Le Monde d'Antigone

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Dernière mise à jour : 21.12.2025
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Les Russes veulent rester les maîtres de l’Arctique

Publié le 09/07/2016 à 08:02 par monde-antigone


Les Russes veulent rester les maîtres de l’Arctique
par Olivier Wurlod
24heures - 08 jul 2016
http://www.24heures.ch/monde/russes-veulent-rester-maitres-arctique/story/24877325


Dans l’un des salons clinquants du Lénine, le tout premier brise-glace nucléaire de l’histoire russe, il fixe l’assistance de son regard froid. Non pas Vyacheslav Ruksha, le patron tout-puissant de Rosatomflot qui nous accueille dans ce fleuron de la flotte russe aujourd’hui transformé en musée, mais le vice-amiral Stepan Ossipovitch Makarov depuis son portrait accroché à l’un des murs. « Je vous parle sous sa surveillance, lui qui a imaginé et construit en 1898 le Yermak, le tout premier brise-glace russe », signale celui à qui Moscou a confié la tâche de conserver le leadership actuel de la Russie sur les mers glacées de l’Arctique.

Contrairement à ses navires, Vyacheslav Ruksha peine à briser la glace. Ses propos traduisent rapidement une radicalité glaçante. Prenez le réchauffement climatique. Il considère qu’il s’agit d’une farce inventée de toutes pièces par les scientifiques occidentaux. « Il y a toujours autant de glace dans le Nord », assure-t-il, en donnant l’exemple de la Hollande, dont les habitants ne seraient plus champions de patin à glace si leurs canaux avaient cessé de geler.

Voilà pour l’absurde, qui se transforme même en caricature lorsqu’il s’agit de parler de l’Europe. Vieille et surtout complètement dépassée. « Vous (ndlr: les Européens) ne voulez plus de notre pétrole et de notre gaz (ndlr: en allusion aux récentes sanctions occidentales infligées à la Russie). Tant pis pour vous, nous irons les vendre directement en Asie », assure le patron de Rosatomflot. Il est d’ail­leurs persuadé que, dans la décennie à venir, le port géant de Rotterdam aura perdu son leadership sur le marché du pétrole.

Aussi extrêmes, simples et caricaturaux soient-ils, les propos du patron russe apparaissent surtout extrêmement politisés. La Russie a un message à faire passer aux Européens (et aux Suisses) et ce genre de rencontre avec des journalistes étrangers en est le vecteur le plus efficace. A se demander toutefois si, à force de rabâcher avec force et vigueur que vous ne craignez rien ni personne, le résultat ne s’inverse pas au final et illustre des inquiétudes qui se propagent dans la mère patrie à l’économie de plus en plus fragilisée. Pour l’année 2016, la Banque mondiale s’attend désormais à un recul du PIB russe de 1,2 %.

Les enjeux de la route du Nord - Quoi qu’il en soit, pour les Russes, l’avenir se situe clairement à l’Est. Répondre à la soif insatiable de matières premières des Chinois et des Indiens (pétrole, gaz et charbon en tête), voilà le grand enjeu de la prochaine décennie. Et pour l’atteindre, l’accès à la route maritime du Nord (RMN) est prioritaire. Après un passage à vide au sommet de la dernière crise économique mondiale en 2008, il apparaît en effet que de plus en plus de marchandises circulent par cette voie. Rosatomflot le constate chaque jour un peu plus. « Nous avons signé quelques gros contrats, dont l’un avec Gazprom », explique Vyacheslav Ruksha, convaincu que les affaires vont continuer de croître ces prochaines années. D’ici à 2030, le Ministère des transports russe espère faire circuler par le Nord du fret à hauteur de 50 à 80 millions de tonnes par an.

De quoi faire rêver Mourmansk, cette vieille ville délabrée dont le port ne gèle jamais grâce au passage des courants chauds du Gulf Stream. Celle qui abrite la flotte des brise-glace nucléaires s’affirme en effet comme la véritable tête de pont de cette nouvelle route vers l’Est et fantasme déjà sur les retombées économiques qui devraient s’ensuivre. Pour le moment toutefois, les débouchés restent limités, et cela risque de durer tant que le prix des matières premières ne repartira pas à la hausse !

