Le Monde d'Antigone

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La Russie se dote d'une base navale à Port-Soudan

Publié le 19/11/2020 à 00:26 par monde-antigone

 
Un peu d'histoire-géo:
Le Soudan a deux ports sur la mer Rouge: Port-Soudan (ou Bur Sudan en arabe) et Suakin (ou Sawakin en arabe) distants d'une soixantaine de kilomètres.
Suakin, d'abord construite sur une île avant d'être reliée au continent par une digue, est une ancienne possession ottomane. Elle a été un point de passage pour les pèlerinages vers Jérusalem et La Mecque. D'un accès difficile à cause des récifs de corail, elle a perdu de son importance au cours du XXe siècle.
Le 26 décembre 2017, le Soudan d'El-Bechir a accordé à la Turquie une souveraineté de 99 ans sur cette presqu'ile. Trois mois plus tard, il a signé avec le Qatar un accord portant sur le développement d'un port à Suakin.
La fondation, plus au nord, de Port-Soudan est relativement récente. Elle date de 1905-1909, par les Britanniques. Ce port, qui peut accueillir des navires de gros tonnages, a profité de l'augmentation du trafic par le canal de Suez, et est devenu le principal port commercial soudanais.


Je poste 4 articles qui ont à peu près les mêmes titres, mais ne parlent pas des mêmes choses:
1/ commentaires de la presse russe (Courrier international); 2/ aspect stratégique (Les Echos); 3/ relation Russie-Soudan (RFI); 4/ historique et analyse régionale (Orient XXI).


Le Soudan offre un point d’ancrage aux forces navales russes
Courrier international - 17 nov 2020
https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/influence-le-soudan-offre-un-point-dancrage-aux-forces-navales-russes


Vladimir Poutine a validé le 16 novembre la proposition du gouvernement russe de signer un accord avec le Soudan sur l’installation d’un “point d’appui matériel et logistique” de la flotte militaire russe à Port-Soudan.
“C’est une occasion d’élargissement pour notre flotte. Le temps est venu de restaurer notre présence militaire sur les mers”, a déclaré l’amiral en retraite Vladimir Komoedov, cité par le quotidien Izvestia. La Russie, s’est-il félicité, va bénéficier d’une nouvelle base pour sa flotte à l’étranger “dans un contexte de domination des États-Unis et de l’OTAN en Atlantique, dans les océans Indien et Pacifique, dans les airs, sur l’eau et sous l’eau”.
“Le Soudan est un point clé vers le détroit de Bab-el-Mandeb, la mer Rouge et le canal de Suez. Une voie cruciale de circulation des ressources énergétiques mondiales. Oui, c’est un lieu stratégique”, a déclaré le sénateur Alexeï Pouchkov, cité par le quotidien Moskovski Komsomolets.


La Russie se dote d'une base navale au Soudan
par Yves Bourdillon
Les Echos - 17 nov 2020
https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/la-russie-se-dote-dune-base-navale-au-soudan-1265682


La Russie reprend pied, marin, en Afrique. Pour la première fois depuis la fin de l'URSS, Moscou va se doter d'une base militaire navale sur le continent africain, aux termes d'un accord signé récemment avec le Soudan.
Certes, la base sera relativement petite, puisqu'elle n'accueillera que 300 civils et militaires en permanence et au maximum quatre navires [notamment à propulsion nucléaire; ndc], de taille respectable toutefois, puisque pouvant aller jusqu'au croiseur. Un revers, en outre, pour Washington, qui venait de tendre la main au Soudas en le retirant de la liste des pays soutenant le terrorisme suite au renversement, il y a 20 mois du dictateur islamiste, Omar al Béchir. Le Soudan, qui a d'urgents besoins de financement, n'a pas hésité devant la perspective d'un bail de 25 ans, dont le montant n'a pas été dévoilé...

Cet accord illustre le regain d'ambition géopolitique du Kremlin, après les années de vaches maigres consécutives à la chute des prix des hydrocarbures. Un regain marqué surtout en direction d'un continent, l'Afrique, richement doté en ressources minières et en passe d'héberger la moitié de l'humanité à la fin du siècle sur la base des projections démographiques actuelles. La Russie a multiplié ces dernières années les investissements en Guinée, au Nigeria et en Afrique du sud, notamment. Et prépare des projets au Mozambique, en Angola , etc. Moscou a hébergé le mois dernier son premier sommet consacré à l'Afrique, où s'étaient rendus nombre de chefs d'Etat ou de gouvernement du continent.

