Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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La guerre pour la mainmise sur les trafics au Sahel

Publié le 05/01/2016 à 04:26 par monde-antigone


En janvier 2013, l'armée française intervenait au Sahel pour, disaient les responsables, chasser les jihadistes, sécuriser la région, en finir avec les trafics. C'était l'affaire de 6 mois. 3 ans ont passé. L'opération Serval devenue Barkhane mobilise 3.000 hommes déployés sur 5 pays. En théorie... parce qu'en réalité l'essentiel des forces est concentré, ramassé dans une base qu'elle a construite en plein désert, à Madama, à proximité de la passe de Salvador, point de passage obligé entre le Niger et la Libye. De là, l'armée observe les trafics, impuissante à y mettre fin.  Au contraire même, l'économie souterraine n'a jamais jamais été aussi florissante et l'insécurité aussi grande. L'enjeu de la guerre que se livrent les groupes armés est de contrôler la plus grosse part possible de ce marché.


Sahel: Les trafics illicites se substituent à l’économie réelle
par Gaëlle Laleix
RFI - 21 dec 2015
http://www.rfi.fr/afrique/20151221-sahel-trafics-illicites-substituent-economie-reelle


L’insécurité mine l’économie des régions sahéliennes et les trafics illicites sont devenus de véritables perfusions. 3,5 milliards de dollars, c’est ce qu’ont rapporté les trafics de drogue, d’armes et de tabac dans le Sahel entre 2013 et 2014, d’après l’ONUDC, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.

C’est dans les années 2000 que le Sahel devient la plaque tournante de cette économie parallèle. Le trafic de drogue donne le ton. Au départ de l’Amérique latine, la cocaïne notamment transite d’abord par voie maritime dans les ports du golfe de Guinée. La surveillance des côtes s’intensifie. Le centre de gravité du trafic se déplace donc vers l’Est, dans le désert sahélien. Les grosses cargaisons transportées par voies maritimes commerciales laissent place à de petites quantités qui voyagent par divers moyens allant de la voiture au petit avion. « Ces évolutions permanentes montrent la capacité de réaction et les moyens financiers considérables à disposition des trafiquants », explique le rapport du Sénat intitulé Sahel: pour une approche globale, publié en 2013. 21 tonnes de cocaïne ont ainsi traversé le désert sahélien entre 2013 et 2014.

De vastes étendues difficiles à surveiller, des zones désertées par la puissance publique, des régions en grandes difficultés économiques… le terrain sahélien est propice à la prolifération de trafics illicites d’autant que le troc, le commerce, l’échange de marchandises ont toujours fait partie de l’économie locale. « Les trafics, c’est presque culturel dans toute cette région. Mais le trafic illicite, lui, s’est intensifié depuis une quinzaine d’années, explique Pierre Delval, criminologue. D’abord parce que la misère s’installe durablement et d’autre part, parce qu’il y a des conflits armés qui intensifient les besoins d’armes et de financements ».

La drogue finance donc les groupes armés mais pas seulement. Le bétail constitue une ressource considérable, estimée à 25 milliards de dollars. Les éleveurs, qui sont près de 20 millions dans tout le Sahel, souffrent d’attaques récurrentes. « Des gens nous attaquent et volent notre bétail pour le vendre en Mauritanie ou au Burkina, se désole Mohamed ould Ali Ahmed, éleveur dans la région de Mopti au Mali. Ce sont des troupeaux énormes qu’ils enlèvent, parfois des centaines de chameaux ou de vaches. Ça fait quelques millions de francs CFA ! Aujourd’hui le circuit normal de transhumance est complètement rompu. Dans les villes, grâce à la Minusma, il y a un peu d’ordre mais dans le désert il n’y a personne. Au nord de Tombouctou, de Gao, il n’y a personne. Entre Goundam et Tombouctou c’est le tronçon le plus dangereux ».

Face à l’insécurité grandissante, beaucoup d’éleveurs, notamment les jeunes, préfèrent donc se tourner vers les activités illicites. « Les effets collatéraux de tous ces conflits, c’est la perte des parents, la perte du bétail… les jeunes sont complètement désorientés, soupire Dodo Boureima, président du réseau sahélien d’éleveurs Billital Maroobé. Sans perspectives d’avenir, il ne leur reste plus qu’à rejoindre les groupes armés ou les trafiquants. C’est leur seule alternative puisqu’ils savent qu’en ville ils ne trouveront rien ».

