Le Monde d'Antigone

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La dette, arme de conquête coloniale en Tunisie et en Egypte

Publié le 06/08/2016 à 04:43 par monde-antigone


La dette, l’arme française de la conquête de la Tunisie
par Eric Toussaint
Orient XXI - 07 jul 2016
http://orientxxi.info/magazine/la-dette-l-arme-qui-a-permis-a-la-france-de-s-approprier-la-tunisie,1395


Avant 1881, date de sa conquête par la France qui la transforme en protectorat, la régence de Tunis, province de l’Empire ottoman, disposait d’une importante autonomie sous l’autorité d’un bey. Jusqu’en 1863, elle n’emprunte pas à l’étranger: la production agricole assure bon an mal an l’indépendance alimentaire du pays. Mais avec l’accession au trône de Mohammed el-Sadik Bey (Sadok Bey) en 1859, l’influence des puissances européennes, en particulier de leurs banquiers, grandit. Le premier emprunt de la Tunisie à l’étranger cette année-là constituera une véritable arnaque qui débouchera 18 ans plus tard sur la conquête de la Tunisie par la France.

Les banquiers parisiens, comme leurs collègues londoniens, disposent de liquidités abondantes et cherchent des placements à l’étranger plus rémunérateurs que chez eux. Quand, début 1863, le bey fait savoir qu’il souhaite emprunter 25 millions de francs, plusieurs banquiers et courtiers de Londres et de Paris proposent leurs services. Finalement, c’est Émile Erlanger qui emporte le « contrat ». Selon le consul britannique, il lui aurait proposé 500.000 francs afin d’obtenir son soutien. Erlanger, associé à d’autres, obtient également l’autorisation du gouvernement français de vendre à la bourse de Paris des titres tunisiens.

Une escroquerie à grande échelle
Selon un rapport établi en 1872-1873 par Victor Villet, un inspecteur français des finances, l’emprunt est une pure escroquerie. D’après le banquier Erlanger, 78 692 obligations tunisiennes sont émises, chacune d’une valeur nominale de 500 francs. L’emprunteur (la Tunisie) doit recevoir environ 37,7 millions de francs (78 692 obligations vendues à 480 francs, soit 37,77 millions) et rembourser à terme 65,1 millions. Selon l’enquête de Villet, Erlanger a prélevé un peu plus de 5 millions de francs de commission (soit environ 13 % du total), plus 2,7 millions détournés, certainement par le Premier ministre du bey et le banquier. Donc, pour disposer de 30 millions, le gouvernement tunisien s’engage à rembourser plus du double (65,1 millions).

Cet emprunt extérieur doit servir à restructurer la dette interne évaluée à l’équivalent de 30 millions de francs français. Il s’agit concrètement de rembourser les bons du trésor beylical ou « teskérés », ce qui est fait, mais les autorités en émettent de nouveau pour un montant équivalent. Victor Villet raconte: « En même temps que dans les bureaux du représentant de la maison Erlanger à Tunis on remboursait les anciens titres..., un courtier du gouvernement (M. Guttierez) installé dans le voisinage reprenait du public l’argent que celui-ci venait de recevoir, en échange de nouveaux teskérés émis au taux de 91 %. À la faveur de cette comédie de remboursement, la dette se trouva simplement... augmentée de 15 millions à peu près  ».
En moins d’un an, l’emprunt est dilapidé. Dans le même temps, l’État se retrouve, pour la première fois de son histoire, endetté vis-à-vis de l’étranger pour un montant très élevé. La dette interne qui aurait dû être remboursée par l’emprunt extérieur a été multipliée par 2. Le bey choisit, sous la pression de ses créanciers, de transférer la facture vers le peuple en augmentant de 100 % la mejba, l’impôt personnel.