La base navale facilitera les patrouilles russes dans des couloirs maritimes essentiels en termes de commerce et sécurité, la Mer Rouge et le Golfe d'Aden, avec une activité résiduelle de pirates, par où transitent près de 60 cargos par jour entre l'Europe et l'Asie. Un transit qui compte les 2/3 des exportations japonaises par voie de mer et 4 millions de barils par jour de pétrole.

Le détroit de Bab el Mandeb, au débouché du Golfe d'Aden, et le canal de Suez, au nord de la mer rouge, sont classés par les spécialistes parmi les "sept clés" du commerce maritime mondial, avec le canal de Panama et les détroits de Malacca en extrême-Orient , d'Ormuz, de Gibraltar et du Bosphore. Les navires russes seront aussi à quelques jours de navigation du Golfe persique, par où passe 1/6e du pétrole mondial, soit environ 13 millions de barils par jour, et de l'Océan indien. Dans cette partie du monde, les Etats-Unis, la France et la Chine disposent de bases à Djibouti et la Turquie en Somalie.

Très enclavée, puisque ne possédant que quatre grands ports libres de glaces en hiver, Mourmansk, Saint Petersbourg, Novorossisk et Vladivostok [Cela oblige les marins des flottes du Nord à des voyages épuisants jusque dans l'océan Indien, à passer plusieurs mois en mer sans toucher terre; ndc], Moscou ne disposait que d'une seule base navale à l'étranger à Tartous en Syrie, en sus de Sébastopol, en Crimée annexée .


La Russie confirme la construction d’une base navale au Soudan
d'après la correspondance de Sébastien Nemeth
RFI - 17 nov 2020
https://www.rfi.fr/fr/afrique/20201117-la-russie-confirme-la-construction-dune-base-navale-soudan


Le Kremlin a donné son feu vert à la construction d’une base navale au Soudan. (...) Le projet d’accord prévoit la construction, près de Port-Soudan, sur la côte, d’un carrefour logistique pour la marine russe. Ce centre de soutien sera destiné aux réparations, au réapprovisionnement et au repos du personnel. D’après le projet, la Russie aura le droit de transporter, via les ports et aéroports soudanais, des armes, munitions et équipements destinés au fonctionnement de sa base. Ce site sera le premier du genre pour Moscou en Afrique, et le second dans le monde, après celui de Tartus, en Syrie.

La Russie a une longue coopération militaire avec le Soudan. L’URSS avait notamment livré des armes pendant les deux guerres civiles soudanaises. Les échanges s’étaient réduits après la chute de l’Union soviétique, mais l’empreinte de Moscou dans le pays n’a jamais disparu. Sous Omar el-Béchir, la Russie a été accusée de violer l’embargo sur les armes. L’idée de cette base aurait d’ailleurs été soulevée par le dictateur déchu lors d’un voyage en Russie fin 2017. Moscou avait d’abord décliné, préférant resserrer les liens commerciaux. S’ensuivit l’apparition de sociétés militaires privées russes, qui auraient entraîné les troupes soudanaises, voire pris part à la répression de la révolution fin 2018. Mais à la chute d’Omar el-Béchir, l’idée de base navale n’a pas été enterrée, bien au contraire. (...)

Il y a un an à Sotchi, lors du premier sommet Russie-Afrique, Moscou avait clairement affiché sa volonté de doubler ses échanges commerciaux avec le continent. Et la Russie s’est lancée dans des projets l’extraction minière en Guinée, Afrique du Sud,au Zimbabwe, ou au Soudan. La Russie est aussi le plus grand fournisseur d’armes en Afrique, notamment en Algérie, en Égypte, en Angola. Ces dernières années, elle a signé des accords de coopération militaire avec près de 20 pays d’Afrique, dont la Centrafrique. Moscou tente également depuis des années d’installer une base militaire dans la région de la corne de l’Afrique, notamment à Djibouti, mais sans succès.


