Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
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dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

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Réforme du droit d'auteur: Le parti pirate avec les GAFA

Publié le 26/03/2019 à 00:31 par monde-antigone

 
Les geeks doivent tout à internet. Ils trouvent leur liberté dans la vie virtuelle ("IVL"). Ils sont ultra-libéraux au point d'être hostiles à toute forme d'encadrement. Ils veulent avoir le droit de modifier des oeuvres à leur guise. A les écouter, tout devrait leur être gratuit. Comment vivraient, alors, les créateurs de contenus, ceux qui produisent en amont ? Ce n'est pas leur affaire...

Le parti pirate, qui en est une émanation, est libertarien. C'est donc très logiquement qu'il se trouve du même coté que les géants de l'internet qui exploitent les contenus et gagnent des fortunes sur la publicité qu'ils génèrent. L'évolution de l'économie numérique a placé les GAFA en position de quasi monopole, jouissant d'une puissance financière supérieure à bien des Etats développés. On sait depuis un moment que les libertariens font cause commune avec Google, que les patrons de la Silicon Valley ont des convictions libertariennes. Ils étaient quand même beaucoup, samedi en Allemagne, à s'être aventurés dans le vrai monde (en "IRL") pour défendre "leur" internet...

>> Le parlement européen a adopté la réforme ce matin.


Dans la rue à Berlin pour « sauver internet »
ATS, 20minutes - 23 mar 2019
https://www.20min.ch/ro/news/monde/story/Dans-la-rue-a-Berlin-pour--sauver-internet--16851424


Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé samedi partout en Allemagne pour « sauver internet ». Ils ont exhorté les eurodéputés à voter contre la future réforme européenne du droit d'auteur qu'ils jugent néfaste à la création en ligne. Le Parlement européen doit se prononcer mardi sur une adoption définitive de ce projet controversé de directive révisée, présenté par la Commission européenne en septembre 2016.

Plus de 170 artistes et journalistes français ont signé une tribune en faveur de la réforme européenne du droit d'auteur, soumise à un vote final mardi. Parmi eux, figurent l'actrice Sandrine Bonnaire, le dessinateur Enki Bilal ou le compositeur Jean-Jacques Goldman. Cette tribune, publiée dans le Journal du dimanche, débute sous la forme d'une fable intitulée « les bons géants qui devinrent ogres ». Elle raconte comment les GAFA, géants au départ altruistes, sont devenus des ogres motivés par l'argent, résistant à toute forme de régulation. Le texte dénonce les « sommes vertigineuses » dépensées par ces géants d'Internet pour combattre le projet de directive révisant le droit d'auteur. (...)

En Suisse, plus d'un millier de personnes ont défilé à Zurich contre ce projet de réforme du droit d'auteur, selon l'organisation Société numérique. Cette dernière a co-organisé la manifestation avec le Parti pirate et l'Alliance pour un droit d'auteur équitable en Suisse (Allianz für ein faires Urheberrecht in der Schweiz). Le Conseil des Etats souhaite attendre l'évolution de la situation au sein de l'Union européenne avant de se prononcer sur cette révision. Il y a deux semaines, il a décidé de renvoyer le projet à sa commission.

Les manifestants à Berlin (15.000 selon les organisateurs), Munich (40.000 selon la police) ou encore Cologne, généralement jeunes, portaient des pancartes comme « Ne cassez pas notre internet ! », « Je ne suis pas un BOT (programme informatique qui envoie automatiquement des messages, NDLR)» ou encore « la liberté d'expression n'est malheureusement pas disponible dans ton pays ». « Nous avons vraiment besoin d'une réforme du droit d'auteur qui simplifie et uniformise tout au niveau européen, mais les intérêts de l'industrie se sont à nouveau affirmés ici », a expliqué Julia Reda, députée européenne du parti Pirate allemand fortement mobilisée contre ce projet. Elle a proposé que la réforme soit votée, mais sans ses aspects controversés. Elle a invité les différentes parties à « s'asseoir derrière une table et voir comment nous pouvons nous assurer, d'une part, que les grandes plateformes redistribuent une partie de leurs profits aux artistes et, d'autre part, que l'internet libre reste protégé ».

