Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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Rassembler des foules sous un même drapeau
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dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
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La population devrait doubler en Afrique d’ici 2050

Publié le 16/10/2017 à 04:23 par monde-antigone

 
La baisse de la fécondité en Afrique est plus lente que prévu
En 2100, un terrien sur 3 sera africain
Slate Afrique - 20 sep 2017
http://www.slateafrique.com/784934/en-2100-un-terrien-sur-trois-sera-africain


La population du continent africain s’accroît rapidement. Estimée à 140 millions en 1900, elle atteignait 1 milliard d’habitants en 2010. Elle en comptera 2,5 en 2050 et plus de 4 en 2100, selon le scénario moyen des projections des Nations unies. 1 humain sur 6 habite aujourd’hui en Afrique. En 2050, ce sera 1 sur 4, et plus d’1 sur 3 en 2100, selon ces mêmes projections.

À quoi tient cette forte croissance ? Se poursuivra-t-elle ? Le quadruplement d’ici la fin du siècle est-il inévitable ?
Si la population de l’Afrique augmente, c’est en raison de l’excédent des naissances sur les décès (4 fois plus de naissances que de décès). La mortalité a beau y être la plus élevée du monde, elle y a diminué, comme elle l’avait fait auparavant dans les autres continents. La fécondité y a également diminué, les femmes y mettant au monde 4,5 enfants en moyenne chacune en 2017, contre plus de 6,5 il y a 40 ans et 5,5 il y a 20 ans. L’Afrique connaît là aussi une évolution ayant déjà eu lieu dans les autres continents, où elle y est plus avancée: 2,1 enfants seulement par femme en Asie en 2017, 2,0 en Amérique latine, 1,9 en Amérique du Nord et 1,6 en Europe.

Cette moindre mortalité qu’autrefois et cette fécondité encore relativement élevée expliquent que la population de l’Afrique s’accroisse rapidement. Même si la fécondité continue de diminuer, comme le suppose le scénario moyen des Nations unies, il ne va pas en résulter tout de suite une diminution sensible du taux de croissance et encore moins un arrêt de celle-ci, en raison de l’inertie démographique.

À supposer que la fécondité africaine tombe dès maintenant à 1,6 enfant par femme comme en Europe ou en Chine – scénario hautement improbable –, la population continuerait pourtant d’augmenter pendant encore quelques décennies pour atteindre près de 1,6 milliard en 2050. La population de l’Afrique comprend en effet beaucoup de jeunes adultes en âge d’avoir des enfants; même si chacun en avait peu, il en résulterait un nombre élevé de naissances.

Les projections de population publiées par les Nations unies en 1981 annonçaient 10,5 milliards d’êtres humains sur la planète en 2100 dans leur scénario moyen. Les dernières projections publiées en juin 2017 en annoncent 11,2, soit 0,7 de plus. Le total est donc un peu plus élevé mais le véritable changement se trouve dans la répartition par continent: l’Asie, 5,9 milliards d’habitants en 2100 d’après la projection publiée en 1981, n’en a plus que 4,8 à cet horizon dans celle publiée en 2017. La révision est également à la baisse pour l’Amérique latine: 712 millions en 2100 au lieu de 1 187 (40 % de moins). À l’inverse, l’Afrique, 2,2 milliards d’habitants en 2100 d’après les projections de 1981, en a le double, 4,4 milliards, dans celles publiées en 2017.

Première surprise: les enquêtes révèlent il y a 30 à 40 ans que la fécondité a commencé à baisser très rapidement dans beaucoup de pays d’Asie et d’Amérique latine. Les Nations unies ont donc revu sensiblement à la baisse leurs projections démographiques pour ces continents.

Autre surprise, plus récente, venue de l’Afrique intertropicale: on s’attendait à ce que sa fécondité baisse plus tardivement qu’en Asie et en Amérique latine, du fait de son retard en matière de développement socio-économique, mais on imaginait un simple décalage dans le temps, avec un rythme de baisse similaire aux autres régions du Sud une fois qu’elle serait engagée. C’est bien ce qui s’est passé en Afrique du Nord et en Afrique australe, mais pas en Afrique intertropicale où la baisse de la fécondité, bien qu’entamée aujourd’hui, s’y effectue plus lentement. D’où un relèvement des projections pour l’Afrique qui pourrait donc rassembler plus d’un habitant de la planète sur 3 en 2100.

