Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Dernière mise à jour :
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Quelque 30 millions de Birmans sont appelés aux urnes dimanche pour des élections législatives annoncées comme "les plus libres depuis 1990". C'est l'aboutissement d'un processus dont l'impulsion à été donnée partir de 2010-2011, après le départ du général Than Shwe, quand la junte a décidé d'ouvrir le pays aux multinationales en échange de la libération d'Aung San Suu Kyi et d'une démocratisation de façade, estimant qu'elle avait plus à y gagner qu'à y perdre.
La Birmanie (Burma en anglais) porte le nom de l'ethnie majoritaire Bama (ou Bamar qui vient de ByaMa). En 1989 les militaires ont changé ce nom en Myanmar dont l'origine (MyanMa) remonte au Premier empire birman, le royaume de Pagan (1057-1287). L'histoire des deux empires qui lui ont succédé entre le XVIe et le XIXe siècle se résume à des poussées expansionnistes vers les contrées de l'ouest (Indes) et de l'est (Siam) et à des confrontations avec les puissances coloniales, pour les repousser. Mais entre 1824 et 1886, l'Empire britannique finira par conquérir toute la Birmanie morceau par morceau.
Il faut attendre l'occupation japonaise pour que le mouvement indépendantiste prenne forme et se développe. Aung San Suu Kyi n'est autre que la fille du général Aung San, considéré comme le "héros de la nation". Le général était un nationaliste opportuniste, ouvert à tous les compromis. Il a commencé par fonder en 1939 le parti communiste de Birmanie, pensant obtenir l'aide du parti de Mao. Puis il a pactisé avec les Japonais, devenant en 1943 ministre de la Guerre d'une Birmanie dont l'indépendance avait été accordée par le Japon. Puis, sentant le vent tourner, il s'est rapproché des alliés et des mouvements progressistes pour chasser l'armée japonaise. Enfin, en 1947, il a négocié l'indépendance avec l'Empire britannique, juste avant d'être assassiné.
En 1948 le pays est devenu une démocratie parlementaire et il l'est resté jusqu'au 2 mars 1962, date du coup d'État du général Ne Win à la tête d'un Conseil révolutionnaire. S'en est suivi 26 années d'une dictature féroce d'inspiration maoïste émaillée de multiples révoltes étudiantes.
En 1988, ce sont de nouvelles manifestations étudiantes qui conduisent au soulèvement du "8888" (8 août 1988)... mais le mouvement populaire est écrasé (on parle de "milliers de morts", au moins 3000). Ne Win mis sur la touche, une nouvelle junte le remplace, qui se fait appeler "Conseil d'État pour la restauration de la Loi et de l'Ordre" puis "pour la Paix et le développement" (tout un programme). Des élections sont malgré tout organisées en 1990 qui donnent une victoire écrasante à la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi. Inenvisageable pour les militaires qui annulent les élections et conservent le pouvoir. La "Dame de Rangoon" est assignée à résidence. Le soutien de la "communauté internationale" fait d'elle une icône. Le prix Nobel de la Paix lui est attribué l'année d'après.
La République de l'Union du Myanmar devient alors et pendant une vingtaine d'années l'un des régimes les plus fermés de la planète. L'armée en profite pour faire main basse sur l'économie, imposant l'état d'urgence permanent dans plusieurs régions du pays, près des frontières. Sa méfiance paranoïaque pour les mouvements populaires l'amène en 2005 à faire transférer la capitale administrative loin de Rangoon, à Naypyidaw, une ville fantôme sans habitants ou presque, une ville démesurée, vaste comme 6 fois New York, sortie de nulle part au milieu de la jungle.
La dernière révolte "safran" réprimée en 2007 a peut-être incité la junte à entamer ce processus d'"ouverture" qui est surtout d'ordre économique, destiné à gagner la confiance des milieux financiers et des institutions internationales. Les chefs de l'armée se sont donnés le temps de réfléchir sur la manière de mettre toutes les chances de leur côté et de faire croire à des élections démocratiques tout en réduisant au maximum les risques de reproduire l'"erreur" de 1990.