Afin d’atteindre ses objectifs, la Russie ne lésine pas sur les moyens. Elle vient d’investir près de 2 milliards de dollars dans la conception de son dernier géant des mers: l’Arktika. Le 16 juin dernier, à Saint-Pétersbourg, le plus grand brise-glace nucléaire de l’histoire était mis à l’eau. Il n’entrera toutefois en fonction qu’à partir de la fin de l’année prochaine. D’ici à 2020, deux autres navires devraient le rejoindre: le Sibir et l’Oural. Capables de briser jusqu’à 3 mètres de glace, les trois bateaux devraient pouvoir en escorter d’autres tout au long de l’année et remplacer la flotte actuelle de plus en plus vieillissante.

Reste la grande inconnue: combien de temps les Russes pourront-ils rester les maîtres de l’Arctique ? Si les Européens peinent encore à croire au véritable potentiel de cette voie maritime vers l’Est, l’hypothèse que les Chinois viennent un jour empiéter sur les plates-bandes russes circule. Depuis 2012, le Dragon des Neiges, premier brise-glace scientifique (mais non nucléaire) chinois, circule dans la région et illustre des velléités croissantes de Pékin sur cette route maritime du Nord. En 2014, le 24 décembre, il venait même au secours d’un navire russe piégé par les glaces. Et si la Chine bâtissait sa propre flotte de brise-glace nucléaires pour cesser de payer les lourdes taxes imposées par les Russes ? Cette idée ne semble pas perturber le sommeil de Vyacheslav Ruksha. Selon lui, son pays a une quinzaine d’années d’avance technologique sur les Chinois dans ce domaine. « L’Arctique, c’est notre territoire ! Nous continuerons d’en assurer la sécurité et à y faire de l’argent », décrétait il y a un an Dmitri Rogozine, le vice-premier ministre russe.


La Russie veut développer sa flotte de l'Arctique grâce à un nouveau chantier naval
AFP, Romandie news - 25 fev 2016
http://www.romandie.com/news/La-Russie-veut-developper-sa-flotte-de-lArctique-grace-a-un-nouveau-chantier-naval_RP/679840.rom


MOSCOU - La Russie a entamé la construction d'un grand chantier naval dans son Extrême-Orient destiné à produire d'ici 2024 des supertankers et des plateformes flottantes pour l'exploitation des ressources de l'Arctique, ont annoncé jeudi les autorités russes. Ce sera le chantier naval le plus grand et le plus moderne de Russie, ainsi que le premier spécialisé dans la construction navale à grand tonnage, s'est félicité dans une interview au quotidien Rossiskaïa Gazeta le chef du Conseil de Sécurité russe, Nikolaï Patrouchev. Ce nouveau chantier naval baptisé Zvezda (Etoile) et situé à Bolchoï Kamen, à 40 km de Vladivostok, doit commencer à produire des tankers et brise-glaces d'un tirant d'eau de 350.000 tonnes d'ici à 2020 et être pleinement opérationnel en 2024, selon M. Patrouchev.

Les projets de Moscou risquent néanmoins d'être affectés par des difficultés liées au climat et à la logistique, au manque de personnel qualifié, et aux répercussions des sanctions économiques occidentales décrétées sur fond de crise ukrainienne. Début août, la Russie a revendiqué devant les Nations unies, preuves scientifiques à l'appui, la souveraineté sur 1,2 million de km² dans l'Arctique, ambitionnant d'exploiter ses vastes ressources de pétrole et de gaz. Si cette demande était reconnue comme légitime, elle donnerait potentiellement à la Russie l'accès à des réserves d'hydrocarbures d'un total de 4,9 milliards de tonnes, selon le gouvernement russe. "Le plateau continental russe, et en particulier dans l'Arctique, est la zone dans laquelle nous attendons la plus grande croissance des ressources et des réserves en pétrole, ainsi que la découverte de gisements importants", a souligné M. Patrouchev.

En outre, la fonte des glaciers pourrait ouvrir de nouvelles routes maritimes pour le commerce pendant l'été dès 2050, selon certaines études scientifiques. La Russie a en outre multiplié depuis plusieurs années les manoeuvres militaires d'ampleur dans la région, mettant l'accent sur l'importance stratégique de la zone pour le pays, qui se rêve en principale puissance de l'Arctique.


