Le Monde d'Antigone

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La guerre des gangs dans les prisons brésiliennes

Publié le 26/01/2017 à 00:10 par monde-antigone


Au Brésil, la guerre sanglante des gangs fait exploser les prisons
par Adeline Haverland
L'Express - 22 jan 2017
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/au-bresil-la-guerre-sanglante-des-gangs-fait-exploser-les-prisons_1871364.html


Depuis le début 2017, la guerre des gangs a fait plus de 130 morts dans les prisons brésiliennes. Pour les spécialistes, la situation n'est pas surprenante. Laissées à l'abandon et surpeuplées, les prisons du pays sont, depuis des années, au bord de l'explosion.

Des têtes décapitées qui roulent sur le sol, des inscriptions écrites avec le sang des morts, des prisonniers armés postés sur le toit de la prison... Au Brésil, les images des émeutes qui ont eu lieu dans la prison d'Alcaçuz, près de Natal le week-end dernier sont encore dans tous les esprits. Ce massacre, au cours duquel 26 prisonniers ont trouvé la mort, est le 3e depuis le début du mois de janvier. Il porte à plus de 130 morts le bilan de 3 semaines de violences carcérales.

A Natal comme à Manaus ou dans l'Etat de Roraima, c'est un règlement de comptes entre gangs rivaux qui est à l'origine de l'épopée sanglante. Si cette explosion de violences a surpris les observateurs extérieurs, les spécialistes de la question avaient déjà tiré le signal l'alarme. « Depuis le début des années 90, l'Etat s'est désengagé des prisons et les a laissées aux mains des groupes criminels. L'an dernier, près de 400 prisonniers sont morts dans l'enceinte des établissements pénitenciers du pays » rappelle Ariel Castro, avocat et président du Mouvement National des Droits de l'Homme. Conséquence directe du manque d'investissement, de l'absence de personnels qualifiés et de la corruption des agents, l'administration pénitentiaire n'est pas en mesure d'assurer les droits fondamentaux des prisonniers.

La nourriture, les produits sanitaires, les médicaments, l'assistance juridique, et même les lits sont l'objet d'une négociation entre l'administration et les groupes mafieux. « Entrer dans un gang est souvent une question de survie pour les prisonniers. Durant leur incarcération, beaucoup doivent "souscrire" aux services des organisations criminelles pour manger, dormir, ou se soigner. Ils sortent de prison avec une dette envers la faction qu'ils doivent honorer sous peine d'être éliminés », confirme Daniel Gomes, porte-parole de l'ONG religieuse Pastoral Carceraria qui intervient auprès des détenus dans l'ensemble du pays. Au total, il y aurait plus de 83 factions criminelles dans les prisons du Brésil, la plupart sont locales et éphémères, mais deux groupes principaux dominent: le Primeiro Comando da Capital (PCC) né au début des années 90 à Sao Paulo et présent dans 22 des 26 Etats du pays, et son grand rival le Comando Vermelho (CV), basé à Rio depuis la fin des années 80.

Depuis leur création, les gangs se sont renforcés avec l'explosion de la population carcérale. En 10 ans, le nombre de prisonniers a été multiplié par 7. Entre les incarcérations, les détentions provisoires, et les libertés conditionnelles, il y aurait plus de 600.000 prisonniers dans le pays dont plus d'un 1/3 n'a pas encore été jugé. « Le taux d'occupation des prisons brésiliennes est de 167 %, chaque nouveau prisonnier est un renfort de plus pour les gangs » avertit Daniel Gomes pour qui, les factions criminelles sont le produit de l'emprisonnement de masse et de l'inefficacité du système judiciaire brésilien.

La vague de violence de ce début d'année serait la conséquence de la rupture d'un accord tacite entre les deux principaux gangs du pays. A Manaus, une faction alliée au CV a attaqué les membres du PCC. En représailles, à Natal, les membres du groupe paulista s'en sont pris au Sindicato do Crime, un gang partenaire du CV. La rivalité entre les gangs cache un autre enjeu: le contrôle de la route de la drogue. Si les violences ont éclaté dans les Etats du Nord et du Nord-Est du Brésil, c'est que cette région, frontalière avec le Pérou, la Bolivie et la Colombie - principaux producteurs de coca du monde - est indispensable pour qui veut dominer le narcotrafic. Mais face à la violence des carnages, la fréquence des massacres pourrait rapidement s'étendre, comme le confirme Ariel Castro, « les gangs sont désormais entrés dans une logique de vengeance. Il existe un véritable risque de contagion à l'ensemble des prisons du pays ».