Soutenue par plusieurs dizaines de médias européens et les artistes, la réforme ambitionne d'adapter à l'ère du numérique la législation européenne du droit d'auteur, qui date de 2001, une époque où YouTube, Tumblr ou encore Twitter n'existaient pas. Ses défenseurs espèrent obtenir une rémunération plus juste des plateformes utilisatrices de leurs contenus, mais cette réforme reste combattue avec force par les géants du net comme Google et les partisans d'un internet libre. (...)


La réforme du droit d'auteur divise fortement en Europe
AFP, Franceinfo (Culturebox) - 23 mar 2019
https://culturebox.francetvinfo.fr/culture/ue-la-reforme-du-droit-d-auteur-divise-fortement-en-europe-286956


Les représentants des auteurs et traducteurs européens ont exhorté vendredi le Parlement européen à voter le 26 mars pour la directive sur la réforme du droit d'auteur, soutenue par des artistes, médias, photographes... Mais le texte a des détracteurs très influents. Des milliers de personnes ont manifesté samedi en Allemagne pour "sauver internet", appelant les eurodéputés à rejeter la directive. (...) Cette réforme a pour objectif d'adapter à l'ère du numérique la législation européenne du droit d'auteur qui date de 2001, une époque où des plateformes comme YouTube ou Tumblr n'existaient pas encore. Mais elle provoque une confrontation entre des philosophies et des intérêts très divergents.

"Les députés européens tiennent l'avenir des auteurs entre leurs mains", affirment de leur côté les associations d'écrivains de quatre pays européens (France, Allemagne, Espagne et Italie) qui représentent quelque 20.000 auteurs. En outre, dans une tribune publiée vendredi, plus de 260 journalistes et photographes européens ont estimé que l'adoption de cette directive était "une question de vie ou de mort pour les médias et de survie pour beaucoup d'artistes et d'auteurs".

Dans le même temps, samedi, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé partout en Allemagne pour "sauver internet", exhortant les eurodéputés à voter contre la future réforme européenne du droit d'auteur qu'ils jugent néfaste à la création en ligne. D'autres manifestations étaient programmées en Europe, notamment en Autriche, Pologne ou au Portugal. Il faut dire que les géants d'internet et un certain nombre de YouTubeurs très influents se sont prononcés contre la réforme, brandissant la menace d'une disparition pure et simple de la célèbre plate-forme de partage. (...) Si elle est fustigée par les géants d'internet et les partisans de la liberté sur la Toile, la réforme du droit d'auteur est donc très attendue par les entreprises de presse et les auteurs et créateurs de tous horizons. Elle a reçu le soutien de plusieurs dizaines de médias européens, dont l'AFP, ainsi que des artistes. Ses défenseurs espèrent obtenir une rémunération plus juste des plateformes utilisatrices de leur contenus.

Dans le collimateur des opposants à la réforme, l'article 13 [devenu 17], qui a pour objectif de renforcer la position de négociation des créateurs et ayant droits face aux plateformes comme YouTube ou Tumblr, qui utilisent leur contenus. Dès lors, les plateformes seraient tenues pour juridiquement responsables des contenus. Ainsi, pour trier les contenus qui peuvent être montrés, le plus simple est d'utiliser des filtres automatiques, des algorithmes, accusés par les partisans de la liberté sur internet d'ouvrir la porte à une certaine forme de censure. Ainsi, samedi, en Allemagne, les sociaux-démocrates, membres de la coalition au pouvoir avec les conservateurs d'Angela Merkel, ont exprimé leur désaccord sur la mise en place de tels filtres.

Autre article dans le viseur des opposants, le 11 [devenu 15], qui préconise la création d'un "droit voisin" du droit d'auteur pour les éditeurs de presse. Il doit permettre aux médias, comme l'AFP, de se faire mieux rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d'informations, comme Google News ou des réseaux sociaux, comme Facebook. Ces plateformes sont en effet accusées de profiter de ces contenus en détournant les retombées publicitaires normalement dévolues aux éditeurs..

