Le Monde d'Antigone

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Dernière mise à jour : 30.09.2025
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L’assèchement du lac Tchad suscite des convoitises

Publié le 06/03/2018 à 03:06 par monde-antigone

 
Assèchement du lac Tchad: Le retour du projet Transaqua fait polémique
par Romain Gras
Jeune Afrique - 01 mar 2018
http://www.jeuneafrique.com/537309/societe/assechement-du-lac-tchad-le-retour-du-projet-transaqua-fait-polemique/


Une conférence internationale sur la sauvegarde du lac Tchad s'est achevée mercredi à Abuja, au Nigeria. Les discussions sur l'avenir de ce bassin menacé par l'insécurité et la sécheresse, ont été marquées par la relance du projet controversé de remplissage du lac par transfert des eaux du bassin du Congo. Une entreprise colossale, envisagée de longue date, mais qui divise.

Le projet intrigue autant qu’il fascine. Abuja accueillait, du 26 au 28 février, une conférence consacrée à la préservation du lac Tchad. Réunis autour d’experts scientifiques, les présidents des quatre pays frontaliers (Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun) [+ des personnalités politiques de pays voisins, de Centrafrique au sud, de Libye au nord; ndc] devaient échanger sur de potentielles solutions pour stopper l’assèchement du bassin, également menacé par l’insurrection des jihadistes de Boko Haram.

Au début des années 1980, pour faire face à la peur d’un assèchement du Lac Tchad découlant des sécheresses et famines qui avaient frappé la région une décennie plus tôt, la société italienne Bonifica avance l’idée d’un remplissage du lac par transfert des eaux du bassin du Congo vers le fleuve Oubangui et jusqu’au Chari qui alimente le lac Tchad. Une entreprise pharaonique qui laisse géographes et experts perplexes sur les possibles conséquences environnementales d’un tel projet, que le gouvernement congolais ne souhaitait pas voir aboutir.

Ce projet titanesque, basé sur la construction d’un canal de 2.400 km, qui partirait de la R. D. du Congo et passerait par la Centrafrique pour se jeter dans le Lac Tchad, fait donc aujourd’hui son retour. « Ce transfert inter-bassins n’est pas une option mais une nécessité. Nous sommes confrontés à la possibilité d’une disparition du lac Tchad, ce qui serait catastrophique pour tout le continent africain », estime Sanusi Abdullahi, le secrétaire exécutif de la Commission du bassin du lac Tchad, en charge de coordonner les actions touchant aux eaux du bassin.

Le budget est évalué à 14 milliards de dollars. Bonifica, porteur du projet d’origine, s’est associé au géant chinois de l’énergie Power China, déjà présent sur le continent, où il a notamment construit le barrage hydroélectrique de Memve’ele, au Cameroun. Une étude de faisabilité est en cours, mais ses conclusions n’ont pas encore été finalisées.

Transaqua n’a jamais cessé de fasciner. La sortie, en 2006, du documentaire de l’ancien candidat à l’élection présidentielle américaine Al Gore, Une vérité qui dérange, a contribué à médiatiser la question de la sauvegarde du bassin. Le film comprenait notamment des images de la Nasa, sujettes à débat depuis, démontrant une diminution de la superficie du Lac Tchad de 90 % en 40 ans. En 2010, la Commission du bassin du lac Tchad avait mandaté une société canadienne pour relancer le projet. Les résultats n’ont jamais été publiés, mais pour Christian Seignobos, directeur de recherche émérite à l’Institut de Recherche pour le Développement, le discours alarmiste sur la disparition du lac Tchad n’est pas pleinement fondé.

« La superficie de ce lac change sans arrêt car il est très peu profond et extrêmement tributaire des précipitations et des afflux du Chari. C’est un endroit impossible à cartographier », explique-t-il. « De plus, pour la région, la diminution des eaux et le passage à une configuration en petits lacs a libéré des terres fertiles, ce qui a permis le développement d’une activité agricole pour des population qui ont appris à exploiter cette surface. Remplir la lac et faire disparaître ces espaces aurait des conséquences calamiteuses pour ces populations », poursuit le chercheur.

La relance de ce projet intervient alors que les chefs des États frontaliers du lac Tchad sont confrontés à un contexte sécuritaire extrêmement délicat. « La vraie menace, c’est Boko Haram. Ils ont su profiter de la baisse des eaux pour se terrer dans les zones marécageuses et ruiner l’activité agricole. Mais il n’y a pas de raisons que le remplissage du lac Tchad repousse cette menace », estime Roland Pourtier, président de l’Association des géographes français et l’un des coordonnateurs de l’Atlas du lac Tchad. « L’intérêt de ce projet est probablement en partie financier » poursuit-il.