La fécondité diminue bien en Afrique intertropicale mais dans les milieux instruits et en villes plus que dans les campagnes, où vit encore la majorité de la population. Plusieurs facteurs pourraient expliquer que la baisse de la fécondité y soit pour l’instant plus lente que celle observée il y a quelques décennies en Asie et en Amérique latine.

L’Afrique se développe sur le plan économique, mais lentement, et sans encore avoir atteint le niveau des pays asiatiques ou latino-américains à l’époque où leur fécondité a commencé à diminuer fortement. Or le développement économique et la baisse de la fécondité vont souvent de pair, la seconde étant souvent considérée comme une conséquence du premier. L’instruction des femmes est un facteur-clé dans ce processus : celles ayant été à l’école mettent moins d’enfants au monde que celles qui n’y sont pas allées. Les pays asiatiques et latino-américains ont beaucoup investi dans l’éducation pour tous il y a quelques décennies. Si l’éducation progresse en Afrique intertropicale, notamment chez les femmes, elle n’atteint toujours pas les niveaux observés en Asie et en Amérique latine lorsque la baisse de la fécondité s’est enclenchée dans ces continents.

Un autre facteur évoqué pour expliquer cette moindre baisse de la fécondité en Afrique est le partage des coûts pour élever les enfants. En Afrique, une partie des enfants est élevée par d’autres adultes que les parents – un grand parent, un oncle, une tante – ceux-ci prenant en charge les frais pour les nourrir, les habiller et les envoyer à l’école. Partout dans le monde, les humains font progressivement le choix d’avoir peu d’enfants, investissant sur chacun d’eux pour leur assurer une vie longue et de qualité, ce qui n’est pas possible quand il y en a beaucoup. Mais si avoir un enfant de plus n’entraîne pas de dépenses accrues du fait qu’il sera pris en charge par d’autres, l’incitation à avoir peu d’enfants reste moindre.

La fécondité baisse plus lentement en Afrique qu’en Asie et en Amérique latine il y a quelques décennies; et cela ne vient pas d’un refus de la contraception chez les Africains. La plupart des familles rurales ne se sont certes pas encore converties au modèle à deux enfants, mais elles souhaitent avoir moins d’enfants et notamment plus espacés. Elles sont prêtes pour cela à utiliser la contraception mais ne bénéficient pas de services adaptés pour y arriver.

Les programmes nationaux de limitation des naissances existent mais sont peu efficaces, manquent de moyens, et surtout souffrent d’un manque de motivation de leurs responsables et des personnels chargés de les mettre en œuvre sur le terrain. Parmi les rares exceptions, le Rwanda, l’Éthiopie, et le Malawi, pays où les autorités sont très engagées en faveur de la famille de petite taille et ont fait de la diminution de la fécondité une de leurs priorités.

Au Rwanda, celle-ci a connu l’une des plus fortes baisses du continent, y diminuant de plus de 20 % en une décennie (elle est passée de 5,4 enfants par femme au début des années 2000 à 4,2 au début des années 2010). Mais dans la plupart des autres pays d’Afrique intertropicale, les responsables et les élites ne sont pas persuadés de l’intérêt de limiter les naissances y compris au plus haut niveau de l’État, même si ce n’est pas le discours officiel tenus aux organisations internationales. C’est là encore l’une des différences avec l’Asie et l’Amérique latine des années 1960 et 1970.

Pour convaincre les gouvernements africains de faire de la limitation des naissances une de leurs priorités, les organisations internationales leur font miroiter un "dividende démographique". En effet, quand la fécondité chute rapidement dans un pays, la part des jeunes diminue fortement sans que la part des personnes âgées n’augmente sensiblement au début. En conséquence, la part de la population d’âge actif augmente beaucoup, offrant une opportunité au pays de se développer économiquement. Cette situation favorable ne dure qu’un moment. Quelques décennies après, les personnes d’âge actif très nombreuses ont vieilli et augmentent alors considérablement le poids de la population âgée.

On estime qu’un certain nombre de pays asiatiques, dont la Chine, ont bénéficié de ce dividende et qu’il a pu représenter jusqu’à 10 à 30 % de leur croissance économique. En revanche, les pays d’Amérique latine n’en auraient pas bénéficié pour la plupart, faute d’emplois créés en quantité suffisante pour occuper le surcroît de personnes d’âge actif. Mais si l’Asie et l’Amérique latine se sont engagées dans la famille de petite taille, ce n’est pas en espérant bénéficier d’un dividende démographique – on n’en parlait pas à l’époque. Les gouvernements ont développé des politiques de limitation des naissances pour réduire la croissance de la population jugée trop rapide pour un bon développement du pays.