Des profits juteux grâce aux « valeurs à turban »
La mesure provoque en 1864 une rébellion générale. Les insurgés accusent le gouvernement d’avoir vendu le pays aux Français. Le bey tente par la force d’extorquer un maximum d’impôts et d’amendes à la population. Son échec l’oblige à monter avec le banquier Erlanger un nouvel emprunt en mars 1865 d’un montant de 36,78 millions de francs à des conditions encore plus mauvaises et scandaleuses qu’en 1863. Cette fois, un titre de 500 francs vendu 480 francs en 1863 ne l’est plus qu’à 380 francs, à peine 76 % de sa valeur faciale. Résultat, l’emprunteur s’endette pour 36,78 millions, cependant il ne reçoit qu’un peu moins de 20 millions. Les frais de courtage et les commissions prélevées par le banquier Erlanger et ses associés Morpurgo-Oppenheim s’élèvent à 18 %, plus près de 3 millions détournés directement par moitié par les banquiers et par moitié par le premier ministre et ses associés. La somme à rembourser en 15 ans s’élève à 75,4 millions de francs.

Les banquiers ont réalisé une très bonne affaire: ils ont prélevé à l’émission environ 6,5 millions de francs sous forme de commissions, de frais de courtage et de vol pur et simple. Tous les titres ont été vendus en quelques jours. Il règne à Paris une euphorie à propos des titres des pays musulmans (Tunisie, Empire ottoman, Égypte), désignés comme les « valeurs à turban », les banquiers payant la presse pour publier des informations rassurantes sur les réalités locales.

À la merci des créanciers
Les nouvelles dettes accumulées au cours des années 1863-1865 mettent la Tunisie à la merci de ses créanciers extérieurs ainsi que de la France. Il lui est tout simplement impossible de rembourser les échéances. L’année 1867 est une très mauvaise année agricole. Pressé de se procurer des devises, le bey privilégie l’exportation des produits agricoles au détriment du marché intérieur, avec à la clef d’abord la disette dans plusieurs provinces de la régence, puis une épidémie de choléra.

En avril 1868, sous la dictée des représentants de la France, le bey établit la Commission internationale financière. Le texte du décret du 5 juillet 1869 constitue un véritable acte de soumission aux créanciers. L’article 9, particulièrement important, indique très clairement que la Commission percevra tous les revenus de l’État sans exception. L’article 10, décisif pour les banquiers, prévoit qu’ils y auront deux représentants. L’une des tâches principales de la commission — la plus urgente — est de restructurer la dette. Aucune réduction de dette n’est accordée à la Tunisie. Au contraire, les banquiers obtiennent qu’elle soit portée à 125 millions de francs. C’est une victoire totale pour ces derniers, représentés par les délégués d’Alphonse Pinard et d’Émile Erlanger qui ont racheté en bourse des obligations de 1863 ou de 1865 à 135 ou 150 francs. Ils obtiennent grâce à la restructuration de 1870 un échange de titres quasiment au prix de 500 francs.
Les autorités tunisiennes sont complices de ce pillage. Le Premier ministre Mustapha Khaznadar, d’autres dignitaires du régime — sans oublier d’autres Tunisiens fortunés qui détenaient également des titres de la dette interne — font d’énormes profits lors de la restructuration.

Indemnisés et largement satisfaits, Pinard et Erlanger se retirent alors de Tunisie. Émile Erlanger construit un empire financier, notamment grâce à ses opérations tunisiennes, met la main sur le Crédit mobilier de Paris et, quelques années plus tard, sur la grande agence de presse Havas. De son côté, Alphonse Pinard poursuit ses activités en France et dans le monde, participe à la création de la Société générale (l’une des trois principales banques françaises aujourd’hui) ainsi qu’à une autre banque qui s’est transformée au cours du temps en BNP Paribas (la principale banque française actuelle).

Mise sous tutelle
Depuis la conquête de l’Algérie à partir de 1830, Paris considère que la France a plus qu’un droit de regard sur la Tunisie. Encore faut-il trouver le prétexte et le moment opportun. Dans la région, l’Égypte a la priorité pour des raisons géostratégiques: la possibilité d’avoir un accès direct à l’Asie avec l’ouverture du canal de Suez entre la Méditerranée et la mer Rouge en 1869; l’accès à l’Afrique noire par le Nil; la proximité de l’Orient par voie terrestre; le potentiel agricole de l’Égypte; la concurrence entre le Royaume-Uni et la France (celui des deux pays qui contrôlera l’Égypte aura un avantage stratégique sur l’autre).