Le retour contrarié de la Russie en mer Rouge
par Ivan Ulises Kentros Klyszcz, doctorant à l’Institut Skytte d’études politiques de l’université de Tartu (Estonie)
Orient XXI - 10 nov 2020
https://orientxxi.info/magazine/la-russie-veut-prendre-pied-en-mer-rouge,4260


Depuis une vingtaine d’années, sous la présidence de Vladimir Poutine, la diplomatie russe a réaffirmé sa présence au Proche-Orient et dans la Corne de l’Afrique. Dans le cadre de ce "retour", Moscou s’est à nouveau fixé comme objectif d’installer une base militaire sur les rives de la mer Rouge, comme à l’époque soviétique.

La mer Rouge est sur l’une des routes les plus sensibles du commerce mondial, car près de 10 %  des marchandises du monde entier passent par elle. La mer relie les producteurs d’énergie du golfe Persique, les marchés occidentaux et les industries d’exportation de l’Asie du Nord-Est, ce qui fait des points d’accès à cette mer un objet de convoitise des grandes puissances environnantes. Elle a attiré encore davantage l’attention à l’étranger, dans la mesure où sa stabilité s’est détériorée en raison de la proximité de la guerre civile au Yémen et de l’augmentation de la piraterie basée en Somalie. En conséquence, plusieurs pays ont déployé leurs forces militaires dans la région, notamment à Djibouti, près du détroit de Bab El-Mandeb.

Après le succès de l’intervention russe dans la guerre civile syrienne, les relations entre la Russie et les pays de la mer Rouge se sont développées, avec des perspectives prometteuses pour Moscou d’obtenir des autorisations d’installer des bases dans la région. En particulier, Djibouti, le Soudan, l’Érythrée, le Yémen et le Somaliland — une République somalienne dissidente non reconnue par la communauté internationale — semblent être les plus susceptibles d’accueillir une présence militaire russe près de la mer Rouge. Assisterons-nous bientôt à un retour de la Russie dans la zone du détroit de Bab El-Mandeb ?

Pas de passé colonial
L’intérêt russe pour la mer Rouge n’est pas nouveau. Pendant la guerre froide, Moscou et Washington, ainsi que Londres et Paris, se disputaient l’hégémonie au Proche-Orient. Dans cette compétition, l’Union soviétique cherchait à s’assurer une présence militaire permanente dans la péninsule Arabique et la Corne de l’Afrique, pour pouvoir approvisionner (en matériels et effectifs, NDLR) ses opérations navales dans la région. Mais pour cela, elle devait s’implanter dans une région où elle n’avait jamais eu de réelle influence ni d’alliés traditionnels. De plus, cet objectif stratégique allait à l’encontre  de l’un des principaux avantages de l’URSS, à savoir l’absence d’un passé colonial au Proche-Orient. En raison de ces contraintes, Moscou ne pouvait s’implanter dans la région que lorsqu’un pays ami était ouvert à une alliance, comme l’Éthiopie et le Yémen du Sud.

De tels accords étaient fragiles, car vulnérables aux changements géopolitiques dans cette zone de turbulences. Par exemple, dans les années 1970, l’armée soviétique a disposé pendant quelque temps d’une installation militaire à Berbera, le principal port de l’actuel Somaliland. Cette base a été fermée au début de la guerre somalo-éthiopienne de 1977, lorsque Moscou a changé de position vis-à-vis de la partie éthiopienne, provoquant l’expulsion des militaires russes de Somalie. Enfin, l’effondrement de l’Union soviétique a provoqué une diminution substantielle de la présence russe en Afrique et au Proche-Orient, en causant la fermeture de la base d’Aden en 1994.

Au milieu des années 2000, Moscou avait à la fois les moyens et la volonté pour revenir au Proche-Orient et dans la Corne de l’Afrique et reprendre sa présence militaire sur la mer Rouge. Selon Samuel Ramani (Oxford) , c’est la crise de la piraterie en Somalie en 2008 qui a déclenché un regain d’intérêt de la Russie pour le détroit de Bab El-Mandeb en particulier. Cet intérêt a été renforcé par les retombées diplomatiques de l’annexion de la Crimée, qui ont incité Moscou à rechercher de nouveaux partenaires pour surmonter l’isolement international auquel elle était confrontée à l’époque.

Pour effectuer ce retour en mer Rouge, Moscou a moins compté sur son "soft power" que sur l’attrait de ses capacités militaires  et l’efficacité de ses services de sécurité. Le succès de l’expédition russe pour protéger son allié syrien a renforcé la crédibilité de Moscou en tant que pourvoyeur de sécurité, même pour les pays situés en dehors de l’espace ex-soviétique.