L'extraction du pétrole démarre en mer de Barents
AFP, Romandie news - 13 mar 2016
http://www.romandie.com/news/Lextraction-du-petrole-demarre-en-mer-de-Barents/684972.rom


OSLO - L'industrie pétrolière a franchi un cap avec les débuts de l'extraction du pétrole pour la première fois en mer de Barents, dans les eaux norvégiennes, a indiqué dimanche l'exploitant du puits, l'italien ENI. La plateforme Goliat, qui exploite ainsi le champ pétrolier marin le plus septentrional au monde, a été mise en service samedi soir, a indiqué à l'AFP un responsable du groupe qui a requis l'anonymat. "Nous sommes vraiment ravis d'y être arrivés. C'est d'une importance stratégique pour la Norvège, pour le secteur, et bien sûr pour ENI", a-t-il déclaré. La plateforme est située près du cap Nord, à 88 km au nord-ouest de la ville de Hammerfest. ENI détient 65 % des droits, et le géant norvégien Statoil les 35 % restants.

Depuis la découverte en 2000 de son potentiel en pétrole (179 millions de barils estimés), le projet s'est heurté à des difficultés techniques et des surcoûts. Mais ses promoteurs, qui y ont investi quelque 6 milliards d'euros, n'ont pas été rebutés par la baisse des cours [Ni par les coûts d'extraction qui sont supérieurs à 100 € le baril; ndc], et ENI vise à terme 100.000 barils par jour. La Norvège, qui a bâti son immense richesse sur la manne des hydrocarbures en mer du Nord ces 40 dernières années, voit sa production décliner depuis un pic en 2001.

Le pari de miser sur l'Arctique se heurte aux coûts et aux défis techniques de l'exploitation dans cette région éloignée des infrastructures bâties sur la côte ouest de la Norvège, aux conditions climatiques extrêmes, et où les questions d'environnement sont encore plus sensibles. Plusieurs champs de gaz naturel sont déjà exploités en mer de Barents, dans les eaux norvégiennes et russes.


L'interview qui suit est tirée d'un média russe. Interessant parce que c'est une illustration éclairante de l'investissement à long terme que compte faire la Russie dans la région arctique. Dans ses projets, le développement du port de Mourmansk occupe une place centrale.


Mourmansk, future reine du pétrole arctique ?
Entretien avec Olga Boutch, directrice générale de MurmanShelf, l’association des sous-traitants des projets arctiques à Mourmansk
Propos recueillis par Thomas Gras
Le Courrier de Russie — 05 janvier 2016 
http://www.lecourrierderussie.com/economie/2016/01/mourmansk-reine-petrole-arctique/


Plus grand port sur l’océan glacial Arctique, Mourmansk est assise sur une mine d’or. À quelques centaines de kilomètres de ses côtes, dans les profondeurs de la partie russe du plateau continental arctique, se trouve une des plus importantes réserves d’hydrocarbures inexploitées du monde (100 milliards de tonnes). Comment la ville évalue-t-elle cette richesse ?


Le gisement de Chtokman, situé à 550 km des côtes de Mourmansk, est l’une des plus grandes réserves de gaz naturel du monde (3.900 milliards de m³). Initié par Gazprom il y a 10 ans, le projet d’exploitation de ce site devait dynamiser la région. Mais en 2012, il a été gelé car jugé trop coûteux. Comment Mourmansk vit-elle cette longue attente ?
Le projet n’est pas rentable à l’heure actuelle. Les technologies de forage en mer dans des conditions climatiques polaires sont très onéreuses, alors que le cours du Brent se trouve bien au-dessous des 120 $ le baril nécessaires à un retour sur investissement intéressant [les prix des contrats de gaz naturel sont indexés sur le cours du Brent, ndlr]. Néanmoins, même si l’exploitation n’a pas débuté, ces années de discussions ont apporté énormément à la ville. Chtokman a tiré vers l’avant l’industrie locale en la poussant à se moderniser et à enrichir ses compétences. Nombre de conférences et séminaires ont été organisés. Les entreprises et les sous-traitants de Mourmansk ont découvert de nouvelles méthodes de gestion, comme les normes de certification internationales, et évalué leurs propres capacités de production. Cela a donné lieu à la formation de pôles de compétitivité et d’unions d’entreprises, qui ont participé et parfois remporté d’importants appels d’offres au niveau local et dans d’autres régions.


