Le Monde d'Antigone

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Le Quad: Un nouveau pôle pour contrer l'influence chinoise

Publié le 15/04/2021 à 03:21 par monde-antigone

 
Le 12 mars dernier, s'est tenue une réunion virtuelle réunissant les ministres des Affaires étrangères de l'Inde, du Japon, de l’Australie et des États-Unis, formant une alliance appelée le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, en anglais Quadrilateral Security Dialogue (QSD), mais communément appelée "Quad". Cette alliance stratégique en cours de formalisation vise notamment à contrecarrer la montée en puissance de la Chine dans la zone dite "Indo-Pacifique".

Le Quad existe depuis près de 15 ans, mais il a gagné en importance ces dernières années à mesure que s'étendait l'influence chinoise. A l'avenir, "Quad" est un mot qu'il va falloir s'habituer à entendre car les tensions politiques, commerciales et militaires ne vont faire que croître dans cette région du monde qui comprend l'océan Indien, l'Asie du sud, la mer de Chine méridionale, la frontière himalayenne... et que traversent les Routes de la soie. C'est l'occasion de revenir sur la somme des enjeux que comporte cette zone.


Indo-Pacifique: une nouvelle zone d’influence pour contrer la Chine ?
par Clea Broadhurst
RFI - 13 avr 2021
https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20210413-indo-pacifique-une-nouvelle-zone-d-influence-pour-contrer-la-chine


Un dialogue trilatéral entre les ministres des Affaires étrangères de France, d’Inde et d’Australie se tient ce mardi 13 avril dans la capitale indienne, New Delhi. Il s’agit entre autres de discuter des mesures à prendre pour renforcer la sécurité maritime et collaborer sur des défis communs dans la région Indo-Pacifique. Les trois ministres des Affaires étrangères comptent parler environnement, sécurité mondiale et posture chinoise dans l’Indo-Pacifique.

Depuis 2019, la France développe un nouveau discours géostratégique autour du concept de l’« Indo-Pacifique », notamment parce que la région constitue pour elle un élément crucial: Paris y investit depuis des décennies des capitaux économiques, politiques et militaires. « Il faut rappeler que la France dispose, en raison de ses territoires à la fois dans l’océan Indien et dans le Pacifique, de la 2ème zone économique mondiale dans le domaine océanique », souligne Jean Luc Racine, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'Asie. Selon lui, nous assistons à une concentration nouvelle de pouvoir en Asie et dans l’Indo-Pacifique et un sommet tel que celui-ci est « une façon pour la France de rappeler qu’elle est une puissance, qu’elle a des intérêts nationaux et internationaux aussi bien dans l’océan Indien que dans le Pacifique. C’est une opportunité parmi d’autres, mais la réunion du 13 avril est une des possibilités de réaffirmer cette légitimité de la présence française dans les grandes discussions dans le cadre de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Indo-Pacifique ».

Economiquement parlant, « c'est une région qui concentre un tiers du commerce international, ces routes commerciales maritimes sont un espace de transit vital pour ce commerce international et tous les acteurs ont intérêt à sécuriser ces lignes, considérant que l’océan Indien est caractérisé par des points d’étranglement stratégiques qui rendent ces lignes particulièrement vulnérables », explique Raphaëlle Khan, chercheuse associée au Centre Asie de l'Université de Harvard. « Au niveau économique, en ce qui concerne la France, 40 % des importations hors UE proviennent de l’Indo-Pacifique et 34 % de ses exportations hors UE vont vers l’Indo-Pacifique, ce sont des chiffres assez importants »,  poursuit-elle.

L’Inde, pays pivot
Le fait que le dialogue se tienne en Inde permet à New Delhi d’affirmer ses positions sur la scène internationale. « Pour l’Inde, c’est une des affirmations de sa volonté d’être un des pays pivots dans cet espace Indo-Pacifique et c’est surtout une façon de réaffirmer les liens avec la France », explique Jean Luc Racine. New Delhi multiplie les "mini-latéraux" (petites réunions entre différents pays, ndlr) « alors même que l’Inde devrait accueillir dans quelques mois le prochain sommet des BRICS (Brésil Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, ndlr) dans lequel il y aura donc la Chine et la Russie ». Selon le chercheur, les dynamiques géopolitiques bougent de plus en plus et New Delhi entend rappeler que l’Inde est une puissance émergente et multiplie les partenariats au nom de l’autonomie stratégique.