Dans le cas de l’Afrique, les conditions pour qu’un dividende démographique ait lieu ne sont pas réunies: la fécondité baisse à un rythme trop lent; et à supposer qu’elle se mette à baisser rapidement, les perspectives de croissance des emplois sont modestes et ne permettront sans doute pas d’absorber la main d’œuvre supplémentaire. Au cas peu probable où il y aurait un dividende démographique, celui-ci n’est qu’une perspective lointaine, dans quelques décennies.

L’Afrique n’échappera pas à une multiplication par 2 de sa population d’ici 2050 en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Selon son développement économique dans les prochaines années, la progression de l’instruction chez les femmes et les politiques en faveur de la famille de petite taille, en 2100, elle sera 3, 4, 5, ou 6 fois plus nombreuse qu’aujourd’hui.


Afrique: La population devrait doubler d'ici 2050, quadrupler d'ici 2100
Franceinfo:, Géopolis, avec AFP - 22 sep 2017
http://geopolis.francetvinfo.fr/afrique-la-population-devrait-doubler-d-ici-2050-quadrupler-d-ici-2100-158651


La population mondiale continue de croître: l'humanité devrait augmenter d'un tiers d'ici 2050, passant de 7,5 milliards actuellement à 10 milliards, et le nombre d'habitants du continent africain pourrait doubler, selon une analyse de l'Institut français d'études démographiques (INED). Selon cette étude biennale intitulée "Tous les pays du monde", « l'un des grands changements à venir est le formidable accroissement de la population de l'Afrique ».

Comptant 1,2 milliard d'habitants en 2017, le continent devrait avoisiner les 2,5 milliards en 2050 et « pourrait quadrupler pour atteindre 4,4 milliards en 2100, ceci malgré le sida ». Alors qu'un homme sur 6 vit aujourd'hui en Afrique, plus d'un sur 3 y vivrait dans un siècle. La population mondiale, dont le nombre a été multiplié par 7 au cours des 2 derniers siècles, devrait, elle, atteindre les 10 milliards d'habitants en 2050 et continuer de croître « jusqu'à atteindre peut-être 11 milliards à la fin du XXIe siècle », selon les projections. Néanmoins, la croissance démographique ralentit du fait de la diminution de la fécondité à 2,5 enfants en moyenne par femme aujourd'hui dans le monde, contre 5 enfants en 1950.

La fécondité la plus basse se retrouve à Taïwan et en Corée du Sud (1,2 enfant par femme), la plus élevée au Niger (7,3 enfants). « La fécondité a baissé presque partout mais les écarts restent grands », précise à l'AFP Gilles Pison, auteur de l'étude. « Là où elle reste encore élevée, 3 enfants ou plus en moyenne par femme, c'est dans presque toute l'Afrique, quelques pays de la péninsule arabe, et une bande de l'Asie qui va de l'Afghanistan, au nord de l'Inde, en passant par le Pakistan. C'est là qu'aura lieu le gros de l'accroissement démographique dans les années à venir », prédit-il. Concernant la population africaine, les projections ont été revues un peu à la hausse en raison d'une « baisse rapide de la mortalité, notamment des enfants, avec de gros progrès depuis 15 ans, et à une baisse de la fécondité plus lente que dans d'autres continents ».

Les 7 pays les plus peuplés de la planète, Chine, Inde, États-Unis, Indonésie, Brésil, Pakistan et Nigeria, totalisent actuellement 3,93 milliards d'habitants, soit plus de la moitié de la population mondiale. La Chine, pays le plus peuplé avec 1,38 milliard d'habitants, est au coude à coude avec l'Inde, 1,35 milliard, qui pourrait la dépasser "avant 2030", selon les prévisions. Le taux de fécondité est de 2,3 enfants par femme en Inde contre 1,8 en Chine.