Quels projets arctiques sont aujourd’hui actifs dans la région de Mourmansk ?
Trois grands chantiers sont actuellement en cours. Le premier est dirigé par la société Novatek, qui construit près du village de Belokamenka un centre de fabrication de plates-formes pétrolières, dont la mise en exploitation est prévue pour 2017. Le deuxième projet concerne la création par Gazprom d’une base de stockage sur le territoire du port de pêche de Mourmansk. Enfin, la société Rosneft construit un chantier naval dans le village de Rosliakovo.


L’Union européenne a adopté en juillet 2014 des sanctions économiques contre la Russie, qui interdisent notamment à ses entreprises d’exporter vers la Fédération des technologies et des biens dans les secteurs de la prospection, de l’exploration et de la production pétrolière, gazière et minière. Quel est l’impact de ces mesures à Mourmansk ?
Toute action a des effets positifs et négatifs. Certes, la région souffre des sanctions, car ses compagnies pétro-gazières achetaient beaucoup de matériel de forage et de raffinement à l’étranger. Le secteur continue de se développer, mais plus lentement que prévu. Mais dans le même temps, les entreprises ont pris conscience de la nécessité de produire localement. Le projet de construction de plates-formes de Novatek est d’une certaine façon une réponse aux mesures européennes. Et puis, les sanctions n’interdisent pas les échanges de connaissances, et les Russes continuent de collaborer avec les étrangers en la matière.


Comment se déroule le processus de substitution aux importations de ces matériels et technologies ?
La substitution aux importations passe par la localisation de la production. Pour continuer à travailler en Russie, une société étrangère doit ouvrir un site sur le territoire. Quant aux compagnies russes souhaitant fabriquer des produits de substitution, elles doivent absolument procéder de façon constructive et intelligente. La substitution ne peut fonctionner que si le produit de remplacement est d’une qualité équivalente, sinon, ce travail risque de n’avoir aucun impact positif sur le long terme. Car les sanctions ne sont pas éternelles – et dès qu’elles auront été levées, les technologies étrangères réapparaîtront et la loi du marché reprendra le dessus.


Quel rôle Mourmansk entend-elle jouer dans le développement de la zone arctique ?
La question a été longuement traitée par les acteurs locaux, qui sont arrivés à la conclusion que Mourmansk pouvait se positionner comme une base arrière de ravitaillement. La ville possède des infrastructures de production, d’assemblage et de transport, des ressources électriques, un port qui ne gèle jamais en hiver et un important capital humain. Depuis 10 ans, son université forme en outre des spécialistes du secteur pétrolier et gazier.


Dans son discours annuel, le 3 décembre, Vladimir Poutine a d’ailleurs qualifié l’aménagement du Pôle de transport de Mourmansk de « projet prioritaire du gouvernement »…
Il s’agit effectivement d’élargir les capacités du port et de résoudre un certain nombre de problèmes, tels le goulot d’étranglement des voies ferrées, la modernisation du réseau ferroviaire et l’augmentation des capacités du réseau électrique. Le port a un besoin urgent de se développer s’il veut répondre à toutes les demandes qui suivront le développement du passage du Nord-Est, ou Route maritime du Nord, et des projets arctiques, mais aussi pour assurer le maintien de ses activités actuelles de pêche et de commerce.


Qu’est-ce que Mourmansk attend du passage du Nord-Est ?
Beaucoup. À l’époque soviétique, il était davantage emprunté qu’aujourd’hui, permettant notamment de relier au reste du pays les villes russes du Nord privées de routes, telle Norilsk. De nos jours, il ne sert au passage que de quelques dizaines de navires par an, étrangers et russes confondus [46 en 2012, 71 en 2013, 31 en 2014, ndlr]. La Route maritime du Nord est plus courte que le passage à travers le canal de Suez, mais très difficile à naviguer, et elle a besoin d’être modernisée au niveau des liaisons radios et des services de secours. Son développement sera extrêmement positif pour Mourmansk, naturellement impliquée dans ce trajet car elle abrite la flotte russe de brise-glaces nucléaires qui accompagnent les navires, ainsi que tous les divers services de coordination du trafic maritime.


