Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
08.10.2025
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Facebook prévoit d'embaucher 10.000 personnes d'ici à 5 ans en Europe pour travailler sur le "métavers", considéré comme le prochain grand saut technologique dans l'évolution d'Internet.
Il y a 20 ans, le numérique commençait à dévorer nos vies. On s'habituait à passer de l'IRL (in real life) à l'IVR (in virtual reality) et inversement. Mais bientôt, les deux dimensions pourraient se confondre et s'imbriquer par le biais de la réalité virtuelle (VR) et de la réalité augmentée (AR).
Demain on pourrait ne croiser dans la rue que des gens qui, au lieu d'avoir les yeux rivés sur leur smartphone, porteront un masque de réalité virtuelle. Le visage humain disparaîtra peu à peu. Une schizophrénie à grande échelle menace l'humanité... Avec Facebook à la manœuvre, il y a de quoi s'inquiéter.
En tout cas, le métavers (ou "metaverse" en anglais), c'est déjà un mot de plus dans le dictionnaire.
Qu'est-ce que le "métavers", le monde parallèle que veut créer Facebook ?
par Raphaël Grably
BFMTV - 18 oct 2021
https://www.bfmtv.com/tech/tout-comprendre-qu-est-ce-que-le-metavers-le-monde-parallele-que-veut-creer-facebook_AV-202110180270.html
Que veut dire “métavers” ?
Le terme “métavers” est une simple contraction des mots “méta” (qui fait référence à une vision d’ensemble) et “univers”. Il est issu de romans de science-fiction du début des années 90, décrivant des mondes virtuels dans lesquels les individus peuvent interagir, souvent à l’aide d’accessoires comme des casques de réalité virtuelle.
Ainsi, tout monde virtuel dans lequel un individu est invité à se créer un double numérique peut être considéré comme un “métavers”. Récemment, des films comme Ready Player One (2018), de Steven Spielberg, ont directement mis en scène un “métavers” (baptisé OASIS dans la fiction).
Comment fonctionne un “métavers” ?
Le “métavers” étant un terme générique faisant écho à un monde virtuel, il peut prendre de nombreuses formes. Sur le papier, un simple forum en ligne - et bien sûr un réseau social - sont des “métavers”, dans la mesure où ils réunissent des “doubles virtuels” des internautes dans un univers parallèle où ils peuvent se rencontrer.
Mais le “métavers” tel qu’il est imaginé par Facebook est plus ambitieux. En lieu et place d’une simple page Web ou application, l’entreprise souhaite se rapprocher des romans de science-fiction en équipant ses utilisateurs de ses casques de réalité virtuelle Oculus. Une marque rachetée en 2014 pour 2 milliards de dollars.
Selon les ambitions de Mark Zuckerberg, qui espère démocratiser cette nouvelle plateforme dans les cinq prochaines années, tous les domaines pourraient être concernés.
Il souhaite ainsi que les utilisateurs de Facebook ou Instagram puissent désormais se retrouver sous forme d’avatars, dans des mondes virtuels en 3D, pour échanger dans un bar imaginaire, assister à un concert en ligne, ou se réunir pour une réunion professionnelle.
En septembre 2019, Facebook avait dévoilé Facebook Horizon, un réseau social en réalité virtuelle, remplaçant Facebook Spaces, annoncé en 2017. Des projets qui en restent au stade de version bêta, au même titre que la déclinaison professionnelle baptisée Workooms et présentée en août 2021.
Des “métavers” existent-ils déjà ?
Si Facebook est le premier des GAFAM à présenter de telles ambitions pour le grand public, de nombreuses plateformes sont en réalité des “métavers”, bien qu’elles n’utilisent pas la réalité virtuelle.
La plus illustre d’entre elles est Second Life, un univers entièrement créé en 3D au début des années 2000 qui connut un immense succès à cette époque. Comme c’est aujourd’hui le cas sur les réseaux sociaux, on y trouvait des publicités, des événements organisés par des marques, mais aussi des internautes rémunérés, par exemple en commercialisant des vêtements virtuels. Ironiquement, la fin de Second Life fut précipitée par le succès… de Facebook.
Plus récemment, le jeu vidéo Fortnite s’est mué en “métavers”. D’abord présenté comme un simple jeu de combat, il s’est transformé en lieu de rencontres virtuelles. Comme Second Life des années plus tôt, Fortnite a réuni les internautes pour des concerts virtuels, mais également pour faire la promotion de films, de séries ou de produits en tous genres.