Tout d'abord, l'ex-junte s'est transformée en parti, le Parti pour la solidarité et le développement de l'Union (USDP). Elle a troqué l'uniforme kaki pour un costume civil plus présentable. Ce parti peut s'appuyer sur les 500.000 militaires et leurs familles que compte l'institution. Ensuite l'armée s'est arrogée d'office le quart des sièges à la Chambre basse et au Parlement national. Avouez que ça aide pas mal ! De cette façon, elle est certaine de rester très présente dans les institutions politiques. Il n'est pas question pour l'armée d'abandonner le pouvoir après l'avoir exercer pendant un demi siècle de façon totalitaire.
Compte tenu de ces règles, la LND se voit dans l'obligation de remporter les 2/3 des sièges éligibles dans les deux chambres pour espérer obtenir la majorité, alors que l'USDP n'a besoin que de 1/3 des sièges... au maximum, car l'armée a encouragé la création de dizaines de partis représentant les minorités ethniques. Comme ces partis n'éprouvent pas de sympathie particulière envers l'ethnie majoritaire Bamar dont Aung San Suu Kyi est issue, ils pourraient s'avérer de précieux alliés pour le parti des militaires. Ce serait en effet autant de sièges qui échapperaient à la LND.
Par ailleurs, le scrutin a été annulé là où sévit une guerre civile, dans les Etats Kachin, Karen et Shann plutôt hostiles au pouvoir central. Dans l'Etat Rakhine, les Rohingyas se sont vus retirer la possibilité de voter faute de papiers d'identité. A ce sujet, l'armée peut compter sur les moines bouddhistes nationalistes du mouvement MaBaTha qui ne votent pas mais qui ont une assez forte influence. Leur leader, le moine Wirathu, attise la haine envers cette minorité en accusant Aung San Suu Kyi de sympathie pro-musulmane. Compte tenu de toutes ces données, il n'est pas du tout acquis que la LND réédite son triomphe de 1990.
A force de voir les militaires se donner des airs respectables, conformes au standard international, à force de voir Aung San Suu Kyi accepter les règles voulues par les militaires et fermer les yeux sur les répressions, il ne serait pas impensable de les voir cohabiter plus vite qu'on le croit au sein d'un même gouvernement. La Birmanie s'ouvrirait un peu plus aux appétits des multinationales avec une main d'œuvre qu'on peut exploiter pour moins de 1 $ par jour.
La Birmanie, nouvel eldorado de l'industrie mondiale du textile
AFP, 20minutes - 23 sep 2015
http://www.20minutes.fr/monde/1703717-20150923-birmanie-nouvel-eldorado-industrie-mondiale-textile
Htet Myat Nyein fait partie des milliers d'ouvrières cousant désormais en Birmanie des vêtements pour l'industrie mondiale du textile, vantée comme un facteur clef de modernisation d'une économie encore très largement informelle et rurale. « J'ai appris à coudre dans cette usine », explique l'ouvrière, sa voix à peine audible au milieu du vacarme des machines à coudre de cet atelier du groupe Shweyi Zabe, perdu dans une banlieue industrielle de Rangoun en plein développement.
Dans ce quartier de Hlaing Thar Yar, la plupart des habitants dépendent encore des mandats envoyés par leurs proches partis travailler à l'étranger, notamment en Thaïlande voisine, faute d'alternative. Mais depuis l'ouverture du pays à l'économie de marché depuis l'autodissolution de la junte en 2011, le marché du travail est en pleine mue, après des décennies d'économie informelle et de marché noir, marquées par la mauvaise gestion des militaires. Dans cette banlieue de la capitale économique birmane, l'horizon ne s'est cependant guère élargi: on peut « soit travailler comme ouvrière du textile soit dans des salons de beauté, c'est tout », tempère Htet Myat Nyein, ses joues colorées de tanaka, poudre végétale jaune largement utilisée par les classes populaires dans ce pays d'Asie du sud-est.
Cette question du développement de l'emploi manufacturier est au cœur des préoccupations des plus de 30 millions d'électeurs appelés à voter le 8 novembre pour des législatives auxquelles le parti de l'opposante Aung San Suu Kyi est donné gagnant. (...) Bien que le programme économique de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi soit peu étoffé, il mentionne la nécessité d’accorder des « salaires raisonnables » entre autres « garanties pour les salariés ». Sean Turnell, expert de l'économie birmane, se dit confiant dans la mise en place par la LND, une fois les élections remportées, d'une politique économique permettant «la renaissance manufacturière» de l'ancienne colonie britannique.