Prisons: le Brésil cherche la sortie du labyrinthe de la violence
par Jorge Svartzman
AFP, France24 - 25 jan 2017
http://www.france24.com/fr/20170125-prisons-le-bresil-cherche-sortie-labyrinthe-violence


RIO DE JANEIRO - Les Brésiliens se demandent comment freiner la vague terrifiante de violence qui frappe le pays à l'intérieur et à l'extérieur des prisons, avec des propositions allant de la dépénalisation de la marijuana au renforcement de l'arsenal répressif. Règlements de comptes, décapitations, assassinats de policiers suivis d'exécutions sommaires s'y disputent chaque jour les gros titres des médias au côté des rebondissements du méga scandale de corruption Petrobras qui menace le système politique d'implosion.

La guerre des gangs a déjà fait près de 140 morts depuis le début de l'année entre détenus dans le nord déshérité du pays, voie d'entrée de la cocaïne du Pérou, de Colombie ou de Bolivie. A Belem, capitale de l'Etat du Para (nord), 27 personnes ont été liquidées ce week-end, apparemment en représailles à la mort d'un policier. Dans l'Etat de Rio de Janeiro, 13 policiers ont déjà été tués depuis début janvier.  Avec un taux d'assassinats par arme à feu de 21,2 pour 100.000 habitants, le Brésil compte parmi les 10 pays les plus dangereux au monde, selon la "Carte de la violence 2016", un rapport annuel publié par la Faculté latino-américaine des Sciences sociales. Il dépasse sensiblement le Mexique (13,6/100.000) et de très loin les États-Unis (3,6). Dans aucun pays de l'UE, ce taux ne dépasse 0,5. Entre 1980 et 2014, 967.851 personnes ont été assassinées au Brésil. Et la saignée continue au rythme de 55.000 par an, alors que ce pays ne connaît ni "conflits frontaliers, ni guerre civile", déclare à l'AFP l'auteur du rapport, Julio Jacobo Waiselfisz.

"Nous sommes cordiaux, nous sommes sauvages", titrait lundi le quotidien Estado de Sao Paulo, dans une chronique de l'ancien directeur de la politique économique de la Banque centrale, Luis Eduardo Assis. L'auteur y cite le classique "Racines du Brésil" de l'historien Sergio Buarque de Holanda, qui définissait dans les années 1930 le Brésilien comme un homme "cordial". "Mais cette cordialité, loin d'être une qualité, masque (...) notre incapacité à consolider des règles et des institutions, notre réluctance à distinguer l'intérêt public des intérêts privés", affirme l'éditorialiste.

"Il existe en Amérique latine en général (...) une culture de la violence" qui atteint un "niveau épidémique" au Brésil, soutient M. Waiselfisz, qui rejette les explications uniques comme la récession économique ou le trafic de drogue. Le chômage de masse "provoque une augmentation des vols", mais il met longtemps avant de susciter une augmentation des homicides, selon lui. Quant aux drogues, "certains secteurs ont intérêt à les identifier comme le problème essentiel" car la logique répressive aide à "mobiliser d'importantes ressources financières pour l'appareil sécuritaire". "Je ne nie pas que les drogues constituent une grande partie du problème. Mais pourquoi le Brésil affiche un tel taux d'assassinats alors que la proportion de consommateurs de drogues y est bien inférieure qu'aux États-Unis, en Norvège ou en Suède ?". L'universitaire établit en revanche une probable corrélation entre niveau d'éducation et criminalité. "Pour chaque adolescent de 17 à 19 ans ayant effectué un cursus secondaire complet et tué, 66 jeunes de la même tranche d'âge sont tués parmi ceux qui ont été scolarisés pendant moins de 3 ans", souligne-t-il. "La question que nous devons nous poser est donc s'il manque des prisons ou des écoles", affirme-t-il.

Les récents massacres dans les prisons ont relancé le débat sur la dépénalisation de la marijuana ou d'autres drogues. Le système carcéral étant surpeuplé de petits dealers qui côtoient des criminels chevronnés dans cette "université du crime", ajoute le chercheur. Le ministre de la Justice Alexandre de Moraes a admis que plus de la moitié des détenus au Brésil n'avaient pas commis d'infraction grave. Environ 60 % sont en attente de jugement, un taux drastiquement plus élevé que dans les pays développés.
La pastorale des prisons de l'Eglise catholique a appelé au démantèlement du système d'exclusion basé sur "la politique de guerre contre les drogues, de la militarisation de la police, des détentions provisoires". Le Congrès des députés, à majorité conservatrice, parle au contraire d'assouplir la législation sur les armes, de renforcer la pénalisation des délits liés à la drogue et d'abaisser l'âge de la majorité pénale. Ces postures sont soutenues par une grande partie de la population brésilienne qui considère "qu'un bon bandit est un bandit mort" (*).


(*) « Je pense qu’il faudrait en tuer plus. Il faudrait un massacre par semaine » (Bruno Julio, secrétaire à la Jeunesse avant qu'il démissionne, interrogé par le quotidien O Globo le 06/01/2017 à propos des massacres dans les prisons de Manaus et du Roraima)

29/07/2019 >> 57 morts à la prison d'Altamira dans des affrontements entre gangs rivaux.