Pourquoi tout le monde en parle ?
Plusieurs raisons font que le concept de “métavers” revient dans l’actualité. D’abord l’attrait des géants du Web pour ce formidable relais de croissance économique, avec des mondes virtuels qui n’oublient pas d’importer les publicités du monde réel, à l’image de ce que l’on retrouve dans Fortnite.
Autre raison majeure: la démocratisation des casques de réalité virtuelle, désormais accessibles, bien que peu utilisés par le grand public. Pour Facebook, évoquer le “métavers” permet de faire la promotion de sa marque Oculus, tout en faisant émerger dans l’actualité des sujets qui font oublier ses nombreux déboires actuels.
La pandémie de Covid-19 et ses conséquences en matière de confinement ou de télétravail n’est probablement pas étrangère à l’intérêt des géants du numérique et de la publicité pour le “métavers”.
Comme les chatbots il y a quelques années, ou désormais les NFT, le “métavers” est l’un des mots-clés qui suscite un fort engouement, en dépit d’une mise en œuvre concrète qui se fait attendre pour le commun des mortels.
On vous explique ce qu'est le métavers, "l'internet du futur" qui fait rêver la tech
par Pierre-Louis Caron
France Télévisions, Franceinfo: - 16 sep 2021, mis à jour le 18/10/2021
https://www.francetvinfo.fr/economie/bitcoin/on-vous-explique-ce-qu-est-le-metavers-l-internet-du-futur-qui-fait-rever-la-tech_4757523.html
Cet univers, qui réunit les mondes réel et virtuel, intéresse de plus en plus l'industrie technologique. Elle y voit la prochaine étape du développement d'internet.
Internet s'apprête à passer la troisième. Plusieurs géants de la technologie, veulent bâtir un "métavers", un méta-univers numérique où la frontière entre le réel et le virtuel se brouille, jusqu'à disparaître complètement. Le groupe Facebook, en première ligne, a notamment annoncé lundi 18 octobre, la création de 10.000 emplois dans l'UE pour développer le "métavers".
A quoi ce métavers peut-il ressembler ? Que pourra-t-on y faire de plus que sur l'internet actuel ? Franceinfo a enfilé son casque de réalité virtuelle pour répondre à six questions sur cet ambitieux projet.
1 - D'où vient le concept ?
Au même titre que de nombreuses innovations technologiques, l'idée d'un métavers a parcouru un long chemin avant d'intéresser les mastodontes de la Silicon Valley. Le terme apparaît pour la première fois dans un roman de science-fiction, Le Samouraï virtuel, publié par l'auteur américain Neal Stephenson en 1992, dans laquelle tout individu peut se connecter, grâce à des lunettes spécifiques, à cet univers en trois dimensions où les actions virtuelles ont des effets sur le monde réel.
"C'est le fantasme de tous les développeurs de jeux vidéo depuis qu'ils existent", explique à franceinfo Julien Pillot, économiste enseignant à l'Inseec et spécialiste des marchés technologiques. D'autres œuvres cultes, comme les films Tron (1982), Matrix (1999) ou, plus récemment, Ready Player One (2018) explorent aussi des univers numériques où la fiction vaut autant, sinon plus, que la réalité.
Fin juillet 2021, la réalisation de ce vieux rêve a bénéficié d'un coup d'accélérateur: Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, a confié au site The Verge que l'entreprise s'engageait dans un plan chiffré à plusieurs milliards de dollars pour construire un univers immersif qui permettra de communiquer avec ses proches, d'avoir accès à une vie de bureau et à des divertissements. Le milliardaire considère que le métavers représente le "Graal des interactions sociales".
Les contours du métavers finissent donc par se préciser. "C'est la fusion d'un univers virtuel avec des fonctionnalités qui sont, elles, bien ancrées dans le réel, résume Julien Pillot. Dans cet univers, on pourrait greffer des éléments très concrets, des concerts ou des boutiques, dans lesquels on pourrait vivre des expériences".
Dans un essai publié en janvier 2020, l'investisseur en technologie Matthew Ball pose le cadre du métavers tel qu'il pourrait arriver dans les prochaines années: un univers persistant, qui ne connaîtrait ni pause, ni redémarrage, qui procurerait une sensation de présence active et serait rempli de contenus et d'expériences sensorielles, tout cela reposant sur une économie qui lui serait propre.