Pour la Société des gens de lettres (SGDL) et ses homologues européens (VS allemand, ACE espagnol et FUIS italien), le vote du Parlement européen constitue donc "un moment historique, dont les conséquences seront déterminantes pour l'avenir de la création en Europe et pour l'ensemble des auteurs des différents secteurs de la création, notamment dans le secteur du livre". La réforme européenne du droit d'auteur "apporte toutes les garanties permettant d'assurer le développement de l'accès du plus grand nombre aux œuvres de la création dans l'univers numérique, dans le respect des principes du droit d'auteur et en assurant aux créateurs une rémunération équitable pour l'exploitation qui est faite de leurs œuvres sur Internet", estiment les représentants des écrivains européens. "Les plateformes de diffusion de contenus culturels captent aujourd'hui à leur profit des recettes astronomiques issues de l'exploitation des œuvres de la création, sans contribuer nullement en retour au financement de la création", insistent les écrivains et traducteurs européens. "Il est normal et juste que les auteurs des œuvres diffusées par ces plateformes perçoivent une rémunération proportionnelle aux usages qui en sont faits".

Selon les quatre organisations signataires, "l'ensemble de ces dispositions apportent des avancées significatives pour les auteurs, mais aussi pour les internautes". Jeudi 21 mars, plus de 250 organisations de presse, dont l'AFP, et culturelles avaient déjà appelé à adopter cette directive. Le vote au Parlement européen s'annonce très délicat. En février, 5 États membres de l'UE (Pays-Bas, Luxembourg, Pologne, Italie et Finlande) se sont prononcés contre la réforme, lors d'un vote à la majorité qualifiée des 28 ambassadeurs auprès de l'UE, à Bruxelles.

Malgré l'opposition officielle de Varsovie, plus de 200 réalisateurs polonais ont appelé les eurodéputés à adopter la directive droit d'auteur. "C'est un moment clé pour la culture polonaise et européenne, ainsi que pour tous ceux qui sont engagés dans sa création et son développement", indique une lettre ouverte élaboré à l'initiative des l'Association des cinéastes polonais SFP et signée notamment par des réalisateurs comme Pawel Pawlikowski Agnieszka Holland et Malgorzata Szumowska. "Les solutions trouvées par les institutions européennes permettront de renforcer la position des artistes, établir des règles claires concernant l'utilisation des contenus et un partage plus équitable des gains pour leur utilisation sur des plateformes numériques", précise l'appel relayé samedi par l'AFP.


L'heure de vérité pour la réforme européenne du droit d'auteur
par Céline Le Prioux
AFP, France-Soir - 24 mar 2019
http://www.francesoir.fr/actualites-economie-finances/lheure-de-verite-pour-la-reforme-europeenne-du-droit-dauteur


BRUXELLES - Les eurodéputés s'apprêtent à voter mardi sur la réforme européenne du droit d'auteur, l'heure de vérité pour ce texte très attendu par la presse et les artistes mais honni par les Gafa et les défenseurs de la liberté sur internet. C'est la dernière chance pour cette directive controversée d'être adoptée en plénière à Strasbourg avant les élections européennes qui se tiennent du 23 au 26 mai prochain. Partisans et opposants de la réforme, objet d'un lobbying intense depuis des mois, se sont fortement mobilisés ces derniers jours. (...)

"Jusqu'à présent, ce sont les géants américains du Web qui captent l'essentiel des profits. L'enjeu est majeur pour la presse, les artistes, la démocratie et la culture", écrivaient vendredi dans une tribune, 267 directeurs de médias européens, dont ceux de l'AFP et l'agence allemande DPA, le directeur de la rédaction du quotidien Les Echos, ou encore des journalistes comme Florence Aubenas, grand reporter au Monde. Mais elle est aussi combattue avec force par Google ou Facebook, qui profitent des retombées publicitaires générées par les oeuvres qu'ils hébergent, ainsi que par les partisans d'un internet libre, qui craignent de voir restreint ce canal de diffusion.

