Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
11.12.2025
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Internet est le 3e "pays" le plus énergivore
Entretien avec Édouard Nattée, PDG de Foxintelligence, une société qui a développé une application qui permet de supprimer les courriels inutiles
Propos recueillis par Christophe Carmarans
RFI - 01 aot 2018
http://www.rfi.fr/france/20180801-journee-depassement-pollution-numerique-co2-internet-cleanfox-courriels
Ce 1er août marque la Journée du dépassement, date après laquelle l’humanité aura dépensé plus de ressources que ce que la Terre peut en produire, selon l’ONG américaine Global Footprint Network. Méconnue du grand public, la pollution numérique, générée entre autres par Internet, est extrêmement énergivore.
Est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur, ou quelques chiffres parlants, de ce que représente la pollution numérique, qui est une pollution que l'on peut qualifier d'« invisible » ?
C’est effectivement une pollution invisible dont les gens ont une perception extrêmement limitée. Pourtant, en regardant attentivement, on constate que l'économie numérique [internet, terminaux, réseaux, cryptomonnaies, centres de stockage de données; Ndlr] est de plus en plus énergivore et donc source d'émission de CO2. Si l’on regarde juste la partie concernée par internet, ce serait équivalent au 3e pays pollueur. Il pollue 1,5 fois plus que le transport aérien par exemple. Ce n’est donc absolument pas quelque chose de négligeable: cela représente à peu près 7 % de l’énergie dépensée en électricité dans le monde.
Cette consommation se répartit comment exactement ?
Il y a quatre sources de consommation d’électricité: la plus grande, c’est bien sûr l’alimentation des différents dispositifs: téléphones, ordinateurs, data centers etc. Ensuite, on a la fabrication de tous ces outils, qui consomme, elle aussi, beaucoup d’énergie. Et puis on a deux autres choses: les data centers eux-mêmes et les réseaux. Les data centers [centres de données; Ndlr], c’est ce qui permet de traiter et de stocker les informations.
Ce sont des immenses espaces qui font plusieurs fois la taille d’un terrain de football et pour lesquels il y a des milliers et des milliers de serveurs. Ils sont en marche 24 heures sur 24 et il faut donc les alimenter, mais aussi les refroidir. Et enfin, on a les réseaux qui font circuler l’information. Ce sont les quatre gros blocs qui sont aujourd’hui les plus gros consommateurs d’électricité.
Quand on détruit soi-même ses propres mails, ils sont définitivement détruits ou bien ils vont ailleurs où ils prennent encore de la place ?
Il y a 95 % des gens qui ne détruisent pas leurs mails ni leurs anciennes newsletters qu’ils ont reçues depuis des années. C’est un fait: la plupart des gens ne détruisent pas leurs mails ni les pièces jointes qui sont venues avec. La deuxième chose, ce n’est pas tant le fait de recevoir un mail qui génère de la consommation électrique; ce qui est vraiment polluant, c’est le fait de les conserver.
Chaque année, chacun de vos mails dans votre boîte mail va générer 10 g de CO2. C’est à peu près le bilan carbone d’un sac plastique. Les 10 g de CO2, c’est une estimation faite par l’ADEME, sur la base de 1 million de mails observés dans les boîtes mail des gens. Il s’agit à la fois de mails très simples avec du texte, mais aussi de newsletters, ou encore de mails avec une ou plusieurs pièces jointes. Ils sont stockés sur des serveurs que l’on appelle « à haute disponibilité » c’est-à-dire que l’on peut les trouver avec leurs pièces jointes à partir de n’importe quel endroit dans le monde de manière instantanée.
Mais il faut savoir que, pour des raisons de sécurité, tout cela est dupliqué, pour que vous ayez l’assurance que jamais un mail ne disparaisse. Le bon comportement, c’est de supprimer ses mails au fur et à mesure ou de faire appel à un service comme celui que l’on propose.
Donc, quand je supprime mon mail, il ne prend plus de place….
Quand vous détruisez un mail, il est stocké pendant 30 jours dans votre corbeille, avant de disparaître complètement. En revanche, il sera toujours stocké si votre expéditeur n’est pas aussi attentif que vous, mais il le sera sous cachet expéditeur.
Si le Jour du dépassement est estimé au 1er août à l'échelle de l'humanité, WWF France estime que compte tenu du style de vie des Français, cette date a été atteinte dès le 5 mai dernier dans notre pays et qu'il faudrait 2,9 planètes Terre pour satisfaire la consommation annuelle de l'hexagone.
Comment peut-on sensibiliser le public à cette question de la pollution numérique ?
Il faut que soit mise en place ou introduite la notion de civilité sur internet. Je vous donne un exemple tout simple: aujourd’hui, quand on va faire une vidéo et qu’on va la mettre sur YouTube, il faut se dire que si, à la fin, elle n’est vue que par trois personnes, et qu’elle tombe dans les oubliettes du web, elle va quand même générer du CO2. Donc, il faut prendre l’habitude que, quand on met quelque chose sur internet, quand on stocke quelque chose, de se poser la question de savoir si, au bout d’un moment, ça ne vaut pas la peine de le détruire.
