Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
06.11.2025
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Qu'est-ce qui fait reculer la religion dans le monde ?
par Gérard Grunberg
Telos, rapporté par Slate — 03 jul 2018
http://www.slate.fr/story/164051/religions-monde-chretiente-islam-juif-secularisation
Plusieurs autres hypothèses peuvent expliquer la tendance croissante à la sécularisation de la plupart des sociétés.
Une récente enquête du Pew Resarch Center s’intéresse à l’évolution de la religiosité dans le monde en privilégiant les évolutions survenues entre les générations nouvelles (moins de 40 ans) et les générations plus anciennes. Ici, les comparaisons peuvent se faire pays par pays ou de continent à continent mais sans qu’il soit possible de connaître les affiliations religieuses précises des individus. Le fort mouvement de sécularisation observé en Europe occidentale est en réalité général dans l’ensemble de l’Europe, même s’il est moins accentué en Europe orientale.
C’est en Europe, où la religion chrétienne est largement dominante, que ce mouvement est le plus net avec l’Amérique du nord, également chrétienne. La tendance est la même en Australie, très différente de la région Asie-Pacifique en général. En particulier, c’est en Europe que l’écart entre les personnes qui se revendiquent d’une religion et celles qui estiment que la religion est très importante dans leur vie personnelle est le plus grand, et c’est en Europe, de même qu’en Australie, au Canada et aux États-Unis que la proportion d’irréligieux est la plus grande.
* Ont une affiliation religieuse: Moyen-Orient et Afrique du nord: 100 %; Afrique subsaharienne: 98 %; Amérique latine Caraïbes: 90 %; Asie Pacifique: 85 %; Europe: 81 %; Etats-Unis: 77 %; Canada: 67 %; Australie: 57 %
* Estiment que la religion est très impotante pour eux: Afrique subsaharienne: 89 %; Moyen-Orient et Afrique du nord: 73 %; Amérique latine Caraïbes: 68 %; Asie Pacifique: 53 %; Etats-Unis: 53 %; Canada: 27 %; Europe: 23 %; Australie: 18 %
* Ecart générationnel entre les + et les - de 40 ans sur l'importance de la religion: Etats-Unis: - 17; Amérique latine Caraïbes: - 10; Canada: - 8; Moyen-Orient et Afrique du nord: - 7; Europe: - 7; Asie Pacifique: - 4; Afrique subsaharienne: - 1.
La situation des États-Unis par rapport aux autres pays occidentaux développés est demeurée longtemps particulière, la religiosité y étant très grande. Mais l’arrivée des nouvelles générations est en train de réduire cette originalité. Ainsi, l’évolution des plus aux moins de 40 ans est spectaculaire. La proportion de personnes ayant une affiliation religieuse est passée de 83 % à 66 % entre ces deux sous-populations et celle des personnes pour lesquelles la religion occupe une très grande place dans leur vie personnelle de 60 % à 43 %.
Au vu de ces chiffres il serait tentant de tirer la conclusion que la religion chrétienne est beaucoup plus menacée par la tendance à la sécularisation que la religion musulmane du fait d’une fragilité particulière qui serait due à ses caractéristiques propres, d’autant qu’en Afrique du nord et au Moyen-Orient, où l’islam est largement dominant, une telle tendance est inexistante du point de vue de l’affiliation religieuse et faible du point de vue de l’importance de la religion ressentie dans la vie personnelle.
Une telle hypothèse, pour séduisante qu’elle puisse paraître, est cependant contredite par les faits. Certaines sociétés fortement chrétiennes n’ont pas connu un tel mouvement aussi puissant de sécularisation, notamment en Amérique latine. En Afrique sub-saharienne, qu’il s’agisse de sociétés à dominante chrétienne ou musulmane, un tel mouvement ne s’est pas produit. Au Moyen-Orient et en Afrique du nord, en revanche, où les sociétés sont musulmanes, un tel mouvement, s’il est faible est néanmoins perceptible, notamment en Algérie, en Jordanie, en Égypte et même en Iran. Quelle que soit la proportion, plus ou moins élevée, de personnes qui accordent une grande importance à la religion dans leur vie personnelle, mise à part l’Afrique subsaharienne, la baisse de la religiosité est une tendance qui apparaît dans toutes les régions, quelle que soit la religion dominante, par le phénomène de remplacement des générations.