Lors du Congrès de Berlin en juin 1878 qui partage l’Afrique, tant l’Allemagne que l’Angleterre abandonnent à la France la Tunisie — qui ne présente aucun attrait pour l’Allemagne. Pour le chancelier allemand Otto von Bismarck, si la France se concentre sur la conquête de la Tunisie avec son accord, elle sera moins encline à récupérer l’Alsace-Lorraine. Le Royaume-Uni, qui donne la priorité à la Méditerranée orientale (Chypre, Égypte, Syrie…), voit aussi d’un bon œil que la France soit occupée à l’ouest en Tunisie.

La diplomatie française n’a de cesse de provoquer un incident ou de trouver un prétexte qui justifie une intervention de la France. Le conflit entre la tribu algérienne des Ouled Nahd et les Kroumirs tunisiens est l’occasion de lancer une intervention militaire française de grande ampleur. 24.000 soldats sont envoyés contre les Kroumirs. Le traité du 12 mai 1881 signé entre le bey de Tunis et le gouvernement français instaure un protectorat français en Tunisie. La leçon ne doit pas être oubliée.


La dette, antichambre de la conquête coloniale de l’Égypte
par Eric Toussaint
Orient XXI - 12 jul 2016
http://orientxxi.info/magazine/la-dette-antichambre-de-la-conquete-coloniale-de-l-egypte,1399


L’Égypte encore sous tutelle ottomane entame au cours de la première moitié du XIXe siècle un vaste effort d’industrialisation et de modernisation. George Corm en résume ainsi l’enjeu: « C’est évidemment en Égypte que Mohammed Ali fera l’œuvre la plus marquante en créant des manufactures d’État, jetant ainsi les bases d’un capitalisme d’État qui ne manque pas de rappeler l’expérience japonaise du Meiji » (1). Cet effort d’industrialisation se poursuit tout au long de la première moitié du XIXe siècle, sans recours à l’endettement extérieur. Les ressources internes sont mobilisées en priorité. En 1839-1840, une intervention militaire conjointe du Royaume-Uni et de la France, suivie un peu plus tard d’une seconde agression, cette fois du Royaume-Uni et de l’Autriche-Hongrie, obligent le gouverneur d’Égypte (2) Méhémet Ali à renoncer à la Syrie et à la Palestine, alors sous domination ottomane.

Un tournant radical est pris à partir de la seconde moitié du siècle. Les successeurs de Méhémet Ali adoptent le libre-échange sous la pression du Royaume-Uni, démantèlent des monopoles publics et recourent massivement aux emprunts extérieurs. C’est le début de la fin. L’ère des dettes égyptiennes commence: les infrastructures de l’Égypte seront abandonnées aux puissances occidentales, aux banquiers européens et aux entrepreneurs peu scrupuleux.

Entre les années 1850 et 1876, les banquiers de Londres, de Paris et d’autres places financières cherchent activement à placer leurs capitaux tant en Égypte que dans l’Empire ottoman et dans d’autres continents. Dans un premier temps, le nouveau modèle fondé sur l’endettement et le libre-échange semble bien fonctionner, mais cet apparent succès tient à des facteurs extérieurs que ne maîtrisent pas les autorités égyptiennes, telle la guerre de Sécession en Amérique du Nord qui provoque la chute des exportations américaines de coton, les premières du monde. Cela fait monter très fortement le prix du coton sur le marché mondial. Les revenus d’exportation de l’Égypte, productrice de coton, explosent. Cela amène le gouvernement d’Ismaïl Pacha à accepter encore plus de prêts des banques (britanniques et françaises principalement). À la fin de la guerre de Sécession, les exportations américaines reprennent et le cours du coton s’effondre. L’Égypte dépend des devises que lui procure la vente de son coton, principalement à l’industrie textile britannique, pour rembourser sa dette aux banquiers européens.