L’Inde s’est jointe à la France, le Japon, les États-Unis et l’Australie lors de l’exercice naval "La Pérouse" qui s’est tenu début avril dans la zone Indo-Pacifique. Ces pays ont déployé des navires de guerre pour une manœuvre conjointe qui fait suite à plusieurs autres exercices navals alliés dans les mers d’Asie et l’océan Indien. « La France est en train de voir comment elle peut interagir avec le QUAD (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, une coopération informelle entre les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde, ndlr), mais le QUAD, ce sont quatre pays différents, avec lesquels Paris entretient des relations propres à chacun », souligne Cleo Paskal, chercheuse sur l’Indo-Pacifique à l’institut Chatham House. Dans le cadre de ce sommet trilatéral à New Delhi, nous parlons de deux membres du QUAD, l’Inde et l’Australie, qui « viennent d’acheter auprès de la France d’importants appareils militaires, ce qui montre que les relations sont déjà bien ancrées ».

Par ailleurs, la chercheuse souligne que la France est en avance lorsqu’il s’agit de ses relations avec l’Inde, « surtout dans l’océan Indien. Les deux pays ont coopéré sur des sujets tels que l'espace, le domaine maritime. Depuis des décennies, la relation entre la France et l’Inde est en réalité l’une des plus solides parmi les pays du QUAD ».

Contrebalancer la puissance grandissante de la Chine
L’intérêt des puissances occidentales s’inscrit directement dans un contexte de montée en puissance de la Chine, poursuit Raphaëlle Khan: « Au niveau sécuritaire, le problème c’est que l’on a une insécurité mutuelle qui est en train de croître, avec une augmentation des dépenses militaires et une militarisation accrue de la région. La Chine est en train de militariser des archipels qui sont contestés. Plus généralement, elle est en train de remettre en cause le droit international, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer et la militarisation est aussi une expression d’une compétition croissante entre les Etats-Unis et la Chine dans la région et des puissances régionales ».

Selon Cleo Paskal, Pékin essaie de saper les pays occidentaux de l’intérieur ainsi que les potentiels rivaux régionaux en utilisant, par exemple, les réseaux sociaux ou d'autres biais pour créer la division. « L’Inde a subi ces derniers mois une cyberattaque sur le réseau internet de Bombay. D’autre part, 20 de ses soldats ont été tués par des maoïstes et il y a eu une attaque sur une usine d’iPhone. Tout semble remonter d’une façon ou d’une autre vers la Chine », explique la chercheuse. Selon elle, « la Chine essaye de faire paraître l’Inde instable, afin de créer tant de problèmes internes qu’elle en devienne moins capable de collaborer avec d’autres pays ». C’est une façon pour Pékin d’essayer de briser des partenariats potentiels, entre les pays occidentaux ou bien avec des pays qui peuvent constituer une menace pour la Chine d’une façon ou d’une autre, comme l’Inde.

« On assiste aujourd’hui à un jeu diplomatique classique mais fascinant. Les pays du QUAD et d’autres, dont la France, parlent d’Indo-Pacifique. La Chine comme la Russie continuent de parler d’Asie-Pacifique. Ce qui n’est pas la même chose puisque ça met l’Inde de côté », souligne Jean Luc Racine. Le chercheur explique que chacun essaye de ne pas envenimer les choses par des discours mais le message est très clair quant à l’affirmation de la nécessité d’avoir un Indo-Pacifique libre et ouvert à la navigation, en fonction des règles internationales du droit de la mer. Mais la Chine garde tout de même des atouts en main: « Évidemment en premier lieu, sa puissance économique. On le voit bien avec la place un peu ambiguë que tiennent les pays de l’ASEAN qui ne veulent pas avoir à choisir entre la Chine – qui est pour beaucoup d’entre eux le partenaire économique numéro un – et cette alliance américaine qui pour l’Inde n’est pas supposée être une alliance mais davantage un partenariat avec les Etats-Unis et ses alliés japonais et australiens ».

Tensions dans la région, sous influence des jeux d’alliance
Tout cela s’inscrit dans une géopolitique plus large dans laquelle il faut aussi faire entrer aujourd’hui le rapprochement entre la Russie et la Chine: « C’est une façon de répondre aux tensions entre la Russie et l’Europe après le changement de statut de la Crimée. On est loin des rives océanes, mais c’est bien ce très grand jeu qui est en train de se déployer et dans ce très grand jeu, le QUAD est un nouvel élément important. En parallèle au QUAD, ce genre de réunions trilatérales tend à affirmer justement la multiplicité des canaux par lesquels le monde est en train de se recomposer », conclut Jean Luc Racine.

