Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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Rassembler des foules sous un même drapeau
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dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour : 17.12.2025
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Mugabe placé en chambre froide

Publié le 16/11/2017 à 04:41 par monde-antigone

 
Mugabe a été placé en chambre froide (assigné à résidence) dans la nuit de mardi à mercredi, le temps que les militaires procédent à des arrestations dans les rangs des hauts fonctionnaires et du gouvernement. Officiellement, il ne s'agirait pas (encore) d'un coup d'Etat, mais ça y ressemble beaucoup. C'est en tout cas une péripétie de plus dans la lutte de pouvoir qui fait rage à l'intérieur de l'appareil d'Etat entre le parti ZANU-PF et sa police d'un côté, l'état-major de l'armée de l'autre. Si Mugabe ne se montre pas conciliant (un dictateur n'a pas l'habitude de l'être), il pourrait être poussé vers la sortie dans les prochains jours et remplacé par un "comité révolutionnaire de salut national" quelconque, un gouvernement à forte coloration kaki.

Robert Mugabe, 93 ans dont 37 d'exercice dictatorial du pouvoir à la tête du Zimbabwe, est en bout de course. Il n'est plus qu'un vieillard affaibli, somnolent, loin de l'homme fort qu'il était dans les années 90. Sa deuxième épouse, Grace Mugabe (qu'on appelle "Disgrâce"), ne cache pas ses ambitions. Elle intrigue, elle achète des soutiens dans le parti présidentiel, en s'appuyant sur la Ligue des femmes qu'elle dirige et le mouvement de jeunesse G40, afin que la succession lui revienne. C'est à cette fin qu'elle a obtenu le limogeage des deux derniers vice-présidents, sa rivale Joice Mujuru en 2014, puis, il y a quelques jours, celui d'Emmerson Mnangagwa pour "déloyauté" (Arf ! un mot qui blesse). Les militaires opposés à la succession dynastique ne l'ont pas entendu de cette oreille. Ils ont sorti les chars et montré que ce sont eux qui sont aux manettes et qui vont décider de l'avenir du pays. Finalement, Mnangagwa devrait revenir de son court exil et reprendre sa place, peut-être en tant que président par intérim, en attendant des élections et une nouvelle constitution.

C'est la première fois depuis l'indépendance que l'armée zimbabwéenne intervient dans les affaires du pays, et cela traduit un état de nervosité croissant à mesure que se précise la question de la transmission du pouvoir. Son but est de garder le contrôle de la situation et de prévenir tout mouvement de contestation populaire.

 >>  Comme on s'y attendait, Mugabe refuse catégoriquement de céder aux généraux et de démissionner. Mnangagwa va rentrer au Zimbabwe.


L'armée prend le pouvoir au Zimbabwe, vise l'entourage de Mugabe
par MacDonald Dzirutwe
Reuters, Yahoo! actualités - 15 nov 2017
https://fr.news.yahoo.com/larmee-zimbabweenne-prend-le-pouvoir-dans-le-pays-060229777.html


HARARE - L'armée a pris le pouvoir au Zimbabwe aux premières heures de mercredi, disant viser les "criminels" dans l'entourage du président Robert Mugabe, seul dirigeant qu'ait connu le pays d'Afrique australe en 37 ans d'indépendance. Soldats et véhicules blindés contrôlent la radio-télévision nationale et bloquent les voies d'accès aux principaux ministères, au Parlement et aux tribunaux dans le centre de Harare, la capitale où l'atmosphère reste calme. Les militaires ont assuré que le président Mugabe, qui est âgé de 93 ans, et sa famille étaient sains et saufs.

Le président sud-africain Jacob Zuma a dit s'être entretenu par téléphone avec son homologue zimbabwéen, qui lui a dit qu'il était retenu à son domicile mais qu'il se portait bien. On ignore encore si le coup de force de l'armée mettra un terme au long gouvernement de Mugabe. Le principal objectif des militaires semble être d'empêcher son épouse Grace Mugabe, 52 ans, de lui succéder.

Le président du Zimbabwe, toujours admiré par de nombreux Africains comme un héros de la lutte anti-coloniale, est considéré comme un despote par les Occidentaux qui estiment que sa gestion désastreuse de l'économie et son recours à la violence pour se maintenir au pouvoir a ruiné l'un des Etats les plus prometteurs du continent africain.

