Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

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Dernière mise à jour : 21.09.2025
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Le meurtre de George Floyd ébranle la société américaine

Publié le 05/06/2020 à 00:06 par monde-antigone

 
Le meurtre raciste commis de sang-froid par des policiers de Minneapolis sur un homme non armé, menotté et allongé au sol, ébranle l'ensemble de la société américaine jusqu'au sommet de l'Etat. Les manifestations de protestation consécutives à la mort le 25 mai de George Floyd se sont amplifiées, se sont étendues, et sont devenues un mouvement de contestation sociale aux contours encore indéfinis, mais qui débordent le cadre de "Justice for George" dans lequel les médias et les révérends veulent l'enfermer.

Car, même si rien ne parait avoir changé depuis la mort d'Eric Garner, tué à New York en 2014 dans les mêmes circonstances, ou celle de Michael Brown abattu par un policier à Ferguson (Missouri) la même année [les articles sont toujours consultables sur ce site en rubrique 24], même si les violences à l’encontre des Noirs américains demeurent ancrées au plus profond de la société américaine depuis... 1619, ce ne sont plus des "émeutes raciales" comme on les a connues d'avant le mouvement Black Lives Matter. Aucune comparaison avec ce qui se passait dans les années 70-80. Ce sont des manifestations encadrées, pacifiques, avec une forte présence de femmes.

Obama a d'ailleurs souligné que les manifestations actuelles dépeignaient « un tableau de l’Amérique beaucoup plus représentatif » que les mouvements pour les droits civiques des années 1960. Un mouvement aujourd'hui clairement dirigé contre Trump et où, on le voit sur les images de CNN, participent autant de Blancs (des jeunes) que de Noirs, et pas forcément pauvres. Un mouvement contre lequel les maires et gouverneurs démocrates autant que républicains envoient leur police et la Garde nationale, comme ils l'ont toujours fait... avant de faire part de leur indignation quand ils sont interrogés sur CNN !

Mais, fait nouveau, depuis quelques heures, Trump est attaqué, critiqué, contredit dans son propre camp, par l'ancien président G.W. Bush, son actuel chef du Pentagone, Mark Esper, et son ancien secrétaire à ce poste, le général Mattis. Des militaires de haut rang, aussi, rompent le silence et expriment de très fortes réticences à voir des troupes régulières engagées dans des opérations de maintien de l'ordre aux États-Unis. Ils rappellent qu'il est illégal d'employer l'armée dans des missions d'ordre intérieur.

Des responsables de la police interviennent aussi sur les médias pour dire leur désapprobation. Des policiers mettent un genou au sol en signe de solidarité avec les manifestants. C'est en train de ressembler à une fronde de l'appareil d'Etat... En tout cas, ça en dit long sur l'état d'esprit qui règne en ce moment dans les couloirs du pouvoir.


 >> L'ancien président George W. Bush s'est transformé en universitaire progressiste en prenant position en faveur des manifestants: « Cela reste un échec choquant que de nombreux Afro-Américains, en particulier de jeunes hommes, soient harcelés et menacés dans leur propre pays », écrit-il dans un communiqué. « Cette tragédie, qui s'inscrit dans une longue série de tragédies similaires, soulève une question incontournable: comment mettre fin au racisme systémique dans notre société ? [...] Il est temps pour l'Amérique d'examiner nos échecs tragiques ». Sans jamais citer Trump, il le désigne clairement quand il parle de « ceux qui essayent de réduire ces voix au silence ». Il termine en s'adressant à l'électorat chrétien, en insistant sur la nécessité d'être à l'écoute « des voix de ceux qui souffrent » et de faire preuve d'« empathie ».Il n'appelle pas à voter Biden, maaais...

 >> Le secrétaire à la Défense, Mark Esper, a contredit publiquement Trump lors d'une conférence de presse, en se déclarant opposé au déploiement de l'armée américaine sur le territoire. Pas de commentaire de la Maison-Blanche dans un premier temps... puis inflexion quelques heures plus tard de Trump qui change d’avis et pense qu’il ne sera pas nécessaire d’envoyer l’armée. Esper n'a pas été "viré" sur le champ, mais il le sera probablement bientôt comme l'ont été tous ceux qui se sont opposés à lui.
Selon une estimation dont on ne connaît pas la source, mais que reprennent les médias américains, la police aurait procédé ces derniers jours à plus de 9.000 arrestations dans tout le pays, pour actes de violences, dégradations ou non-respect du couvre-feu. Ça ferait une quarantaine par jour et par ville: tout compte fait, ce ne serait pas si énorme...

 >> Enfin, l'ex-ministre de la Défense, le général Jim Mattis, a rendu un réquisitoire implacable à l'encontre de Trump et de sa politique. Dans une tribune mise en ligne par la revue The Atlantic, intitulée "L'Union fait la force", il soutient les manifestants qui demandent, selon lui "à raison", l'égalité des droits. Réaction immédiate de Trump qui, d'un tweet, le qualifie de « général le plus surestimé du monde » et de « chien fou »: « Je suis content qu'il soit parti ! ».


Les options de sortie de crise par la force se sont considérablement réduites. A 5 mois de la présidentielle, déjà miné par les 100.000 morts du coronavirus et les 36 millions de chômeurs de la récession, Trump apparaît affaibli et en difficulté. Mais il est en campagne, et sa campagne consiste à incarner "la loi et l'ordre", à faire ce qu'attendent de lui les électeurs ultra-conservateurs blancs de 6 Etats clés [Arizona, Caroline du nord, Floride, Michigan, et surtout Pennsylvanie et Wisconsin] qui vivent fusionnellement avec le drapeau américain. Il va employer les cinq prochains mois à les conforter dans l'idée que le confinement, l'arrêt de l'économie, le chômage, la violence, le désordre qui en résulte, ce sont les démocrates "irresponsables" et les médias "menteurs" qui en sont la cause. Biden, qui émerge tout juste de son confinement, avec sa posture morale et son discours "unité et réconciliation" convenu et pas très convaincant, aura face à lui un rouleau compresseur.