Le dossier brûlant qui revient sur la table est celui de Taïwan selon Cleo Paskal: « À quel moment la Chine va-t-elle lancer une attaque contre Taïwan ? Vu la façon dont la Chine opère, elle va essayer de faire éclater des tensions à des endroits différents. Par exemple, si la Russie va en Ukraine, si les problèmes s’accentuent en Birmanie et s’il y a d’autres problèmes avec l’Iran ou la Corée du Nord, Washington, Paris et Londres seront préoccupés par toutes ces autres tensions, ce qui laisse une porte ouverte pour lancer une cyberattaque sur Taïwan ». Pour Cleo Paskal, il n’y a pas de désescalade possible, car Pékin va attiser beaucoup de tensions et à un certain degré, Moscou également. « Et au final, la Chine aura ce qu'elle souhaite, c'est-à-dire prendre le contrôle de Taïwan, mais également essayer de lancer sa monnaie digitale afin de saper le dollar américain. Ce sont les deux buts principaux de Pékin aujourd'hui ».

La chercheuse explique qu’il y a de moins en moins de place pour le hedging – ce sont des stratégies consistant à multiplier ses options pour minimiser les risques, notamment au travers de nombreux partenariats stratégiques et accords "mini-latéraux". Pour Cleo Paskal, « avant, les pays disaient vouloir la sécurité américaine et les investissements chinois sauf que maintenant, on s’inquiète de plus en plus de la Chine, donc il y a moins de possibilités de naviguer entre deux eaux ».


Sommet du Dialogue quadrilatéral sur la sécurité: L’ombre de Pékin
par Amnay Idir
El Watan - 13 mar 2021
https://www.elwatan.com/edition/international/sommet-du-dialogue-quadrilateral-sur-la-securite-lombre-de-pekin-13-03-2021


Le sommet du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quad) s’est tenu hier [12 mars] par vidéoconférence. L’Alliance qui regroupe les Etats-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie a évoqué en priorité les questions relatives au changement climatique et la pandémie de Covid-19.

Cela dit, il s’agit aussi d’une offensive diplomatique pour endiguer les ambitions de la Chine dans la zone Asie-Pacifique. Né dans les années 2000, c’est la première fois que le "Quad" se réunit au plus haut niveau. « C’est (…) le premier sommet multilatéral que j’ai la chance d’organiser en tant que président », a déclaré le président américain Joe Biden à l’ouverture de la visioconférence avec les Premiers ministres japonais Yoshihide Suga, indien Narendra Modi et australien Scott Morrison.

« Les Etats-Unis sont déterminés à travailler avec tous nos alliés régionaux pour garantir la stabilité », a-t-il soutenu, selon des propos recueillis par l’AFP. « Nous lançons un nouveau partenariat ambitieux pour doper la production de vaccins, au bénéfice du monde entier et notamment des vaccinations dans toute la région indo-pacifique», a déclaré Joe Biden. Cet effort s’appuiera en premier lieu sur la production en Inde. Avec cette initiative, le président américain s’engage à son tour dans la « diplomatie du vaccin ». Sachant que la Chine multiplie les livraisons de doses à travers le monde et notamment en Asie du Sud-Est. Car l’autre objet de ce sommet, et une des raisons d’être du "Quad", c’est de contenir l’« activisme » chinois dans la région.

Aucun des quatre dirigeants n’a ouvertement cité la Chine, mais il est fait état des discussions sur la« sécurité maritime » et le maintien d’une région indo-pacifique « libre et ouverte ». « Nous renouvelons notre engagement à faire en sorte que notre région soit gouvernée par la loi internationale, fasse régner les valeurs universelles et soit libre de toute coercition », a indiqué Joe Biden. Allusion à l’importante présence militaire de Pékin, notamment en mer de Chine méridionale. Pour Scott Morrison, cette réunion de quatre « démocraties » traduit « l’aube d’une nouvelle ère » pour la région. A son tour, Narendra Modi a assuré que le "Quad" demeurerait «un pilier important pour la stabilité».

Après la réunion du "Quad", le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin se rendront la semaine prochaine au Japon puis en Corée du Sud pour leur premier voyage à l’étranger. Le chef du Pentagone ira aussi en Inde, tandis qu’Antony Blinken organisera jeudi la première réunion entre l’équipe Biden et les chefs de la diplomatie chinoise. Pour sa part, le Premier ministre japonais sera, en avril, le premier dirigeant étranger à être reçu aux Etats-Unis par le président Biden, ont annoncé vendredi les deux pays.