La population devrait doubler en Afrique d’ici 2050
par Matthew Tempest, traduit par Céline Nguyen
Euractiv - 16 aot 2016
https://www.euractiv.fr/section/aide-au-developpement/news/africas-population-set-to-double-by-2050-says-new-report/


La population africaine devrait doubler d’ici 2050, selon un nouveau rapport de l’ONG PRB à Washington, remettant sérieusement en question la durabilité du continent le plus pauvre du monde. Selon les estimations de l’ONG Population Reference Bureau (PRB), qui étudie les évolutions démographiques dans le monde, la population africaine devrait atteindre les 2,5 milliards d’ici 2050, soit la plus grosse augmentation sur un continent.

Le rapport montre que la population de l’Europe devrait au contraire diminuer sur la même période, de 740 millions à 728 millions d’habitants. À l’échelle planétaire, la population devrait atteindre les 10 milliards en 2053, par rapport aux 7,4 millions actuels. « Malgré une baisse mondiale des taux de fertilité, nous estimons que la population devrait augmenter suffisamment pour atteindre les 10 milliards au niveau mondial », a confirmé Jeffery Jordan, président du PRB. « Les différences entre les régions restent cependant sensibles. Par exemple, les taux de naissance très bas en Europe impliquent que la population diminuera sur le continent, tandis que la population en Afrique devrait doubler ».

Si l’Océanie, et notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande, devrait voir sa population augmenter d’un tiers, le continent ne comptera que 66 millions d’habitants, contre 40 millions à l’heure actuelle. L’Asie devrait quant à elle connaître une augmentation de 900 millions de personnes pour atteindre un total de 5,3 milliards. Les données du PRB permettent de conclure que la population de l’ensemble des pays les moins développés devrait doubler d’ici 2050, atteignant un total de 1,9 milliard d’habitants.

La plupart des 48 pays considérés comme les moins développés selon les critères de l’ONU, se trouvent en Afrique. La population devrait même atteindre plus du double de son effectif actuel dans près de 29 pays, presque tous africains. Au Niger, le pays avec le taux de naissance le plus élevé du monde, la population devrait au moins tripler. Les 10 pays avec les taux de fertilité les plus élevés sont tous des pays subsahariens, avec une moyenne de plus de 6 enfants par femme. En Europe, en revanche, la moyenne est de 1,6. Dans les pays les moins développés, environ 41 % de la population est âgée de moins de 15 ans, tandis que cette tranche d’âge ne représente que 25 % de la population dans le monde et 16 % dans les pays développés.

Au sein de l’Afrique, les augmentations les plus inquiétantes devraient avoir lieu dans des pays comme l’Éthiopie, où la population devrait passer de 101 millions de personnes à 168 millions. Au Nigéria, cette croissance fera passer le nombre d’habitants de 186 millions à 387 millions, dans la RDC de 79 millions à 213 millions, et en Tanzanie, de 54 millions à 134 millions. En Europe, les Britanniques, actuellement au nombre de 65 millions, devraient être 77 millions, tandis que l’Allemagne et l’Espagne reculent, passant respectivement de 82 millions à 81 millions d’habitants et de 43 millions à 39 millions.

En termes de développement, les chiffres concernant les pays qui ont le moins accès à l’électricité sont également inquiétants. Ces pays se trouvent également tous en Afrique: le Soudan (5 %), le Tchad (6 %), le Burundi (7 %), le Malawi (10 %), le Liberia (10 %), la Centrafrique (11 %), le Burkina Faso (13 %), le Niger (14 %), la Sierra Leone (14 %) et la Tanzanie (15 %).


« Le Sahel est une bombe démographique »
Entretien avec Michel Garenne, démographe rattaché à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI)
Propos recueillis par Laurence Caramel
Le Monde - 16 jan 2017
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/01/16/le-sahel-est-une-bombe-demographique_5063147_3212.html


Le ralentissement de la croissance démographique est à l’œuvre partout en Afrique, sauf au Sahel et dans quelques pays d’Afrique centrale. Pourquoi ?
Les dirigeants de ces pays n’ont jamais considéré que maîtriser la croissance de la population était réellement important. Le développement devait permettre de régler tous les problèmes. Ce discours était, il est vrai, en vogue dans beaucoup de pays du Sud dans les années 1970. L’Algérie, au nom des pays non alignés, déclarait à la conférence mondiale sur la population de Bucarest en 1974 que « la meilleure pilule, c’est le développement ». Dix ans plus tard, les Algériens ont fait marche arrière et adopté un grand programme de planning familial. Pas les pays du Sahel, où tout ce qui a été entrepris a eu peu de portée. En particulier dans les zones rurales, où se concentre aujourd’hui l’explosion démographique, avec 6 à 8 enfants par femme en moyenne. Les Américains, comme ils l’avaient fait 20 ans plus tôt avec succès en Amérique latine et en Asie, ont essayé, dans les années 1980, de promouvoir des politiques de contrôle des naissances. Mais la crise économique et les plans d’ajustement structurel ont conduit à abandonner les efforts.