2 - Quelles sont les promesses du métavers ?
Les bâtisseurs du métavers veulent rendre beaucoup plus immersives les expériences que l'on vit déjà sur internet, à savoir la navigation sur les réseaux sociaux, la visioconférence, les jeux vidéo, le divertissement... Sans oublier le shopping en ligne. L'autre grande valeur ajoutée, c'est la possibilité de faire communiquer des univers pour l'instant cloisonnés. Exemple: l'achat d'une (vraie) chemise sur internet pourrait donner droit à un coupon permettant d'habiller votre avatar virtuel avec le même vêtement, qui s'afficherait aussi bien dans une salle de réunion que lors d'une partie de poker en ligne.
Cela vous paraît grotesque ? Ce type d'achat existe pourtant déjà et rapporte des sommes colossales à certaines entreprises, comme le studio Epic Games, créateur du célèbre jeu vidéo Fortnite. La franchise a généré un chiffre d'affaires de 5,1 milliards de dollars en 2020, dont une majeure partie provient du commerce d'accessoires virtuels, vendus entre 2 et 20 $ pièce. Pour l'instant, ces objets numériques restent limités au périmètre du jeu, mais grâce au métavers, ils pourraient être affichés sur les réseaux sociaux ou d'autres sites.
En dehors des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), les développeurs de jeux vidéo sont des acteurs importants dans la course au métavers. De nombreuses expérimentations ont déjà eu lieu sur ces plateformes, comme l'impressionnante série de concerts virtuels organisés en avril 2020 par le rappeur américain Travis Scott, toujours sur Fortnite. Alors qu'une grande partie du monde était confinée en raison de la pandémie de Covid-19, l'artiste a réuni près de 28 millions de joueurs devenus spectateurs, qui avaient la possibilité de tournoyer autour d'un immense avatar du chanteur pendant sa prestation.
Enfin, le métavers a aussi une dimension industrielle. C'est la direction prise par Microsoft notamment, qui développe des "jumeaux numériques" d'infrastructures, comme des "réseaux de distribution d'énergie, des entrepôts ou des usines", truffés de capteurs pour surveiller et optimiser leurs activités. Une fois modélisé, le double numérique peut être géré par un système intelligent. Pêle-mêle, cela permet de prédire quand un équipement devra être remplacé, quand une étagère devra être réapprovisionnée, d'éviter les goulots d'étranglement sur une chaîne de production... L'entreprise développe également des lunettes affichant des informations sous forme d'hologrammes pour guider des techniciens lors de leurs interventions, ce qui crée ainsi une "réalité mixte", ou augmentée.
3 - Est-ce que c'est pour bientôt ?
A l'heure des monnaies numériques comme le bitcoin, de la vente aux enchères d'œuvres virtuelles, du streaming vidéo et du télétravail de masse dû à la pandémie de Covid-19, on peut être tenté de dire que le métavers nous entoure déjà. "Il ne faut pas aller trop vite en besogne", tempère Julien Pillot qui estime que le métavers n'en est "qu'à ses balbutiements" et que son développement souffre encore de "freins technologiques importants". Le métavers n'est pas qu'une numérisation du monde. Ce serait un univers dans lequel on a le même degré de liberté, avec un niveau d'immersion qui n'a strictement rien à voir parce qu'on n'est plus uniquement dans une expérience par écrans interposés".
Pour accéder au métavers, l'équipement privilégié reste le casque de réalité virtuelle, qui immerge son utilisateur dans une expérience à 360°. Parmi les leaders du marché, on retrouve des marques comme HTC, Nvidia, Samsung ou encore Oculus, rachetée par Facebook en 2014, pour 2 milliards de dollars. Mais ces appareils peinent à trouver leur public et sont encore "trop lourds et imposants", de l'aveu du patron de Facebook Mark Zuckerberg. L'avènement de l'internet 3.0 passera donc par des innovations matérielles.
"On aura besoin de casques de réalité virtuelle beaucoup plus poussés que ceux d'aujourd'hui, insiste Julien Pillot. On va avoir besoin d'univers créatifs virtuels qui soient développés de façon très réaliste. Actuellement, on n'a que des embryons de ces univers." La transition vers le métavers sera loin d'être brutale d'après l'investisseur Matthew Ball, qui prédit "une lente émergence de services et de produits" qui devraient finir par se connecter entre eux.