En 2007, lors d’un discours devant le Parlement indien, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a initié l’alliance du Quad, qui consiste en un dialogue stratégique informel entre le Japon, les Etats-Unis, l’Inde et l’Australie. En novembre 2017, lors du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) à Manille, les dirigeants de ces quatre pays se sont entendus pour relancer cette initiative. L’Inde constitue un allié pour les Etats-Unis en Asie pour contrecarrer la montée en puissance de la Chine dans la région.

New Delhi n’a pas intégré les Routes de la soie, initiative économique de Pékin. Le 3 mars, le chef de la diplomatie américaine a qualifié la Chine de « plus grand défi géopolitique du XXIe siècle ». Il voit en l’Empire du Milieu « le seul pays avec la puissance économique, diplomatique, militaire et technologique susceptible d’ébranler sérieusement le système international stable et ouvert, toutes les règles, valeurs et relations qui rendent le monde tel que nous voulons qu’il soit ».


L'ombre de la Chine plane sur le sommet du Quad
Entretien avec Marianne Péron-Doise, chercheure à l'IRSEM (Institut de recherche stratégique de l'École militaire) et chargée de cours à Sciences Po Paris
Propos recueillis par Jelena Tomic
RFI - 11 mar 2021
https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210311-l-ombre-de-la-chine-plane-sur-le-sommet-du-quad


Marianne Péron-Doise, quel est le rôle du Quad ?
C’est une enceinte de dialogue avec quatre pays (États-Unis, Australie, Japon et Inde) qui a pour objet de parler de la sécurité en Asie. Le Quad a été créé en 2007 à l’initiative du Premier ministre japonais Shinzo Abe, en marge des réunions des dix pays de l’ASEAN et de leurs forums annuels. Tokyo voulait rassembler des pays proches ou partenaires pour aller plus loin dans les discussions sur la sécurité régionale et peut-être mettre en place des coopérations de nature opérationnelle avec les marines de ces quatre pays.
Beaucoup d’observateurs soulignent ce côté flou et informel des réunions du Quad, qui n’ont pas d’objectifs clairs. D’ailleurs, le groupe sera très vite considéré avec suspicion par d’autres partenaires, et notamment la Chine, qui y voit la réunion de pays très proches des États-Unis.


Dans quel contexte géopolitique a lieu ce sommet virtuel ?
En 2007, la situation régionale ne justifiait pas de façon claire un ordre du jour très précis pour les quatre puissances emmenées par le Japon. Aujourd’hui, on est dans un contexte assez particulier, puisqu’on a assisté à la montée en puissance de la Chine notamment dans le domaine maritime, la Chine revendiquant une grande partie de la mer de Chine du Sud à l’encontre, par exemple, des Philippines et du Vietnam. Et les quatre pays du Quad ressentent ces revendications comme une forme de danger ou de menace sur la liberté de navigation. D’où cette insistance à mettre en avant, à l’agenda du Quad, la protection de la liberté de la navigation, le respect du droit de la mer et un ordre mondial fondé sur le droit. Mais il est vrai que le Quad, tel qu’il a pu fonctionner sous l’administration Trump, a donné l’impression d’une discrète "alliance" à l’encontre de la Chine qui viserait tout simplement à essayer de former un contrepoids aux avancées militaires, maritimes, mais également économiques de la Chine dans la région de l’Indo-Pacifique, avec le projet de "Belt and Road" (route maritime de la soie) qui signale clairement une expansion très concrète de la Chine dans la région.