L'armée américaine en désaccord avec Trump sur son rôle face aux manifestants
par Adrien Jaulmes
Le Figaro - 04 jun 2020
https://www.lefigaro.fr/international/l-armee-americaine-en-desaccord-avec-trump-sur-son-role-face-aux-manifestants-20200604


Trump se heurte à l'opposition des milieux militaires. Ses menaces de recourir à l'« Insurrection Act » et de faire appel à l'armée d'active pour « régler rapidement le problème » des manifestations si les gouverneurs ne le font pas, ont placé le président américain en porte-à-faux avec une nouvelle institution, d'habitude beaucoup plus silencieuse.

Cette fois, ce ne sont pas les médias « fausses nouvelles », ni les « démocrates d'extrême gauche », ni l'« État profond » qui se mettent en travers de la volonté présidentielle, mais l'armée américaine. De façon très inhabituelle, la hiérarchie militaire a fait savoir sa réticence à voir des troupes régulières engagées dans des opérations de maintien de l'ordre dans les villes américaines face à des foules redevenues globalement pacifiques, et surtout l'armée utilisée à des fins politiques.

Le plus extraordinaire signe de désaccord est venu de l'homme de confiance que Trump avait lui-même placé à la tête du Pentagone, Mark Esper. « En tant que secrétaire à la Défense, mais aussi en tant qu'ancien soldat et ancien membre de la Garde nationale, j'estime que l'option de recourir à l'armée d'active dans un rôle de maintien de l'ordre ne devrait être utilisée qu'en dernier ressort et uniquement dans les situations les plus urgentes et les plus graves », a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse mercredi matin. « Nous ne sommes pas dans l'une de ces situations pour le moment. Je ne suis pas favorable à recourir à l'Insurrection Act ».

Esper, ancien élève de West Point, officier parachutiste, avait combattu pendant la première guerre du Golfe avant de faire carrière dans les relations publiques pour le compte de l'industrie de défense. Considéré comme un fidèle de Trump, il était aux côtés du président lundi lorsque celui-ci était brièvement sorti de la Maison-Blanche pour se faire photographier devant l'église Saint-John. Esper avait lui-même recommandé de « dominer l'espace de bataille » face aux manifestants, expression qu'il a dit depuis regretter [Les médias avaient traduit "champ de bataille"; ndc]. Le secrétaire d'État a simultanément annoncé le retour dans leurs quartiers de quelque 200 parachutistes de la 82e division aéroportée, en alerte près de Washington et prêts à intervenir en cas de besoin. Signe des sourdes tensions entre le Pentagone et la Maison-Blanche, cet ordre a été annulé quelques heures plus tard.

Le même jour, le prédécesseur d'Esper au Pentagone, le général James Mattis, a livré dans une tribune publiée par le magazine The Atlantic, l'une des critiques les plus cinglantes du président par un ancien membre important de son administration. « Donald Trump est le premier président de mon existence qui n'essaie pas d'unir le peuple américain; il ne prétend même pas essayer. Au lieu de cela, il essaie de nous diviser », a écrit Mattis. « Nous assistons aux conséquences de trois ans de ces efforts délibérés. Nous assistons aux conséquences de trois ans sans un gouvernement responsable », a-t-il continué. « Lorsque j'ai rejoint l'armée, il y a une cinquantaine d'années, j'ai fait serment de défendre la Constitution. Je n'aurais jamais imaginé que des soldats ayant prêté le même serment aient un jour à recevoir l'ordre de violer les droits constitutionnels de leurs concitoyens – et encore moins pour permettre une bizarre séance de photo au commandant en chef avec des responsables miliaires à ses côtés » [Allusion à la demande de Trump, lundi 01/06, de disperser les manifestants des alentours à coups de gaz lacrymogènes, afin de lui permettre de se rendre à pied, devant une église en face de la Maison-Blanche, où il a posé devant les caméras en brandissant une bible; ndc].

Ancien commandant du corps des Marines, l'un des officiers les plus décorés de sa génération, James Mattis avait été considéré pendant les deux premières années du mandat de Trump comme l'un des rares membres de l'administration à ne pas se comporter en sycophante tout en servant loyalement le président. C'est au nom de cette même loyauté que Mattis avait fini par remettre sa démission en décembre 2018, invoquant son profond désaccord avec la décision de Trump de retirer les forces américaines du Rojava, la région autonome kurde au nord-est de la Syrie, et d'abandonner les alliés des YPG. Trump avait avancé la date de départ de Mattis, claironnant depuis qu'il l'avait « viré ». Mattis était resté depuis silencieux. Ses mémoires, Indicatif Chaos, ont soigneusement évité toute référence au président, et Mattis invoquait son « devoir de silence ». C'est à peine si le général avait publiquement répondu aux insultes de Trump, en rappelant qu'alors qu'il avait « gagné ses éperons sur un champ de bataille », le président avait « obtenu les siens avec un certificat de réforme du médecin ».

« Nous ne devons utiliser nos forces armées sur notre territoire qu'en de très rares occasions, et à la requête des gouverneurs », a aussi dit Mattis. « La militarisation de notre réaction, comme nous l'avons vu à Washington, D.C., entraîne un conflit - un faux conflit - entre la société civile et militaire. Il érode le lien moral qui garantit la confiance entre les hommes et les femmes qui servent sous l'uniforme et la société civile qu'ils ont juré de protéger et dont ils font eux-mêmes partie. Le maintien de l'ordre public incombe aux autorités civiles, gouverneurs et élus locaux qui comprennent le mieux leurs communautés et leur rendent des comptes ».

Troisième figure militaire de haut rang à sortir de sa réserve, l'amiral Mike Mullen, ancien chef d'état-major, a lui aussi publié une tribune dans laquelle il met en garde contre le recours à l'armée d'active pour des missions de maintien de l'ordre. « Je ne peux pas rester silencieux », écrit l'ancien amiral, qui dit avoir confiance dans les forces armées. « Mais je suis moins confiant dans la légalité des ordres que ce commandant en chef leur donnera, et je ne suis pas convaincu que les conditions dans nos rues, aussi mauvaises soient-elles, ont atteint un niveau qui justifie un recours à des troupes militaires... En outre, je suis profondément préoccupé par le fait que, lorsqu'ils exécuteront ses ordres, les militaires seront utilisés à des fins politiques ».

Même si elle s'exprime par l'intermédiaire de généraux à la retraite, la fronde de l'armée est un développement imprévu pour Donald Trump. Celle d'Esper indique que mêmes les membres les plus fidèles de son gouvernement ne sont pas prêts à le suivre aveuglément.