Quel est le niveau de collaboration économique de la région avec ses voisins scandinaves ?
Chacun des pays sur lesquels s’étend la région arctique a sa spécialité. Et nous, c’est avec la Norvège que nous avons le plus de liens. À ce jour, 31 compagnies norvégiennes sont présentes à Mourmansk, opérant principalement dans les secteurs pétro-gazier et de la pêche. Les Norvégiens possèdent énormément de technologies d’extraction et de forage, dont ont besoin les sociétés russes, qui, elles, sont très performantes dans l’étude des sols. Et puis, les Finlandais apportent beaucoup en matière de techniques du froid, tels les vêtements ou les équipements de secours. Les Suédois, en revanche, sont très peu présents chez nous.


Pensez-vous vraiment que l’Arctique puisse devenir le « futur eldorado de l’or noir », malgré les conditions climatiques extrêmes ?
À mon avis, c’est inévitable ! Forer en mer coûte aujourd’hui trop cher par rapport aux cours des matières premières, comme je vous l’ai expliqué, mais dans 50 ou 100 ans, quand les gisements accessibles et peu coûteux à exploiter seront épuisés, le monde se tournera forcément vers les très riches puits de l’Arctique. Et Mourmansk doit s’y préparer, si elle veut jouer un rôle central dans l’exploitation et le transport de ces ressources pétro-gazières.


Notes
L’association MurmanShelf, créée en 2006 en marge du projet Chtokman, regroupe près de 180 sous-traitants et entreprises, dont 60 compagnies étrangères (dont une française: Technip). L’objectif initial de cette organisation indépendante était d’améliorer le niveau global des sous-traitants de la région de Mourmansk afin qu’ils participent à Chtokman. L’association couvre désormais tous les projets liés à l’Arctique.

Le gisement de Chtokman, découvert en 1988, est l’une des plus importantes réserves de gaz naturel du monde. Il est situé dans la partie russe de la mer de Barents, à 550 km au nord de la péninsule de Kola et à 350 m de profondeur. Ses réserves sont estimées à 3 900 milliards de m³ de gaz, soit quelque 2 % des réserves mondiales. En septembre 2005, Gazprom a lancé un appel d’offres international pour créer un consortium visant à l’exploitation du gisement, avant d’être rejoint par le norvégien Statoil et le français Total. Le coût du développement du projet, estimé au départ à 15 milliards de dollars, a été finalement revu à 30 milliards au moins au vu de toutes les difficultés. Statoil s’est retiré du projet en août 2012, suivi par Total en juin 2015. Gazprom a annoncé que le projet reprendrait lorsque la technologie et/ou les conditions du marché seront plus favorables.

Le passage du Nord-Est, ou Route maritime du Nord, est une voie maritime reliant l’océan Atlantique à l’océan Pacifique par la côte nord de la Russie. La plupart du trajet passe par les mers arctiques. C’est le plus court chemin de l’Europe à l’Asie. Il n’est navigable qu’en été, mais des chenaux de navigation sont ouverts par de puissants brise-glaces nucléaires russes pour allonger au maximum la période de navigation possible sur cette voie stratégique.


Russie: Lancement d'un terminal pétrolier essentiel pour l'exploitation de l'Arctique
AFP, Romandie news - 25 mai 2016
http://www.romandie.com/news/Russie-lancement-dun-terminal-petrolier-essentiel-pour-lexploitation-de-lArctique/706376.rom


MOSCOU - Le président russe Vladimir Poutine a inauguré mercredi un terminal pétrolier sur la péninsule de Yamal, dans l'Arctique, capable de fonctionner toute l'année dans des conditions extrêmes et devant constituer une étape essentielle dans l'exploitation des vastes ressources de cette région. Par vidéoconférence depuis le Kremlin, M. Poutine a ordonné le chargement d'un premier cargo au terminal Vorota Artiki (Portes de l'Arctique), avec du pétrole du gisement Novoportovskoïé, exploité par Gazprom Neft, la branche pétrolière du géant gazier Gazprom. "Nous marquons aujourd'hui une nouvelle étape dans l'exploitation du gisement Novoportovskoïé, c'est un événement significatif, important", a-t-il déclaré, cité par les agences russes.

