Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
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dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

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Dernière mise à jour : 01.11.2025
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Les Etats-Unis, de plus en plus pauvres… mais comment ?

Publié le 15/12/2019 à 00:08 par monde-antigone

 
Il faut se méfier des chiffres, des moyennes et des pourcentages. On peut leur faire dire ce qu'on veut.
La base de départ de 2009, au plus bas de la crise financière, utilisée dans le texte et le commentaire ci-dessous, est elle-même contestable.
Partant du constat que le Dow Jones était à 10.000 fin 2009, à 20.000 en 2017, et se trouve à 28.000 aujourd'hui, certains, dans les milieux financiers, n'hésitent pas à en déduire que la richesse américaine aurait quasiment triplé en 10 ans !
Les chiffres de la consommation, qui comptent pour 70 % du PIB, nous disent presque chaque semaine que tout va bien... mais en occultant soigneusement de faire référence à l'endettement des ménages et des entreprises qui va croissant.
Le nombre de personnes vivant de l'aide alimentaire aux Etats-Unis est un élément plus solide pour évaluer le niveau de pauvreté dans le pays. Plus solide, mais pas forcément exact depuis que les statistiques fournies par le Département d'Etat ont été faussées, truquées pour des raisons électorales. On nous fait croire par exemple que les Etats-Unis connaissent le plein emploi, avec un taux de chômage inférieur à 4 %...  alors qu'en réalité, la précarité a explosé, aidée par toutes sortes de déréglementations. La pauvreté n'est décidément guère soluble dans les statistiques.
Finalement, c'est à travers les mouvements sociaux qu'on la mesure le mieux. Comme au Chili qui s'érigeait en modèle sud-américain, affichant des statistiques économiques flatteuses il y a encore quelques semaines...


Les Etats-Unis, de plus en plus pauvres
par Bill Bonner
La Chronique Agora - 10 dec 2019
https://la-chronique-agora.com/etats-unis-plus-en-plus-pauvres/


Pour une partie des Etats-Unis, la reprise n’a jamais eu lieu… et, économiquement parlant, on est encore en 2009.

Quelle ville ! Baltimore vit à la frontière de la civilité… comme une ville au bord du Sahara, peu à peu envahie par le désert. Il reste des zones de grâce et de charme – mais une bonne partie de la ville est déjà sous le sable.

Hier, tandis que nous marchions dans le quartier, un clochard drogué s’exhibait devant les passants, tandis qu’un mendiant quémandait quelques pièces pour s’acheter un café. Un instant plus tard, un camion de pompier est apparu, gyrophares en marche et sirènes hurlantes – une maison était en feu.

La nuit dernière avait lieu l’illumination des monuments, marquant le début de la saison de Noël. Elle a lieu devant nos bureaux – où est érigé le premier monument du pays consacré à George Washington. Il a été conçu par Robert Mills, qui a dessiné plus tard un monument à Washington encore plus connu, sur le Potomac. Il s’inspire de la colonne de la place Vendôme à Paris, laquelle imite la colonne Trajane à Rome. Et voilà donc George Washington, droit et fier sur la colonne de marbre, où il se tient depuis 1815… avec une vue imprenable sur ce qui compte parmi la plus belle architecture XIXème du pays.

Les maisons voisines – tout comme le conservatoire de musique Peabody et le Walters Art Museum – font partie des bâtiments les plus élégants de l’époque. Aujourd’hui, ils sont toujours là, mais le général Washington ne commande plus qu’à une mince zone d’Amérique urbaine civilisée – et il risque d’être envahi à tout moment. A sa droite se trouvent les pauvres… les masses amères et les foules incandescentes. A sa gauche, le gouvernement municipal, avec ses collectivistes masqués et son incompétence visible.

L’année dernière, les orchestres ont joué à plein volume jusqu’à ce que la maire – arrivée avec 45 minutes de retard – prenne enfin la parole. La pauvre Catherine Pugh n’a pas fait acte de présence cette année. Accusée de corruption, elle a plaidé coupable il y a deux semaines et pourrait se retrouver derrière les barreaux pendant 35 ans.

Le Chicago Tribune explique que Mme Pugh n’est pas vraiment la première fraudeuse à occuper ce poste:
« Pugh est désormais la deuxième maire en moins d’une décennie à démissionner suite à un scandale. L’ex-maire Sheila Dixon a quitté son poste en 2010 dans le cadre d’un accord, pour avoir détourné quelque 500 $ de chèques cadeaux destinés à des familles dans le besoin ».

Donald Trump avait raison au sujet de Baltimore. C’est bien « un chantier dégoûtant, infesté de rats et de rongeurs ». Mais la ville a son charme, dans le genre dépenaillé. Elle est décalée. Elle est stylée. L’immobilier y est relativement bon marché. Il est facile de s’y sentir supérieur, dans la mesure où la moitié de la faune qu’on rencontre au centre-ville est composée, soit de déficients mentaux, soit de petits voyous.

A une demi-heure de route de là, cependant, c’est une toute autre histoire. Là où Baltimore est pauvre et sauvage, Washington est complètement apprivoisée… et l’une des villes les plus riches du pays. On y trouve de grands restaurants, des maisons valant des millions, des bureaux élégants. Les gens qu’on croise dans la rue sont de puissants décideurs. Ils portent des costumes italiens et ont de meilleures manières. Leur affaire, c’est le vol qualifié… non les menus larcins.

