Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Le capitalisme impose ses conditions et ses priorités: user jusqu'à la corde le parc nucléaire afin de rentabiliser au maximum les investissements industriels des 50 dernières années. Le credo d'Areva et d'EDF selon lequel moins de nucléaire entraînerait plus de pollution obtient gain de cause au sommet de l'Etat. Le passage à l'énergie renouvelable attendra 10 ou 15 ans de plus, avec des réacteurs nucléaires en fin de vie, prolongés au-delà du "raisonnable".
Hulot n'est que le dernier d'une longue liste de ministres écologistes à se trouver face à l'impossibilité de concilier la préservation de la planète avec un système qui repose essentiellement sur des intérêts économiques. Après Hulot, y en aura-t-il un autre pour tenter de nous faire croire que les questions écologistes ne sont pas une annexe des ministères de l'Economie et de l'Industrie ?
Annonces sur le nucléaire: nouvelle couleuvre à avaler pour Nicolas Hulot ?
par Marcelo Wesfreid
Le Figaro - 07 nov 2017
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2017/11/07/25001-20171107ARTFIG00234-annonces-sur-le-nucleaire-nouvelle-couleuvre-a-avaler-pour-nicolas-hulot.php
Le ministre de la Transition écologique a surpris en annonçant le report de l'objectif de réduction du nucléaire dans le mix énergétique. Il a donné des arguments à ses détracteurs.
Ses anciens amis écologistes ne sont pas contents. Pas contents du tout. L'annonce du report de la réduction de la part de nucléaire dans le mix énergétique - 50 % à l'horizon 2025 - par le ministre de la Transition écologique et solidaire leur apparaît comme un vrai renoncement. Voire, une énième couleuvre avalée par l'ex animateur d'Ushuaia. « Nicolas Hulot est en train d'enterrer une loi votée il y a 2 ans (la loi de transition énergétique), tempête l'eurodéputé EELV Yannick Jadot. C'était quasiment la seule chose que l'ancien président avait faite en matière d'environnement ». Et d'ajouter: « Nicolas Hulot est la carte magique, la caution d'un gouvernement qui ne fait rien en matière écologique. Regardez les reculades sur les perturbateurs endocriniens, le glyphosate, la transition écologique ! ». De son côté, l'ex ministre de l'Écologie Ségolène Royal reste interdite et réserve ses déclarations: « J'étudie les raisons des annonces de Nicolas Hulot », dit-elle au Figaro.
En réalité, cette mise au point n'est pas tout à fait une surprise. Cela faisait plusieurs mois que l'entourage du ministre le plus populaire du gouvernement laissait entendre que la réforme votée par François Hollande, dont Emmanuel Macron avait repris les objectifs chiffrés dans sa campagne, était irréaliste. Déçu, contrarié par certains arbitrages, Hulot avait au passage laissé filtrer ses états d'âme, ses envies de claquer la porte du gouvernement. Sans pour autant mettre ses menaces à exécution.
Pour tenir le rythme de fermeture des centrales, Nicolas Hulot avait rappelé publiquement la nécessité de fermer au moins 17 réacteurs, dans les plus brefs délais. Seulement voilà: aucun réacteur n'a encore été fermé et le développement de l'éolien peine à décoller en raison d'un trop grand nombre de recours administratifs. D'où une réalité: le gouvernement s'étant engagé à fermer toutes les centrales à charbon, le nucléaire demeure toujours un pilier de la production énergétique nationale.
Le n°3 du gouvernement, qui s'est exprimé en marge du conseil des ministres, flanqué de ses deux secrétaires d'État, n'a pas formulé de nouveau calendrier pour une sortie progressive du nucléaire. « L'objectif est décalé dans le temps », a-t-il simplement assuré. « Personne ne peut douter de la sincérité de Nicolas Hulot, commente le marcheur de la première heure Arnaud Leroy. Il démontre qu'on peut faire de l'écologie responsable. Il n'est pas question de se retrouver avec un black-out dans le pays, où les gens seraient plongés dans le noir ». Le député Matthieu Orphelin, proche de Hulot, note que selon RTE, le gestionnaire des lignes à hautes tensions, il existe un scénario de réduction du nucléaire qui permettrait de tenir les engagements de réduction de moitié à l'horizon « 2025-2030 », en « multipliant par 3 les énergies renouvelables ».
La star de l'écologie Nicolas Hulot, qui assume une forme de « réalisme », va maintenant devoir démontrer qu'il s'agit de reculer pour mieux sauter. Le ministre annonce pour l'an prochain un plan de programmation pluriannuelle qui permettra d'avancer réellement. Et il rejette la responsabilité sur le quinquennat Hollande, qui a inscrit dans l a loi des objectifs ambitieux sans penser à instaurer de « dispositifs » concrets pour y parvenir.
Hulot et Macron reculent sur le nucléaire
par Émilie Massemin
Reporterre - 08 nov 2017
https://reporterre.net/Hulot-et-Macron-reculent-sur-le-nucleaire
À la sortie du conseil des ministres, le 7 novembre, Nicolas Hulot a annoncé qu’il serait « difficile de tenir le calendrier » prévu par la loi de réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2025. Pour justifier ce recul, il s’est appuyé sur un scénario de RTE - dont le détail n’est pas public - et pointe un risque d’augmentation des émissions de CO2. L’argument n’est pas valable, jugent des experts et des associations.
La perspective de voir fermer des réacteurs nucléaires s’éloigne à nouveau. Mardi 7 novembre, à la sortie du conseil des ministres, Nicolas Hulot a déclaré qu’il serait « difficile de tenir le calendrier » de la loi de transition énergétique (LTE) de 2015 [Voir son contenu plus bas; ndc], qui prévoit la baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique d’ici 2025 (contre 75 % aujourd’hui), objectif qu’avait confirmé Emmanuel Macron durant sa campagne présidentielle. En juillet dernier, le ministre de la Transition écologique et solidaire avait estimé que cette réduction de la part du nucléaire reviendrait à fermer « peut-être jusqu’à dix-sept réacteurs ».