Robert Mugabe a déclenché une crise politique le 6 novembre dernier en limogeant son vice-président et successeur présumé Emmerson Mnangagwa, 75 ans, pour "déloyauté". Les généraux pensent que cette décision devait permettre de dégager la voie pour Grace Mugabe. Le chef de l'armée, le général Constantino Chiwenga, a averti lundi que l'armée n'hésiterait pas à intervenir pour "protéger la révolution".

Surnommé le "Crocodile", ancien ministre de la Défense, Emmerson Mnangagwa a aussi dirigé les services secrets du Zimbabwe. "Nous visons uniquement des criminels de (l')entourage (de Mugabe) qui commettent des crimes à l'origine de souffrances économiques et sociales dans le pays, dans le but de les traduire en justice", a déclaré le général SB Moyo, chef d'état-major logistique, lors d'une allocution télévisée. "Dès que nous aurons accompli notre mission, nous pensons que la situation reviendra à la normale."

Quelle que soit l'issue de cette crise, les événéments constituent déjà une date majeure dans l'histoire du pays d'Afrique australe, autrefois l'un des plus prospères, aujourd'hui réduit à la pauvreté en raison d'une grave crise économique dont l'opposition rend le président responsable.

Au sein même du noyau dur des partisans les plus fidèles du chef de l'Etat, beaucoup se sont émus de la montée en puissance de son épouse, qui courtise le mouvement de jeunesse du parti au pouvoir ZANU-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique) mais s'est aliéné les militaires, dirigés par les anciens compagnons de lutte de Mugabe pendant la guerre d'indépendance des années 1970.

Le pays, ancienne colonie britannique (ex-Rhodésie), est indépendant depuis 1980. Mugabe en a été le Premier ministre entre 1980 et 1987 avant d'en être le président sans discontinuer depuis. "C'est la fin d'un chapitre très triste et très douloureux dans l'histoire d'un jeune pays, dans lequel un dictateur, en devenant vieux, s'en est remis à une bande de voleurs autour de sa femme", a déclaré à Reuters Chris Mutsvangwa, influent chef de file des anciens combattants de la guerre de libération.

Le secrétaire général de l'Association des Vétérans, Victor Matemadanda, a appelé à la mise à l'écart de Robert Mugabe de la présidence et de la direction de la ZANU-PF. La principale formation d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), a dit espérer que l'intervention militaire permette "l'établissement d'un Etat-nation stable, démocratique et progressiste".

S'exprimant au nom de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), Jacob Zuma a souhaité qu'il n'y ait pas de changements constitutionnels contraires aux positions de la SADC et de l'Afrique du Sud. Il a invité le gouvernement et l'armée à "régler à l'amiable l'impasse politique".

Le déclin économique du Zimbabwe au cours des 20 dernières années pèse sur l'ensemble de la région. Des millions de réfugiés économiques ont quitté le pays, rejoignant pour leur grande majorité le voisin sud-africain. Le ministre des Finances Ignatius Chombo, un des chefs de la "Génération 40" (G40), groupe formé au sein de la Zanu-PF et dirigé par Grace Mugabe, est détenu par l'armée, apprend-on dans l'entourage du gouvernement.

La sévère mise en garde lancée lundi par le général Constantino Chiwenga, commandant des forces de défense du Zimbabwe, a été suivie dans la nuit de mardi à mercredi du déploiement de soldats et de véhicules blindés à Harare. Les militaires se sont ensuite emparés du siège de la ZBC, la radio-télévision publique, porte-voix du président nonagénaire. Le personnel a été sommé de quitter les lieux. Peu après, trois explosions ont été entendues dans le centre de la capitale.

Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France ont adressé des consignes de sécurité à leurs ressortissants en raison de l'"incertitude politique". Avant de lancer sa mise en garde, le général Chiwenga s'était rendu la semaine dernière à Pékin. La Chine et le Zimbabwe entretiennent d'étroites relations, à la fois sur les plans diplomatique et économique.