Plusieurs autres hypothèses peuvent alors être avancées pour expliquer cette tendance croissante à la sécularisation de la plupart des sociétés. La plus féconde nous est fournie par les données de l’enquête: les progrès de la sécularisation dans les différentes sociétés sont étroitement liés à l’ampleur des évolutions économiques, démographiques et sociales que ces sociétés connaissent et ont connu. L’enquête utilise cinq variables pour mesurer ces relations, pays par pays: la dynamique démographique, l’espérance de vie, le nombre moyen d’années d’études des habitants, la richesse par habitant et l’importance des inégalités.
De manière générale, ces cinq variables sont étroitement corrélées avec les variables religieuses utilisées. Donnons quelques exemples. Les habitants d’un pays estiment d’autant plus souvent que la religion est très importante dans leur vie personnelle que la population du pays est en augmentation rapide. Ainsi tandis qu’au Niger où la population devrait plus que quadrupler entre 2015 et 2060, 86 % des habitants estiment que la religion est très importante pour eux, au Danemark, où le taux de remplacement de la population est à peine atteint, cette proportion est de moins de 10 %. De même, s’agissant de taux d’inégalité (indice entre 0 et 1), alors que la Zambie a un taux d’inégalité de 0,6 et la Finlande un taux de 0,2, les Zambiens sont 90 % à estimer que la religion est très importante dans leur vie ce qui n’est le cas que de 10 % des Finlandais.
Si l’on utilise comme variable la fréquence de l’assistance à l’office religieux, cette fréquence est inversement proportionnelle à l’espérance de vie dans le pays considéré. Ainsi, par exemple, au Nigeria où l’espérance de vie est de 50 ans, la fréquence de l’assistance à l’office de 90 % tandis qu’aux Pays-Bas où l’espérance de vie est de 83 ans, elle est seulement de 10 %. De même, cette fréquence est inversement proportionnelle au nombre d’années moyen de fréquentation de l’enseignement scolaire. Tandis qu’en Estonie, cette durée est de 13 années et la fréquence de l’assistance à l’office de 3 %, ces proportions sont respectivement d’une année et de 93 % au Niger.
Si, enfin, l’on utilise l’indicateur économique du PIB par habitant ajusté par parité de pouvoir d’achat et l’indicateur religieux de prière quotidienne, la fréquence de la prière quotidienne est inversement proportionnelle à la richesse par habitant. Ainsi, tandis que le PIB PPA en Norvège est de 70.000 dollars et la fréquence de la prière quotidienne de 18 %, en Afghanistan, il est de 4.000 $ et la fréquence de la prière de 98 %.
Ces données nous conduisent à penser que ne sont pas d’abord les spécificités et particularités de la religion chrétienne par rapport à la religion musulmane ou à d’autres religions qui ont produit directement – car une influence indirecte peut être recherchée – le mouvement de sécularisation qui a, en premier lieu, affecté les sociétés chrétiennes, mais l’état social et économique des sociétés concernées et leur évolution. Il se trouve que le développement économique et industriel des sociétés chrétiennes a été plus précoce et plus rapide que celui des sociétés musulmanes. Ce développement, et la manière dont il s’est effectué politiquement et socialement, ont créé les conditions philosophiques et matérielles qui ont été les moteurs du processus d’individualisation des sociétés.
Si les sociétés occidentales ont entamé avant les autres le mouvement de sécularisation, c’est d’abord parce qu’elles sont devenues avant les autres des « sociétés des individus », pour reprendre le concept de Norbert Elias. Dans ces sociétés, le contrôle social des Églises chrétiennes, relativement facile et durable à exercer lorsque ces sociétés étaient holistes, la religion constituant alors un élément fondamental de leur homogénéité et de leur identité, s’est affaibli au fur et à mesure que les individus ont acquis une autonomie croissante en leur sein. S’est alors développée une tendance à l’irréligion, mais aussi, comme nous l’avons vu dans le précédent article, un affaiblissement notable de la religiosité chez les individus qui continuent de revendiquer leur appartenance à la religion chrétienne. Cette tendance à l’individualisation les a conduits, de manière croissante, à prendre leurs distances avec les Églises et les dogmes religieux, participant ainsi à la sécularisation de la société. Du coup, dans ces sociétés, il n’est plus aisé d’opposer de manière nette les chrétiens dans leur ensemble aux irréligieux.