Mort de George Floyd: Obama salue un « changement de mentalité » chez les manifestants
correspondance de Anne Corpe
RFI - 04 jun 2020
http://www.rfi.fr/fr/amériques/20200604-mort-george-floyd-obama-salue-manifestants


WASHINGTON - L’ex-président américain s’est exprimé pour la première fois ce mercredi 3 juin en vidéoconférence sur la vague de protestation qui secoue le pays, depuis la mort d’un Afro-Américain asphyxié par un policier blanc à Minneapolis. Barack Obama voit motif à espérer dans cette large mobilisation, à l'inverse de Donald Trump qui continue de dénoncer un mouvement manipulé par des groupes aux intentions malfaisantes. Une tragédie. C’est ainsi que Barack Obama a qualifié la mort de Georges Floyd, et celles de plusieurs autre noirs américains tués par la police ces derniers mois, dont l’ex-président a cité les noms.

Mais résolument optimiste, Barack Obama voit de quoi espérer dans le mouvement qui a jeté des centaines de milliers d’Américains dans la rue. « Il y a un changement d’état d’esprit qui s’installe, a souligné le prédécesseur de Donald Trump. Une plus grande reconnaissance que nous pouvons faire mieux. Et c’est le résultat direct de l’activité, de la capacité d’organisation, de mobilisation, de l’engagement de tant de jeunes à travers le pays, qui se sont mis en première ligne pour faire la différence. Et je veux juste leur dire merci ». Pour l'ancien président américain, ce changement pourrait aussi aboutir à des réformes au niveau national mais aussi au niveau local. « J'exhorte chaque maire dans ce pays à revoir ses politiques en matière d'usage de la force avec des membres de leur communauté et à s'engager à rendre des comptes sur les réformes promises », a-t-il déclaré.

Quelques minutes après l’intervention de Barack Obama, Donald Trump était interrogé sur Newsmax, un site ultra conservateur. « En ce moment, le pays a besoin de la loi et de l’ordre, a déclaré le président, parce qu’il y a beaucoup de gens nocifs qui utilisent la mort de Georges Floyd pour faire de mauvaises actions. » Deux visions radicalement opposées des foules qui continuent de battre le pavé américain pour demander plus de justice.


À Los Angeles, « rien n’a changé » depuis Rodney King
ATS, 20minutes - 04 jun 2020
https://www.20min.ch/fr/story/a-los-angeles-rien-na-change-depuis-rodney-king-591450400495


Pour la population noire de Los Angeles, les manifestations actuelles ont réveillé le douloureux souvenir des émeutes raciales de Watts en 1965 et celles de 1992, après l’acquittement de policiers blancs pour le passage à tabac de Rodney King.

Une fois encore à Los Angeles, les troubles ont été provoqués par des violences policières commises contre la minorité noire. Et comme pour Rodney King à Los Angeles, la mort de George Floyd, asphyxié sous le genou d’un policier blanc à Minneapolis a été filmée par un témoin. « C’est triste, mais de bien des façons, rien n’a changé hormis l’année », résume Jody David Armour, professeur de droit à l'université de Californie-du Sud (USC), interrogé par l’AFP. « La brutalité policière à l’encontre des Américains noirs est omniprésente et persistante, ce qui déclenche des manifestations de masse », dit-il, égrenant une longue liste de précédents à travers le pays.

De l’ancien basketteur vedette Kareem Abdul-Jabbar aux anonymes descendus dans les rues de Los Angeles pour réclamer justice, beaucoup disent la même chose: la mort de Floyd n’aura été que le énième révélateur de siècles d’injustices raciales. « 1992 ne signifie rien. Nous nous battons pour les 500 dernières années du peuple afro-américain », lâche, la voix tremblante de colère, Jessica Hubbert, manifestante rencontrée par l’AFP à Hollywood. « C’est pour nos ancêtres, pour chaque personne victime des Blancs, de la police […] C’est pour cela que nous sommes dehors. Nous sommes fatigués. Nous en avons assez. Ils continuent de nous tuer », lance cette femme noire âgée de 30 ans.

Experts et militants relèvent toutefois un changement notable en 2020: les manifestations débordent largement les seules populations noires et leurs quartiers. Ils sont aussi bien mieux organisés grâce à l’émergence du mouvement Black Lives Matter. « On est déjà passé par là… les gens savent ce qu’est le stress des émeutes, ce que cela fait de détruire son propre quartier », explique à l’AFP John Jones III, responsable associatif dans le Watts, zone populaire et majoritairement noire du sud de Los Angeles. Alors que Rodney King avait été victime de la police de la ville, la mort de George Floyd est survenue à Minneapolis, ce qui rend le drame un peu moins personnel pour les habitants de Watts, estime-t-il. « Mais cela fait tout aussi mal », souligne M. Jones, et cela n’empêche pas de nombreux jeunes du voisinage d’aller exprimer leur colère ailleurs, jusque dans des zones touristiques et huppées comme Beverly Hills et Santa Monica. Ils y ont retrouvé des manifestants qui ne sont ni noirs ni pauvres, mais tout aussi excédés par les discriminations raciales et les violences policières.

« Maintenant, on voit des acteurs extérieurs qui ne ressemblent pas aux victimes de ces meurtres; des militants blancs qui débarquent, qui cassent et vandalisent », relève Allissa Richardson, qui enseigne le journalisme à l’USC et a écrit un livre consacré au « journalisme smartphone » pratiqué par les militants noirs sur les réseaux sociaux. « Avant, on aurait juste vu des gens de couleur faisant des dégâts dans leurs propres communautés, comme pour les émeutes de Watts ou celles pour Rodney King », estime-t-elle.

Pour Jody David Armour, la colère dépasse le seul cadre des violences policières. Inégalités sociales, économiques, sanitaires… « Partout où vous regardez, ce sont des Américains noirs qui sont au fond du trou. De plus en plus de citoyens blancs sortent du déni à ce sujet », dit Jody David Armour, qui y voit « un signe d’espoir ». « Je pense que bon nombre de ces jeunes gens commencent à dire qu’il y a un problème. Qu’en tant qu’Américains, ils ne se sentent pas prêts à faire partie d’un système qui maintient son genou sur le cou de l’Amérique noire », affirme-t-il.