Samedi, des manifestations ont eu lieu un peu partout dans l'UE, à l'appel de "Save the internet", un collectif que Google affirme "ne pas financer" et qui est mobilisé depuis des mois pour la défense de "l'échange libre d'opinions sur internet". En Allemagne, coeur du mouvement de contestation, dont l'égérie est une eurodéputée allemande de 32 ans, Julia Reda, seule représentante du parti pirate au parlement européen, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans toutes les villes du pays. Jeudi, les versions de l'encyclopédie coopérative en ligne Wikipédia, en allemand, en tchèque, en slovaque et en danois n'étaient pas disponibles pour 24 heures, également en signe de protestation. (...)

Présentée par la Commission européenne en septembre 2016, cette réforme a connu d'intenses rebondissements. Le Parlement européen l'a rejetée une première fois en juillet 2018, puis l'a acceptée, avec des amendements, en septembre 2018. Le texte a ensuite été retravaillé entre les représentants des 28 Etats membres de l'Union et du Parlement européen qui sont finalement parvenus à un compromis en février 2019. C'est ce texte qui est soumis aux voix mardi. Le suspense reste élevé. L'eurodéputé chrétien-démocrate allemand Axel Voss, rapporteur de la directive et fervent défenseur de la réforme, avait déclaré récemment être "optimiste". Tout en ajoutant, "mais, on ne sait jamais en politique".


Droits d'auteur: "Vers un modèle européen de l'internet"
Entretien avec André Lucas, professeur émérite à la faculté de droit de Nantes, spécialiste de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur
Propos recueillis par Maxime Tellier
France Culture - 15 fev 2019
https://www.franceculture.fr/droit-justice/droits-dauteur-vers-un-modele-europeen-de-linternet


La réforme européenne du droit d'auteur a franchi une étape décisive mercredi. Les institutions de l'Union se sont entendues sur un texte commun qui vise à faire payer les géants du numérique et à créer un internet régulé.

Très attendue par les éditeurs de presse mais fustigée par les Gafa, la réforme du droit d'auteur et des droits voisins a franchi une étape importante mercredi avec un accord trouvé par les trois institutions de l'Union - Commission, Parlement et Conseil (les Etats membres). Si le texte est définitivement adopté (avec un vote du Parlement prévu en mars ou avril), les pays de l'UE auront 2 ans pour le transposer dans leur droit national. Derrière ce face à face avec les géants du numérique se joue aussi l'avenir d'un modèle de société: vers un internet plus régulé, "à l'européenne", où les créateurs sont mieux rémunérés et où les grandes plateformes sont moins libres et moins riches.


Pouvez-vous rappeler la définition du droit d'auteur et du droit voisin ?
Le droit d’auteur est un droit exclusif reconnu aux auteurs d’œuvres littéraires, musicales, audiovisuelles ou de toutes sortes. C'est un droit qui dure 70 ans après la mort de l’auteur et qui donne des prérogatives très fortes: propriété sur l'œuvre, droits d'utilisation, revenus... À côté de ce droit d’auteur stricto sensu, il y a aussi ce qu’on appelle le droit voisin. Il est reconnu à des catégories que l'on regroupe parfois sous l’appellation "d’auxiliaires de la création littéraire et artistique". Très concrètement, il s’agit d’abord et avant tout des artistes interprètes, qui ne sont pas des auteurs à proprement parler puisqu’ils ne créent pas, ils interprètent des œuvres qu'ils n'ont pas créées. Le droit voisin désigne aussi les entreprises qui concourent à mettre les œuvres à notre disposition : les producteurs de phonogrammes - un concept plus général que les CD - et ceux que l'on appelle les radiodiffuseurs, les radios, les télévisions. Le droit voisin est un droit qui dure moins longtemps (50 ans dans l'UE), il est moins fort, moins complet.