Zimbabwe: Le président Mugabe détenu par l'armée déployée dans la capitale
par Fanuel Jongwe, Reagan Mashave
AFP, Yahoo! actualités - 15 nov 2017
https://fr.news.yahoo.com/zimbabwe-barrages-blindes-autour-parlement-a-harare-064245956.html


HARARE - (.../...)
 Après plusieurs jours de très vives tensions, l'opération de l'armée, jusque-là considérée comme un pilier du régime, constitue un défi sans précédent à l'autorité de Robert Mugabe. Lundi, le chef d'état-major, le général Constantino Chiwenga, avait publiquement dénoncé la décision du chef de l'Etat de limoger le vice-président Mnangagwa. L'armée pourrait "intervenir" si cette "purge" ne cessait pas au sein du parti présidentiel, avait-il mis en garde. Le parti du président a accusé en retour mardi le militaire de "conduite relevant de la trahison" et dénoncé sa volonté "d'encourager au soulèvement".

Le général Chiwenga et M. Mnangagwa ont tous deux été des figures majeures de la lutte pour l'indépendance de cette ancienne colonie britannique, au côté de l'actuel chef de l'Etat. "Je ne pense pas que Mugabe ait encore le contrôle total de la situation", a commenté à l'AFP l'analyste politique David Moore, de l'université de Johannesburg. "L'armée semble suivre une seule direction, et c'est celle imposée par son chef", a-t-il ajouté.

L'ancien vice-président Mnangagwa, 75 ans, a été démis de ses fonctions la semaine derrière et contraint à l'exil après un bras de fer avec la Première dame, Grace Mugabe, 52 ans, qui ne cache pas son ambition de succéder à son époux. Il a accusé la deuxième épouse du président d'avoir tenté de l'empoisonner pour l'éliminer, suscitant une vive réaction de l'intéressée qui a obtenu son éviction.

Figure controversée, connue pour ses accès de colère et son goût du luxe, Mme Mugabe, qui dirige la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, compte de nombreux opposants au sein du parti au pouvoir et du gouvernement. A la tête depuis 37 ans d'un régime autoritaire et répressif, Robert Mugabe a déjà été investi par la Zanu-PF pour la présidentielle de 2018, malgré son âge et sa santé fragile.


Zimbabwe: Dates-clé depuis l'arrivée au pouvoir de Mugabe
Le Zimbabwe, un pays en crise après 37 ans de règne de Mugabe
AFP, Yahoo! actualités - 15 nov 2017
https://fr.news.yahoo.com/zimbabwe-dates-cle-depuis-larrivee-au-pouvoir-mugabe-072644935.html
https://fr.news.yahoo.com/zimbabwe-pays-crise-apres-37-ans-regne-mugabe-074205247.html


HARARE - Depuis son indépendance en 1980, le Zimbabwe n'a connu qu'un seul dirigeant, Robert Mugabe. Rappel des principales étapes de son règne de plus de 37 ans, l'un des plus longs sur le continent africain.

En 1890, arrivée de colons britanniques d'Afrique du Sud menés par Cecil Rhodes qui donne son nom au territoire. En 1923, la Rhodésie du Sud devient une colonie de la Couronne. En 1965, le Premier ministre de la minorité ségrégationniste blanche Ian Smith rompt avec la Grande-Bretagne, pouvoir colonial, et proclame une indépendance unilatérale pour prévenir une accession au pouvoir de la majorité noire. De 1972 à 1979, Ian Smith engage le pays dans une guerre meurtrière (au moins 27.000 morts) contre les nationalistes noirs, dirigés par Robert Mugabe et Joshua Nkomo.

En avril 1980, suite aux accords de Lancaster House, la Rhodésie du Sud cède la place au Zimbabwe. Le pays est en liesse et le monde salue la naissance d'un modèle pour l'Afrique. Dans un stade d'Harare, des centaines de milliers de personnes viennent assister avec fierté et émotion à la levée du nouveau drapeau et entendre la star du reggae mondial, Bob Marley, chanter une de ses chansons célébrant l'indépendance.

Après la signature des accords de Lancaster House, Robert Mugabe, chef de l'Union nationale africaine du Zimbabwe (ZANU), remporte les élections, devient Premier ministre. Son partenaire de lutte, Joshua Nkomo, chef de l'Union populaire africaine du Zimbabwe (ZAPU), est ministre de l'Intérieur. En février 1982, M. Nkomo, accusé de complot, est limogé. M. Mugabe envoie dans le Matabeleland (sud-ouest), le fief de son adversaire, sa 5e brigade, chargée de réprimer les partisans de celui qui est désormais considéré comme un rebelle. L'opération fait 20.000 morts.