Selon Mark Zuckerberg, le métavers ne sera "pas totalement en 3D", et pourrait rester accessible sur un écran classique, ou via la réalité augmentée, "grâce à un superordinateur dans des lunettes épaisses de 5 millimètres". Pour l'instant, Facebook n'en est qu'à l'étape de la salle de conférence virtuelle, lancée fin août sous le nom d'"Horizon Workrooms". Mais l'entreprise, qui dit avoir détaché 10.000 employés sur ce projet, espère lancer son métavers "d'ici à 5 ans".
4 - Y aura-t-il un seul ou plusieurs métavers ?
Les spécialistes du secteur penchent surtout pour la seconde option, et préviennent que quelques grands acteurs finiront par dominer le marché. "On peut imaginer, dans un premier temps, un foisonnement de métavers concurrents, avance le chercheur Julien Pillot, mais très vite, il va y avoir un, deux ou trois métavers qui vont s'imposer par eux-mêmes comme des standards dominants." Comme pour l'internet mobile, il y a "fort à parier" que le modèle du métavers suivra celui des smartphones avec leurs systèmes d'exploitation différents et de leurs applications exclusives, qui cohabitent en tant qu'écosystèmes concurrents.
Le nombre de métavers devrait surtout être limité pour des raisons économiques, car leur développement représente un "coût considérable" rappelle Julien Pillot. Sur ce marché concurrentiel, les développeurs informatiques, indispensables pour rendre un métavers attractif, se concentreront alors sur les univers les plus rentables, "et donc les plus fréquentés", souligne l'économiste. Avec ses 2,85 milliards d'utilisateurs actifs, Facebook part avec une longueur d'avance.
En prévision de cette guerre commerciale annoncée, des groupes de développeurs s'organisent pour défendre un aspect essentiel du métavers: l'interopérabilité, c'est-à-dire la possibilité de naviguer sans effort d'un univers à un autre. Parmi ces collectifs de plus en plus actifs, le Groupe pour un métavers ouvert (Omig) s'est notamment donné pour mission de "construire des ponts" entre les écosystèmes à venir.
5 - Comment sera-t-il régulé ?
Les possibilités offertes par le métavers peuvent donner le vertige et l'on se demande bien quel code éthique encadrera les activités proposées. Des dérives ont déjà été constatées dans les jeux qui se rapprochent du métavers, comme sur la plateforme Roblox, très populaire chez les 7-17 ans, où certains utilisateurs ont créé des villages virtuels inspirés de l'Allemagne nazie ou ont reproduit des scènes interdites aux mineurs. Pour les autorités, difficile de repérer les propos condamnés par la loi dans un espace où des millions de personnes interagissent via leur avatar. Pas simple non plus de surveiller des transactions financières réalisées grâce à des cryptomonnaies.
"Le marché court toujours beaucoup plus vite que le régulateur, note l'économiste Julien Pillot, et le législateur attend toujours de voir comment les usages se cristallisent autour de quel modèle pour pouvoir agir." Le chercheur estime toutefois que le métavers ne sera pas un espace sans foi ni loi. "Regardez ce qu'il s'est passé avec Airbnb et Uber, rappelle-t-il, on s'est rendu compte que ça devenait un marché qui donnait lieu à certaines pratiques, et on a adopté des lois ou des décrets pour encadrer le secteur, sur de nombreux plans".
Comment légiférer sur le vol ou la destruction d'objets virtuels, qui peuvent coûter des milliers d'euros ? Sera-t-on limité à un seul avatar dans le métavers ? "Comment sera traité le meurtre d'un jumeau numérique ?" se demandait même l'économiste Randeep Sudan dans un billet publié fin juillet. Les débats sur le métavers font déjà rage sur internet, laissant entendre que les gouvernements devront s'en saisir tôt ou tard.
6 - Le métavers risque-t-il de nous couper du monde ?
Le spectre de l'isolement social plane sur cet univers, alors que les 13-19 ans passaient déjà plus de 15 heures par semaine en moyenne sur internet en 2017, avec un temps d'écran en constante augmentation, d'après une enquête Ipsos (Junior's Connect).
Les adolescents ne sont pas les seuls concernés. Dans un contexte de confinement, causé par une pandémie ou la crise climatique, l'anthropologue Fanny Parise craint qu'une offre numérique plus immersive ne provoque un remplacement du réel par le virtuel. "Toute la question sera de trouver une harmonie entre nos différentes identités, expliquait-elle à Libération. Certains, par exemple, pourraient très bien se retrouver bloqués entre une réalité qui ne leur convient pas et un monde virtuel qu'ils préfèrent".