Comparer les sociétés chrétiennes aux sociétés musulmanes aujourd’hui ne peut donc pas seulement consister à comparer l’état des deux religions mais aussi celui des sociétés dans lesquelles elles sont enracinées. Par exemple, alors que, dans les sociétés musulmanes, la religion est considérée massivement comme très importante par les individus qui la composent (le plus souvent plus de 80 %), chez les musulmans qui habitent dans des sociétés occidentales, cette proportion n’est que de 54 % en France, de 66 % aux États-Unis et de 69 % en Israël. Les religions étant des phénomènes sociaux, leur comparaison ne peut ainsi s’effectuer, du point de vue de la sociologie, qu’en englobant dans leur analyse les sociétés elles-mêmes dans lesquelles elles sont enracinées.
« La religion est en déclin aux États-Unis »
Entretien avec Lauric Henneton, maître de conférences à l’Université de Versailles, auteur de "La fin du rêve américain ?" (Odile Jacob, 2017)
Propos recueillis par Andres Allemand
24heures - 13 jun 2018
https://www.24heures.ch/monde/ameriques/religion-declin-etatsunis/story/18317001
N’est-il pas paradoxal de parler de déclin de la religion aux États-Unis alors même que la droite évangélique triomphante a contribué à l’élection de Donald Trump ?
Le déclin est très marqué, les indices ne manquent pas. Mais pour comprendre le paradoxe, il faut bien distinguer démographie religieuse et effet électoral. La part de la population qui déclare son appartenance à une Église chrétienne diminue d’année en année. Les jeunes adultes, même s’ils ont jadis été baptisés catholiques ou protestants, ne s’identifient plus comme tels. On voit de plus en plus de gens cocher la case "none" (aucune) quand on leur demande leur religion. Aux États-Unis, on les surnomme les "nones". Cette population vote peu, elle est politiquement sous-représentée. À l’opposé, la droite évangélique est très mobilisée. Il s’agit d’un électorat blanc, plus âgé et discipliné, dont l’implication en politique fait partie de l’engagement religieux.
Ce déclin est-il très rapide ?
Dans les années 1990 et 2000, les "nones" ne représentaient jamais plus de 10 % de la population. Or, aujourd’hui, dans certains États, il s’agit de la catégorie "religieuse" la plus importante. Ils sont à peu près 25 % sur le plan national et même 40 % parmi les jeunes !
Comment expliquer le phénomène ? Qu’est-ce qui a déclenché ce recul de la foi ?
Ce n’est pas forcément un recul de la spiritualité. Comme en Europe, la plupart des gens qui ne s’identifient pas avec une religion ont leur propre système de croyances, plus personnelles, qui n’acceptent aucun dogme. Cependant, on peut penser que les scandales sexuels dans l’Église catholique ont eu un impact. De même, l’hypocrisie de certains prédicateurs évangéliques, révélée par des affaires de mœurs ou de détournements de fonds, a certainement fait des dégâts. Il y a aussi des jeunes évangéliques agacés par le conservatisme moral de leur Église. De manière plus générale, on peut imaginer que l’augmentation des "nones" est liée à l’accès des masses à l’éducation supérieure. C’est d’ailleurs dans les campus que les lobbys politiques tentent de recruter cet électorat difficile…
Pourquoi sont-ils si peu mobilisés politiquement ?
Précisément parce qu’ils ne s’identifient pas aux institutions, qu’il s’agisse d’Églises, de partis ou encore de syndicats. Même ceux qui votent démocrate se déclarent plutôt indépendants !
En Indonésie, les athées craignent pour leur vie
AFP, Romandie news - 10 jul 2018
https://www.romandie.com/news/ZOOM-En-Indon-sie-les-ath-es-craignent-pour-leur-vie/935395.rom
Quand elle étudiait à l'université en Indonésie, Luna Atmowijoyo faisait ses cinq prières par jour, était membre d'un parti islamiste conservateur et refusait de serrer la main aux hommes n'étant pas de sa famille. Une décennie plus tard, elle est devenue athée et craint pour sa vie. Cette femme était plus fondamentaliste que ses parents musulmans très pieux quand, un jour, elle a commencé à douter sérieusement de sa religion. L'impensable s'est ensuite produit dans son esprit: elle a estimé que Dieu n'existait pas.