Le droit d'auteur est un droit ancien. Pourquoi le sujet est-il aussi brûlant ?
Il y a une nouvelle donne: le numérique, qui rebat les cartes dans de nombreux domaines. Internet offre des possibilités énormes aux utilisateurs qui peuvent accéder directement aux œuvres. Evidemment, leur souhait est d’y accéder le plus librement et le plus gratuitement possible. Mais cela pose un problème parce que les auteurs ont besoin d’être rémunérés pour leur création, leurs investissements et donc il faut trouver un équilibre entre la liberté d’action des internautes et la satisfaction des intérêts bien légitimes des auteurs et des artistes interprètes en particulier. Si on ne s’en occupe pas, il n’y aura plus de création. C’est cet équilibre qu’il faut trouver.


La nouvelle donne est aussi constituée par la place centrale prise par les géants du numérique, qui se sont glissés entre les créateurs et le public ?
Exactement. Et cette évolution n'a pas été anticipée: les textes légaux en vigueur encore aujourd'hui n'ont pas pris en compte cette réalité. Prenez Youtube : l’idée de cette plateforme, et des autres, est très simple. Ils profitent des retombées publicitaires générées par les œuvres qu'ils hébergent et gagnent énormément d’argent. Or, les auteurs, artistes, interprètes, producteurs demandent à être associés au partage de la valeur, qui est considérable ! C'est un problème économique mais qui a aussi une dimension juridique: il faut trouver un moyen de réconcilier les intérêts des auteurs avec les intérêts des plateformes et des internautes, qui font valoir leur droit à la liberté.


Aujourd'hui, quels sont les textes qui régissent le droit d'auteur et le droit voisin dans l'UE et en France ?
En France, il y a toujours eu des lois depuis la Révolution. La loi actuelle se trouve dans ce que l'on appelle le code de la propriété intellectuelle. Il y a aussi des lois européennes, mais qui ne couvrent pas tous les aspects du droit d’auteur.

 
Qu’est-ce qui va changer avec le texte discuté actuellement ?
On va obliger les plateformes à faire des efforts pour filtrer les contenus, pour permettre d’écarter ceux qui sont contraires au droit d’auteur et on va les obliger à passer des contrats avec les titulaires de droit d’auteur et de droit voisin. Au fond, les plateformes pourront faire ce qu’elles voudront mais elles devront payer pour utiliser des contenus, et elles le refusent. Elles freinent des quatre fers. Elles se défendent en affirmant qu'elles ne sont que des intermédiaires, qu'elles ne publient pas elles-mêmes et qu'elles ne font que valoriser des contenus en les mettant à la disposition des internautes. Aujourd'hui, les plateformes acceptent parfois de payer des droits d'auteur dans le cadre d'accords au cas par cas mais elles ne veulent pas être obligées de passer des contrats avec des ayant-droits car elles savent bien qu'elles devraient alors payer beaucoup plus. En fait, c’est une question d’argent tout simplement et les sommes sont colossales.
On le voit bien avec les millions de dollars investis en lobbying par les Gafa. Si la directive droits d'auteur est adoptée, ils savent qu'une partie de leurs revenus sera amputée. Quelles sont les sommes à jeu ? Difficile à dire mais il suffit de voir les millions de dollars investis dans des campagnes de presse. Si des sommes aussi importantes ont été engagées en Europe, c'est que les revenus en jeu sont encore plus considérables.


La presse parle beaucoup des articles 11 et 13 de la directive "droits d'auteur" [devenus respectivement 15 et 17],ce sont les plus importants ?
Il s'agit de dispositions phares en effet. L'article 11 intéresse les éditeurs de presse car il va obliger "Google Actualités" à passer des contrats avec les publications de presse que Google veut référencer. Ce service génère des sommes énormes en utilisant les contenus journalistiques: aujourd’hui, les internautes s’informent très souvent à partir de "Google Actualités" mais les éditeurs de presse n'en touchent pas les revenus. Google refuse de payer car la plateforme estime qu'elle assure une visibilité à ces contenus, en disant que les éditeurs de presse devraient même remercier Google pour ça plutôt que de demander de l'argent. Il y a un équilibre très difficile à trouver: actuellement, le compromis qui semble être trouvé consisterait à ne pas aller au delà de courts extraits, sinon il faudrait que Google paye.