Déception à Djibouti
Comme d’autres puissances en dehors de la région, la Russie a cherché à coopérer étroitement avec Djibouti, un pays dont la situation stratégique en a fait un point focal d’intérêt pour les grandes puissances, plusieurs pays y basant leur présence militaire en Afrique . Selon le journal russe Kommersant, la Russie avait déjà exprimé en 2012 son intérêt pour s’établir militairement à Djibouti, notamment pour son aviation. En 2012 et 2013, des négociations ont eu lieu à ce sujet, avec des discussions précises sur la taille du territoire exclusif à l’usage de la Russie, le degré d’influence des autorités américaines dans la gestion de l’espace aérien de Djibouti, et les investissements russes dans le pays.

Malgré ces développements prometteurs, la crise ukrainienne de 2014 a mis fin aux négociations. En effet, la nouvelle situation géopolitique autour de la Russie et le renouveau de la rivalité russo-américaine ont conduit Washington à faire pression sur les autorités djiboutiennes pour qu’elles n’autorisent pas sa rivale à installer des bases dans leur pays. Aujourd’hui, aucune perspective de présence russe à long terme n’est en vue, mais la coopération entre Djibouti et Moscou en matière de piraterie se poursuit.

Malgré ce revers, Moscou a trouvé d’autres hôtes potentiels en mer Rouge, le plus accueillant étant jusqu’à présent le Soudan. En novembre 2017, l’ancien président du Soudan, le tyran Omar Al-Bachir s’est rendu à Sotchi pour rencontrer son homologue russe, avec un programme visant à approfondir la coopération dans plusieurs domaines, dont la sécurité et la défense. Même si la possibilité d’établir une base militaire ne figurait pas parmi les documents signés par Poutine et Al-Bachir, ce sujet a été discuté par eux lors de la réunion.

Khartoum a souhaité cet engagement renforcé en raison de l’effondrement des relations avec Washington. En effet, après le succès russe à stopper la chute du gouvernement de Bachar Al-Assad en Syrie, Al-Bachir cherchait en Russie un fournisseur potentiel de sécurité  pour son régime contre toute intervention de l’Occident. Les résultats des accords de sécurité sont devenus tangibles, avec le dévoilement d’un accord pour l’utilisation des installations navales de Port-Soudan  par la flotte russe en mai 2019. Jusqu’à présent, cet accord constitue notamment le plus grand succès de la Russie en matière d’installation militaire sur la mer Rouge.

Pourtant, le projet d’établir une présence permanente de l’armée russe au Soudan reste incertain. L’effondrement du régime d’Al-Bachir en avril 2019 et l’amélioration des relations diplomatiques entre Khartoum et Washington en octobre 2020 réduisent la valeur de la protection russe pour le pays. Ainsi, même si la coopération en matière de défense se poursuit entre Khartoum et Moscou jusqu’à ce jour, les plans d’une base militaire au Soudan semblent être dans les limbes.

La carte de l’Érythrée
Il y a également eu un certain changement en Érythrée concernant une éventuelle présence militaire russe à long terme. Après son indépendance en 1991, l’Érythrée est devenue l’un des pays les plus fermés du monde  ainsi que l’une des dictatures les plus sévères d’Afrique. Cependant, depuis la signature d’un accord de paix avec l’Éthiopie en juin 2018 et la levée des sanctions de l’ONU en novembre 2018, il cherche des opportunités pour sortir de son isolement et attirer des investissements étrangers.

Dans ce contexte, Asmara a engagé la Russie plus activement depuis 2018. En août de cette année-là, le ministre russe des affaires étrangères Serguei Lavrov a officiellement annoncé que l’Érythrée et la Russie négociaient l’ouverture d’une base "logistique" sur la côte érythréenne.
D’autres changements suivront. En préparation de la levée des sanctions de l’ONU, les représentants russes et érythréens se sont rencontrés en octobre 2018 pour discuter de l’avenir des relations bilatérales. En outre, en juillet 2019, Moscou a levé ses sanctions contre l’Érythrée, qui étaient effectives depuis près d’une décennie.