Ce projet est l'un des plus coûteux de l'industrie pétrolière en Russie. En 3 ans, 186 milliards de roubles ont été orientés à la réalisation de ce projet, soit 2,5 milliards d'euros au taux de change actuel, a-t-il souligné. Le gisement de Novoportovskoïé est considéré comme l'un des plus riches de la péninsule de Yamal, avec des réserves estimées à 250 millions de tonnes de pétrole et plus de 320 milliards de m3 de gaz. Loin du réseau d'oléoducs, il nécessite le transport du pétrole par bateau via un port qui fonctionnait déjà en période estivale depuis 2014 mais le nouveau terminal inauguré mercredi permet désormais des chargements toute l'année dans des conditions climatiques extrêmes. La capacité de ce terminal, relié au gisement par un oléoduc de 100 km, est prévue à 8,5 millions de tonnes par an. Sa construction a nécessité l'utilisation des technologies les plus récentes qui en font un édifice unique capable de travailler dans des conditions naturelles et climatiques extrêmes avec des températures de -50°C et une couche de glace pouvant dépasser 2 m, a souligné Gazprom dans un communiqué.

C'est une étape importante pour le développement du secteur pétrolier arctique et subarctique, a estimé Valéri Nesterov, analyste de la banque Sberbank CIB interrogé par l'AFP, qui parle d'une expérience unique. La Russie produit déjà des hydrocarbures au nord du cercle polaire mais elle cherche à aller plus loin dans l'exploitation de ces ressources, en allant les chercher dans des régions de plus en plus isolées comme la péninsule de Yamal. Sur cette même bande de terre, le groupe gazier russe Novatek, avec des partenaires français (Total) et chinois, prépare un mégaprojet de gaz naturel liquéfié, estimé à 27 milliards de dollars, qui doit être inauguré l'année prochaine.


EDIT (23 avril 2017)


Moscou offre une visite virtuelle en 3D de sa nouvelle base militaire "Trèfle Arctique"
Radio Chine internationale - 20 avr 2017
http://french.cri.cn/621/2017/04/20/301s510324.htm


Le ministère russe de la Défense offre aux internautes l'opportunité unique de visiter "virtuellement", sur son site internet, sa nouvelle base militaire "Trèfle Arctique". Les internautes peuvent pour la première fois faire une visite interactive en 3D de l'installation permanente des forces armées russes. Situé dans l'île Terre d'Alexandra, dans la région Arctique, le complexe comportant 3 branches accueillera près de 150 personnes chargées de défendre les frontières de la Russie, l'espace aérien russe, et d'autres intérêts du pays dans la région, a déclaré le ministère.

Lors de cette visite, les internautes n'ont pas accès au nouvel équipement militaire, mais peuvent découvrir le confort des habitations de cette énorme installation. "La visite virtuelle en 3D de la base militaire montre ouvertement l'aménagement des chambres des militaires", a indiqué le ministère, ajoutant que les visiteurs peuvent également avoir un aperçu de la cantine des officiers, leur gymnase et leur salle de spectacles. "Trèfle Arctique" est une des 6 bases militaires dont Moscou a récemment finalisé l'équipement dans les îles de l'Arctique et dans la partie polaire de la Russie continentale. La mise en service de ces bases marque une étape majeure pour la Russie, dont l'objectif est la réouverture et l'agrandissement des bases militaires détenues et opérées par le pays en Arctique pendant la Guerre froide.


EDIT (18 avril 2019)


Avec le changement climatique, la Russie colonise l’Arctique
par Estelle Levresse
Reporterre - 12 avr 2019
https://reporterre.net/Avec-le-changement-climatique-la-Russie-colonise-l-Arctique


SAINT-PETERSBOURG - À l’occasion du Forum Arctique à Saint-Pétersbourg, la Russie a présenté un programme très ambitieux de développement de ports et d’infrastructures le long de la nouvelle « route maritime du Nord ». Une région stratégique, riche de ressources naturelles mais aussi écologiquement fragile et préservée, rendue accessible à cause du changement climatique.