Pour justifier ce rétropédalage, en pleine COP23 à Bonn, Nicolas Hulot a mis en avant l’argument climatique. « Si l’on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix énergétique le nucléaire à 50 %, ça se fera au détriment de nos engagements climatiques, a affirmé le ministre. Et ça se fera au détriment de la fermeture des centrales à charbon. » Et contredirait une promesse du projet de loi de finances pour 2018, de fermer les quatre dernières centrales à charbon françaises « ou [de les accompagner] vers des solutions moins carbonées ».
« Probablement que si l’on voulait s’acharner sur cette date, il faudrait même rouvrir d’autres centrales thermiques », a poursuivi Nicolas Hulot. Avant de s’engager à fixer « une date réaliste » pour la réduction du nucléaire à 50 % du mix énergétique, au terme d’un travail qui prendra « quelques mois ». Il a tout de même confirmé la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. Selon RTE, la fermeture de 24 réacteurs nucléaires entraînerait un doublement des émissions de CO2
À l’origine de cette décision, le bilan prévisionnel pour 2025 dévoilé mardi 7 novembre au matin par Réseau de transport d’électricité (RTE). Dans un scénario baptisé « Ohm », le gestionnaire pointe la difficulté de réduire la part du nucléaire sans augmenter la part des énergies fossiles, donc émettre davantage de CO2, un gaz responsable du changement climatique.
Plus précisément, le scénario prévoit la fermeture de 24 réacteurs nucléaires de 900 mégawatts (MW), soit une baisse de 22 gigawatts (GW) de la puissance nucléaire installée. Pour compenser, il table sur un développement des énergies renouvelables à un rythme 2 fois plus soutenu qu’aujourd’hui. En 2025, les énergies renouvelables représenteraient alors un peu plus d’un tiers du mix énergétique, avec 88 GW de puissance installée (soit 10.500 éoliennes, 750 éoliennes en mer, 24 GW de photovoltaïque et 26 GW d’hydraulique).
« Mais malgré cela et une légère baisse de la consommation électrique, on aura quand même besoin de moyens thermiques supplémentaires », a prévenu Oivier Grabette, directeur général adjoint de RTE, qui a longuement présenté le scénario à la presse mardi matin 7 novembre, au trentième étage de la tour du groupe à La Défense. De nouvelles centrales à gaz d’une puissance totale de 11 GW devraient ainsi être mises en service pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique. En outre, « il sera difficile de fermer les centrales à charbon ». Ce rééquilibrage du mix énergétique entraînerait selon M. Grabette « un doublement des émissions de CO2 par rapport à aujourd’hui », jusqu’à atteindre des niveaux compris entre 38 et 55 millions de tonnes de CO2 par an. Un résultat à l’inverse des ambitions de la LTE, qui prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2030 (par rapport à 1990).
Si une synthèse du rapport a été publiée, les rapports complets ne sont pas publics, ce qui rend difficile l’analyse des hypothèses de RTE, notamment en matière d’évolution de la consommation d’électricité, de parc des véhicules électriques ou d’exportations de production électrique.
Bilan pre´visionnel de l’e´quilibre offre-demande d’e´lectricite´ en France, édition 2017 (RTE).
L’annonce de Nicolas Hulot a fait bondir Charlotte Mijeon, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. « On a l’impression d’une mise en scène pour présenter la décision du gouvernement comme étant la seule raisonnable, la seule pragmatique, et tuer la critique dans l’œuf, dénonce-t-elle. Ce qui nous semble révoltant, c’est que l’argument climatique soit mis en avant pour repousser la sortie du nucléaire. Si la priorité du gouvernement est vraiment de protéger le climat, pourquoi dégage-t-il plus de 4 milliards d’euros pour Areva dans un budget très serré, tout en demandant aux territoires à énergie positive de se serrer la ceinture ? » Par ailleurs, la question de la prolongation de la durée de vie des réacteurs au-delà de 40 ans va se poser très vite. Si l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) autorise cet allongement, le chantier à mener pour la remise à niveau des réacteurs s’annonce immense – et immensément coûteux. « C’est autant d’argent qui ne sera pas mis dans la transition énergétique et les énergies renouvelables », se désole Mme Mijeon.
La porte-parole du réseau Sortir du nucléaire soupçonne une nouvelle dérobade du gouvernement pour ne pas avoir à affronter EDF. « Cette décision, sous couvert de réalisme, prépare l’inaction dans le cadre de la Programmation pluri-annuelle de l’énergie, juge-t-elle. On a l’impression que le gouvernement ne fait pas différemment du précédent et refuse de jouer le rôle de pilote de la transition énergétique. » C’est ce manque de courage qui, selon elle, aurait conduit le gouvernement à déclarer qu’il s’appuierait sur l’expertise de l’Autorité de sûreté nucléaire pour déterminer quels réacteurs fermer et lesquels prolonger. « Seulement, l’ASN, qui devait rendre son avis en 2018, a repoussé l’échéance à 2019 puis à 2021. Résultat, le gouvernement décide d’attendre lui aussi, alors que les signaux inquiétants se multiplient sur le mauvais état du parc et l’incapacité financière et organisationnelle d’Areva et d’EDF d’en garantir la sûreté ».