Les projections des Nations unies, qui tablent sur une multiplication par 6 de la population du Sahel d’ici à 2100, vous paraissent-elles solides ?
Aucun de ces pays ne dispose de registre d’état civil. Toutes les données proviennent donc de recensements et d’enquêtes de terrain. Les Nations unies reconnaissent elles-mêmes la faiblesse de ces sources, en particulier pour les migrations. Quoi qu’il en soit, la tendance est là et, en matière de démographie, il faut 50 ans pour changer de cap. Les 6 pays sahéliens sont sur une trajectoire qui va porter leur population de 89 millions en 2015 à 240 millions en 2050, puis à 540 millions en 2100. A cet horizon, le Niger à lui seul abriterait plus de 200 millions de personnes, contre une quinzaine aujourd’hui. Imagine-t-on que le Sahel sera à l’origine d’1/3 de la croissance de la population mondiale ? Le Sahel est une bombe démographique.


Le fait que le Sahel soit souvent perçu comme un espace sous-peuplé joue-t-il un rôle dans cette inertie ?
Certainement. Mais ce qui était vrai il y a 50 ans ne l’est plus aujourd’hui. Les contraintes de l’environnement sont sévères, car le climat est aride ou semi-aride, les sols sont peu fertiles. De nombreux terroirs sont déjà arrivés à saturation. La rivalité entre les éleveurs et les agriculteurs s’est intensifiée, les conflits se multiplient, notamment au Burkina Faso et en Mauritanie. L’arrivée de grands investisseurs qui achètent des superficies importantes exacerbe ces tensions. Heureusement, au Niger, où la situation démographique est la plus critique, il reste encore des terres arables à conquérir. Il ne faut pas penser toutefois que cela suffira. Il n’y aura pas assez de place et de ressources pour tout le monde.


Aux XIXe et XXe siècles, 50 millions d’Européens migrèrent vers les Amériques
En 1975, l’Afrique du Sud avait calculé qu’au-delà de 80 millions d’habitants, elle devrait faire face à de sévères problèmes de ressources en eau. C’est pour cela qu’elle a adopté son programme de planning familial. Elle a anticipé sur les cent ans à venir et c’est ce qu’il fallait faire.


La situation du Sahel n’est pas comparable à celle de l’Afrique du Sud…
Seule la dispersion de la population sur de vastes territoires rend les choses plus difficiles. Mais nous savons comment faire: la technique la plus efficace et éprouvée partout dans le monde est de donner accès à la contraception aux femmes en leur rendant visite chaque trimestre dans leur village ou en les convaincant de se rendre au centre de santé le plus proche. En Afrique, le Kenya, le Ghana, le Zimbabwe ou Madagascar, pour ne citer que quelques pays, ont réussi à le faire. Même dans un pays en ruine, dès qu’on s’occupe des femmes, qu’on leur donne le choix, les résultats sont là.
Le faible degré d’éducation n’aide pas mais ce n’est pas un facteur insurmontable. Le Bangladesh est parvenu à faire chuter son taux de fécondité de femmes non éduquées, dominées par leur mari dans des structures patriarcales très dures et très islamisées. L’islam [tous les pays de la région sont majoritairement musulmans, à l’exception du Burkina Faso] n’est pas un handicap. Ainsi, en Iran, le régime des ayatollahs a fait mieux que celui du chah et a induit une transition démographique très rapide.