Pour Jessica Hubert, les mouvements de protestation actuels sont aussi un moyen de construire l’avenir, « mon avenir ». « Je veux pouvoir être sûre que j’aurai des enfants et qu’ils seront en sécurité ». Dernière différence appréciable par rapport aux décennies précédentes: les émeutes de 1965 et 1992 avaient fait des dizaines de morts, alors qu’aucune victime n’a pour l’instant été déplorée à Los Angeles.


Emeutes aux Etats-Unis: Pourquoi l’une des polices les mieux équipées au monde semble débordée
par Juliette Pousson
Le Parisien - 04 jun 2020
https://www.leparisien.fr/international/emeutes-aux-etats-unis-pourquoi-l-une-des-polices-les-mieux-equipees-au-monde-semble-debordee-04-06-2020-8329824.php


Les images ont impressionné et choqué: en marge des manifestations pacifiques en réaction à l'homicide de George Floyd, des scènes de violences urbaines se sont répétées pendant plus d'une semaine sur l'ensemble du territoire américain. Dans plusieurs villes, des véhicules de police abandonnés ont été brûlés par dizaines, des pilleurs ont vidé magasin après magasin, parfois sous les yeux d'agents des forces de l'ordre qui semblaient impuissants.

Comment expliquer la multiplication de ces actes de vandalisme, alors que la police américaine est considérée comme l'une des plus équipées au monde? Un paradoxe alimenté par les déclarations de Donald Trump, qui n'a pas hésité à mettre de l'huile sur le feu en début de semaine, accusant les gouverneurs de « faiblesse »: « Vous devez dominer. Si vous ne dominez pas, vous perdez votre temps. Ils vont vous écraser. Vous allez ressembler à un tas d'imbéciles », a lâché le milliardaire républicain, selon un enregistrement que se sont procuré CBS et le New York Times.

Les images de violences urbaines reflètent-elles vraiment une « faiblesse » des forces de l'ordre aux Etats-Unis ? « La police est en partie débordée par l'ampleur de la protestation, estime avant tout Yann Philippe, maître de conférences en histoire et civilisation américaines à l'université de Reims-Champagne-Ardenne. Ce n'est pas une anomalie états-unienne. On a bien vu en France, avec les Gilets jaunes, que la police avait été débordée dans un premier temps ». Mais l'impression de « laisser faire » donnée par certaines images peut aussi refléter la volonté des forces de l'ordre d'éviter une nouvelle bavure policière et l'escalade des violences qui s'ensuivrait. « C'est une inquiétude majeure dans le contexte actuel. Ça ajouterait de la colère à de la colère et provoquerait des émeutes massives », avance Simon Grivet, maître de conférences à l'université de Lille, spécialiste de l'histoire du droit et de la justice aux Etats-Unis.

D'autant que les actes des forces de l'ordre sont de plus en plus scrutés sur les réseaux sociaux. « Les autorités policières craignent que cette circulation des images vienne alimenter la contestation et leur fasse perdre le pouvoir de contrôler les récits qui sont faits des événements, juge Yann Philippe. C'est quelque chose qui est ressorti des émeutes de Ferguson en 2014 (NDLR: après qu'un jeune homme noir de 18 ans, Michael Brown, avait été tué par la police) ». En outre, la mobilisation initiale, un mouvement de colère contre le racisme et les brutalités policières, « a l'assentiment d'une partie notable de la population », relève Fabien Jobard, chercheur au CNRS, affecté au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). « L'idée que la police doit être moins raciste est partagée par les élites américaines. Ce n'est pas le moment de faire des dégâts ! »

La crainte de faire face à des individus armés est aussi forte dans un pays où le nombre d'armes en circulation est très élevé. « Autant laisser une voiture brûler plutôt que prendre le risque de se faire tirer dessus », poursuit Fabien Jobard. « Ça change les enjeux d'une intervention, abonde Yann Philippe. Avant d'entrer en action, les forces de police doivent évaluer la situation, savoir si des personnes sont armées. Dans le chaos d'une émeute, cette observation est difficile à appliquer ».

Le suréquipement des policiers américains - véhicules blindés, armes de guerre - n'aide pas pour autant à apaiser une situation tendue. Il peut même s'avérer contre-productif. « Cela projette une image de police agressive et renvoie à une situation de dissymétrie dans l'échange et dans la confrontation physique », explique Yann Philippe. « Dès qu'un policier pointe son nez face une foule hostile, le risque de montée aux extrêmes, avec des morts de part et d'autre, est bien plus important qu'en France », compare Fabien Jobard.

Cette militarisation des forces de l'ordre fait débat depuis plusieurs années aux Etats-Unis. « Des fonds avaient été débloqués sous Clinton pour acheter du matériel de plus en plus sophistiqué, mais les pratiques n'ont pas évolué pour autant. Leur approche reste encore très militaire », observe Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la police. Manquent-ils par ailleurs de formation en maintien de l'ordre ? « En France, nous avons les CRS. Ce sont des professionnels du maintien de l'ordre, explique Sebastian Roché. Aux Etats-Unis, ils n'ont pas d'équivalent. Là-bas, des agents sont formés à cette spécificité, mais ce n'est pas leur seul métier. »

Autre caractéristique américaine que soulignent tous les chercheurs: il n'existe pas une police, mais 18.000 polices locales aux Etats-Unis. Elles sont placées sous le contrôle de maires, ou de shérifs, ou encore de gouverneurs d'Etats. Dans ces conditions, difficile pour les autorités d'uniformiser la réponse policière apportée aux manifestations et parfois aux débordements. « Les opinions publiques locales, le poids des groupes d'influence auprès du maire… Tout ça rentre en compte dans la gestion de la police, explique Fabien Jobard. Ce n'est pas comme en France avec un ministre de l'Intérieur qui peut seul donner des directives ». « Dans certains Etat, des stratégies de négociations ont été privilégiées », développe Yann Philippe. Des chefs de police ont posé le genou à terre, en soutien à la cause des manifestants. « Mais, dans d'autres villes, on a aussi vu des interventions très musclées ».