Trente ans d’emprunts impossibles à rembourser
En 1876, la dette égyptienne atteint 68,5 millions de livres sterling (contre 3 millions en 1863). Le service de la dette absorbe les 2/3 des revenus du pays et la moitié des revenus d’exportation. Les montants encaissés par l’Égypte restent faibles, tandis que les banquiers exigent et reçoivent en retour des montants très élevés. Prenons l’emprunt de 1862 : les banquiers européens émettent des titres égyptiens pour une valeur nominale de 3,3 millions de livres sterling, vendus à 83 % de leur valeur nominale. L’Égypte ne reçoit que 2,5 millions de livres, desquelles il faut encore déduire la commission prélevée par les banquiers. Le montant que doit rembourser l’Égypte en 30 ans s’élève à près de 8 millions de livres si on prend en compte l’amortissement du capital et le paiement des intérêts.

Autre exemple, l’emprunt de 1873: les banquiers européens émettent des titres égyptiens pour une valeur nominale de 32 millions de livres et ils les vendent avec un rabais de 30 %. En conséquence, l’Égypte ne reçoit qu’un peu moins de 20 millions de livres. Le montant à rembourser en 30 ans s’élève à 77 millions de livres (intérêt réel de 11 % + amortissement du capital). Cet alourdissement de la dette et les taux d’intérêt exigés sont intenables. Les conditions financières imposées par les banquiers rendent impossible le remboursement. L’Égypte doit constamment emprunter afin d’être en mesure de poursuivre les paiements dus sur les anciennes dettes.

En 1875, pris à la gorge par les créanciers, l’Égypte cède au gouvernement du Royaume-Uni sa participation dans le canal de Suez inauguré en 1869. Le produit de la vente des 176.602 actions Suez que détenait l’Égypte — soit près de la moitié du capital de la Compagnie de Suez — au gouvernement britannique à la fin de novembre 1875 finance les échéances de paiement de la dette de décembre 1875 et de janvier 1876 qui étaient particulièrement lourdes.

Finalement, malgré des efforts désespérés pour rembourser la dette, l’Égypte est amenée à en suspendre le paiement en 1876. Il est important de souligner qu’au cours de cette même année 1876, l’Empire ottoman, le Pérou (à l’époque l’une des principales économies d’Amérique du Sud) et l’Uruguay se déclarent en cessation de paiement. Il faut donc en chercher les causes au plan international. Une crise bancaire éclate à New York, Francfort, Berlin et à Vienne en 1873 et affecte progressivement la City de Londres. Ainsi, la volonté de prêter à des pays périphériques se réduit fortement. Or, ces pays avaient constamment besoin d’emprunter pour rembourser les anciennes dettes.

Accords tacites entre Londres, Paris et Berlin
Les gouvernements de Londres et de Paris, bien que concurrents, s’entendent pour soumettre l’Égypte à leur tutelle via la Caisse de la dette qui a la mainmise sur une partie des impôts et que les représentants du Royaume-Uni et de la France dirigent. Sa mise en place est suivie d’une restructuration de la dette égyptienne qui satisfait les banquiers, car sans aucune réduction de l’encours. Le taux d’intérêt est fixé à un niveau élevé, 7 %, et les remboursements portés à 65 ans. Une rente confortable est assurée aux épargnants européens, garantie à la fois par la France, le Royaume-Uni et par les revenus de l’Égypte dans lesquels la Caisse de la Dette publique peut puiser.