En décembre 1987, Robert Mugabe devient chef de l'Etat, après une modification de la Constitution instituant un régime présidentiel. Deux ans plus tard, les deux mouvements rivaux fusionnent sous le nom de ZANU-Front patriotique, voué à devenir parti unique. En 1991, la ZANU-PF renonce au marxisme-léninisme et adopte l'économie de marché.

Le 28 février 2000 débute le mouvement d'occupation par les ex-combattants de la guerre d'indépendance des fermes appartenant à la minorité blanche. Officiellement, il s'agit de corriger les inégalités héritées du passé colonial. En fait, le mouvement intervient après le rejet par les Zimbabwéens d'un projet de Constitution qui devait renforcer les pouvoirs du chef de l'Etat et permettre l'expropriation de fermiers blancs sans indemnisation, dans le cadre de la réforme agraire. Plus de 4.000 des 4.500 agriculteurs blancs du Zimbabwe sont dépouillés de leurs fermes, avec le soutien du régime. En mars 2002, Robert Mugabe est réélu lors d'un scrutin dénoncé comme irrégulier par les observateurs et après une campagne marquée par de multiples violences.

En mars 2008, le parti d'opposition du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) gagne le contrôle du Parlement. Son chef Morgan Tsvangirai devance le président sortant au 1er tour de la présidentielle, mais renonce en raison du déferlement de violences qui vise ses partisans dans l'entre-deux-tours. Seul en lice, Robert Mugabe est réélu en juin.

Il est largement réélu (61 %) en juillet 2013, et son parti remporte une majorité des 2/3 à l'Assemblée. Son rival Tsvangirai dénonce des fraudes. L'Union européenne commence toutefois à normaliser ses relations avec le Zimbabwe, levant la plupart des sanctions imposées depuis 2002, sauf pour Robert Mugabe et son épouse.

Le pays, bien que doté d'abondantes ressources minières (platine, or, diamant, nickel), souffre d'une situation économique et financière sinistrée. Ancien grenier à céréales de l'Afrique australe, le Zimbabwe a vu sa production agricole chuter drastiquement après le lancement de la réforme agraire. En 2009, le gouvernement est forcé d'adopter le dollar américain et le rand sud-africain, après l'effondrement de la monnaie nationale qui a causé une hausse vertigineuse des prix atteignant jusqu'à 500 milliards pour cent.

Le 6 décembre 2014, le chef de l'Etat, reconduit à la tête du parti au pouvoir, intronise son épouse Grace à la présidence de sa puissante Ligue féminine. Puis il se livre à une vaste purge en limogeant notamment sa vice-présidente, Joice Mujuru, remplacée par un très proche, le ministre de la Justice Emmerson Mnangagwa.

Le 14 avril 2016, le MDC rassemble plus de 2.000 manifestants à Harare lors de la plus importante marche jamais organisée depuis une décennie contre Mugabe. Fin 2016, le gouvernement lance une nouvelle devise indexée sur le cours du billet vert pour tenter de ralentir la fuite des dollars américains vers l'étranger. Mais l'introduction de ces "billets d'obligation" n'a pas produit les effets espérés. La crise se traduit actuellement par un chômage de masse (près de 90 % de la population active), l'effondrement de nombreux services publics et la raréfaction des liquidités. En octobre 2017, le Zimbabwe interdit même les importations de fruits et légumes pour économiser ses devises.

Le 24 septembre 2017, le pasteur Evan Mawarire, un des leaders de la contestation, est arrêté après avoir diffusé une vidéo dénonçant les pénuries de carburant. Il est acquitté pour incitation à l'émeute, mais reste accusé de tentative de renversement du gouvernement.

