visant à punir MBS au-delà des mesures prises par Biden [Franchement, les Américains n'en ont rien à foutre que Khashoggi ait été découpé en morceaux. C'est juste un prétexte qu'ils ont saisi pour formaliser leurs griefs et leurs pressions sur les monarchies du Golfe concernant la politique menée et les soutiens apportés dans les pays du monde arabe, en particulier au Liban et en Libye; ndc]. L’assassinat en 2018 du journaliste, qui écrivait pour le Washington Post et MEE, a aiguisé les critiques des démocrates à l’encontre d’autres politiques saoudiennes, dont la guerre au Yémen, le blocus du Qatar ainsi que l’enlèvement du Premier ministre libanais Saad Hariri un an plus tôt.
La crise du Golfe avec le Qatar a été résolue quelques semaines avant l’entrée en fonction de Biden, et désormais l’Arabie saoudite cherche à conclure un cessez-le-feu au Yémen. Le dialogue avec l’Iran semble être un autre pas important dans la direction opposée aux politiques précédentes. « Trump ayant quitté ses fonctions, je pense que MBS et les Saoudiens ont essayé de persuader l’administration Biden qu’eux aussi ont tiré les leçons des quatre dernières années », indique Ulrichsen.
L’Arabie saoudite et l’Iran n’ont jamais été des alliés proches. Les tensions caractérisent leurs relations depuis la révolution islamique qui, en 1979, a établi l’actuel système de pouvoir iranien. Depuis, la rivalité régionale, les divergences idéologiques et les conflits par procuration définissent les relations entre les deux pays.
Très tôt, l’Arabie saoudite a soutenu l’invasion de l’Iran par Saddam Hussein en 1980, une guerre qui a duré près de 8 ans et coûté la vie à des centaines de milliers de personnes. Les relations se sont améliorées dans les années 1990, mais l’invasion de l’Irak menée par les États-Unis en 2003 a attisé le sectarisme dans la région et renouvelé la rivalité.
Ces derniers temps, l’Iran et l’Arabie saoudite se sont retrouvés aux côtés opposés de l’impasse politique perpétuelle au Liban, de la guerre en Syrie et du conflit au Yémen. En 2016, les liens bilatéraux ont complètement rompu après que des manifestants iraniens ont pris d’assaut l’ambassade de Riyad à Téhéran en réaction à l’exécution de l’éminent religieux chiite saoudien Nimr al-Nimr.
Jean-François Seznec estime que l’amélioration des relations entre Riyad et Téhéran pourrait apaiser les crises dans toute la région. « En supposant qu’il y ait une sorte de rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite, cela ferait une énorme différence dans le dossier libanais, et cela ferait une énorme différence dans le dossier syrien et certainement avec les Houthis au Yémen », assure-t-il à MEE. « Cela ferait une grande, une énorme différence dans la région. Je veux dire, Dieu nous en garde, nous pourrions avoir la paix ». Par ailleurs, ajoute Jean-François Seznec, les deux pays pourraient bénéficier directement de liens conviviaux, notamment en travaillant ensemble pour contrôler et augmenter le prix du pétrole.
Selon Sina Toossi, du NIAC, malgré la rivalité entre Téhéran à Riyad, les deux pays ont des intérêts mutuels, y compris dans l’énergie et la sécurité. « Je pense que nous sommes sur le point d’un ordre régional potentiellement plus optimiste et plus stable », prévoit-elle. « Et les États-Unis ont un grand rôle à jouer pour encourager le dialogue et la coopération régionaux, plutôt que d’essayer de le dissuader, ce qui était le cas sous l’administration Trump ».