Pourtant, une réduction du nucléaire sans augmenter les émissions de CO2 serait possible, selon Négawatt. Depuis sa création en 2001, l’association Négawatt a publié 4 scénarios successifs de transition vers les énergies renouvelables. Yves Marignac, un de ses experts, est mesuré: « Nous continuons à penser qu’il est possible de tenir l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique d’ici 2025, sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre, avec plus de volontarisme sur la maîtrise de la consommation d’électricité et sur le développement des énergies renouvelables. » Pour autant, l’important selon lui ne sont pas tant les objectifs fixés que les politiques mises en œuvre pour y parvenir. « Il est inconcevable que le gouvernement recule sur un objectif structurant de court terme pour la politique énergétique du pays avant même d’agir, précise M. Marignac. La priorité ne devrait pas être de différer l’objectif mais d’accélérer les actions pour y parvenir. On sort d’un quinquennat qui a fixé un objectif fort de réduction de la part du nucléaire en 2025 mais qui n’a pas mis en œuvre les moyens d’y parvenir. Si l’intention de Nicolas Hulot est de reprendre le contrôle politique de la trajectoire énergétique et de mettre en place des actions concrètes de maîtrise de la consommation énergétique et de développement des énergies renouvelables, alors on attend bien autre chose que cette annonce ! »
Le scénario de RTE pour 2025, ainsi que ses 4 autres scénarios pour 2035, marquent néanmoins un tournant, selon Yves Marignac: « La lecture selon laquelle RTE dit seulement qu’il n’est pas possible de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 est réductrice. Dans ses scénarios, RTE délivre des messages forts: la maîtrise de la consommation électrique est le premier levier d’action; la consommation électrique va stagner ou baisser ; la fermeture de plusieurs réacteurs et le développement rapide des énergies renouvelables sont actés. » Un discours en rupture avec les précédents bilans prévisionnels présentés par le gestionnaire, qui comportaient tous des scénarios de maintien de la puissance nucléaire installée ou d’augmentation de la consommation électrique.
« Ces scénarios traduisent une évolution: le temps du nucléaire est fini, il va falloir fermer des réacteurs, confirme Charlotte Mijeon. Mais là où le bât blesse, c’est qu’on n’est toujours pas passé à la concrétisation ».
Comment le lobby nucléaire entrave toute transition énergétique
par Olivier Petitjean
Basta! - 26 jan 2017
https://www.bastamag.net/Transition-energetique-une-loi-paralysee-par-le-lobby-nucleaire
C’était l’un des engagements phares de François Hollande: amorcer la réduction de la dépendance au nucléaire dans le cadre d’une transition énergétique apte à répondre aux défis du dérèglement climatique. Cinq ans plus tard, les avancées paraissent bien maigres, du fait de l’opposition résolue des défenseurs de l’atome et de l’absence de vision politique du côté gouvernemental. Pourtant, les débats sur la sûreté des centrales et leur capacité à soutenir des pics de consommation montrent que ces questions se font de plus en plus pressantes. Voici pourquoi la France ne parvient pas à se doter d’une politique énergétique claire.
Ce devait être l’une des grandes réformes du quinquennat Hollande : la loi « relative à la transition énergétique et à la croissance verte ». Adoptée en juillet 2015, elle est censée infléchir profondément la politique énergétique de la France, en matière de transports, de gestion des déchets, de rénovation des logements et de production d’électricité, dans le but de réduire la contribution de notre pays aux dérèglements climatiques. Pour la première fois, elle remet en cause le dogme du « tout nucléaire ». La loi fixe de grands objectifs: baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025, contre 75 % actuellement, et augmenter celle des énergies renouvelables à 32 % contre 14 % actuellement. De quoi commencer à rattraper partiellement le retard de la France dans ce domaine par rapport à ses voisins européens. En théorie.
« Aujourd’hui, nous avons tout le reste de la loi, mais sur la question du nucléaire, nous n’avons pas avancé d’un pouce en cinq ans », estime Yves Marignac, directeur de WISE-Paris, une agence d’études sur les politiques énergétiques. L’exécutif devait préciser comment les grands objectifs affichés par la loi seraient effectivement atteints. Or, plus d’un an après son adoption et à quelques mois d’échéances électorales décisives, qui pourraient tout remettre en cause, on ne le sait toujours pas. Le processus de fermeture de Fessenheim vient certes de franchir une nouvelle étape ce 24 janvier 2017, avec l’approbation de l’indemnisation proposée par l’État par le conseil d’administration d’EDF. Pour la suite, aucun calendrier n’est fixé.
Comment on évite un débat
Tout commence en novembre 2012, avec l’organisation d’un « débat national sur la transition énergétique » associant milieux économiques, élus, associations environnementalistes, syndicats et simples citoyens, afin de donner une base constructive et si possible consensuelle à la future loi voulue par François Hollande. D’emblée, les entreprises les plus directement concernées – Areva et EDF – mettent tout en œuvre pour ne pas se retrouver débordées. Elles obtiennent une large représentation à tous les niveaux: dans le comité de pilotage, où siège notamment Anne Lauvergeon, alors patronne d’Areva, au conseil national du débat sur la transition énergétique, dans la liste des experts officiels, et dans les débats en région. Même parmi les représentants des organisations syndicales, de la CGT à la CFE-CGC, les employés d’EDF sont sur-représentés [1].
Parallèlement, les industriels ne se privent pas de court-circuiter le processus. Une pluie de notes inonde les bureaux du ministère de l’Environnement en provenance du Trésor, d’entreprises comme Areva ou de l’Association française des entreprises privées (Afep), qui représente les grandes entreprises hexagonales. L’ancienne ministre de l’Écologie Delphine Batho raconte également, dans le livre qu’elle publie après sa sortie du gouvernement en 2013, comment Jean-Marc Ayrault et certains de ses collègues lui reprochent sans cesse de ne pas suffisamment « associer les entreprises »… Le Premier ministre d’alors finit par la convier à un dîner avec Christophe de Margerie (Total), Henri Proglio (EDF) et d’autres PDG pour qu’ils lui fassent directement la leçon. Selon nos informations, jusqu’au dernier moment, les coordinateurs du débat ont dû montrer patte blanche dans le bureau du patron d’EDF, qualifié par Delphine Batho de « ministre fantôme » de l’énergie.