Google n’a pas tort, si un contenu fait de l’audience, c’est aussi grâce à Google ?
Oui et d’ailleurs d’autres pays l'ont constaté à leurs dépens. L'Allemagne et l'Espagne ont déjà essayé d’imposer des droits en faveur des éditeurs. En Espagne, Google a refusé de payer et a arrêté de référencer les sites d'actualités. C'était un bras de fer et il a tourné en faveur du géant américain. Aujourd'hui, l’espoir des éditeurs repose sur une stratégie à l'échelle de l'UE: "si on raisonne pays par pays, Google est plus fort. Mais si on a une politique commune là-dessus, Google ne pourra pas faire autrement que de nous suivre et passera les contrats auxquels il rechigne, afin de ne pas perdre l'accès au marché européen".


Et que contient l'article 13 ?
C'est un article qui vise à obliger les plateformes à filtrer les contenus, en accord avec le droit d'auteur. Mais l'idée serait d'imposer ces contraintes uniquement aux plus grandes plateformes: cette obligation n’existerait pas pour les petites plateformes avec un faible chiffre d'affaires, qui référencent peu d’œuvres, ou qui sont récentes. L’idée serait de donner leur chance à des start-up, de casser le quasi monopole de Youtube et créer un climat favorable pour développer de nouveaux acteurs.
Derrière ce bras de fer, y a-t-il un modèle européen de l’internet qui est en train de se construire ? Lors de son discours au Forum de la gouvernance de l'internet en novembre 2018, Emmanuel Macron évoquait les deux grands modèles actuels: un internet à la californienne, dérégulée et reposant sur le privé, et un internet à la chinoise, contrôlé par un Etat fort sans place pour les libertés.
On peut dire ça; sachant qu'il y’a d’autres tentatives de régulation d’internet. On parle de droit d’auteur mais la régulation s'applique aussi aux contenus pédophiles, révisionnistes, racistes, etc. Cette question est prise en compte depuis longtemps car il y a une demande de régulation très forte en Europe. Les Américains sont moins allants de par leur tradition libertaire - le 1er amendement à la Constitution garantit une liberté d'expression quasi totale. En Europe, se met en place un modèle d'internet avec une régulation, et ce n'est pas la Chine où le pouvoir est autoritaire et dictatorial. On essaie d'insérer du droit dans internet mais c'est difficile car historiquement, ce réseau s'est créé sur une base libertaire. D'ailleurs, beaucoup de groupes de pression considèrent que la liberté d'expression des citoyens risque d'être mise en cause, y compris si on leur impose un droit d'auteur trop contraignant.


Vous mentionnez les origines libertaires de l’internet: en Europe d'ailleurs, certains s’opposent à ces efforts de régulation et ne sont pas du tout "pro Gafa" ?
En effet, l’eurodéputée la plus en vue sur le sujet est une élue allemande du Parti pirate, Julia Reda. Elle affirme qu’elle ne lutte pas contre le droit d’auteur mais personnellement, je trouve que si. En tout cas, elle est très désireuse qu’on aille pas trop loin dans la régulation et elle est très critique sur le projet actuel de directive. Elle estime que ce texte sera un frein à l'internet libre que l'on connaît aujourd'hui, qu'on ne pourrait plus partager des publications sur Facebook comme on le fait actuellement. Mais c'est assez ironique car elle n'est pas du tout "pro Gafa". C'est assez singulier de voir cette alliance de circonstance entre les géants du numérique et les citoyens qu'on pourrait qualifier de "libertaires", en tout cas désireux de défendre les libertés individuelles.
 
Ce conflit ressemble à ceux qui constituent la trame de nombre de westerns opposants les éleveurs qui ont investi d'immenses espaces pour faire paître leurs troupeaux, aux fermiers qui délimitaient leurs parcelles par des clôtures en barbelés. Les trappeurs adeptes de la vie sauvage se sont mis au service de l'armée pour éliminer les indiens et dégager le terrain, tandis que les cowboys étaient employés par les grands propriétaires et servaient d'hommes de main contre les fermiers. Le cyberespace, finalement, c'est un peu le farwest.