Et de la même manière, quand on met une vidéo dans sa signature de mail, une vidéo rigolote parce qu’on la trouve rigolote, c’est un mail qui va aussi générer de la consommation. La première chose, c’est donc d’introduire les bonnes manières. Et pour introduire les bonnes manières, la première chose, c’est de la communication et apprendre aux gens, exactement comme on a appris aux gens de ne plus laisser des boîtes de conserve dans la nature après un pique-nique. Il va falloir apprendre aux gens à bien se comporter sur internet.
La deuxième chose, c’est la mise en place de mesures très simples qui pourraient être poussées par le gouvernement, par les GAFA (les géants du web; Ndlr) ou par d’autres acteurs: par exemple que Google supprime au bout d’un an une vidéo qui n’a fait aucune vue. Pareil pour les mails, il faudrait que les newsletters soient supprimées au bout de six mois de manière automatique. Qui va lire une vieille newsletter ? A priori personne ! Il faut une bonne communication sur quelques mesures claires à prendre en compte et qui changeraient de manière drastique l’impact d’internet en termes de pollution environnementale.
Est-ce que les réseaux sociaux Facebook, Twitter etc. sont énergivores au même titre que les mails par exemple ?
Ils sont énergivores notamment quand il y a du multimédia, que ce soient des images, du son ou de la vidéo. Quand on est sur son ordinateur, que l’on fait défiler la page et que la vidéo démarre automatiquement, le stream est vraiment énergivore. Et d’un seul coup, son impact environnemental est démultiplié. Twitter, qui est principalement sur du texte, a une consommation plus faible évidemment. Cela dit, il y a la notion d’énergie consommée mais aussi la notion d’énergie qui va être produite. On a différents acteurs comme Facebook, comme Google, comme Twitter, qui se positionnent différemment sur leur approvisionnement en électricité. Et cela a un impact important.
Il faut savoir que les datas centers appartiennent en majorité à ces grandes entreprises et que ces entreprises ont la possibilité de choisir un mix énergétique pour venir alimenter leurs serveurs. Aujourd’hui, par exemple, les deux tiers de l’énergie qui alimente les serveurs de Facebook proviennent d’énergies renouvelables. Google, c’est déjà plus de la moitié. Et toutes ces entreprises se sont engagées à viser le 100 % énergies renouvelables. Pour autant, le premier combat contre la pollution numérique n’est pas tellement d’avoir un approvisionnement qui soit meilleur mais déjà des bases qui servent à consommer moins d’énergie. C’est comme les déchets avec le recyclage.
Pouvez-vous nous décrire exactement ce que propose votre société ?
Foxintelligence édite notamment un service qui s’appelle CleanFox. C’est une application et un service sur internet qui permet de nettoyer sa boite mail, d’une part de tous les anciens mails qu’on n’a pas envie de stocker, et les Français en stockent des dizaines de milliers chacun en moyenne. Et d’autre part, elle permet aussi de se désabonner de toutes les newsletters qu’on n’a plus envie de recevoir. On fait cela avec l’ambition de réduire l’empreinte carbone d’un maximum de boites mail.
(.../...)
Est-ce que les outils informatiques que nous utilisons vont devenir moins énergivores au fil du temps ?
Il y a trois choses. D’abord, il n’y a pas de chemin dans l’Histoire dans lequel on réduira notre dépendance et notre utilisation de l’informatique. Donc, il faut embrasser le sujet, car la dépense énergétique d’internet va tripler sur les trois prochaines années. Deuxièmement, l’avantage qu’offre internet et l’informatique, c’est de pouvoir, en quelques décisions, régler des problèmes très forts. Si on commence à mettre en place une politique de civilité concernant YouTube ou le mail, l’impact qu’on peut avoir peut toucher des millions de personnes.
Le troisième point, c’est que dans l’informatique, particulièrement dans les technologies internet, il y a des ingénieurs qui sont passionnés par trouver des solutions à des problèmes. Donc, je suis intimement persuadé que chez Google, chez Facebook, chez Netflix, on a des milliers de personnes qui vont se mettre dans leurs objectifs de l’année prochaine de par exemple diviser par deux l’empreinte écologique d’internet. Et je suis persuadé qu’on y arrivera.
La consommation énergétique du numérique en quelques chiffres
- En 2018, internet est le 3e plus gros consommateur d’électricité au monde derrière la Chine et les États-Unis (1.500 TWH par an), soit l’équivalent de la production de 100 réacteurs nucléaires
- 12 milliards de mails sont envoyés chaque heure dans le monde, soit l’équivalent en énergie de la production de 18 centrales nucléaires pendant 1 heure
- 140 millions de requêtes Google sont effectuées chaque heure dans le monde (soit l’équivalent de 1 000 allers-retours Paris-New York en avion en équivalent CO2)
- La consommation mondiale en énergie du numérique double tous les 4 ans
- En France les 182 centres de donnés (ou data centers) consomment 8 % de l’électricité nationale