Le 6 novembre, le vice-président Emmerson Mnangagwa, longtemps pressenti comme dauphin du président, est démis de ses fonctions. Il fuit le pays. Le 13 novembre, le chef de l'armée dénonce l'éviction du vice-président et prévient que l'armée pourra "intervenir" si la "purge" ne cesse pas au sein du parti présidentiel. Dans la nuit du 14 au 15 novembre, des officiers annoncent être intervenus pour éliminer des "criminels" dans l'entourage du chef de l'Etat mais démentent toute tentative de coup d'Etat contre M. Mugabe, prétendûment "sain et sauf" avec sa famille.

Le Zimbabwe, pays enclavé d'Afrique australe, est limitrophe du Mozambique, de l'Afrique du Sud, du Botswana et de la Zambie. Sa population s'élevait à 16,15 millions d'habitants en 2016, selon la Banque mondiale. Le pays compte 50 % de chrétiens, en majorité anglicans, et 40 % d'animistes. Les chutes Victoria, sur le Zambèze, à la frontière entre le Zimbabwe et la Zambie, sont une destination phare pour les touristes étrangers.


EDIT (17 novembre 2017)


Zimbabwe: Le retour du "crocodile" Emmerson Mnangagwa
AFP, Romandie news - 17 nov 2017
https://www.romandie.com/news/ZOOM-Zimbabwe-le-retour-du-crocodile-Emmerson-Mnangagwa/864181.rom


Il est surnommé le "crocodile" pour son caractère impitoyable. Longtemps en tête de la course à la succession du président du Zimbabwe Robert Mugabe avant d'en être sèchement écarté, Emmerson Mnangagwa n'a jamais renoncé à lui succéder. Vice-président depuis 2014, ce vétéran de la guerre d'indépendance a été limogé la semaine dernière, victime des ambitions politiques de la Première dame Grace Mugabe. Sa déchéance n'aura duré que quelques jours. Contraint à l'exil, M. Mnangagwa avait promis de revenir dans son pays pour diriger la ZANU-PF, le parti au pouvoir. Il est rentré jeudi dans son pays avec le soutien de l'armée, qui a pris le contrôle du pays dans la nuit de mardi à mercredi pour dénoncer son éviction. Son nom revient désormais avec insistance pour diriger la transition politique qui s'annonce, si Robert Mugabe accepte de rendre les clés du pays qu'il dirige depuis 37 ans. Ce scénario constituerait un aboutissement pour ce fidèle serviteur du régime, aux rêves de pouvoir longtemps contrariés.

Dès l'indépendance du Zimbabwe en 1980, Robert Mugabe a mis Emmerson Mnangagwa sur orbite en lui confiant d'importants postes ministériels (Défense, Finances...). En 2004, il est victime une première fois de son ambition. Accusé d'intriguer pour le poste de vice-président, il perd son poste de secrétaire à l'administration de la ZANU-PF. Et sa rivale Joice Mujuru remporte la course. Ce n'est finalement qu'en 2014 qu'il accède à la vice-présidence, lorsque Joice Mujuru est victime de la campagne de dénigrement orchestrée par, déjà, Grace Mugabe.  M. Mnangagwa accède alors au statut de dauphin potentiel d'un "camarade Bob" à la santé de plus en plus fragile.

 Né le 15 septembre 1942 dans le district de Zvishavana, dans le sud-ouest d'un Zimbabwe alors britannique, le jeune Emmerson a grandi en Zambie. Fils d'un militant anticolonialiste, il rejoint en 1966 les rangs de la guérilla indépendantiste contre le pouvoir colonial. Arrêté, il échappe à la peine capitale et purge 10 ans de prison. M. Mnangagwa continue depuis ces années de lutte à entretenir des liens très étroits avec les militaires du pays. Le "crocodile" ne verse guère de larmes et n'est connu que pour sa dureté. Il explique que ses années de guérilla lui ont appris à "détruire et tuer". Alors chef de la Sécurité nationale, il dirige en 1983 la brutale répression des forces de l'ordre dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre). Son bilan n'a jamais été confirmé mais elle aurait fait environ 20.000 morts. 