Le salaire annuel moyen à Washington – le 3e le plus élevé du pays – est de 69.000 $. A Baltimore, il n’est que de 56.000 $. Entre les prospères banlieues au nord de la ville et le quartier de Baltimore ouest, le fossé est encore plus profond. Dans les banlieues nord vivent les médecins, avocats et vendeurs d’assurances. A Baltimore ouest, les toxicos, les mères célibataires et les « caillera » luttent pour survivre. Non qu’un groupe soit meilleur qu’un autre; nous ne savons pas qui finira au Paradis. Mais ils sont différents. Les homogénéiser en tant qu’habitants de Baltimore, ou même simplement en tant qu’Américains, ne nous rend pas service.

Une personne née dans une famille prospère à Guilford peut espérer vivre jusqu’à 80 ans et plus, à peu près comme un Suédois ou un Français. A l’ouest du boulevard Martin Luther King Jr., cependant, l’espérance de vie tombe à 60 ans à peine; cela revient à vivre à Haïti ou Madagascar, sans le soleil.

Les moyennes obscurcissent le tableau. Mettez 9 SDF à côté d’Elon Musk, dont la valeur nette est d’environ 26,5 Mds$. Vous obtiendrez une valeur nette moyenne de 2,65 Mds $ chacun. Mais 9 sur 10 font quand même la manche.
Ce même brouillard statistique règne sur tous les Etats-Unis. Tara Westover dans The Atlantic:
« Ces dernières années, la croissance a été hyper-concentrée dans nos villes, qui sont des centres de technologie et de finance. Dans le même temps, l’arrière-pays, qui dépend de l’agriculture et de l’industrie – ce qu’on peut appeler la « vieille économie » – a sombré dans un profond déclin. Il y a des endroits aux Etats-Unis où la récession n’a jamais pris fin. Pour eux, on est en 2009 depuis 10 ans ».

Notre propre équipe de recherches a examiné les Etats-Unis comté par comté. Elle a élaboré une carte montrant les régions en récession, avec les comtés déprimés en rouge:
https://la-chronique-agora.com/wp-content/uploads/2019/12/191210-lca-depressionXL.jpg
Cela fait beaucoup de rouge… Joe Withrow, notre analyste, explique:
« La carte montre que les habitants de 2.278 comtés se sont appauvris ces 10 dernières années. Pour autant que nous puissions en juger, cela signifie que 73 % des comtés américains sont en dépression. 73 % !
Regardons chacun de nos critères. Ces 10 dernières années:
– le chômage a augmenté dans 56 % des comtés US;
– la participation à la main d’œuvre s’est réduite dans 60 % des comtés US;
– le taux de pauvreté a augmenté dans 87 % des comtés US;
– la croissance des salaires ajustée à l’inflation a décliné dans 98 % des comtés US ».
Ce n’est pas un tableau réjouissant – que ce soit à Baltimore… ou dans le reste du pays.


Commentaire de Philippe | 11 décembre 2019 - 10h11min

Hello Bill !
Entièrement d’accord avec vous qu’il faille se méfier des moyennes.
Mais il faut aussi se méfier des pourcentages…
La lecture de votre article laisse à croire que la population américaine dans son ensemble a tendance à s’appauvrir. Et le titre que vous avez choisi est en lui-même évocateur.
J’ai essayé d’étudier de plus près votre assertion et j’ai trouvé que sur la population totale américaine (env. 327 millions en 2018) seulement 18 % était rurale. Ainsi, en 2000, sur les 3.141 comtés (ou équivalents) américains, seuls 16 % d’entre eux possédaient plus de 100.000 habitants. Et la population médiane des comtés était d’environ 24.500 habitants.
Certes, il faudrait analyser vos données comté par comté pour savoir précisément le nombre d’américains touchés par la récession dont vous faites état sur la période que votre équipe de recherche a examinée mais néanmoins, en extrapolant avec, je pense, une marge d’erreur relativement faible on obtient:
2.278 comtés (appauvris sur la période) X 24.500 habitants (pop. médiane par comté) = 55,8 millions d’habitants. Soit 17 % de la population américaine qui se serait appauvrie… ce qui revient à dire que 83 % de la population américaine, sur les 10 dernières années, a vu son niveau de vie stagner ou s’améliorer: pas si catastrophique !
Il me semble que l’on est loin de l’affirmation « Les Etats-Unis, de plus en plus pauvres » …
Mais pour être précis, il faudrait vraiment que vous puissiez nous donner les chiffres, non pas en pourcentage de comtés, mais en nombre de personnes concernées par la récession dont votre enquête fait état. A mon humble avis, la teneur de votre article pourrait s’en trouver changée.
Ce qui n’enlève rien au fait que les politiques menées aux USA depuis des décennies ne font que conduire votre beau et grand pays sur « La route de la servitude » et que tel que l’avait imaginée Ayn Rand dans Atlas Shrugged et, comme vous le dénoncez ou constatez régulièrement dans les colonnes de La Chronique, les élites politiques au milieu de leur « marigot » entraînent peu à peu et de plus en plus vite, l’Amérique que j’aime tant, vers un marasme certainement inéluctable à terme. (...)