Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

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Dernière mise à jour : 05.10.2025
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« On est déjà dans l’après-Loukachenko »

Publié le 14/09/2020 à 00:06 par monde-antigone

 
- La solution militaire semble s'éloigner au Bélarus.
Poutine a convoqué Loukachenko ce lundi à Moscou, pour le convaincre d'une intégration du Bélarus dans la Fédération de Russie, seule solution, d'après lui, qui préserverait les intérêts stratégiques de la Russie. Mais Loukachenko a pour lui de se présenter comme le dernier rempart des intérêts russes contre l'UE et l'OTAN.

- L'opposition a continué dimanche de manifester en masse, malgré les arrestations (744), comme elle le fait depuis un mois.
Parmi les 7 membres du Conseil de coordination de l’opposition, seule la Nobel de littérature Svetlana Alexievich reste "libre", c'est-à-dire sous étroite surveillance. Tous les autres ont fui à l’étranger ou été contraints de le faire.
Maria Kolesnikova, l'une des trois femmes figures de proue de l'opposition, est actuellement en détention après avoir déchiré son passeport au moment où on tentait de l'expulser, le 6 septembre dernier.


Biélorussie. « On est déjà dans l’après-Loukachenko »
Entretien avec Anna Colin Lebedev, spécialiste des sociétés post-soviétiques (Paris-Nanterre)
Propos recueillis par Patrick Angevin
Ouest-France - 10 sep 2020
https://www.ouest-france.fr/europe/bielorussie/bielorussie-on-est-deja-dans-l-apres-loukachenko-6968130


Alexandre Loukachenko espère-t-il résoudre la crise en expulsant du pays toutes les figures de l’opposition ?
Depuis le début, Loukachenko n’a aucune volonté de dialoguer. Il veut marginaliser l’opposition. Il y a une répression classique, avec des arrestations et des condamnations, et désormais une stratégie d’expulsions du territoire national des leaders de l’opposition. En les éloignant plutôt qu’en les arrêtant, l’idée est de ne pas en faire des martyrs, de les rendre moins dangereux, moins capables de mobiliser en dehors de la diaspora. Cette stratégie a plutôt bien fonctionné.
Mais clairement, Loukachenko n’a pas conscience qu’il est face à un mouvement de contestation inédit dans sa composition et son fonctionnement. La décision de Maria Kolesnikova de déchirer son passeport pour empêcher son expulsion vers l’Ukraine déstabilise le pouvoir, qui ne sait pas quoi faire d’elle.


Avec 100.000 Biélorusses dans la rue pour le 4e dimanche consécutif, la mobilisation ne faiblit pas. Peut-on imaginer que Loukachenko accepte finalement de négocier ?
Le régime est une verticale du pouvoir avec des exécutants interchangeables. Loukachenko n’envisage pas d’alternative. Il se voit comme le seul capitaine à bord. Il n’a laissé aucune figure politique émerger avec qui il pourrait négocier.


Souvent, les autocrates sont débarqués par des proches qui veulent sauver leurs propres intérêts…
Peut-être que certains y pensent. Mais impossible de l’affirmer car le premier cercle du pouvoir est totalement opaque. Il est très difficile de savoir ce qu’il s’y passe. En revanche, on sait qu’il y a une évolution de la loyauté dans la hiérarchie intermédiaire du régime: des directeurs d’usine, des recteurs d’université, des chefs des organes de sécurité font part de leurs dilemmes.


Pour l’instant, on part plutôt vers un pourrissement de la situation, comme en Algérie ?
C’est un scénario possible. Mais Loukachenko devra alors gérer l’accélération du déclin économique du pays. Il est entamé depuis le début des années 2000. Mais les difficultés provoquées par la baisse des prix du gaz et la crise économique mondiale, sont amplifiées par la crise politique. On le voit avec la fuite du secteur du high-tech et du numérique vers les pays voisins. Pour payer les salaires (des fonctionnaires, des appareils de sécurité, des ouvriers des usines d’État), Loukachenko va dépendre de Moscou.


Justement, comment la Russie voit-elle la situation ?
Clairement, la mobilisation populaire contre un leader autoritaire qui a falsifié la présidentielle, c’est inacceptable vu du Kremlin. Pas question qu’une figure de la contestation arrive au pouvoir. C’est le signe d’un État « pas bien tenu ». Cette contestation dure et c’est un problème car elle donne un mauvais exemple aux Russes !
Sur le plan géopolitique, la Biélorussie est un pays clé pour la Russie, le seul pays ami à sa frontière occidentale. Mais Loukachenko n’est pas le favori de Poutine. Le président biélorusse joue depuis 26 ans de la carte pro russe et de la carte anti-russe et affiche un attachement très fort à la souveraineté de son pays.
Si la Russie intervient en soutien, notamment économique, Loukachenko devra en payer le prix par une dégradation de la souveraineté biélorusse, au profit par exemple du projet d’État unitaire porté Moscou et qu’il a toujours repoussé.