La Garde nationale, qui peut faire du maintien de l'ordre lors de troubles civils, a même été appelée en renfort par certains gouverneurs. Plus de 17.000 membres de ce corps armé ont ainsi rejoint les forces de police depuis le début des manifestations. Mais rien à voir, là encore, avec les CRS français. Les hommes et les femmes qui la composent sont des réservistes de l'armée régulière, qui exercent une activité parallèlement dans le civil. Ils s'entraînent un week-end par mois. « Ils ont surtout un effet dissuasif. Ils sont majoritairement déployés pour protéger des routes, des bâtiments. Ils n'ont pas le droit d'interpeller des individus », indique Sebastian Roché. « Leur impact sur la population est difficile à évaluer, ils sont plus lourdement armés qu'avant, ils peuvent apparaître plus menaçants », reconnaît Yann Philippe.

La Garde nationale a su, par le passé, apaiser les tensions lors d'émeutes, comme en 1992 à Los Angeles. Elle a aussi pu avoir l'effet inverse, rappelle l'historien, « comme en 1970 à l'université de Kent (Ohio), où plusieurs de ses membres, paniqués, avaient abattu quatre étudiants non armés qui manifestaient contre la Guerre du Viêt Nam ».


Mort de George Floyd: Un couvre-feu à New York pour la première fois en 75 ans
correspondance de Loïc de la Mornais
France Télévisions, Franceinfo: - 04 jun 2020
https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/mort-de-george-floyd/mort-de-george-floyd-un-couvre-feu-a-new-york-pour-la-premiere-fois-en-75-ans_3994717.html


Face aux manifestations contre les violences policières, plusieurs grandes villes américaines ont instauré un couvre-feu. C’est le cas de New York. "C’est un New York complètement inédit, encore plus vide que ce que la ville américaine a connu pendant les mois de confinement avec le coronavirus, une ville sous couvre-feu". C’est la première fois que la grande ville de la côte Est connaît un couvre-feu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En théorie, chaque personne qui est dehors après 20h et avant 5h du matin, est susceptible d’être arrêté. La police patrouille dans toutes les rues. L’accès aux endroits stratégiques, comme Time Square, sont bouclés. C’est le maire de New York, Bill de Blasio, qui a mis en place ce couvre-feu pour éviter les scènes de pillages qu'a connu la métropole ces derniers jours, en marge des manifestations liées à la mort de George Floyd. Le couvre-feu devrait être en vigueur au moins jusqu’au dimanche 7 juin.

06/06/2020 >> Washington, New York, Philadelphie, Ottawa, Brisbane, Sydney, Tokyo, Londres, Paris, Berlin, Varsovie, Tunis... Journée de mobilisation mondiale contre le racisme et les violences policières. Aux Etats-Unis, des dizaines de milliers de personnes manifestent pacifiquement dans de nombreuses villes.

07/06/2020 >> L'ancien secrétaire d'Etat Colin Powell déclare à CNN qu'il votera Biden. Mais quel est le poids parmi les républicains de quelqu'un qui a voté Hillary Clinton en 2016 ? Powell accuse Trump de "mentir", mais que vaut la parole de celui qui affirmait en 2003 à l'ONU que l'Irak détenait des "armes de destruction massive" ?...


EDIT (8 juin 2020)


« Black Lives Matter », un slogan qui porte et un mouvement qui pèse
par Loubna Anaki
RFI - 08 jun 2020
http://www.rfi.fr/fr/amériques/20200608-black-lives-matter-slogan-porte-mouvement-pè


NEW YORK - En quelques années, « Black Lives Matter » ("Les vies noires comptent") a gagné en importance aux États-Unis, mais a aussi inspiré des actions ailleurs dans le monde, comme on l’a vu ces derniers jours. Comment le mouvement s’organise-t-il ?

« Black Lives Matter ». Trois mots criés par des millions de personnes dans toutes les manifestations, écrits sur les pancartes et repris sur les réseaux sociaux. À l’origine, le slogan a été lancé par trois militantes en 2013 après la mort de Trayvon Martin, jeune afro-américain de 17 ans abattu par un homme blanc qui effectuait une surveillance de voisinage. Mais ce n’est qu’un an plus tard, à la mort d’Eric Garner à New York et de Michael Brown à Ferguson que le mouvement prend de l’ampleur. Le slogan « Black Lives Matter » devient synonyme de lutte contre les violences policières et de racisme institutionnel.

Techniquement, Black Lives Matter a bien un site internet et une importante présence sur les réseaux sociaux. Mais si les trois fondatrices jouent encore des rôles importants, le mouvement n’a officiellement pas de président ou de représentant unique. Il se définit plus comme une plate-forme qui s’appuie sur des centaines d’associations et d’organisations locales.

Les récentes manifestations ont montré que le "BLM", comme certains l’appellent, est devenu en quelques années une force aux États-Unis. Aujourd’hui, ses militants ne se limitent plus à la lutte contre les violences policières mais mènent des actions plus globales pour la communauté noire: de meilleures conditions de vies, une meilleure prise en charge de santé, une meilleure éducation…

09/06/2020 >> Après les événements de ces derniers jours, le choix d'une colistière noire ou métisse semble désormais s'imposer pour Joe Biden.
Kamala Harris (sénatrice de Californie), Val Demings (représentante de la Floride), Keisha Lance Bottoms (maire d'Atlanta), et Susan Rice (ex-conseillère à la Sécurité) seraient les plus "photogéniques" parmi celles qui sont sur les rangs.


EDIT (9 juin 2020)


Le cas Breonna Taylor, l'autre affaire de violences policières qui secoue les États-Unis
par Ségolène Allemandou
France24 - 09 jun 2020
https://www.france24.com/fr/20200609-etats-unis-breonna-taylor-louisville-autre-affaire-violences-policieres


Dans les rues de Louisville (Kentucky), les manifestants qui dénoncent les violences policières scandent les noms de George Floyd, d'Ahmaud Arbery, mais aussi celui de Breonna Taylor, une agent de santé tuée de huit balles par des policiers. Ils réclament que son nom ne soit pas oublié et que justice lui soit rendue.

Breonna Taylor aurait eu 27 ans le vendredi 5 juin. Ce jour-là, des centaines de manifestants sont descendus dans le centre-ville de Louisville, dans l'État du Kentucky, pour réclamer l’arrestation et l’inculpation des policiers impliqués dans la mort de cette technicienne en soins médicaux tuée le 13 mars dernier à son domicile. (...) Sur les réseaux sociaux, la ferveur est aussi vive pour cette jeune Afro-américaine qui rêvait de devenir infirmière. "#BreonnaTaylor devrait célébrer son 27e anniversaire. Au lieu de cela, elle été tuée par balles alors qu’elle dormait dans son lit. Les policiers n’ont pas été inculpés", peut-on lire dans les tweets d’internautes en colère.