Ainsi, les commerces illicites s’enracinent dans la région et se substituent peu à peu à l’économie réelle. « Il y a un véritable marché qui s’est construit et une mutation professionnelle des habitants de ces zones, explique Pierre Delval. Ils ont préféré abandonner leurs métiers, éleveurs, agriculteurs ou autres pour s’adonner aux trafics illicites. Les trafiquants sont originaires de familles enracinées dans la région depuis longtemps. Ils connaissent parfaitement bien les circuits d’approvisionnement et ont tout simplement souhaité vivre un peu mieux. » Pour rompre ce cercle vicieux, le gouvernement malien a promis des investissements dans la région qui tardent à venir. Dans les villes de la bande sahélienne, les taux de pauvreté restent très forts. Ils sont de 47 % à Mopti ou Ségou et de 36 % à Kayes et Koulikouro.


La montée inexorable du terrorisme dans le Sahel
Le blog de Eric M
Médiapart - 21 dec 2015
https://blogs.mediapart.fr/eric-m/blog/211215/la-montee-inexorable-du-terrorisme-dans-le-sahel


Le Sahel, terre historique de trafics -Le Sahel a toujours été une zone délicate à contrôler. Pendant longtemps, la région était essentiellement concernée et affectée par le trafic et la contrebande de cannabis, principalement cultivé au Maroc. Dès le début des années 90, l’une des figures les plus tristement célèbres du terrorisme en Afrique, l’ancien commandant d’Aqmi, Mokhtar Belmokhtar, avait profité de la contrebande pour financer ses méfaits. Il est le commanditaire de la prise d’otages d’In Amenas en Algérie en janvier 2013 ainsi que de l’attentat de Bamako du 7 mars 2015. La notoriété de son réseau de contrebande et d’influence lui avait même valu le surnom grinçant de « Mister Marlboro. »

C’est seulement depuis le début du XXIe siècle que la zone est devenue un carrefour de trafic de drogues de toutes sortes, d’armes, du crime organisé et du terrorisme. Dans les années 2000, à cause de la surveillance accrue des côtes du Golfe de Guinée, la route de la drogue change et met le cap sur le désert sahélien. Entre 2013 et 2014, les trafics de drogue, d'armes et de tabac y ont rapporté près de 3,5 milliards de dollars d'après l'ONUDC, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime.

Un nouveau cap est franchi avec le printemps arabe, menant à la fin du règne dictatorial de Mouammar Kadhafi, ce qui a causé non seulement la déstabilisation de ce pays maghrébin mais aussi l’aggravation des problèmes sécuritaires de toute la région du Maghreb-Sahel. Les combats entre les différentes milices armées qui ont fait la révolution contre l’Ex-Guide libyen ainsi que les affrontements entre ces dernières et des armés issues de tribus connues par leur soutien à l’ancien pouvoir ont transformé un vaste pan du pays en véritable zone de non droit, totalement incontrôlable par les deux autorités qui se déchirent le pouvoir.

Selon plusieurs sources françaises et sahéliennes, certains des principaux chefs djihadistes de la zone y auraient été vus ces derniers mois. L’Algérien Abdelmalek Droukdel, l’émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et le Malien Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine, y ont été signalés. Quant à Mokhtar Belmokhtar, le chef d’Al-Mourabitoune qui a implanté le djihad au Mali au début des années 2000, il y passerait la plupart de son temps. Les stocks militaires considérables de l’ancien dictateur ont par ailleurs été pillés et largement distribués dans les pays voisins, alimentant des situations tendues et menant à des insurrections majeures.

Des frontières poreuses pour une région déstabilisée -Selon le rapport S/2012/42 de l’ONU, publié le 18 janvier 2012, le conflit armé en Libye a permis à des groupes violents au Sahara, d’accéder à de vastes caches d’armes. Le retour des hommes armés ayant combattu dans les rangs de Kadhafi dans leurs pays d’origine, le départ de militaires fuyant la répression, ainsi que la facilité avec laquelle les arsenaux de l’Ex chef d’État libyen se transfèrent entre les frontières du Maghreb-Sahel, constituent désormais un vrai casse-tête. La première victime historique de ce déversement a été le Mali. Les indépendantistes s’alliant aux djihadistes, l’état a perdu le contrôle du nord du pays et a dû faire appel au soutien militaire français. Après avoir fait le dos rond au plus fort de l’opération Serval en 2013, du fait de ce flux d’armes et de combattants incontrôlable, les djihadistes se sont remis en selle. Ils ont fait comme les talibans en Afghanistan, explique un médiateur du désert. Ils se sont d’abord terrés, puis se sont réorganisés. Aujourd’hui, leur pouvoir de nuisance est intact. « Tant que le gouvernement malien et les groupes rebelles n’auront pas signé un accord de paix, les djihadistes auront le champ libre dans le Nord », confiait un diplomate européen en poste à Bamako au site d’information Jeune Afrique.