En 2008, il est en charge des élections auprès du président et dirige les fraudes et les violences qui permettent à Robert Mugabe de conserver le pouvoir malgré sa défaite au 1er tour. Son zèle lui vaudra des sanctions américaines et européennes. Mais aussi le poste stratégique de chef du Commandement des opérations de tout l'appareil sécuritaire. Takavafira Zhou, analyste politique à l'université d'Etat de Masvingo (sud), décrit Emmerson Mnangagwa comme un "jusqu'au-boutiste par essence". Il serait aussi l'un des hommes les plus riches d'un régime critiqué pour sa corruption, avec des intérêts dans les mines d'or. Un câble diplomatique américain datant de 2008, révélé par WikiLeaks, évoquait "un patrimoine extraordinaire", en partie amassé lorsqu'il a aidé le président Laurent Kabila à combattre les rebelles en RDC.

 Après son éviction de la vice-présidence la semaine dernière, il a spectaculairement rompu avec Robert et Grace Mugabe en les accusant de se prendre pour des "demi-dieux" et en dénonçant un président "qui pense être en droit de diriger jusqu'à sa mort". Mais l'hypothèse de son retour au pouvoir inquiète ceux qui n'ont pas oublié son passé. "Personne ne veut d'une transition qui verrait un tyran non élu remplacé par un autre", a résumé le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson.


Emmerson Mnangagwa: Retour sur le parcours du nouvel homme fort du Zimbabwe
par Anna Sylvestre-Treiner
Jeune Afrique - 16 nov 2017
http://www.jeuneafrique.com/493509/archives-thematique/emmerson-mnangagwa-le-parcours-du-nouvel-homme-fort-du-zimbabwe/


Surnommé le « crocodile » pour son intransigeance, Emmerson Mnangagwa est présenté comme le probable futur successeur de Robert Mugabe. Pilier de la lutte pour l'indépendance dans les années 1960, il s'est imposé comme un des hommes les plus puissants du Zimbabwe, tant sur le plan politique qu'économique.
  
Son limogeage du poste de vice-président, le 6 novembre, a été l’élément déclencheur de la prise de pouvoir par l’armée au Zimbabwe. Compagnon de lutte de Robert Mugabe depuis les années 1960, pilier du régime avant d’en être écarté, Emmerson Mnangagwa est considéré comme l’un des hommes les plus riches du pays. Il pourrait devenir le nouvel homme fort de l’ère post-Mugabe. Retour sur le parcours de celui qui est considéré comme « l’homme le plus craint du Zimbabwe derrière Mugabe ».

En 1963, Emmerson Mnangagwa intègre les rangs de la ZANU, pour participer à la guerre d’indépendance. Il fait partie des premiers combattants envoyés en Égypte, puis en Chine, pour être formé et entraîné militairement. A son retour, il prend la tête d’un petit groupe et gagne le surnom de « crocodile », pour son intransigeance.

En 1965, avec son petit groupe de combattants, Emmerson Mnangagwa est arrêté, torturé et condamné à 10 ans de prison. Selon certaines sources, c’est lors de cette incarcération qu’il crée des liens étroits avec Robert Mugabe. Pendant 4 décennies, les deux hommes marchent ensuite main dans la main. A sa libération, Mnangagwa est expulsé vers la Zambie où il étudie le droit.

Débutée en 1972, la guerre pour la libération du Zimbabwe prend fin en 1979 avec les accords de Lancaster House. Aux côtés de Robert Mugabe, alors chef de la guérilla contre le gouvernement de Ian Smith, Mnangagwa est un des leaders de la ZANU. En 1980, l’indépendance de la Rhodésie du Sud est proclamée. Lors des premières élections, en mars 1980, la ZANU emporte la majorité des sièges du parlement, Robert Mugabe devient premier ministre.

Dès son accession au poste de Premier ministre en 1980, puis au palais présidentiel, en 1987, Robert Mugabe fait de Mnangagwa l’un des hommes les plus puissants du régime. Ministre de façon quasi continue jusqu’en 2014 (sauf entre 2000 et 2005 où il est président du Parlement), il est d’abord chargé de la Sécurité, puis de la Justice, des Finances, du Logement rural et enfin de la Défense.

À partir de 1982, avec la fin de l’alliance entre la ZANU de Joshua Nkomo et la ZAPU de Robert Mugabe, une sanglante guerre civile éclate. Dans la région du Matabéléland, la répression fait plus de 10 000 morts. Ministre de la sécurité nationale, Mnangagwa était alors responsable de la Central Intelligence Organisation (CIO), le service de renseignements auteur de nombreuses exactions. Certains de ses anciens compagnons l’ont décrit comme « cruel » et intraitable.