Faute d’agir, que se passera-t-il ?
Il suffit de regarder ce qui se passe déjà: les gens partent. Dans l’Histoire, la surpopulation a toujours été résolue de la même façon: départs, guerres, famines, épidémies. L’expérience européenne peut être ici rappelée. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, près de 50 millions de personnes migrèrent massivement vers les Amériques pour des raisons similaires aux migrations sahéliennes. Il faut se souvenir de la forte crise alimentaire en Irlande avec ce qu’on a appelé "la famine de la pomme de terre". Mais la situation était différente: les Amériques avaient besoin de main-d’œuvre pour leur développement et ont donc favorisé les migrations de travail, sans parler du fait que les populations de départ et d’arrivée étaient de même culture européenne et de même religion chrétienne. Aujourd’hui, les frontières se referment partout. En Afrique du Sud, le pays le plus riche du continent, des mouvements anti-immigrés existent déjà. Où vont aller ces gens ?
Entre 3 et 5 millions de personnes ont quitté le Sahel depuis les indépendances. Elles seront probablement autour de 40 millions d’ici à la fin du siècle. Cela pose des problèmes d’une autre échelle qu’il va falloir gérer. Pourtant, les pays occidentaux et l’Europe en particulier, qui est susceptible d’en accueillir un grand nombre, font comme si le sujet n’existait pas. Mettre en place des politiques de planning familial devrait pourtant être l’une des priorités. Parler de développement durable en continuant à mettre de côté la question démographique est juste insensé.


EDIT (8 février 2018)


Stephen Smith: « On n'a jamais connu une telle pression démographique »
Entretien avec Stephen Smith, auteur de "La Ruée vers l'Europe", spécialiste de l'Afrique
Propos recueillis par François-Guillaume Lorrain et Claire Meynial
Le Point Afrique - 02 fev 2018
http://afrique.lepoint.fr/actualites/afrique-stephen-smith-on-n-a-jamais-connu-une-telle-pression-demographique-02-02-2018-2191522_2365.php


L'Occident a-t-il une responsabilité dans l'explosion démographique de l'Afrique ?
Dans les années 1930, l'Occident invente le développement, la mise en valeur de ce continent, un discours intéressé qui entend valoriser les empires français ou britannique, tout en justifiant leur domination sans tomber dans la supériorité raciale. C'est le début d'un boom démographique qui aurait eu lieu de toute manière. S'il y a une responsabilité, elle est postcoloniale, l'Occident n'ayant jamais tenu un discours de vérité à l'Afrique pour lui démontrer que, si elle maîtrise sa démographie, elle contrôlera sa prospérité. Pourtant, on a employé ce discours avec l'Asie en l'aidant même à le mettre en pratique.


Récemment, Emmanuel Macron a pourtant parlé d'un « problème culturel à l'égard de la démographie »...
Une phrase qui, prise au pied de la lettre, est très juste, même si, en la matière, il faut faire preuve de pédagogie pour ne pas retomber dans le cliché de la maman africaine flanquée de ses dix enfants. Le fait est que l'Afrique, vaste continent sous-peuplé, est structurée historiquement de telle manière que la richesse humaine a toujours été perçue comme la richesse tout court. Le défi est de rompre avec cette façon de penser.


L'urbanisation africaine ne va-t-elle pas freiner cette démographie galopante ?
Les villes africaines demeurent de grands villages, sont constituées à 90 % de bidonvilles, n'ont pas d'infrastructures, avec des jeunes qui reproduisent une vie assez proche de celle du village. Contrairement à l'Histoire européenne, les grandes villes ne deviennent pas de grands centres de production qui font baisser la natalité. L'incidence ne sera donc pas semblable. De toute manière, les villes n'ont jamais empêché la migration, regardez l'exemple européen du XIXe, lorsque 60 millions d'Européens ont quitté leur continent.


La migration intra-africaine ne peut-elle pas absorber ces millions de candidats au départ ?
Cela a été le cas par le passé, comme en Côte d'Ivoire – qui, à la fin des années 1970, a accueilli 1,3 million d'étrangers en quatre ans – ou l'Afrique du Sud postapartheid – qui, au nom de l'africanisme, a fait venir des millions d'Africains, en particulier du Zimbabwe. Il faut évoquer aussi le rôle similaire de la Libye et de l'Algérie. Mais on a vu le résultat : une guerre civile en Côte d'Ivoire, une crise et des émeutes sans précédent en Afrique du Sud, une Libye à feu et à sang après l'intervention européenne, une Algérie qui commence à réprimer ses migrants. Le modèle de la migration infra-africaine est cassé.