« Le lobby, c’est l’État lui-même »
Toute la puissance d’influence du « lobby nucléaire » se met en branle. « La force du lobby nucléaire réside dans ses réseaux installés au cœur des différents pouvoirs, explique Yves Marignac. Certains les suivent pour des raisons d’intérêts matériels, comme les syndicats ou les nombreux élus qui profitent de la rente nucléaire, d’autres simplement parce qu’ils sont des croyants qui véhiculent les mythes du lobby: l’indépendance nationale, le nucléaire pas cher, l’exportation de notre savoir-faire... » Une autre spécificité du lobby nucléaire français est la conviction de porter un intérêt national supérieur, qui devrait primer sur tout, y compris la volonté des politiques et des citoyens.
Les lobbys les plus efficaces sont ceux qui peuvent compter sur un réseau des plus variés, à tous les niveaux de l’État. C’est le cas du nucléaire : il bénéficie d’élus locaux et de parlementaires acquis à sa cause. Il compte de puissantes associations professionnelles, comme l’Union française de l’électricité, qui regroupe les grands acteurs du secteur, et des « think tanks » dévoués, telle la Société française de l’énergie nucléaire. Il étend son influence au cœur de l’État, grâce au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Le dogme nucléaire imprègne les futurs grands serviteurs de l’État via le prestigieux corps des Mines, dont on retrouve des représentants partout où se décide la politique énergétique de la France, depuis les grandes entreprises comme EDF et Areva, jusqu’aux cabinets ministériels en passant par le CEA, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « Le lobby, c’est l’État lui-même », estime même l’ancienne ministre Corinne Lepage. Il compte même ses partisans « environnementalistes » avec l’association pro-nucléaire Sauvons le climat.
Tous ensemble, version patronale
Résultat de ces pressions et influences sur le projet de loi ? Les questions de fond, et les choix qu’elles impliquent, sont finalement peu traités. Allait-on privilégier les économies d’énergies ? Mettre aux normes les centrales nucléaires vieillissantes ou investir dans de nouvelles sources d’énergie ? Former et embaucher dans l’éolien ou transmettre la culture de sécurité aux futurs salariés du nucléaire ? Chacun de ces choix sont intimement liés, y compris dans leurs implications techniques comme la régulation du réseau électrique en fonction des modes de productions, qui sont soumis à des contraintes différentes.
La stratégie du lobby nucléaire va consister à dissocier ces sujets pourtant liés. Or, « on ne peut pas aborder le nucléaire séparément des renouvelables et de l’efficacité énergétique, parce que le poids du nucléaire en France nuit à l’essor de ces dernières », argumente Yves Marignac. Ce qui n’empêche pas la ministre Ségolène Royal de répéter à qui veut l’entendre qu’il ne faut pas « opposer les énergies entre elles ». Ce qui signifie également ne pas choisir, avec toutes les incertitudes qui pèsent ensuite sur l’avenir.
« Les grands groupes ont visiblement conclu un deal à l’avance »
« À l’époque du Grenelle de l’environnement, le Medef n’était pas préparé. Il a un peu subi le débat, se souvient Anne Bringault, chargée de coordonner l’apport des ONG environnementales. Pour ce débat sur la transition énergétique, c’est tout le contraire. Les grands groupes ont visiblement conclu un deal à l’avance. Ils se sont mis d’accord pour défendre davantage de nucléaire, de gaz de schiste, et d’efficacité énergétique. Comme ça, tout ce beau monde patronal était content. » Le projet de loi concerne alors des intérêts économiques potentiellement contradictoires : les intérêts d’EDF ou Total ne sont pas forcément les mêmes que ceux du secteur de l’isolation des bâtiments ou des systèmes d’efficacité énergétique. Sur ces enjeux centraux, les grandes entreprises préservent cependant un front remarquablement uni. « On aurait pu s’attendre à ce que des entreprises comme Saint-Gobain ou Schneider Electric portent un discours un peu différent, regrette un participant au débat du côté des associations environnementales. Mais ils n’ont vraiment participé activement que dans les commissions thématiques. »
Pourquoi le Syndicat des énergies renouvelables (SER), représentant attitré des énergies dites alternatives (éolien, solaire...), n’a-t-il pas non plus cherché à faire contrepoids ? Au regard de son conseil d’administration, c’est peu étonnant : les représentants d’EDF, d’Engie, de Total ou de leurs filiales y sont majoritaires. Sur 15 sièges, les grands groupes en possèdent neuf [2]. Qu’y défendent-ils ? « Ils voient plutôt les renouvelables comme un complément au nucléaire dans le contexte d’une consommation d’électricité qui continuerait à augmenter. Ils ne portent pas l’ambition que les renouvelables deviennent majoritaires », analyse Yves Marignac. « Le SER défend une certaine conception des renouvelables, plutôt basée sur de grands projets », renchérit Anne Bringault.
4.500 amendements à la loi
Le laborieux processus d’élaboration et d’adoption de la loi n’a probablement pas aidé à faire face à ces obstacles. Le projet voit défiler pas moins de quatre ministres de l’Environnement (Nicole Bricq, Delphine Batho, Philippe Martin puis Ségolène Royal). Début juillet 2013, Delphine Batho est débarquée de son ministère quelques jours avant la conclusion du débat national. Elle avait contesté les arbitrages budgétaires, défavorables, selon elle, à l’écologie. Au même moment, Pierre Gattaz, qui vient d’être élu à la tête du Medef, demande de transformer les « recommandations » issues du débat en simple « synthèse ». Le projet de loi se perd ensuite de longs mois dans les couloirs des ministères.