Souvent présentée comme le sanctuaire de l’organisation terroriste, la région du lac Tchad est confrontée à une grave humanitaire. Plus de 2 millions d’habitants ont été forcées de fuir et près de 11 millions de personnes ont besoin d’assistance, selon l’ONU.


L’assèchement du lac Tchad suscite des convoitises
par Aza Boukris
Mondafrique - 28 fev 2018
https://mondafrique.com/assechement-lac-tchad-supercherie-realite/


(...) Il va de soi que la disparition des frontières terrestres entre les États concernés et les sanctuaires de la secte Boko Haram, désormais établis dans cet espace de non-droit, sont des sujets majeurs de préoccupation, aussi bien au titre des changements climatiques que de la situation géopolitique, au coeur de l’Afrique. Les quelques milliers de militants de Boko Haram ont trouvé là, le territoire qui leur manquait, avec le concours des anciens pêcheurs du lac, complètement délaissés et ayant perdu leur cadre de vie.

L’assèchement progressif du Lac Tchad, qui aurait perdu 90 % de sa superficie, modifie sensiblement cette zone stratégique du continent africain. La communauté internationale se doit évidemment d’apporter son aide à la population pour la sauver de la famine mais aussi de la terreur imposée par Boko Haram, mais en prenant garde de remplir un nouveau tonneau des Danaïdes.

Les États membres de la Commission du Lac Tchad sont dans des situations socio-politiques et financières comme ils n’en ont jamais connues, depuis leur indépendance. Leur désintégration est à l’image de l’assèchement du Lac Tchad: progressif et amplificateur de la pauvreté. Le moment est donc propice pour les autocrates locaux de solliciter des financements internationaux, peu importe la façon dont ces mânes financières pourraient être gérées. Business as usual.

Les dirigeants des pays concernés ont opportunément remis sur table le fameux projet de détournement des eaux de l’Oubangui vers l’Aouk et le Chari pour renflouer le Lac Tchad. Des bureaux de consultance y ont bien vu les retombées financières exceptionnelles et la Chine, via la société d’Etat PowerChina, s’est lancée dans des études de faisabilité pour ce projet mirobolant estimé, à première vue, à plus de 10 milliards de dollars. Un tel projet pourrait surtout servir à alimenter les propres intérêts des uns et des autres.

Si l’assèchement du Lac Tchad est une réalité bien visible, en revanche son dessèchement final, c’est-à-dire sa disparition totale est une fausse interprétation des réalités hydrologiques qui se fondent sur plus de cent années d’études scientifiques, également incontestables. De nombreux scientifiques, reconnus pour leurs travaux universitaires, mettent en doute une disparition du Lac Tchad. Les aléas pluviométriques dans les régions orientales de Centrafrique et du Bahr el-Ghazal soudanais ont des répercussions sur la superficie du Lac Tchad.

Un flash back sur l’histoire du Lac Tchad est sans appel. Au début du XXème siècle, les explorateurs et militaires coloniaux avaient rapporté les fluctuations du Lac Tchad. Après une période de sécheresse importante, fin XIXème siècle – début XXème siècle, le commandant géodésien Jean Tilho avait noté en 1908, que les eaux avaient quasiment disparu et que le Lac était devenu un marécage avec sa végétation palustre. Là où il pouvait jadis naviguer sur sa chaloupe, Jean Tilho pouvait désormais faire passer sa caravane de chameaux, à pieds secs. La disparition du Lac Tchad alimentait déjà les préoccupations. Mais dès 1913, Jean Tilho notait que le Lac Tchad avait repris sa superficie d’avant la sécheresse. La question de la disparition du Lac Tchad et les constats de Jean Tilho la réfutant  sont toujours d’actualité. L’assèchement du Lac Tchad est conjoncturel.

Selon le bon principe "A quelque chose malheur est bon", les spécialistes en recherche-développement font aussi remarquer que la décrue des eaux du Lac Tchad a laissé apparaître des terres très fertiles qui pourraient être exploitées, si la sécurité était assurée dans cette zone, plus ou moins contrôlée par Boko Haram. Nul doute que la question du Lac Tchad va devenir un thème porteur pour de futurs colloques et conférences internationales.