Vladimir Poutine avait annoncé en 2018 son objectif: multiplier par 4, d’ici à 2025, le volume du trafic de fret transitant par la voie maritime du Nord pour atteindre 80 millions de tonnes par an. Le président russe a confirmé l’objectif lors du Forum international arctique à Saint-Pétersbourg, qui a réuni les 9 et 10 avril responsables politiques, chercheurs, scientifiques et environ 350 entreprises privées. C’est « un objectif réaliste, calculé et concret », a-t-il affirmé lors de la session plénière en présence de ses homologues finlandais, islandais, norvégien et suédois, venus discuter coopération, occasions de développement et protection de l’environnement dans la région arctique. « Il y a encore 10, 15 ans, ce chiffre semblait totalement inatteignable », a ajouté Vladimir Poutine.

Conséquence du réchauffement climatique, deux fois plus rapide au pôle Nord qu’ailleurs, la situation en Arctique a changé. La fonte de la banquise ouvre de nouvelles voies de navigation par le passage du Nord-Est, le plus court chemin reliant l’Europe à l’Asie. La « route maritime du Nord » — comme l’appellent les Russes — permet de gagner plusieurs milliers de kilomètres dans l’acheminement des hydrocarbures vers les marchés asiatiques — la Chine notamment — en évitant d’emprunter la route du canal de Suez. Or, ce passage, qui rejoint le détroit de Béring, longe les côtes septentrionales de la Sibérie. Et la Russie entend bien en profiter pour exploiter ses énormes richesses locales en pétrole et en gaz, mais aussi en minerais, tels que le nickel ou le cobalt.

Mikka Mered, expert en géopolitique des pôles et professeur à l’Ileri (Institut libre d’étude des relations internationales), a participé au Forum de Saint-Pétersbourg. Pour lui, la fonte des glaces n’est qu’un « facteur facilitant » de la conquête russe de l’Arctique, mue avant tout par des raisons économiques. « Le système russe est fondé sur sa rente pétrolière. Or, ses ressources d’hydrocarbures, exploitées dans le sud-ouest de son territoire depuis l’ère soviétique, se tarissent petit à petit et perdent en rendement. Pour maintenir son système, le pays doit trouver des relais de croissance, c’est pourquoi il exploite l’Arctique ». Il précise que 80 % du gaz russe provient déjà de cette zone.

Le développement économique de l’Arctique est en effet une priorité nationale. « Aujourd’hui, la part de l’Arctique représente plus de 10 % de tous les investissements en Fédération de Russie, a déclaré Vladimir Poutine. Et je suis convaincu que l’importance du facteur arctique dans l’économie du pays ne fera que croître ». Quant aux conséquences de l’extraction sur l’environnement particulièrement fragile de la zone arctique, la Russie assure vouloir trouver « un équilibre entre le développement économique et la conservation de la nature arctique, la préservation de ses biosystèmes uniques et fragiles ». Pour cela, elle propose un aménagement du territoire avec des réserves naturelles protégées cohabitant avec des zones d’exploitation.

Mikka Mered note que, sur la question du réchauffement climatique, le discours de Vladimir Poutine a changé. « Désormais, le président russe dit qu’il faut s’en prémunir et s’en sert pour justifier sa stratégie de développement en Arctique. En étant très compétitive sur le marché du gaz naturel liquéfié [GNL], la Russie se positionne en soutien d’une transition énergétique douce », explique l’expert. Vladimir Poutine a rappelé que le gaz produisait beaucoup moins de CO2 que le charbon.

Construction navale, installations portuaires, bases pétrolières, réseaux de communication, système de navigation sécurisé, stations météo… la conquête de l’Arctique demande l’installation de nombreuses infrastructures logistiques dans des conditions climatiques qui restent extrêmes. Le Forum Arctique était l’occasion pour la Russie d’afficher ses réalisations et d’affirmer ses ambitions. Il visait aussi à attirer les investisseurs. Dans son allocution, Vladimir Poutine a insisté sur le « besoin de coopération », de « création d’équipes de recherche internationales » et « d’alliances d’entreprises de haute technologie ». Pour séduire les partenaires potentiels, il a annoncé la mise en place de conditions financières préférentielles sous la forme par exemple des réductions de taxes. Un projet de loi fédérale est aussi à l’étude pour créer un système d’avantages spécifiques pour les investissements en Arctique.