Lorsqu’il réapparaît, les associations environnementalistes le trouveront presque méconnaissable. À l’Assemblée, le travail en commission sur le projet de loi commence en septembre 2014, un an après la fin du débat national. La législation sera finalement adoptée en juillet 2015. Près de 4500 amendements vont être déposés, l’un des records du quinquennat ! Les discussions parlementaires se concentrent quasi-exclusivement sur l’article premier de la loi, qui définit les grands objectifs et la part entre nucléaire et énergies renouvelables. Tant pis pour les 214 autres articles de la loi… Les mêmes arguments sont repris en boucle par l’opposition et quelques députés de la majorité acquis à la cause de l’atome : la défense de la filière nucléaire française et son potentiel d’exportation, la sécurité énergétique de la nation, le prix de l’électricité, le besoin de partir de l’outil existant, la concession électoraliste faite aux écologistes…
Polémique sur le coût de la fermeture de Fessenheim
Le mythe très répandu en France – mais largement faux – selon lequel la sortie du nucléaire en Allemagne aurait favorisé le charbon est invoqué à de nombreuses reprises à l’Assemblée. « Regardez l’Allemagne : à cause de sa sortie du nucléaire, elle augmente ses émissions de carbone », prétend ainsi le député Julien Aubert (LR). Ce qui est faux: les émissions de CO2 allemandes ont alors baissé de 4 % entre 2013 et 2014. « L’énergie nucléaire assure notre indépendance énergétique, au moment où certains pays voient leur indépendance nationale menacée – c’est en particulier le cas de l’Allemagne, que les importations de gaz russe placent en situation de dépendance », critique le socialiste Christian Bataille, alors que l’uranium, indispensable pour le fonctionnement des centrales françaises, est lui aussi importé. L’approvisionnement de la France dépend en partie d’un régime très autoritaire comme le Kazakhstan ou d’une zone en proie à la menace terroriste, comme le Niger. Les arguments habituels du lobby nucléaire sont déroulés.
Un autre sujet est au centre des discussions : le coût de la fermeture de Fessenheim. Hervé Mariton (LR) et Marc Goua (PS) présentent opportunément un rapport parlementaire chiffrant ce coût à 5 ou 6 milliards d’euros. Comment ont-ils calculé ce montant, qui représente plus de la moitié du budget consacré à la construction du nouveau réacteur EPR à Flamanville ? Ayant principalement interrogé des experts d’EDF, d’Areva ou du CEA, les deux députés partent du présupposé qu’EDF pourrait continuer d’exploiter Fessenheim pour 20 années supplémentaires, ce qui l’amènerait à 60 ans d’activité alors que les centrales françaises ont été conçues pour durer 40 ans. Ils intègrent dans le coût de la fermeture le manque à gagner de sa fermeture que l’État, selon eux, devrait compenser. Parallèlement à cet « alarmant » rapport sur le coût de la fermeture de Fessenheim, un autre rapport est lui, tout aussi opportunément, enfoui sous le tapis : celui de l’Ademe montrant qu’il était possible, contrairement aux arguments des pro-nucléaires, d’atteindre une électricité 100% renouvelable en France à l’horizon 2050.
Une loi adoptée mais pas appliquée ?
La bataille des amendements ne s’arrêtera pas là: le gouvernement et plusieurs députés ont ensuite tenté d’introduire discrètement des amendements en contradiction avec le projet de loi: pour favoriser le chauffage électrique, ce qui mobilise une partie de la capacité nucléaire et empêcherait sa réduction, ou sur l’enfouissement des déchets nucléaires. Coïncidence troublante: le rapporteur spécial de la loi, François Brottes (PS), qui a également déposé l’amendement en faveur du chauffage électrique, est nommé président du directoire de RTE, la filiale d’EDF en charge des réseaux de transmission électrique, à l’automne 2015.
À l’issue de cette bataille parlementaire, le texte de loi adoptée aurait sans doute pu être pire. Le « transitiomètre » mis en place par les ONG pour mesurer l’adéquation du texte par rapport aux engagements internationaux de la France passe ainsi de 20 % à 34 % après son passage devant le Parlement. Ce qui signifie que la loi permettra d’avancer un peu vers les engagements français mais ne permettra pas vraiment de les atteindre. Les opposants à la transition n’ont pourtant pas dit leur dernier mot. Car une fois votée, la loi doit encore être appliquée... Ce qui est loin d’être le cas à la découverte de la « programmation pluriannuelle de l’énergie », qui fixe la politique énergétique de la France.
Plusieurs fois repoussé et finalement publié le 27 octobre 2016, ce document indique une fourchette assez large de réduction de la capacité nucléaire d’ici 2023. Au minimum, deux réacteurs – a priori ceux de Fessenheim – pourraient fermer. Au maximum, le document envisage l’arrêt définitif d’une dizaine de réacteurs. Problème de calcul: pour réaliser l’objectif fixé par la loi – descendre la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique –, une vingtaine de réacteurs sur les 58 en activités devront fermer. Faut-il y voir encore la main du lobby nucléaire ? Greenpeace et le réseau Sortir du nucléaire ont en tout cas saisi le Conseil d’État, estimant que cette programmation pluriannuelle était en violation de la loi sur la transition énergétique.
Impuissance volontaire
« Dès 2012, la fermeture de Fessenheim a commencé à être préparée. Un délégué interministériel est nommé. Mais rien ne s’est passé », déplore Anne Bringault. Depuis la loi de 2006 sur la transparence et la sûreté nucléaire, le gouvernement n’a plus le pouvoir de fermer directement une centrale. Seules EDF, en tant que propriétaire, et l’Autorité de sûreté nucléaire, pour des raisons de sécurité, peuvent décider de l’arrêt de réacteurs. Et EDF a tout fait pour s’opposer à cette fermeture, en négociant pied à pied son indemnisation.
Comment expliquer cette faculté de résistance à un État actionnaire qui possède 84 % de l’entreprise publique ? « Nous ne sommes pas en Corée du Nord », se justifie un haut fonctionnaire. « Produire de l’énergie est la mission et l’objet social d’EDF. En tant qu’actionnaire, [le] devoir [de l’État] est de la faire tourner. » Sinon, ce serait de l’abus de bien social. Le statut de société anonyme d’EDF est ainsi utilisé comme protection contre toute intervention du politique. Lors de la récente décision du conseil d’administration d’EDF sur la fermeture de Fessenheim, les représentants de l’État n’ont pas pu voter… pour éviter un « conflit d’intérêts » ! « On a créé une espèce de monstre hybride, à la fois entreprise nationale et firme privée, dénonce Yves Marignac. EDF joue sans cesse sur les deux tableaux ».