Le Royaume-Uni, de loin la première puissance européenne et mondiale, entend contrôler et dominer entièrement la Méditerranée orientale qui gagne en importance grâce au canal de Suez, accès direct à la route maritime des Indes britanniques et de l’Asie. Il souhaite marginaliser la France, qui exerce une influence certaine en Égypte à cause des banques et du canal de Suez dont la construction a été financée via la bourse de Paris. Afin que Paris laisse entièrement la place à Londres, il faut tout d’abord satisfaire les intérêts des banquiers français, très liés aux autorités de leur pays, et offrir une compensation dans une autre partie de la Méditerranée. C’est là qu’intervient un accord tacite entre Londres et Paris: l’Égypte reviendra au Royaume-Uni tandis que la Tunisie passera sous le contrôle de la France. En 1876-1878, le calendrier exact n’est pas encore fixé, mais la perspective est claire.

L’avenir de la Tunisie et de l’Égypte ne se règle pas seulement entre la France et le Royaume-Uni. L’Allemagne, qui vient d’être unifiée et qui est la principale puissance européenne montante à côté du Royaume-Uni, a son mot à dire. Otto von Bismarck, le chancelier allemand, a déclaré à maintes reprises lors de conversations diplomatiques secrètes qu’il ne prendrait pas ombrage d’une prise de contrôle de l’Égypte par Londres et d’une prise de contrôle de la Tunisie par la France. En contrepartie, l’Allemagne veut avoir le champ libre dans d’autres parties du monde. En somme, le sort réservé à l’Égypte et à la Tunisie préfigure le grand partage de l’Afrique auquel les puissances européennes se livreront, quelques années plus tard, lors d’une autre conférence à Berlin tenue en 1885 (3).

Sous domination britannique
Dans le cas de l’Égypte et de la Tunisie, la dette a constitué l’arme la plus puissante utilisée par des puissances européennes pour assurer leur domination, en les menant jusqu’à la soumission totale de pays qui jouissaient jusque-là d’une véritable indépendance. La Caisse de la dette publique impose à l’Égypte des mesures d’austérité très impopulaires qui génèrent une rébellion militaire; le général Ahmed Orabi défend des positions nationalistes et résiste aux diktats des puissances européennes. Le Royaume-Uni et la France en prennent prétexte pour envoyer un corps expéditionnaire à Alexandrie en 1882. Finalement, le Royaume-Uni entre en guerre contre l’armée égyptienne, occupe militairement de manière permanente le pays et le transforme en protectorat. Sous domination britannique, le développement de l’Égypte sera largement bloqué et soumis aux intérêts de Londres. Comme l’écrivait Rosa Luxemburg en 1913, « l’économie égyptienne a été engloutie dans une très large mesure par le capital européen. D’immenses étendues de terres, des forces de travail considérables et une masse de produits transférés à l’État sous forme d’impôts ont été finalement transformés en capital européen et accumulés ». (4).

La Caisse de la dette publique ne sera supprimée qu’en juillet 1940. L’accord imposé à l’Égypte par le Royaume-Uni en 1940 prolonge la domination financière et coloniale, et Londres obtient la poursuite des remboursements d’une dette devenue perpétuelle. Il faudra le renversement de la monarchie égyptienne en 1952 par Gamal Abdel Nasser et la nationalisation du canal de Suez le 26 juillet 1956 pour que, pendant une quinzaine d’années, l’Égypte tente à nouveau un développement partiellement autonome.


(1) Georges Corm, « L’endettement des pays en voie de développement: origine et mécanisme » in Sanchez Arnau, J.-C. coord. Dette et développement (mécanismes et conséquences de l’endettement du Tiers-monde, Publisud, 1982; p. 39).
(2) NDLR. L’empire ottoman donnait à Méhémet Ali le titre de wali, c’est-à-dire de gouverneur, mais lui se désignait comme khédive (suzerain, seigneur ou vice-roi en persan), même si ce titre n’a été officiellement reconnu qu’en 1867 à son petit-fils Ibrahim Pacha et la création d’un khédivat d’Égypte (1867-1914).
(3) Henri Wesseling, Le partage de l’Afrique - 1880-1914, Denoël (Folio Histoire, 2002), 1996.
(4) Rosa Luxemburg, L’Accumulation du capital, Maspero, vol. II, 1969; p. 104.