À moins d’un événement imprévisible, tout dépend donc de Moscou et de son aide économique ?
Non. Ce serait réducteur de n’y voir qu’une question d’argent ou de salaire versé ou non. En réalité, le basculement de la Biélorussie a déjà eu lieu, on est déjà dans l’après-Loukachenko. À quoi le voit-on ? Au soutien massif à la protestation populaire. Loukachenko ne s’est pas maintenu au pouvoir pendant 26 ans par la force. Il a longtemps bénéficié d’une légitimité parce que son régime offrait la paix, une forme de prospérité et de sécurité du lendemain. Les Biélorusses et leurs enfants avaient accès aux soins, aux études, à un niveau de vie correct, un avenir prévisible, en échange desquels ils ont accepté l’autoritarisme du pouvoir. Ce sentiment de sécurité a disparu. C’est la principale raison de la protestation et de la sympathie qu’elle suscite, y compris chez ceux qui ne manifestent pas ou ne s’engagent pas directement.

19/09/2020 >> La police arrête des centaines de personnes lors d'une marche des femmes à Minsk.

21/09/2020 >> L'UE se refuse (très diplomatiquement) à adopter des sanctions contre Loukachenko, malgré la demande de Tikhanovskaia.

23/09/2020 >> C'est sans tapages et en secret que Loukachenko prête serment pour un 6e mandat présidentiel.

29/09/2020 >> Macron propose sa médiation. Poutine dénonce des "ingérences extérieures sans précédent".

04/10/2020 >> Les canons à eau sont utilisés contre les manifestants.

12/10/2020 >> La police biélorusse est autorisée à recourir à des tirs à balles réelles en cas de nécessité.
Loukachenko est désormais visé par les "sanctions" de l'UE, un gel de ses avoirs. On lui aura laissé le temps de prendre ses dispositions...

18/10/2020 >> Rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Minsk malgré les menaces du pouvoir. Plus de 200 arrestations. Les manifestants ont défilé sur une artère du sud de la capitale, où sont situées de nombreuses usines. Ils ont scandé “Grève !”

25/10/2020 >> Nouvelle manifestation demandant la démission de Loukachenko, au dernier jour de l'ultimatum de l'opposition avant d'appeler à la grève générale.

29/10/2020 >> Loukachenko nomme des "faucons" à la tête de l'appareil de sécurité. Ivan Koubrakov, le chef de la police de Minsk, qui a dirigé les opérations de répression contre les manifestants dans la capitale, est promu ministre de l'Intérieur. Son prédécesseur, Iouri Karaïev, occupera les fonctions de conseiller du président et d'"inspecteur" chargé de superviser la sécurité dans les régions stratégiques du pays. Par ailleurs, les milices armées de volontaires qui patrouillent dans les rues seront renforcées. 

08/11/2020 >> Encore 800 arrestations à la marche dominicale de l'opposition à Minsk. + 15/11/2020 >> 700 arrestations.

13/11/2020 >> Manifestations après la mort d'un manifestant des suites des blessures infligées lors de son arrestation le 11/11. Roman Bondarenko a été arrêté après une altercation entre des habitants et des hommes masqués qui retiraient des rubans rouges et blancs accrochés dans une cour d'immeuble de Minsk. Souffrant de lésions cérébrales, il est décédé le lendemain dans un hôpital. On soupçonne un passage à tabac lors de sa détention.

27/11/2020 >> Loukachenko laisse entendre à nouveau qu'il ne sera plus président une fois que la nouvelle Constitution sera en vigueur: « Je ne vais pas mettre sur pied la Constitution pour moi-même. Avec la nouvelle Constitution, je ne travaillerai plus avec vous en tant que président ».

30/11/2020 >> La  grande marche habituellement organisée dans le centre de la capitale est remplacée par des rassemblements dans différents quartiers de Minsk, obligeant la police à se déplacer dans tous les districts.

16/12/2020 >> Svetlana Tikhanovskaïa, au nom de l'opposition, reçoit le prix Sakharov au Parlement européen.


EDIT (10 janvier 2021)


La Biélorussie élaborera une réforme constitutionnelle d'ici fin 2021
Reuters, Challenges - 10 jan 2021
https://www.challenges.fr/monde/la-bielorussie-elaborera-une-reforme-constitutionnelle-d-ici-fin-2021_745223


MOSCOU - Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a indiqué que des réformes constitutionnelles seraient élaborées d'ici la fin de l'année avant d'être soumises à un referendum national, selon l'agence de presse RIA. (...)

Face à la colère de la rue, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a promis des réformes de la constitution, une initiative soutenue par son allié russe. Mais ses détracteurs y voient une tactique pour se maintenir au pouvoir et calmer les manifestants. "Je pense que le projet de nouvelle constitution sera prêt d'ici la fin de l'année. Et ensuite, les gens détermineront lors d'un référendum s'il doit y avoir une nouvelle constitution ou non", a déclaré le président biélorusse, selon des propos rapportés par RIA.

La date du référendum sera annoncée lors d'une réunion de l'Assemblée nationale, qui doit se réunir les 11 et 12 février, a-t-il aussi dit. Alexandre Loukachenko a déclaré en novembre qu'il démissionnerait de ses fonctions de président une fois qu'une nouvelle constitution serait adoptée. 