Cinq années pour rien ?
Le blocage sur le nucléaire ne constitue pas la seule illustration des ratés gouvernementaux en matière de transition énergétique. La taxe carbone en fournit un autre exemple. Annoncé par François Hollande en avril 2016 et censé alors concerner toutes les sources d’énergies fossiles, le projet de taxe est restreint trois mois plus tard aux seules centrales au charbon – au nombre de quatre en France – sous la pression des opérateurs gaziers comme Engie. Elle est finalement totalement abandonnée à l’automne suite aux manifestations organisées par la CGT et à la grogne des élus locaux concernés. Le gouvernement semble découvrir in extremis qu’il y aurait un impact sur l’emploi. « Je ne comprends pas qu’un gouvernement puisse annoncer comme ça, sèchement, la fermeture des centrales charbon sans mesure d’accompagnement et sans proposer des solutions aux salariés », remarque Anne Bringault. À croire que la maladresse était volontaire…
L’éventuelle fermeture de réacteurs nucléaires sans perspectives claires pour les salariés qui y travaillent provoquera probablement la même réaction, à l’exemple de la grande hostilité du millier de salariés de la centrale alsacienne face au projet de fermeture et à l’incertitude qu’il fait planer sur le bassin d’emplois. À en croire plusieurs sources, c’est l’un des arguments avancés par les ministères pour justifier leur inaction. « Ils veulent bien risquer l’épreuve de force avec la CGT pour déréguler le droit du travail, mais pas pour enclencher la transition énergétique », s’exaspère un représentant d’ONG. Pourtant, entre salariés du nucléaire et direction d’EDF, il existe des dissensions. Le comité central d’entreprise d’EDF, à majorité CGT, juge extrêmement risqué le projet Hinkley Point en Grande-Bretagne – la construction de deux EPR dans laquelle EDF investirait 16 milliards d’euros ! La défense du nucléaire à tout prix par les salariés du secteur ne semble donc pas inébranlable. Encore faudrait-il ouvrir d’autres perspectives économiques et sociales, en esquissant un futur service public national de la transition énergétique.
Que penser au final de cette transition énergétique déclinée en loi ? François Hollande et ses ministres ont maintenu, malgré les pressions, les objectifs officiels de réduction de la part du nucléaire et de baisse de la consommation d’énergie. Imaginaient-ils que ces objectifs puissent véritablement être atteints sans transformer en profondeur l’ordre énergétique établi et les rapports de pouvoir en son sein ? C’est bien ce qu’il semble. En cela, la loi sur la transition énergétique rappelle d’autres réformes manquées du quinquennat Hollande, comme la loi bancaire ou celles portant sur l’agriculture. Les échéances électorales qui approchent risquent de remettre en cause les quelques avancées. Si cela se confirme, l’action obstructionniste du lobby nucléaire aura finalement payé.
Cet article fait partie d’une série sur le lobbying réalisée en collaboration avec la rédaction du mensuel Alternatives économiques dans le cadre d’un projet commun de développement du journalisme d’investigation économique et social, soutenu par la Fondation Charles Leopold Mayer.
Notes
[1] Sur 16 représentants syndicaux au conseil national du débat sur la transition énergétique, au moins 7 sont des salariés ou ex salariés d’EDF : les deux représentants de la CFE-CGC, les deux représentants de la CFTC, au moins un représentant de FO sur quatre et deux représentants de la CGT sur quatre.
[2] Un pour Total, trois pour EDF ou ses filiales, deux pour Engie ou ses filiales, un pour Avril-Sofiprotéol, un pour Siemens, un pour GE (ex Alstom). Au niveau européen, les géants de l’énergie ont aussi pris le contrôle des lobbys de l’éolien et du solaire au moment de la discussion du « paquet énergie-climat » de l’Union.
Rappel des illusions semées par EELV après l'adoption de la LTE, et par Hulot après sa nomination au poste de ministre de la transition écologique.
A propos du « plan climat » de M. Ushuaïa
par Nicolas Cazaux
Médium - 10 jul 2017
https://medium.com/@niko7882/a-propos-du-plan-climat-de-m-ushuaïa-807c5ed2fd9e
Le 6 juillet 2017, Nicolas Hulot, le nouveau ministre de la « Transition écologique et solidaire » (d’EDF), a dévoilé son « plan climat ». Il prévoit:
1. Une augmentation de 40 % de la taxe carbone
2. La fin de la vente des voitures diesel et essence dès 2040
3. Une taxe européenne sur les transactions financières
4. Le développement des énergies renouvelables
5. La fin de la production d’électricité à partir de charbon (d’ici 2022)
6. L’éradication des « passoires thermiques » (les bâtiments mal isolés et consommant trop d’énergie doivent être éradiqués dans les 10 ans à venir)
Mais que cela signifie-t-il en réalité ? Traductions et commentaires:
1. Rien, mais on a tellement insisté sur l’idée fausse et particulièrement stupide selon laquelle une simple taxe pourrait freiner ou stopper les émissions de carbone, ou rendre un peu plus écologique le système économique intrinsèquement nuisible de la civilisation industrielle, qu’on ne va pas se priver d’en remettre une couche.
2. Un grand classique, une mesure anti-écologique maquillée en mesure écologique grâce à la mystification du « développement durable » : cela signifie d’une part que le parc automobile français va devoir être entièrement changé. Et il va bien falloir faire quelque chose de ces 38 millions de véhicules, alors quoi ? Les dumper en Afrique comme on le fait aujourd’hui, afin qu’elles deviennent le problème des autres ? Et d’autre part que l’industrie de la voiture électrique va exploser, et avec elles les émissions de CO2 liées à leur fabrication, ainsi que les extractions des matières premières nécessaires (et les extractions minières, en plus de ravager le monde naturel, consomment des combustibles fossiles, massivement). Tout le mensonge du « développement durable » se base sur le même genre d’omissions et de mensonges: ne pas prendre en compte tout ce qui gêne, mais vendre une image « verte ».