Cette conception est très mal perçue dans le pays musulman le plus peuplé au monde, où les athées, très peu nombreux, redoutent de violentes représailles de religieux partisans d'une ligne dure. C'est pourquoi Luna, 30 ans, a choisi comme d'autres athées de mener une double vie. Elle a deux identités et porte toujours le voile islamique. Vivant chez ses parents, elle a peur de révéler à son père qu'elle nie désormais l'existence de Dieu. "Beaucoup de choses ont commencé à me gêner" dans la religion, raconte Luna, qui a demandé à l'AFP d'utiliser un nom d'emprunt. "Je ne pouvais par exemple pas dire Joyeux Noël ou Bon Vesak à des gens d'une autre religion", dit-elle en référence à ces deux fêtes, l'une chrétienne, l'autre bouddhiste.
L'Indonésie reconnaît 6 religions - islam, protestantisme, catholicisme, hindouisme, bouddhisme, confucianisme - et la liberté d'expression est garantie par la loi. En théorie. Car critiquer la religion, surtout l'islam, c'est s'exposer à des poursuites pour blasphème et à une peine de prison dans ce pays d'Asie du Sud-Est de 260 millions d'habitants, dont près de 90 % sont musulmans. Les autorités répètent pourtant qu'être athée n'est pas illégal, mais à condition de ne pas nier l'existence de Dieu en public. Une fois qu'on commence à disséminer cette idée ou le concept de l'athéisme, c'est problématique", reconnaît Abdurraman Mas'ud, directeur de l'agence de recherche et de développement au ministère des Cultes.
Cette année, un étudiant a été inculpé d'insulte à l'islam pour avoir comparé sur son compte Facebook Allah aux dieux grecs et écrit que le Coran n'était pas plus scientifique que Le Seigneur des Anneaux, un célèbre roman. Il encourt jusqu'à 5 ans de prison. En 2012, un homme avait été condamné à 30 mois de prison pour avoir publié en ligne des critiques sur le prophète Mahomet et s'être déclaré athée.
Outre le risque d'être emprisonné, les athées interrogés par l'AFP disent craindre que des islamistes partisans d'une ligne dure, à l'origine d'agressions et d'attaques contre des minorités religieuses, s'en prennent désormais à eux. Des cyber-groupes d'islamistes radicaux profèrent régulièrement des menaces de mort via Internet. Le pire qui puisse nous arriver en Indonésie est d'être tué", confie un athée de 35 ans. "J'ai vraiment peur pour ma vie", dit-il. Tant qu'ils se tiennent tranquilles, il y a peu de risque", estime Timo Duile, chercheur à l'Université rhénane Frédéric-Guillaume de Bonn (Allemagne), qui a étudié l'athéisme en Indonésie. C'est la raison pour laquelle la plupart des athées auxquels j'ai parlé préfèrent rester incognito", dit-il.
Personne ne sait combien il y a d'athées dans l'archipel. De petits groupes se rencontrent régulièrement dans des grandes villes, mais la plupart se retrouvent sur des forums en ligne comme celui intitulé "Demandez, des athées répondent", qui totalise près de 60.000 membres sur Facebook. Karina, une Indonésienne athée vivant à Singapour, se sent "moins seule" depuis qu'elle a découvert sur Facebook un compte pour athées dans son pays natal.
L'Indonésie n'est pas le seul pays à majorité musulmane où les personnes qui nient l'existence de Dieu sont en danger. Des blogueurs athées ont été tués au Bangladesh, d'autres athées ont été menacés par des représentants du gouvernement en Malaisie et emprisonnés en Egypte. Si l'Indonésie est souvent mise en avant pour la pratique modérée de l'islam dans le pays, nombre d'athées estiment que ce n'est plus vrai. "Je deviens plus prudente", dit Karina. "Je publie toujours des critiques en ligne sur l'islam, mais maintenant c'est plus subtil. Et j'ai assez peur pour mes amis en Indonésie."