Profitant de l‘axe de trafic de personnes, d’armes, mais aussi de flux financiers que le Sahel est devenu, le groupe terroriste nigérian Boko Haram a considérablement renforcé ses moyens au fil du temps, si bien qu’il a pu défier pendant des années la première puissance économique du continent, le Nigeria. Fort de son succès, Boko Haram a pu commencer à recruter parmi les jeunesses désœuvrées des pays voisins: ils seraient des milliers, ces dernières années, à avoir rejoint les rangs du groupe terroriste, pour l’argent essentiellement. La répression nigériane avait pourtant fragilisé la position de cette secte. « La lutte contre le groupe islamiste Boko Haram a connu des avancées significatives. Le Nigeria a élu un nouveau président qui affiche une détermination et un volontarisme à mettre fin aux agissements du groupe » affirmait il y a un an le spécialiste des conflits armés en Afrique, Babacar N'diaye. Seulement, Boko Haram a connu un véritable retour de vitalité lorsqu’il s’est affilié à Daech. Devenu l'État islamique en Afrique de l'Ouest, il s'est inscrit dans une nouvelle forme de violence relevant de la guérilla et des attentats terroristes plutôt que la guerre ouverte et la conquête de territoires - avec notamment l'utilisation de fillettes et de femmes kamikazes. Ce changement de méthode est dû à une suite de revers sérieux subis sur le terrain, permis par la formation d’une alliance stratégique entre le Nigeria et les pays frontaliers que sont le Tchad, le Cameroun et le Niger.

Idriss Déby Itno au cœur du dispositif antiterroriste de la région -Cette coopération militaire était devenue inévitable malgré les relations conflictuelles qui ont souvent existé entre le Nigeria et ses voisins (Cameroun, Tchad). Elle se caractérise par les projets de stabilisation de la région et la participation active du Tchad qui joue un rôle clé dans la lutte contre Boko Haram. Idriss Déby Itno, le chef de l’État tchadien, s’est positionné sur la scène africaine et internationale comme un agent principal de la sécurité sur le continent, si bien que les différents dirigeants des mouvements terroristes de la région semblent avoir développé une obsession à son égard (le traitant de « mécréant », et multipliant les menaces et les appels au meurtre).

Le 13 février 2015, les islamistes ont lancé un premier raid en territoire tchadien contre la localité de Ngouboua. Très vite, des mesures de sécurité ont été prises dans Ndjamena et à ses abords, et les autorités réaffirment qu'elles maintiendront le cap. Déby participe activement à la « lutte contre le terrorisme », en étroite collaboration avec la France. Après le Mali et la Centrafrique, les troupes tchadiennes sont mobilisées dans la lutte contre Boko Haram.

Une mobilisation qui fait consensus dans l’opinion publique nationale et internationale. Mieux équipée et plus expérimentée que ses voisins, elle a notamment permis la sécurisation de la frontière camerounaise, alors que la pression du groupe armé se faisait intenable et que les intrusions meurtrières sur son territoire se multipliaient (on se souvient du fiasco qui a permis un massacre dans un centre commercial). En chassant les djihadistes de plusieurs villes sous leur contrôle au Nigeria, comme Gamboru, Malam Fatori ou Dikwa, Déby a porté un coup d’arrêt à la volonté de constituer un qualifiât islamique en Afrique, et a forcé le groupe à éviter toute confrontation directe avec ses troupes.

Le prix à pays a néanmoins été important: 113 soldats ont été tués et 660 blessés dans les opérations au Niger, Nigeria et au Cameroun. La mission de sécurisation internationale portée par le Tchad a atteint son terme et son objectif, et ses troupes déployées en dehors de son territoire sont en train d’être progressivement apatriées. Un nombre encore indéterminé de militaires tchadiens restent sur le terrain mais cette fois sous le commandement de la force régionale créée par les États riverains du lac Tchad et le Bénin pour mener les opérations contre Boko Haram. Cette force, sous commandement nigérian et dont l’état-major est à N’Djamena, doit compter à terme environ 9.000 hommes.