3. Rien, mais au niveau européen (voir point 1).
4. Cela signifie d’une part que la quantité totale d’énergie disponible dans le réseau va augmenter, ce qui permettra d’alimenter, entre autres, toujours plus d’appareils électro-informatiques high-tech, ceux-là même dont la production est particulièrement polluante, énergivore, ceux-là même dont chaque français en produit en moyenne 22 kg par an, et qui ne sont recyclés qu’à hauteur de 35 %, et qui finissent souvent (90 % d’entre eux, globalement) exportés dans des pays pauvres, où ils s’entassent dans des décharges à ciel ouvert, où des perdants de la mondialisation les brûlent pour en retirer quelques grammes de métaux (et quelques maladies graves) qu’ils revendent ensuite une misère, et où ils polluent donc l’air, les sols et les cours d’eau. Et d’autre part que les extractions des nombreux métaux et minerais (dont les terres rares) nécessaires à la fabrication des technologies dites « renouvelables » vont aussi beaucoup augmenter (ainsi que les ravages qu’elles génèrent par définition), ce qui implique également une forte hausse de la consommation d’énergie par l’industrie des extractions minières.
5. Fort bien, même si la production d’électricité à partir du charbon, en France, en 2016, ne représente qu’environ 1 % de la production nationale d’électricité.
6. Une aubaine pour l’industrie de la construction qui va s’en donner à cœur joie et qui va émettre des tonnes de CO2 dans un immense ravalement de façade national. Une catastrophe de plus. Avez-vous déjà visité les endroits qui sont aujourd’hui considérés par le gouvernement comme des « écoquartiers » (bien souvent construits par Bouygues ou Vinci, comme ceux d’Ivry-sur-Seine) ? Il s’agit d’immeubles massifs répondants aux critères anti-écologiques du « développement durable » (ampoules basse consommation, et toute la gamme des nouveaux-objets-industriels-massivement-fabriqués-en-usine-mais-« verts »). Si ce que le gouvernement considère actuellement comme de l’habitat « écologique » l’était vraiment, cette mesure serait bonne. Ce n’est pas le cas. Un habitat véritablement écologique, c’est un Earthship, ou une construction en matériaux locaux et biosourcés, ou en matériaux de récupération, et ne dépendant pas des engins extrêmement énergivores des grands groupes industriels de la construction.
Mais tout ça était évident et attendu. Ce qui devait arriver Areva (Edouard Philippe), n’est-ce pas ? Ceux qui parviennent au pouvoir n’y arrivent pas par hasard. Ils ne peuvent pas remettre en question les logiques écocidaires actuelles. Ce « plan climat » le prouve parfaitement. Il ne remet pas en question le dogme de la croissance, mais s’inscrit parfaitement dans le cadre de la « croissance verte » (construire et vendre plein de voitures électriques dites « écologiques », par exemple, ou plein d’éoliennes et de panneaux solaires, ou pire, construire des barrages, ou pire encore, brûler des forêts en incinérateurs, et tout ça au nom de l’écologie) qui n’est qu’une nouvelle opportunité de croissance et de profits pour les industriels, mais qui est donc et surtout une garantie pour la continuation du pire, ainsi que l’explique Philippe Bihouix dans l’ouvrage collectif « Crime climatique stop ! » (éd. du Seuil):
"Avec la croissance « verte » […] ce qui nous attend à court terme, c’est une accélération dévastatrice et mortifère de la ponction de ressources, de la consommation électrique, de la production de déchets ingérables, avec le déploiement généralisé des nanotechnologies, des big data, des objets connectés. Le saccage de la planète ne fait que commencer".
La nomination de Hulot, à l’instar du « développement durable » et de la « croissance verte », n’est que poudre aux yeux. Au rythme où vont les choses (émissions de gaz à effet de serre, réchauffement climatique, acidification des océans, fonte des glaces, surexploitation des ressources en eau, et des ressources non-renouvelables et même des autres ressources renouvelables, pollutions des milieux par des millions tonnes de plastiques et d’autres substances toxiques déversées annuellement, étalement urbain, déforestation, etc.), que ces mesures pour une « croissance verte » soient mises en œuvre ou pas (ce qui ne ferait qu’accélérer la catastrophe), d’ici 2040, voire 2030, ce n’est pas à une « Transition écologique et solidaire » que nous allons assister, mais à une myriade de désastres écologiques et sociaux bien pires que ceux que l’on observe actuellement dans de nombreuses régions du globe (qui ne nous touchent pas encore particulièrement, en France).
Un article ne pourra jamais suffire à faire comprendre à quelqu’un que la croyance aveugle (contre l’évidence même de ce qui se déroule sous nos yeux) en le discours dominant, en l’idéologie du progrès et de la toute-puissance technologique, est une idiotie suicidaire. Entre la puissance (les moyens) de la mégamachine médiatique (radios/TV/journaux/Cinéma/Internet/Livres) qui produit le discours grand public auquel tant croient encore et celle des collectifs et des individus qui luttent contre, il y a un monde. Que l’on détruit. (...)
Il est possible qu’au point où nous en sommes, l’évitement du désastre global et la perspective d’une transition sereine vers un monde désindustrialisé et low-tech ne soit déjà plus qu’un doux rêve. Mais il est certain que les gouvernements et toute la sphère culturelle/médiatique mainstream (grand public) n’y contribueront pas, bien au contraire. Quoi qu’il en soit, se défaire de cette illusion toxique ne peut que contribuer à améliorer nos chances.