Depuis, le nom de Breonna Taylor est devenu indissociable du hashtag #SayHerName, un mouvement social né en 2015  dans la lignée du mouvement "Black Lives Matter" et destiné à rappeler que les femmes noires aux États-Unis sont tout aussi victimes de violences policières que les hommes. (...) "Toutes les vies des Noires comptent", a commenté dans les colonnes du New York Times Andrea Ritchie, auteur de "Invisible No More: Police Violence Against Black Women and Women of Color" (Plus jamais invisibles: les violences policières subies par les femmes noires et les femmes de couleur). Nous n'essayons pas de rivaliser avec l'histoire de Floyd, nous essayons de terminer l'histoire", ajoute la militante qui s’étonne que le nom de Breonna Taylor ne soit pas davantage scandé dans les manifestations qui agitent actuellement les États-Unis.

Pendant plusieurs semaines, le cas Breonna Taylor est resté oublié des médias. Probablement à cause de l’attention médiatique largement focalisée, à l’époque, sur l’épidémie de Covid-19, avance l’avocat de la famille Taylor, Ben Crump. Mais aussi l’absence de vidéo lors de la mort de la jeune femme, contrairement à celles d’Ahmaud Arbery et de George Floyd.

Les faits sont là: vers 1h du matin, le 13 mars, trois policiers en civil ont perquisitionné à l’adresse de la Breonna Taylor avec un mandat. Lorsque les policiers sont entrés dans l’appartement après avoir défoncé la porte d’entrée, son fiancé, Kenneth Walker, s’est emparé de son arme et a tiré un coup de feu, touchant l’un des policiers à la cuisse. L’un d’eux a répliqué en tirant au moins 20 coups de feu en direction du couple. Breonna Taylor a reçu au moins 8 balles. Après avoir survécu miraculeusement à la fusillade, Kenneth Walker a été arrêté et accusé de tentative de meurtre, avant la levée des poursuites le mois suivant.

Selon le Louisville Courier Journal, la police enquêtait sur deux hommes qui, selon eux, vendaient de la drogue dans une maison éloignée du domicile de Breonna Taylor. Mais un mandat a été signé pour autoriser la police à fouiller dans son appartement, au motif que l’un des deux hommes avait utilisé cette adresse pour recevoir des colis. Il permettait aux forces de l’ordre d’entrer sans avertissement et sans s’identifier. "Le deuxième amendement ne s’applique pas pour les Afro-Américains. [Breonna Taylor et Kenneth Walker] pensaient être victimes de cambriolage", a dénoncé Ben Crump, l’avocat de la famille et spécialiste des droits civiques, lors d’une entrevue sur CBS. Il bataille pour que la mort de la jeune femme soit requalifiée en meurtre.

Depuis la fin mai, le FBI a ouvert une enquête sur les circonstances entourant la mort de Breonna Taylor. Selon les derniers éléments de l’enquête, les policiers n’ont pas trouvé de drogue dans l’appartement de la jeune femme et le revendeur de drogue recherché était déjà interpellé au moment où le mandat de perquisition a été exécuté. Reste que les trois policiers de Louisville impliqués dans cette affaire n’ont, pour l’heure, jamais été inquiétés. À Louisville, la tension s’intensifie dans les rues. Le 1er juin, en marge des manifestations contre les violences policières, la police a de nouveau abattu un restaurateur de 53 ans, David Mc Atee. Il était afro-américain.


EDIT (13 juin 2020)


Black Lives Matter: Sur TikTok, les jeunes rafraîchissent le militantisme
par Lucile Meunier
Usbek & Rica - 09 jun 2020
https://usbeketrica.com/article/black-lives-matter-tiktok-jeunes-rafraichissent-militantisme


Devenue la deuxième application la plus téléchargée au monde, TikTok est un acteur clef du mouvement Black Lives Matter chez les adolescents. Sur TikTok, Kai Harris (Kaizatron) est une habituée des vidéos légères et humoristiques. Mais depuis la mort de George Floyd (...),  l’influenceuse de 17 ans aux 260.000 abonnés a troqué ses blagues contre des vidéos engagées en soutien au mouvement Black Lives Matter. Et elle n’est pas la seule. Depuis la création du hashtag #Blacklivesmatter, les vidéos évoquant le mouvement cumulent plus de 7 milliards de vues sur la plateforme. Un phénomène qui a transformé la nature des contenus proposés jusqu’alors sur cette application, conçue pour héberger des vidéos créatives et légères (danse, playback, sketchs). (...)

Touchés par ces messages, beaucoup d’utilisateurs de TikTok ont donc suivi le mouvement grâce au hashtag mais aussi à plusieurs "challenges", qui consistent à réaliser des vidéos autour d’un thème ou d’une musique. Ainsi, la chanson "This is America" de Childish Gambino, qui dénonce la mort de nombreuses personnes noires suite à des interventions policières, est devenue le nouvel hymne du mouvement sur la plateforme, illustrant de nombreuses vidéos portant sur le sujet des inégalités raciales.

Lancée en 2016 par la société chinoise Byte Dance, l’application TikTok est devenue très vite une référence chez les jeunes adolescents puisque 38 % des 11-14 ans déclaraient avoir un compte TikTok en 2019. Et Black Lives Matter représente, pour beaucoup d'entre eux, le premier mouvement social auquel ils participent activement. C’est le cas de l’influenceuse Kai Harris, qui a confié à NPR qu’elle se souvenait de la mort de Trayvon Martin en 2012 [un jeune homme noir de 17 ans tué par un vigile, ndlr], mais qu’elle n’avait alors pas pris conscience de l’ampleur de cette affaire, étant âgée de seulement 10 ans au moment des faits. « Pour la première fois, [ces jeunes] peuvent partager leurs sentiments vis-à-vis de ces sujets sur TikTok, en voyant que d’autres jeunes expriment des sentiments similaires », analyse Deborah Aho Williamson, une experte en marketing.