Cependant, à l’heure actuelle, rien ne prouve que les plans d’une base logistique russe sur le territoire érythréen soient toujours en cours. En effet, la nature fermée de la politique érythréenne et la nature stratégique de ce type de négociation rendent difficile son décryptage. Mais en tout état de cause, les échanges entre ces deux pays en matière militaire se poursuivent. En janvier 2020, Asmara a annoncé la livraison de deux hélicoptères russes achetés en 2019 dans le cadre du renforcement  de leur coopération militaire avec Moscou.

Les autres pays avec lesquels la Russie s’est engagée dans la poursuite de ses ambitions pour la mer Rouge sont le Yémen et le Somaliland. Anciens partenaires soviétiques dans la région, ces deux pays attirent à nouveau l’attention de la diplomatie russe. Dans le cas du Yémen, la Russie a cherché à jouer le rôle de médiatrice  entre toutes les forces (à l’exception des djihadistes) impliquées dans la guerre civile en cours. Cela sert les plans stratégiques de Moscou, car comme l’écrit Samuel Ramani pour le Carnegie Endowment , l’implication russe dans le conflit du Yémen laisse la porte ouverte aux aspirations à une présence militaire permanente dans le futur.

Ces aspirations étaient déjà identifiées en 2009 par un officier de la flotte russe qui avait cité Socotra — l’archipel yéménite où la flotte soviétique disposait de facilités dans le passé — comme un lieu possible pour une installation de la marine russe. Puis, en 2016, le gouvernement Saleh a annoncé que le Yémen était ouvert à l’établissement d’une installation russe à Aden, un autre ancien site de la marine soviétique à l’étranger.

Cela étant, il n’y a aucun signe de progrès dans la réalisation des ambitions de la Russie sur la mer Rouge. À Socotra, les Russes sont dans une impasse, car l’archipel est sous occupation émiratie depuis 2019. Et, tout comme les contrats russes au Yémen pour l’énergie et le gaz, la guerre a mis en suspens tout plan de collaboration militaire entre Moscou et ses partenaires yéménites, malgré les déclarations de Ali Abdallah Saleh.

Le choix douteux du Somaliland
Enfin, le Somaliland, partie de jure de la Somalie, mais indépendant de facto depuis 1991 a été cité à plusieurs reprises comme un hôte possible pour une présence militaire russe en mer Rouge. Depuis des décennies, le Somaliland cherche à être reconnu comme un membre de la communauté internationale. Il est donc en quête de partenaires étrangers, en particulier parmi les grandes puissances qui pourraient résoudre la question de son statut.

Selon certains rapports, c’est en 2017 que la possibilité d’une base militaire russe au Somaliland s’est à nouveau présentée. Cette année-là, à l’ambassade de Russie à Djibouti, un représentant du gouvernement du Somaliland a proposé d‘accorder à Moscou le droit de construire une installation à Berbera en échange de sa reconnaissance (du Somaliland, NDLR). Puis, en janvier 2020, des rapports ont fait état de l’ouverture imminente d’une installation militaire russe au Somaliland.

Pourtant, le mois suivant, l’ambassadeur russe à Djibouti les a démentis . En outre, on s’est demandé si la reconnaissance par la Russie d’une République dissidente était dans son intérêt diplomatique général, qui tend à s’opposer à ce que de grandes puissances interviennent ouvertement  en faveur des régions en sécession. L’avenir de cette base reste donc inconnu.

L’intervention russe en Syrie a ouvert plusieurs opportunités pour Moscou au Proche-Orient et en Afrique de l’Est. Depuis 2015, les contacts et la coopération entre la Russie et les pays de ces deux régions ont considérablement augmenté. Cependant, les limites de son influence diplomatique deviennent assez évidentes dès lors qu’il s’agit des aspirations russes à une présence permanente en mer Rouge. Là, la diplomatie russe voit ses initiatives entravées par les défis de l’instabilité de la région et la concurrence intense avec d’autres puissances extérieures.

Pour les observateurs extérieurs, les perspectives d’une base militaire russe au bord de la mer Rouge sont incertaines et font l’objet de rapports peu fiables. Néanmoins, les ambitions russes en Afrique et au Proche-Orient ne faiblissent pas. Même avec un ralentissement important des échanges diplomatiques dû à la Covid-19 et à ses conséquences économiques, l’intérêt de la Russie pour une base près du détroit de Bab El-Mandeb et de la mer Rouge restera une priorité dans l’agenda régional de Moscou pour les prochaines années.