La fin du tout nucléaire actée en France, mais des questions restent en suspens
AFP, Romandie news - 22 jul 2015
http://www.romandie.com/news/La-fin-du-tout-nucleaire-actee-en-France-mais-des-questions-restent-en-suspens/614525.rom
La loi sur la transition énergétique, définitivement adoptée mercredi à l'Assemblée nationale, lance le compte à rebours vers une baisse de la dépendance de la France au nucléaire pour produire son électricité, mais la méthode et les conséquences pour EDF et Areva sont encore floues. "Le nucléaire flamboyant c'est fini", se réjouit ainsi à l'AFP, le député écologiste Denis Baupin, rapporteur d'une enquête parlementaire l'an dernier sur le coût du nucléaire. "Maintenant il reste à organiser une transition en bon ordre, car il y a des questions de sûreté qui sont posées", ajoute-t-il.
La loi sur la transition énergétique a rempli l'objectif phare de l'exécutif: graver dans le marbre la réduction de 75 à 50 % de la part du nucléaire dans la consommation finale d'électricité à l'horizon 2025, une promesse de François Hollande pendant sa campagne présidentielle. "C'est une évolution qui fait date, car à aucun moment, aucun des groupes, y compris dans l'opposition, n'a nié la nécessité de ne plus être totalement dépendant du nucléaire", commente François Brottes (PS), président de la commission spéciale d'examen du texte à l'Assemblée nationale.
La loi prévoit aussi que la capacité du parc nucléaire français sera désormais plafonnée à 63,2 GW, soit la puissance actuelle des 58 réacteurs (19 centrales) qu'il comprend. Ce plafond signifie qu'EDF ne pourra pas mettre en service de nouveaux réacteurs sans en arrêter d'autres, et ouvre donc la voie à la fermeture de la centrale de Fessenheim - autre promesse présidentielle - lorsque l'EPR de Flamanville entrera en service. Le PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy a laissé entendre la semaine dernière devant les députés que ce serait plutôt dans la 2ème partie de 2017. (...)
Dans les débats, les opposants ont fait valoir qu'avec la stagnation ou la faible augmentation attendue de la consommation d'électricité ainsi que le développement des énergies renouvelables, les objectifs fixés vont entraîner l'arrêt d'une vingtaine de réacteurs. Et ils s'inquiètent des conséquences pour la filière nucléaire française, déjà dans une période compliquée avec les difficultés financières d'Areva. Révélées il y a quelques mois, et s'ajoutant aux retards et surcoûts de l'EPR de Flamanville, elles sont venues troubler les débats au Parlement. Comment sauver Areva et voter une loi qui va détruire la filière plutonium d'Areva ?, en réduisant les débouchés de vente de combustible du groupe, s'inquiète ainsi Julien Aubert.
L'autre enjeu sera celui des indemnisations qu'EDF solliciterait en cas de fermeture prématurée de réacteurs. Ils sont actuellement autorisés à fonctionner pendant 40 ans, mais EDF souhaite d'ores et déjà demander à l'Autorité de sureté nucléaire (ASN) l'extension de leur durée de vie à 50 ans. Pendant ce temps, la filière nucléaire s'active dans les discussions sur la Programmation pluriannuelle de l'énergie qui doit décliner les objectifs de la loi par type d'énergies (nucléaire, éolien, solaire, gaz, pétrole, etc.). (...)
Du nucléaire au recyclage des déchets: l'essentiel de la loi sur la transition énergétique (LTE)
AFP, Romandie news - 22 jul 2015
http://www.romandie.com/news/Du-nucleaire-au-recyclage-des-dechets-lessentiel-de-la-loi-sur-la-transition-/614526.rom
Les principales dispositions de la loi sur la transition énergétique, adoptée définitivement par le Parlement.
OBJECTIFS
- Réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 (par rapport à 2012).
- Réduction de la consommation des énergies fossiles de 30 % en 2030 (par rapport à 2012).
- Part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie de 32 % en 2030 (elle était de 13,7 % en 2012, avec 68 % assurés par le bois et l'hydroélectricité).
- Part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à horizon 2025 (contre 75 % aujourd'hui).
- Objectif d'augmentation du prix du carbone, via la contribution climat énergie, de 22 € la tonne de CO2 en 2016 à 100 € en 2030, en passant par un objectif intermédiaire de 56 € en 2022.
- Réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 (par rapport à 1990). Le projet de loi prévoit aussi des budgets carbone établis pour trois périodes de 5 ans, fixant des plafonds d'émissions à ne pas dépasser.
(.../...)
ENERGIES RENOUVELABLES
- Distance minimale de 500 m entre une éolienne et des habitations, avec possibilité pour le préfet de la relever.
- Enveloppe de 400 millions d'euros pour doubler en 2017 le fonds chaleur, qui soutient la production issue de sources renouvelables).
- Enveloppe de 100 millions d'euros pour financer 1.500 projets de méthanisation.
- Identifier d'ici 2017 de nouvelles zones pour développer l'éolien off-shore.
- Création de sociétés d'économie mixte (public-privé) hydroélectriques.
- Possibilité d'emprunts obligataires écologiques pour les PME et prêts au taux Livret A pour les collectivités.
- Renforcement du rôle des collectivités d'outre-mer dans la gouvernance de la transition énergétique.
NUCLEAIRE:
- Capacité du parc nucléaire plafonnée à 63,2 GW, soit la puissance actuelle.
- Renforcement du contrôle des installations par l'Autorité de sureté nucléaire.
- Part d'électricité produite par chaque source d'énergie fixée par une Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
DECHETS ET RECYCLAGE:
- Réduire de 50 % les quantités de déchets mis en décharge d'ici 2025 (contre 26,5 actuellement).
- Recycler 55 % des déchets non dangereux.
- Favoriser l'énergie issue de la valorisation des déchets non recyclables.
- Interdiction des sacs à usage unique constitués de plastique oxo-fragmentable.
- Sanction de la tromperie sur l'obsolescence programmée d'un produit.
- Mesures contre le gaspillage alimentaire destinées à empêcher les grandes surfaces de jeter de la nourriture et de rendre leurs invendus impropres à la consommation.
- Interdiction de l'usage de pesticides par les particuliers et les collectivités locales, respectivement en 2017 et 2019. (...)