Certains comportements numériques sont déjà identifiés comme à risque, à l'instar de l'addiction aux jeux vidéo, reconnue comme une maladie par l'OMS depuis juin 2018. Ce trouble ne concerne toutefois qu'une "petite minorité" de joueurs souligne l'OMS. Le risque de coupure sociale sera-t-il accru avec le métavers ? Le chercheur Julien Pillot n'est pas de cet avis.
"La finalité du métavers, c'est d'avoir un ancrage réel, assure-t-il. D'ailleurs, l'argent que vous allez dépenser pour pouvoir suivre des concerts et acheter des habits pour votre avatar, c'est de l'argent bien réel". Et de conclure, volontairement rassurant: "On n'ira pas noyer notre chagrin ou notre peine dans le métavers, parce qu'à un moment donné, il va falloir se reconnecter au monde réel qui continue de tourner".
Métaverse de Facebook: Que sait-on du projet de monde persistant et virtuel rêvé par Mark Zuckerberg ?
par Julien Lausson
Numérama - 18 oct 2021
https://www.numerama.com/tech/748095-metaverse-de-facebook.html
Facebook a depuis quelques années un projet encore assez mal connu du public: celui de créer un métaverse (ou métavers). Il s'agit d'un monde virtuel et persistant, accessible via un casque de réalité augmentée. Une sorte de Second Life, mais revisité par le géant des réseaux sociaux.
Qu'est-ce qu'annonce Facebook ?
De prime abord, c’est une annonce de recrutement tout à fait classique sur laquelle vient de communiquer Facebook, le 17 octobre 2021. Le réseau social ouvre des postes et cherche de nouveaux talents pour les occuper. Jusqu’ici, rien de très particulier. Sauf que cette campagne d’embauche est à l’échelle du réseau social: colossale. Et surtout, elle se focalise sur un projet encore mal connu du site: le métaverse.
Dans le détail, l’entreprise américaine a l’intention de recruter 10.000 profils au cours des 5 prochaines années. Elle ne compte pas les chercher n’importe où: c’est dans l’Union européenne que Facebook dit vouloir chercher des individus « hautement qualifiés », notamment des « ingénieurs hautement spécialisés » pour développer ce que le site décrit comme la « plateforme informatique du futur ».
C’est quoi un "Métaverse" ?
C’est l’autre nom de ce que Facebook décrit comme la « plateforme informatique du futur ». Il s’agit d’un univers virtuel fictif, dans lequel les individus pourraient évoluer dans des espaces persistants et partagés, en trois dimensions. Ce serait une sorte de futur Internet, où l’on ne naviguerait plus en ligne en deux dimensions, avec les navigateurs web, mais avec des avatars, de la 3D et des casques de réalité virtuelle.
Pour sa part, Facebook décrit le projet ainsi: « une nouvelle phase d’expériences virtuelles interconnectées utilisant des technologies telles que la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Au cœur de son cœur se trouve l’idée qu’en créant un plus grand sentiment de présence virtuelle, l’interaction en ligne peut devenir beaucoup plus proche de l’expérience d’interagir en personne ».
Le concept de métavers est une notion que l’on pourrait retrouver à l’état embryonnaire dans les jeux massivement multijoueurs — qui disposent de mondes persistants — ou dans une version beaucoup plus avancée et futuriste dans le film de science-fiction Ready Player One, de Steven Spielberg, où les protagonistes enfilent des visières et des tenues haptiques pour rejoindre un monde hors du monde, l’Oasis.
Y a-t-il d'autres "Métaverses" ?
L’exemple le plus souvent évoqué dans le domaine des "métavers" est sans doute le très célèbre Second Life. C’est lui qui a médiatisé l’idée de ces mondes virtuels dans lesquels on pouvait mener une existence un peu différente, dans un univers de bits, en parallèle de celle survenant dans un monde d’atomes. C’est un projet ancien, car il a vu le jour en juin 2003, après quatre ans de gestation. Une éternité à l’échelle du net.
Second Life est toujours opérationnel, même s’il reste cantonné à une niche d’usagers. En 2012, le jeu comptait 60.000 connexions simultanées selon Les Inrocks et un article de blog consacré à Second Life publié en 2013 affirmait qu’il avait une base active de 600.000 usagers. Un article plus récent de 2020 signalait que l’univers demeure fréquenté, tandis qu’un autre notait en 2018 qu’il y avait toujours des inscriptions.