18/01/2021 >> Sous la pression des opposants et des sponsors qui dénoncent la répression politique, la Fédération internationale de hockey sur glace retire au Bélarus l'organisation du Mondial prévu au printemps.

19/02/2021 >> Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova, deux journalistes bélarusses correspondantes de la chaîne d'opposition Belsat basée en Pologne, sont condamnées à 2 ans de prison ferme, accusées d'avoir "gravement porté atteinte à l'ordre public" en couvrant le mouvement de contestation de 2020. Elles avaient été arrêtées le 15 novembre dans un appartement d'où elles venaient de filmer la dispersion d'une manifestation d'hommage à un militant d'opposition, Roman Bondarenko, mort quelques jours plus tôt.
Parallèlement, le procureur général a annoncé que l'enquête concernant le décès de Roman Bondarenko avait blanchi la police. Il est "établi qu'aucun des employés des organes du ministère de l'Intérieur n'a de lien avec les blessures physiques ayant entraîné la mort" du jeune homme, selon le communiqué du Parquet.

02/04/2021 >> Le parlement reprend la main en votant des lois qui restreignent encore plus la liberté de manifester. Elles entérinent l’interdiction de produire et de montrer des "symboles extrémistes", en particulier le drapeau blanc-rouge-blanc, jusqu'au simple fait d’étendre du linge rouge et blanc sur un balcon ou de porter des chaussettes rouges et blanches. Ces nouvelles lois dites "anti-extrémistes" renforcent les pouvoirs des procureurs locaux.

12/04/2021 >> Les autorités retirent son autorisation de diffusion à Euronews, au motif que la chaîne diffuse des publicités en anglais.

18/05/2021 >> Le principal média indépendant du Bélarus, TUT.BY est bloqué, inaccessible depuis le Bélarus mais aussi depuis l'étranger. Il avait largement couvert la contestation et la répression qui avait suivi.

21/05/2021 >> Le décès, officiellement pour "arrêt cardiaque", de Vitold Ashurak est annoncé par plusieurs médias indépendants. Ancien souffleur dans une verrerie, il était engagé dans la lutte pour l’environnement, contre la production nocive de laine de verre notamment. Ashurak avait été accusé de "participation à des actions de groupe portant gravement atteinte à l'ordre public" et de "violence contre un agent de police", sans qu’on en sache davantage. Son procès s’était déroulé à huis clos, avec une peine de 5 ans de détention dans une colonie pénitentiaire à l’est du pays.

18/05/2022 >> Le Belarus instaure la peine de mort pour "tentative d'acte terroriste". Comme s'opposer à Loukachenko est considéré dans ce pays comme une "atteinte à la sûreté de l'Etat", les militants d'opposition sont directement visés.

06/10/2022 >> Loukachenko déclare lors d’une réunion gouvernementale: « À partir du 6 [octobre], il est interdit d’augmenter les prix de quoi que ce soit. In-ter-dit ! ». Pour lutter contre l'inflation(18 % selon les statistiques officielles), il a tout simplement ordonné l’interdiction de l’inflation.

26/11/2022 >> Mort subite et très mystérieuse de Vladimir Makeï, ministre bélarusse des Affaires étrangères, n°2 du régime et considéré comme un "modéré". Il aurait été victime d'un "infarctus"...

03/03/2023 >> Ales Bialiatski, prix Nobel de la paix en 2022, est condamné à 10 ans de prison. Deux de ses collaborateurs sont condamnés respectivement à 9 et 7 ans de prison. Ce verdict s'inscrit dans la répression à l'encontre des militants, journalistes et opposants ayant soutenu le mouvement de protestations de 2020.

06/03/2023 >> Svetlana Tikhanovskaïa, en exil en Lituanie, est condamnée par contumace à 15 ans de prison lors d'un procès qu'elle a qualifié de "farce". Un autre opposant, Pavel Latouchko, est condamné à 18 ans de prison. Les deux opposants étaient accusés de "conspiration pour prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle".

17/03/2022 >> Un tribunal de Minsk condamne à 12 ans de prison deux dirigeantes du site d'information indépendant Tut.by, Marina Zolotova et Lioudmila Tchekina. Très populaire, le site Tut.by avait couvert le mouvement de contestation de 2020. Selon l'organisation de défense des droits humains Viasna, le Bélarus comptait 1.460 prisonniers politiques au 17 mars.

20/02/2024 >> Mort en prison de l'opposant Igar Lednik, militant et journaliste. Il purgeait une peine pour "diffamation" du président Loukachenko.

11/09/2025 >> L’opposantMikolaStatkevitch est libéré avec 51 autres prisonniers parmi lesquels figurent la ressortissante lituanienne ElenaRamanauskiene, emprisonnée pour "espionnage". Ces libérations interviennent après l'annonce d'une levée des sanctions américaines sur la compagnie aérienne biélorusseBelavia. Le Belarus a procédé à plusieurs libérations de prisonniers politiques ces dernières années. En juin, 14 d'entre eux avaient retrouvé la liberté, dont SergueïTikhanovski, le mari de SvetlanaTikhanovskaïa, la cheffe de file de l'opposition en exil.