Les quatre puissances du Quad ont des approches très différentes dans leur relation avec Pékin et dans leurs visions géopolitiques de la région Indo-Pacifique. Quel sera la feuille de route de ce groupe de dialogue informel ?
C’est certainement l’envie de s’intégrer davantage à des problèmes de sécurité régionale concrets et de ne pas donner l’impression de mettre en place une alliance implicite anti-chinoise et à caractère militaire. L’Australie, par exemple, n’a pas suivi le début des réunions du Quad et craignait dès 2010 de se retrouver embarquée malgré elle dans un front anti-chinois, car la Chine est un partenaire économique important de Canberra. L’Inde a aussi partagé ce genre de réticence et elle continue d’ailleurs de parler d’un Quad inclusif qui doit permettre un dialogue constructif dédié à des problèmes de sécurité régionale concrets: la lutte contre le changement climatique, la mise en place de structures de coordination d’aide concernant la lutte contre la pandémie. Et ce, indépendamment du soupçon d’un mini OTAN asiatique – le terme a été formulé – et d’un ensemble de pays qui n’auraient en tête que de contourner ou de former un contrepoids, avec l’addition de leur capacité maritime, pour éventuellement représenter une forme d’alliance implicite vis-à-vis de l’expansion maritime chinoise.
Je pense que l’administration Biden veut un peu casser ce côté « confrontationnel » et délibérément anti-chinois que l’administration Trump a voulu donner au Quad et qui n’a d’ailleurs pas permis à ce dernier d’évoluer tout en suscitant des résistances de la part de l’Inde.
Quand le secrétaire d’État Blinken parle d’inviter l’Europe, l’ASEAN et d’élargir le cadre quadrilatéral, il essaie en fait d’élargir le cercle des participants pour bien donner l’impression d’une enceinte plus légitime et ouverte. Il envoie aussi un message de bonne volonté vis-à-vis de la Chine. Et essaie en tout cas de montrer que le Quad n’est pas une alliance qui se construit contre quelqu’un en particulier. Même si on sent bien que la montée en puissance de la Chine, son expansion maritime et l’agressivité dont font preuve la marine et les garde-côtes chinois en mer de Chine du Sud, est un élément de préoccupation pour le Quad, mais aussi pour l’Europe qui a exprimé à plusieurs reprises ces derniers mois ses préoccupations devant le non-respect du droit de la mer de la Chine et l’agressivité de la marine chinoise. Je pense qu’il est important d’élaborer une réponse collective et de réfléchir ensemble à tout un ensemble de problématiques économiques, commerciales et pas uniquement sécuritaires et politiques.


EDIT (24 avril 2021)


Le Quad, pilier de la stratégie indo-pacifique de l’administration Biden
par Marianne Péron-Doise, chercheure Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargée de cours Sécurité maritime, Sciences Po
Asie-Pacifique News - 22 avr 2021
https://asiepacifique.fr/quad-strategie-indo-pacifique-joe-biden/


(.../...)
L’amiral Philip Davidson, qui dirige l’US Indo-Pacific Command, a sonné l’alarme lors d’une audition devant la Commission sénatoriale des forces armées américaines, soulignant le danger représenté par l’érosion de la dissuasion conventionnelle de Washington comme de ses alliés face au développement des capacités chinoises.

Selon son analyse, d’ici à 2025, la Chine surclassera la marine américaine dans la région avec trois porte-avions et six navires d’assaut amphibies contre un porte-avions et deux navires d’assaut amphibies. Pour lui, il y a un risque sérieux que ce déséquilibre pousse la Chine à modifier unilatéralement le statu quo régional, notamment vis-à-vis de Taiwan. Pour pallier ce déséquilibre, Philip Davidson recommande la mise en place d’un réseau de missiles de frappe de précision le long de la première chaîne d’îles (formée par une ligne reliant Japon-Taiwan – Philippines) dans le cadre de l’Initiative de dissuasion du Pacifique visant à contenir la stratégie anti-accès de la Chine.

Nommé à la tête du Commandement pour l’Indo-Pacifique en mai 2018, l’amiral Davidson incarne la continuité stratégique de la vision indo-pacifique américaine de Donald Trump à Joe Biden. Son analyse sur la réalité d’une menace militaire chinoise croissante s’accorde parfaitement avec celle du président actuel, qui estime qu’au-delà des efforts de modernisation, la clé d’un endiguement efficace contre la Chine réside dans les alliés et les partenaires des États-Unis. Il semblerait que les efforts de réengagement diplomatique et militaire annoncés par Joe Biden se concrétisent par l’institutionnalisation et l’opérationnalisation d’un Quad élargi. Dans ce cadre, la Corée du Sud, Singapour et le Royaume-Uni sont pressentis pour figurer au sein d’un premier "Quad+".

La France, puissance indo-pacifique riveraine aux capacités navales significatives, devrait elle aussi se voir fortement sollicitée. Pour l’heure, deux de ses unités déployées pour une mission d’instruction et d’entraînement en Asie, le bâtiment amphibie Tonnerre et la frégate Surcouf ont participé à l’exercice multinational "La Pérouse" début avril 2021 en baie du Bengale. (...)