En 2008, alors que Morgan Tsvangirai devance Robert Mugabe lors du 1er tour de la présidentiel, l’opposition est victime d’intimidations et de violences, faisant plusieurs dizaines de morts. Mnangagwa est considéré comme l’un des ordonnateurs de cette répression.

En 2014, Mwangagwa succède à Joice Mujuru au poste de Premier vice-président du Zimbabwe. Plus que jamais, le « crocodile » est considéré comme le successeur désigné du président Robert Mugabe.

Le 6 novembre 2017, Mwangagwa est à son tour écarté du pouvoir par le président, notamment victime des ambitions de Grace Mugabe, la première dame. Il est limogé de son poste de vice-président mais aussi du parti au pouvoir, la ZANU-PF, pour « manque de loyauté, de respect, de malhonnêteté et de manque de sérieux .» Parti en exil, il affirme avoir été menacé, dénonce les méthodes du clan Mugabe et promet de revenir au pays pour diriger le parti présidentiel.

Le 14 novembre au soir, l’armée prend position dans des points névralgiques d’Harare, Robert Mugabe dit être « détenu » à sa résidence.


EDIT (18 novembre 2017) Après le ralliement de la Ligue des jeunes et de l'association des anciens combattants, c'est le parti ZANU-PF qui se range du côté des militaires. Il encadre les manifestations massives qui réclament le départ de Mugabe.


Zimbabwe: L'armée empêche les manifestants d'arriver au palais présidentiel
AFP, Romandie news - 18 nov 2017
https://www.romandie.com/news/Zimbabwe-l-armee-empeche-les-manifestants-d-arriver-au-palais-presidentiel/864493.rom


HARARE - Des militaires lourdement armés ont stoppé samedi des milliers de manifestants qui se dirigeaient vers le palais présidentiel à Harare pour demander le départ du chef de l'Etat Robert Mugabe, a constaté un journaliste de l'AFP. Les manifestants, qui participent à une journée nationale de mobilisation pour obtenir la démission du chef de l'Etat placé en résidence surveillée par l'armée cette semaine, se sont assis sur la chaussée en signe de protestation, à quelques 200 m du palais présidentiel. Des soldats, le visage camouflé par des masques, montaient la garde, pendant que des hélicoptères survolaient la scène. Parallèlement, des milliers de manifestants se dirigeaient vers la résidence privée de Robert Mugabe, située dans la banlieue d'Harare, a constaté une autre journaliste de l'AFP. (...)

Vendredi soir, l'armée a publié un communiqué où elle affirmait "soutenir pleinement" les manifestations anti-Mugabe prévues samedi, à condition qu'elles restent pacifiques. Samedi matin, des milliers de personnes ont défilé, dans une ambiance euphorique, dans la capitale et sa proche banlieue, saluant l'intervention cette semaine des militaires contre le président âgé de 93 ans.

19/11/2017 >> Mugabe est démis de la présidence de la ZANU. Mwangagwa le remplace.

20/11/2017 >> Mugabe ne démissionne pas et gagne du temps. Il doit probablement être en tain de négocier l'immunité pour lui et son clan et la garantie de ses avoirs.

21/11/2017 >> Mugabe démissionne enfin. Mnangagwa, président par intérim, est le nouvel homme fort du pays. Il est d'ores et déjà candidat à la présidentielle de 2018. Et il a l'oreille de Pékin.

23/12/2017 >> Le général Constantino Chiwenga, chef d'état-major de l'armée et auteur du coup de force, devient vice-président.

14/02/2018 >> Décès en Afrique du sud de Morgan Tsvangirai, opposant historique de Mugabe.

31/07/2018 >> Les résultats officiels créditent le parti au pouvoir, la ZANU-PF, de la majorité absolue à l'assemblée nationale.

0308/2018 >> Emmerson Mnangagwa est élu président dès le 1er tour. L'armée reprime la contestation en tirant à balle réelle. Les violences post-électorales font au moins 6 morts.