Le succès de Second Life au début des années 2000 a attisé les appétits. En 2007, nous avions suggéré 10 alternatives. On ne peut pas dire que leur destin ait été brillant. Certains n’ont pas dépassé le stade de la rumeur ou du vague concept. D’autres ont existé un temps, avant de disparaître. Pendant un temps, il a même été question d’un Google Earth à la sauce Second Life ! Seul Entropia Universe a tenu bon.
Bien plus près de nous, le studio Epic Games, à qui l’on doit l’incontournable Fortnite, décrit régulièrement ce titre comme une plateforme sociale et non uniquement un jeu. En septembre 2020, l’éditeur a rappelé sa volonté de faire de ce jeu « un métaverse complet qui soit un espace virtuel interactif, persistant, avec de multiples utilités. »
Le patron d’Epic Games lui-même a rappelé cet objectif en mars 2021: « ce n’est pas un secret: Epic investit dans la construction d’un metaverse ». Autrement dit, Facebook ne sera du tout précurseur dans les métaverses. Cela étant, le site communautaire dispose d’une force de frappe certainement jamais vue dans le milieu des mondes virtuels et persistants. Et cela pourrait faire toute la différence.
Depuis quand Facebook s'intéresse-t-il au métaverse ?
Il est certainement très difficile de dater précisément l’instant où Mark Zuckerberg s’est dit qu’il allait lancer un métaverse, d’autant que le réseau social assure ne pas vouloir travailler seul sur le sujet — dans son communiqué, Facebook précise que la construction de cette plateforme informatique du futur se fait « en collaboration avec d’autres ». Mais de toute évidence, l’idée flotte depuis presque une décennie.
On se souvient qu’en 2014, à l’occasion des 10 ans du réseau social, Mark Zuckerberg se livrait à un exercice d’anticipation en imaginant les dix prochaines années du site: « au cours de la prochaine décennie, la technologie va nous permettre d’ouvrir de nouvelles voies pour capturer et communiquer de nouvelles formes d’expériences ». ous étions alors en février. Et en mars, Facebook rachetait Oculus VR.
Facebook a dépensé sans compter, puisqu’il a déboursé en tout 2 milliards de dollars pour mettre la main sur cette société américaine spécialisée dans les périphériques de réalité virtuelle. Et deux mois après, Brendan Iribe, le directeur général d’Oculus VR, a évoqué la perspective éventuelle de profiter de la communauté de Facebook pour avoir une sorte de MMO avec un milliard de membres — nombre d’inscrits à l’époque.
On peut supposer que, contrairement à un World of Warcraft, il n’y aurait pas d’aventures. Ce serait plus une ambiance à la Second Life, où tout le projet serait de s’incarner ou bien d’incarner un autre avatar et de conduire des interactions sociales diverses. En somme, le métaverse de Facebook pourrait être la version d’après de Second Life, en bien plus aboutie, en profitant des technologies de réalité virtuelle d’Oculus.
Les initiatives de Facebook dans ce domaine se sont affermies en 2019, quand a été dévoilé Horizon, un concept d’univers social et ludique en réalité virtuelle — même si en la matière, Facebook communiquait déjà sur des projets dès 2016. Plus récemment, en août 2021, le site a donné des nouvelles d’Horizon en montrant une première déclinaison, Workrooms, qui vient offrir une alternative en réalité virtuelle à la visioconférence.
Qui veut du métaverse de Facebook ?
C’est l’une des questions dont la réponse reste incertain : compte tenu de l’image très dégradée — pour ne pas dire catastrophique — de Facebook, il parait difficile de se dire que le public serait prêt à plonger dans un monde virtuel et persistant dont les ficelles sont au moins tirées en partie par le réseau social. Comme le dit The Economist, « Facebook se rapproche d’un point de non-retour en matière de réputation ».
Les griefs contre le site américain sont innombrables et il serait presque vain d’en faire la liste ici: les pages en anglais et en français sur Wikipédia proposent un récapitulatif déjà très complet pour qui veut se rafraichir la mémoire. Notre tag Facebook fournit aussi une myriade d’articles mettant en cause la plateforme, sur bien des sujets. Dès lors, l’incursion de Facebook dans un métaverse est vue avec circonspection.