Dans cette région, la Fédération de Russie a déjà initié une centaine de projets, dont le plus impressionnant est sans doute l’élaboration en un temps record du site de production de gaz naturel liquéfié Yamal LNG, au-delà du cercle arctique à 2.500 km de Moscou. Mené par un consortium international, dont le groupe russe privé Novatek, le Français Total et le Chinois Chinese National Petroleum Corporation, le projet, d’un montant de 27 milliards de dollars — parmi les plus gros investissements réalisés dans le secteur —, comprenait la construction de l’aéroport et du port de Sabetta. Deux autres tranches de travaux sont prévues jusqu’en 2030. Novatek a également un projet similaire dans le Grand Nord, sur la péninsule de Gydan. Baptisé « Arctique-2 », il devrait débuter en 2022-2023, avec, à nouveau, Total comme associé.

Le programme d’expansion russe prévoit également la construction ou la rénovation de 16 ports tout au long de la côte arctique, avec deux ports principaux aux extrémités de la route maritime du Nord, à Mourmansk et à Petropavlovsk-Kamchatski. Plus une ligne de chemin de fer reliant la péninsule de Yamal. Pour « développer la science fondamentale et résoudre les problèmes pratiques et appliqués du développement de l’Arctique », un centre de recherches scientifiques et technologiques devrait aussi voir le jour. La flotte de brise-glace va être élargie. Trois nouveaux brise-glace à propulsion nucléaire sont en cours de construction à Saint-Pétersbourg. D’ici 2035, la Russie en comptera 9, contre 4 actuellement. Elle renforce également sa présence militaire avec la construction de nouvelles bases ou la réhabilitation d’anciennes bases soviétiques. Au total, 6.000 hommes y seraient déployés.

Interrogé lors du Forum Arctique sur cette « militarisation », le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a affirmé « ne menacer personne ». « Nous ne faisons rien d’autre que défendre la sécurité de notre pays (…). Nous préservons nos capacités de défense en tenant compte de la situation qui entoure notre pays ».


EDIT (16 janvier 2022)


Poutine projette la construction d’une liaison ferroviaire vers l’Arctique
AFP, Radio Canada - 16 jan 2022
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1854645/russie-mer-barents-transport-maritime


Le président russe Vladimir Poutine a chargé son gouvernement de soumettre des propositions en vue de la construction d'une liaison ferroviaire vers la côte de la mer de Barents, au nord-ouest du pays, alors que Moscou s'efforce de développer l'Arctique. Poutine a fait de la région arctique, au nord de la Russie, une priorité stratégique, et ordonné des investissements massifs dans l'infrastructure militaire et l'extraction minière. Le président russe a demandé au Premier ministre Mikhaïl Michoustine de soumettre des propositions pour la création d'une liaison ferroviaire vers la mer de Barents, a déclaré le Kremlin. La date limite pour présenter les propositions est fixée au 10 mai. Le point d'arrivée de la voie ferrée devrait être la base d'Indiga, dans la région arctique de Nenets, où la Russie espère commencer à construire dans les prochaines années un port ouvert toute l'année.

En 2018, la Finlande et la Norvège ont déclaré qu'elles étudieraient conjointement la construction d'une liaison ferroviaire arctique entre le nord de la Finlande et la côte de la mer de Barents. Le développement de la route maritime du Nord est étroitement lié à la poussée de la Russie dans l'Arctique et Moscou a investi pour cela des sommes importantes dans une flotte de brise-glace et de pétroliers.

 

27/03/2025 >> Poutine annonce, lors d'une conférence de presse, plusieurs mesures destinées à développer le Grand Nord russe, une région stratégique pour Moscou, qui a déjà modernisé plusieurs bases militaires laissées à l'abandon depuis l'époque soviétique. Poutine ordonne la rénovation des villes de cette région et le développement des ports arctiques dont celui de Mourmansk qui devra multiplier par 3 ses capacités de transport. Il demande aussi de meilleures liaisons ferroviaires entre la Sibérie, l'Oural et le Grand Nord afin de développer l'extraction de matières premières et la construction navale. « Nous augmenterons la capacité et le chiffre d'affaires de nos ports nordiques à un rythme plus rapide. Nous le ferons sur la base de solutions environnementales modernes, y compris des technologies de manutention de marchandises automatisées et sans personnel », a-t-il déclaré.