Encore jeune, le réseau social TikTok est déjà une plateforme particulièrement créative puisqu'elle met en avant des vidéos souvent très « travaillées », avec de la musique au montage. Dans le cadre du mouvement Black Lives Matter, cette créativité a par exemple pu s'exprimer dans le cadre du challenge "Check your privilege" ("Teste tes privilèges"), destiné à mettre en lumière les différences de traitement quotidiennes en fonction de la couleur de peau. L'application TikTok va-telle donner le goût du militantisme à toute une génération ? (...) En février dernier, le New York Times publiait une enquête montrant comment les jeunes Américains utilisaient la plateforme pour débattre de la campagne présidentielle. Ces derniers utilisaient notamment la fonction "Duet", qui permet d’afficher sa vidéo à côté d’une autre pour y répondre. Inédite, cette politisation des adolescents via une application numérique peut surprendre, d'autant que beaucoup d'utilisateurs de TikTok participant aux challenges ne sont pas encore en âge de voter. Elle est en tout cas révélatrice d'une nouvelle mutation du militantisme en ligne, toujours plus direct et créatif.

14/06/2020 >> Encore une tentative d'arrestation pour un motif bénin qui tourne mal, dont est victime un Noir. Les faits se sont produits le 13 à Atlanta.
Rayshard Brooks, 27 ans, s'était endormi, ivre, dans sa voiture sur l'allée du drive-in d'un fast food. Des employés de l'établissement ont appelé la police parce qu'il bloquait les clients, selon le rapport officiel du Georgia Bureau of Investigation. Après s'être opposé à son interpellation et avoir subtilisé le Taser d'un agent, il a pointé l'arme vers un policier, qui a riposté et l'a mortellement touché. La mort de Rayshard Brooks a provoqué des manifestations et l'incendie du fast-food. Le policier tireur a été immédiatement renvoyé, l'autre suspendu.
L'affaire tombe mal pour la maire, Keisha Lance Bottoms, présentée comme une possible colistière de Joe Biden pour la présidentielle. Aussi, pour préserver ses chances, Bottoms n'a pas fait de détail. La cheffe de la police en poste depuis 20 ans (et qui n'y était pour rien) a été virée: « En raison de son désir qu'Atlanta soit un modèle de ce qu'une réforme significative devrait être dans tout le pays, Erika Shields a présenté sa démission immédiate de chef de la police », a-t-elle déclaré dans une intervention télévisée.


EDIT (26 juin 2020)


Trump accuse Newsome, un meneur de Black Lives Matter, d'appeler à l'insurrection
AFP, 20minutes - 26 jun 2020
https://www.20minutes.fr/monde/2808267-20200626-etats-unis-trump-accuse-newsome-meneur-black-lives-matter-appeler-insurrection


A New York, le militant avait expliqué la veille que « si ce pays ne nous donne pas ce que nous voulons, nous allons réduire ce système en cendres et le remplacer ». « C’est de la trahison, de la sédition, de l’insurrection ! », a tweeté le président des Etats-Unis. Donald Trump a accusé ce jeudi Hawk Newsome, l’un des meneurs du mouvement Black Lives Matter, d’avoir appelé à l’insurrection lors d’un entretien à la chaîne d’information Fox News.

Mercredi, le militant, président de l’antenne new-yorkaise de BLM, avait expliqué que « si ce pays ne nous donne pas ce que nous voulons, nous allons réduire ce système en cendres et le remplacer ». « Je pourrais parler au figuré comme au sens propre, c’est une question d’interprétation », a-t-il ajouté. Il a ensuite expliqué qu’il n’encourageait pas aux émeutes, mais qu’il ne les condamnait pas non plus.

Depuis le début des manifestations, Donald Trump cherche à projeter une image de dureté face au mouvement. Il a plusieurs fois tweeté des messages semblant inciter les forces de l’ordre à marquer leur territoire dans la rue. « LAW & ORDER » (La loi et l’ordre !) est devenu son slogan favori sur Twitter depuis plusieurs semaines. Dans une série de tweets, jeudi, le chef de l’Etat a laissé entendre qu’à New York, les manifestants avaient appelé à « faire frire comme du bacon » les policiers. Nul n’avait pourtant fait état jusqu’ici de l’utilisation de ce slogan à New York depuis le début des manifestations. « Les policiers de New York sont furieux », a tweeté Donald Trump au sujet de ce slogan. Aucun représentant de la police de New York, côté direction ou côté syndicats, n’a fait de déclarations publiques sur le sujet.

Donald Trump a aussi relevé que le maire de New York Bill de Blasio avait donné son feu vert à ce que les mots « Black Lives Matter » soient peints sur la chaussée de la 5e Avenue exactement devant la Trump Tower, le domicile du milliardaire républicain en plein Manhattan. Mercredi, une porte-parole du maire avait confirmé au New York Daily News que l’initiative avait été validée pour que « chaque fois que [Donald Trump] revient dans ce qu’il appelle sa ville, on lui rappelle "Black Lives Matter" ».


Trois manifestant·es, lié·es à Black Lives Matter, risquent la prison à vie
Secours rouge - 24 jun 2020
https://secoursrouge.org/etats-unis-trois-manifestant%c2%b7es-lie%c2%b7es-a-black-lives-matter-risquent-la-prison-a-vie/


Colinford Mattis, Urooj Rahman et Samantha Shader ont été arrêtés, fin mai, lors des manifestations qui ont éclaté suite au meurtre de George Flyod par un policier. Colinford Mattis et Urooj Rahman sont accusés d’avoir lancé un cocktail Molotov par la fenêtre d’une voiture NYPD déjà cassée et abandonnée dans la nuit du 29 mai. Samantha Shader, qui a une longue histoire de résistance aux forces de l’ordre, a été arrêtée séparément la même nuit, également pour avoir lancé un cocktail Molotov. Celui-ci, qui ne s’est pas enflammé, visait une voiture avec des policiers à l’intérieur.