Une photographie a justement marqué les esprits. On y voit le patron de Facebook, sourire aux lèvres, en train de traverser une allée, au milieu de dizaines de spectateurs dont le visage est masqué par des casques de réalité virtuelle. La photo date de février 2016 et déjà les commentaires y voyaient un avertissement du « terrifiant avenir dystopique » dominé par Facebook.
Un autre évènement n’avait pas vraiment plaidé en faveur du métaverse-à-la-Facebook. En 2017, Mark Zuckerberg a tenté de vanter les mérites de Facebook Spaces, une interface en réalité virtuelle alors en phase expérimentale. Le patron du réseau social s’était alors « téléporté » virtuellement à Porto Rico, ravagé par l’ouragan Maria, sous la forme d’un petit bonhomme virtuel. L’initiative avait fortement déplu.
Nombre des critiques qui s’adressent à Facebook sont de fait alimentées par le modèle économique du réseau social, qui repose sur la publicité ciblée. Actuellement, le réseau social utilise de nombreux signaux différents pour savoir ce qui intéresse les internautes et leur proposer des contenus en rapport. Or avec un métaverse, Facebook pourrait aspirer encore plus de données, notamment comportementales.
« Une partie de la raison pour laquelle Facebook est si fortement investi dans la réalité virtuelle et la réalité augmentée est que la granularité des données disponibles lorsque les utilisateurs interagissent sur ces plateformes est un ordre de grandeur plus élevé que sur les médias sur écran », a déclaré à la BBC cet été Verity McIntosh, une experte officiant à l’université de l’Ouest de l’Angleterre
« Maintenant, il ne s’agit pas seulement de savoir où je clique et ce que je choisis de partager, il s’agit de savoir où je choisis d’aller, comment je me tiens, ce que je regarde le plus longtemps, les façons subtiles dont je bouge physiquement mon corps et réagis à certains stimuli. C’est une voie directe vers mon subconscient et c’est de l’or pour un capitaliste des données », a-t-elle ajouté.
Le métaverse de Facebook, une diversion ?
La communication de Facebook sur ces 10.000 recrutements dans l’UE pourrait apparaître comme une diversion et un moyen pour le réseau social que l’on parle de lui un peu différemment qu’à travers des scandales et des polémiques. Cela étant, son projet de métaverse est en fait antérieur à l’éclatement des controverses les plus récentes.
Il est vrai que Facebook passe une rentrée agitée: une enquête du Wall Street Journal a mis en lumière le fait que le site a conscience du caractère toxique de sa filiale Instagram sur les jeunes femmes. Une panne d’ampleur a mis à terre tout l’empire Facebook pendant des heures. Son projet d’Instagram Kids ne rencontre quasiment que des oppositions. Sa façon de gérer les fausses nouvelles, dont le covid, est hautement décriée.
Clairement, Facebook est dans une passe compliquée, surtout avec l’action de Frances Haugen, une lanceuse d’alerte qui a récemment alimenté les médias avec des documents confidentiels. D’autres soubresauts sont à prévoir, car Frances Haugen doit justement être entendue par le conseil de surveillance de Facebook, qui, d’après elle, s’est fait mener en bateau par le réseau social.
La panne, d’ailleurs, a aussi eu pour effet de mettre en évidence le monopole de Facebook sur le net. C’est peut-être aussi pour ça que, dans le communiqué de Facebook du 18 octobre, le réseau social donne le sentiment de faire des gestes — ainsi, le recrutement des 10.000 postes va se dérouler dans l’UE, zone où la régulation est parmi les plus marquées au monde, à l’image du RGPD.
Peut-être est-ce aussi pour cela que le communiqué de Facebook assure « qu’aucune entreprise ne possédera et n’exploitera le métaverse ». Le réseau social déclare que, « comme Internet, sa caractéristique principale sera son ouverture et son interopérabilité ». Et qu’il se montre aussi laudatif à l’égard de l’UE, de ses valeurs (comme la vie privée) et de son leadership en matière de régulation.
Mais qu’il s’agisse ou non d’une tactique pour détourner l’attention — même si le projet, on l’a dit, est en fait bien antérieur aux plus récents ennuis de la plateforme –, ce sont surtout les questions du gouvernance, de vie privée et de données personnelles qui se poseront. Mais également de la toxicité que l’on reproche à l’écosystème Facebook. Personne ne tient à la subir encore, environnement en 3D ou pas.