Vous soutenez que le développement de l'Afrique, "l'Africa rising", alimente et alimentera la migration... Mais ce ne sont pas aussi les plus pauvres des pauvres qui partent ?
Non. Sur le plan statistique, si vous prenez les pays de départ et d'accueil, les études affirment le contraire. Pour partir, il faut des diplômes, un petit pactole, un esprit qui permette d'échapper à une vision étriquée, éventuellement une culture de la migration. Cela a toujours été le cas, en Europe, au Mexique... Ce sont donc les forces vives qui s'en vont. Il ne faut pas craindre de le dire sans le stigmatiser: le migrant est un défaitiste qui ne croit pas au concept de "l'Afrique qui gagne". Si lui, qui a la tête hors de l'eau, s'en va, alors que faire ?


Ces migrants vont donc réduire à néant les promesses de croissance en Afrique ?
Jusqu'en 2050, on sait que l'Europe va s'africaniser, les jeunes sont là, ils sont déjà nés, il n'y a rien à faire, on n'a jamais connu une telle pression démographique. Mais la masse démographique de l'Afrique est telle qu'elle ne manque pas de ressources, et il arrivera un moment où cet Africa rising [l'Afrique qui gagne] va retenir ses jeunes, comme cela a été le cas pour le Mexique avec ses migrants. Mais pas avant 2050. Se posera alors une autre question, celle du vieillissement de l'Afrique.


Vous soulignez un fossé entre les jeunes et les différentes générations au-dessus d'eux. Quels sont leurs rapports ?
Il faut parler en effet de différentes générations se succédant de manière accélérée. En Afrique, une génération, c'est quinze ans. Il existe tous les cas de figure. Les aînés disent à leurs cadets: « Partez, partez ! » Une manière pour eux de conserver le pouvoir tout en recevant une aide économique en retour. La migration est souvent une entreprise familiale, collective, où les « gens à l'extérieur » sont chargés de financer la famille restée au pays. Le migrant est soumis à une forte pression financière. Il peut y avoir aussi un discours de compétition : celui qui part est une tête de pont.


À la fin de votre ouvrage, vous envisagez 5 scénarios. Lequel a vos faveurs ?
D'abord, je voudrais souligner la diversité géographique dans la destination des migrations. Si 70 à 80 % des Africains choisissent l'Europe, 20 à 30 % vont sur d'autres continents. 40 % des demandeurs d'asile aux États-Unis sont d'origine africaine. En 2017, 16 500 Subsahariens ont été appréhendés en tentant de franchir la frontière entre le Mexique et les États-Unis – c'est dire le nombre de ceux qui l'ont franchie. Pour revenir au scénario, j'ai longtemps sous-estimé la marge de manœuvre de l'Europe, qui demeure en réalité très puissante. Les 6 milliards d'euros versés à la Turquie ont stoppé 2,5 millions de migrants, les tractations entre l'Italie et les seigneurs de la guerre libyens en ont bloqué 500 000, l'Europe n'est pas le géant flasque que l'on croit. Elle négocie aussi des conventions migratoires avec les pays de départ, ce qui édifie un autre mur de protection sur place. Mais c'est encore du coup par coup. Une politique qui ne suffira pas à contrer les vagues bien plus nombreuses qui s'annoncent.


Cinq scénarios pour l'Europe
1. Une Eurafrique, où un bon accueil est réservé à tous les migrants. Mais, outre le coût économique, que ne compensera pas l'apport de ces actifs pour payer les retraites des Européens, Smith prédit une crispation des Etats sur leur identité, une identity policy déjà à l'oeuvre aux Etats-Unis.
2. Une Europe-forteresse Entre l'aide apportée à la Turquie, l'action des services secrets sur place, le soutien de l'opinion et les initiatives sécuritaires, l'Europe ne manque pas de moyens pour sécuriser ses frontières. Mais cette politique résistera-t-elle à la flambée des chiffres migratoires ? Smith en doute.
3. Plus marginale, une dérive mafieuse déjà en cours dans l'exploitation des migrants, accompagnée d'une réaction populiste contre l'afflux de réfugiés.
4. Un retour du postcolonialisme et de l'économie de protectorat où l'Europe, contre la promesse d'endiguer ces afflux, passerait des contrats de « gestion partagée » qui consolideraient les élites en place dans les Etats africains.
5. Une dernière hypothèse, « de bric et de broc », combinant toutes les options précédentes, comme l'a déjà appliqué l'Espagne, le pays le plus proche de l'Afrique, qui n'a pourtant enregistré en 2015 que 13 000 demandes d'asile sur un total de 1,3 million pour toute l'Europe.