Tous les trois sont détention préventive et risquent la prison à vie (avec une période minimale de 45 ans) pour divers délits fédéraux comme utilisation d’explosifs pour commettre un crime ou complot d’incendie criminel. Il est pourtant rare que des jets de cocktail Molotov fassent l’objet de poursuites fédérales: ils sont généralement jugés par les tribunaux d’état. Chose également inhabituelle, ils sont détenus sans caution, suite à un appel du ministère de la justice qui s’y est opposé. L’administration Trump a, en effet, travaillé très dur pour que l’affaire soit transférée de l’État à la cour fédérale, sur la base du fait que, les voitures visées venaient de l’extérieur de l’État. De plus, Donald Trump et ses alliés ont parlé de l’affaire sur les réseaux sociaux, l’utilisant comme porte-étendard de leur lutte contre le mouvement antifasciste.

09/07/2020 >>  Le slogan "Black Lives Matter" est peint en lettres géantes jaunes devant la tour Trump, sur 5e avenue, à New York.


EDIT (30 juillet 2020)


Montée en puissance des groupes de civils armés aux États-Unis
par Marie Normand
RFI - 29 jul 2020
https://www.rfi.fr/fr/amériques/20200729-à-la-une-montée-en-puissance-groupes-civils-armés-états-unis


Peter Diaz menait jusqu’ici une vie tranquille. À 37 ans, raconte The Washington Post, il n’a encore jamais voté. Pourtant il vient de former son propre parti politique. Peter Diaz dirige aussi American Wolf, « une organisation de civils armés qui se sont auto-désignés "gardiens de la paix", au cours de ces mois de tensions entre manifestants antiracistes et force de l’ordre ». Au nom du « law and order », martelé par Donald Trump sur Twitter, ce groupe informel a « tiré des balles de peinture sur des manifestants » et part régulièrement à la chasse aux militants antifascistes lors de rondes organisées à Minneapolis et Seattle.

Selon le quotidien américain, American Wolf n’est pas un cas isolé. Plusieurs groupes de « civils armés conservateurs » ont fait irruption dans l’espace public, un peu partout dans le pays. « Ces "patriotes" autoproclamés viennent de tous les horizons, mais ce sont surtout des hommes blancs » et « souvent des vétérans qui affirment que leur mission est désormais de défendre la Constitution et les libertés pour lesquelles ils se sont battus en Irak et en Afghanistan », affirme The Washington Post.

Ces « milices » ne sont pas nouvelles aux États-Unis, rappelle un chercheur interrogé par le journal, mais « elles sont passées de l’entraînement dans les bois à l’activisme de rue ». Selon lui, « leur présence à des centaines d’événements et de manifestations cette année constitue un effort pour normaliser la présence de paramilitaires armés dans les rues ». Cette tendance ne se limite pas aux militants conservateurs, note le journal. Certains manifestants antiracistes sont eux aussi armés.


11/08/2020 >> Biden a choisi Kamala Harris pour être sa colistière. C'est un choix important parce que Biden est largement en tête dans les sondages et que, s'il était élu en novembre, il aurait 78 ans au moment de sa prise de fonction... et qu'il en paraît 10 de plus.
Kamala Harris, sénatrice de Californie et ancienne procureure répressive de San Francisco (elle s'était opposée notamment à l'assouplissement des peines planchers), était une de ses rivales au début de la campagne des primaires. Elle l'avait attaqué pour la relation "courtoise" qu'il avait eue avec deux sénateurs ségrégationnistes. Elle avait rappelé que Biden s’était opposé dans les années 70 au "busing", qui visait à promouvoir la mixité "raciale" en transportant des élèves noirs dans des écoles majoritairement blanches. Quand elle était petite fille, elle avait bénéficié de ce système.
Le choix d'une colistière noire a été imposé à Biden par les circonstances après l'écho rencontré par le mouvement Black Lives Matter. Mais Harris n'est peut-être pas la bonne personne pour ce genre de dossier. Elle a maintes fois montré des positions "ambigües". Elle a certes permis un accès aux données judiciaires concernant  les violences commises par la police lors d'arrestations, mais on saura lui rappeler qu'elle s'était démarquée en 2015 d'une proposition de loi qui voulait imposer des enquêtes systématiques et indépendantes en cas d'"usage de la force mortelle" par un policier... Bref elle n'a pas laissé que des bons souvenirs dans les communautés noires et latinos.

23/08/2020 >> Nouvelle "bavure" policière aux Etats-Unis. Dimanche, un policier de Kenosha (Wisconsin) a tiré 7 balles à bout portant dans le dos de Jacob Blake alors qu’il entrait dans sa voiture où trois de ses enfants étaient déjà assis. Des manifestations ont eu lieu à Madison (capitale de l'Etat) malgré un couvre-feu, mais aussi à Minneapolis ou New York.

24/08/2020 >> Le couple McCloskey, qui avait mis en joue, avec mitraillette et pistolet, des participants d'une marche contre le racisme à Saint-Louis au mois de juin, faisait partie des invités d'honneur de la convention du Parti républicain. "Peu importe où vous vivez, votre famille ne sera pas en sécurité dans l'Amérique des démocrates radicaux", a lancé l'épouse à la tribune.

27/08/2020 >> Boycott inédit des joueurs de la NBA suite de l'affaire de Kenosha. Trump accuse la NBA d'être une "organisation politique".

12/03/2021 >> Mort de George Floyd: la famille obtient 27 millions de dollars de dommages-intérêts payés par la municipalité de Minneapolis. Les avocats ont expliqué dans un communiqué que "cet accord à l'amiable est le plus important de l'histoire des États-Unis dans une procédure concernant les droits fondamentaux intentée pour une mort imputable à une faute".

10/04/2021 >> Selon le docteur qui a réalisé l’autopsie de George Floyd, l’action des policiers est la cause principale de son décès, mais ses problèmes cardiaques et la drogue y ont « contribué ».


28/01/2023 >> Ça devait être un banal contrôle routier nocturne. Les images publiées par la police de Memphis montrent la brutalité de l'arrestation de Tyre Nichols, le 7 janvier, et l'acharnement des cinq policiers qui le tabassent au sol pendant 3 longues minutes. On entend au début l'homme crier: "Je n'ai rien fait", "je veux juste rentrer chez moi !". Il est mort trois jours après dans un hôpital de Memphis. Les cinq policiers (afro-américains) ont été licenciés, puis inculpés pour meurtre et écroués. Quatre d'entre eux ont ensuite été libérés sous caution. La mort de Nichols s'inscrit dans une longue litanies de violences policières. Elles ne sont que la partie visible de cette brutalité qui gangrène la société américaine.