EDIT (5 août 2018)


Zimbabwe: L'euphorie post-Mugabe fait place à la désillusion
AFP, Africa n°1 - 05 aot 2018
http://www.africa1.com/news/zimbabwe-l-euphorie-post-mugabe-fait-place-a-la-desillusion-137361


Après 37 ans au pouvoir de Robert Mugabe, le Zimbabwe rêvait d'un avenir meilleur mais avec l'élection controversée de son ex-bras droit Emmerson Mnangagwa et la répression de l'opposition, beaucoup ont l'impression d'être revenus au point de départ.  "Je veux m'enfuir", assure Christine, une responsable de magasin à Harare."C'est vraiment dur d'avoir ses amis, ses proches touchés par balle alors qu'ils sont simplement en train de s'occuper de leurs affaires", explique-t-elle à l'AFP.

Mercredi, l'armée et la police ont maté à Harare une manifestation de l'opposition qui dénonçait des fraudes lors des premières élections de l'ère post-Mugabe.Au moins six personnes ont été tuées, rappelant douloureusement les pratiques du temps de Mugabe. "Les mêmes soldats qui ont fait tomber Mugabe et que nous avons acclamés sont maintenant envoyés pour tuer les gens après qu'on a voté", s'indigne Douglas Kumire, dont le frère fait partie des victimes. Emmerson Mnangagwa - qui a succédé à Robert Mugabe à la suite d'un coup de force de l'armée - avait pourtant promis des élections justes et pacifiques pour ce double scrutin présidentiel et législatif du 30 juillet. Il a été élu dès le premier tour avec 50,8 % des suffrages, contre Nelson Chamisa (44,3 %) qui a crié à la triche.

"Quand on a fait tomber Mugabe, on était heureux, on pensait qu'on aurait un avenir meilleur", explique Rhodes, un chauffeur de 42 ans. Mais "on ne sait plus si on a un avenir ici parce qu'on a peur.En tant que père, je ne vois pas d'avenir pour mes enfants si les gens s'entretuent ainsi", ajoute cet homme originaire du Malawi, qui habite désormais à Harare. Les gens sont "déçus et pessimistes", poursuit un homme d'affaires, Emmanuel Masvikeni, 46 ans."On est au point mort", constate-t-il en sortant de la messe dimanche à Harare. Christine raconte avoir vu vendredi soir des civils battus par les militaires à Chitungwiza, une ville dortoir au sud de la capitale."Je ne sais même pas pourquoi ils frappaient ces gens.Ils n'ont rien fait de mal.On a peur de sortir", ajoute-t-elle. Une passante ne se dit pas surprise outre mesure."Je n'ai jamais pensé que ce genre de chose allait cesser une fois Mugabe parti.Non", lance-t-elle sous couvert de l'anonymat.

Emmerson Mnangagwa, 75 ans, fut le fidèle exécuteur des basses besognes répressives de l'ancien régime, dont il fut ministre et vice-président, avant d'être limogé en novembre.En tant que chef de la sécurité nationale sous Mugabe, il a dirigé en 1983 la répression dans les provinces dissidentes du Matabeleland (ouest) et des Midlands (centre), qui ont fait environ 20.000 morts. Il "est très dangereux.Au moins Mugabe faisait les choses de façon cachée", ajoute Christine. "Pourquoi frapper les gens alors que vous avez gagné ?", se demande-t-elle."Quand il est arrivé au pouvoir, les gens savaient qu'on changeait le chauffeur du bus, mais pas le bus".

Dans une librairie indépendante, la propriétaire Maryann s'inquiète pour l'avenir, en montrant une liasse de billets d'obligation tout neufs. Le pays s'est doté en 2016 d'une nouvelle monnaie sous la forme de "billets d'obligation" pour tenter d'enrayer la fuite vers l'étranger du dollar américain, utilisé pour les transactions après l'abandon en 2009 de la monnaie zimbabwéenne. Théoriquement, cette nouvelle monnaie est à parité avec le dollar, mais en réalité elle s'échange à un tiers du billet vert. "Ils m'ont donné de nouveaux billets d'obligation aujourd'hui à la banque.Ce n'est pas bon signe qu'ils les impriment", constate Maryann, alors que la pays se débat depuis près de deux décennies avec une crise économique qui a plongé 90 % de la population au chômage. "C'est la raison pour laquelle les jeunes ont manifesté", estime Christine."Ils n'ont obéi à aucun ordre, ils sont juste amers."