Partant de loin, la Birmanie est aujourd'hui classée par la Banque mondiale au 4e rang des pays connaissant la plus forte croissance. Le pays a inauguré mardi sa première zone économique spéciale à Thilawa, près de Rangoun, entre autres réformes économiques menées depuis 2011. Le gouvernement de transition actuel a ainsi déjà mis en place récemment un salaire minimum journalier de 3.600 kyats (2,40 €), face aux exigences de régulation du monde du travail. Une annonce saluée par les grandes marques internationales ayant déjà fait, comme H&M ou Gap, le pari de relocaliser une partie de leur production dans l'ex-Etat paria. Les salaires bas permettent jusqu'ici à la Birmanie de concurrencer des pays voisins comme le Vietnam ou le Cambodge, qui ont déjà largement développé leur industrie textile.
La Birmanie, idéalement située entre l'Inde et la Chine, fait figure de petit nouveau sur ce marché très concurrentiel de la confection. Le textile représente 14 % des exportations globales de la Birmanie, selon les données de 2014 de l'Association des industriels du textile de Birmanie. Un chiffre qui devrait encore grimper cette année, affirme l'association, qui assure que 70 % des emplois industriels à Rangoun, la capitale économique, sont déjà dans ce secteur. Mais la régulation en cours du secteur ne fait pas que des heureux, certains ateliers textile assurant ne pas pouvoir payer le salaire officiel.
Les ouvriers du textile sont évalués à 300.000, contre 140.000 en 2013, selon les chiffres officiels. Les syndicats, encore balbutiants en Birmanie, dénoncent un millier de licenciements depuis l'imposition du salaire minimum le 1er septembre. Et la grogne des ouvrières du textile pourrait venir bousculer une campagne électorale pour l'heure atone, à part les meetings d'Aung San Suu Kyi. Certains employeurs ont cessé de payer les heures supplémentaires ou les frais de transport afin de compenser cette soudaine contrainte, selon le journal officiel New Light of Myanmar. Hayman San fait partie d'un groupe de 200 ouvrières licenciées sans cérémonie par leur usine récemment. « Je n'ai rien fait de mal. Je suis en colère », confie la jeune femme de 27 ans, qui vit dans la banlieue de Hlaing Thar Yar, dans une de ces maisons de bambou rudimentaires désormais cernées par les ateliers et usines flambant neuves.
Le secteur du textile en Birmanie
Ambassade de France à Rangoun - 30 jun 2015
http://www.ambafrance-mm.org/Le-secteur-du-textile-en-Birmanie
Représentant près de 10 % des investissements directs étrangers en Birmanie en 2014-2015, l’industrie textile emploie aujourd’hui plus de 200.000 personnes dont 93 % de femmes. Les managers et cadres sont souvent des étrangers (chinois, vietnamien, cinghalais, thaï) qui sont chargés de surveiller les ouvriers et de leur transmettre les connaissances technologiques. L’industrie textile comptabilise plus de 300 usines. Chaque mois, entre 6 et 8 nouvelles usines textiles sont mises en place, ce qui accroit la compétition pour le recrutement de travailleurs qualifiés étrangers. Les usines de textile sont spécialisées dans plusieurs types de production: pulls, sous-vêtements, gilets fourrés, manteaux… Très récemment des usines de vêtements de sports ont également vu le jour.
Depuis la réinstauration du Système de Préférences Généralisées en juillet 2013, les exportations vers l’UE ont plus que doublé. Les exportations globales de textiles ont représenté 1,2 milliards $ en 2013 et 1,5 milliards $ en 2014. Les investissements étrangers dans ce secteur proviennent essentiellement de Chine, du Japon, de Corée et de Thaïlande. Depuis 2012, plusieurs marques occidentales ont diversifié leur chaine de production en Birmanie: Adidas, H&M, Gap, Top Shop… (...)
Birmanie: Des millions d'enfants au travail
par Marion Thibaut
AFP, France24 - 23 oct 2015
http://www.france24.com/fr/20151023-birmanie-millions-denfants-travail
RANGOUN - Myat Noe et Aye Aye naviguent entre les tables du café pour prendre une commande ou balayer. Comme des millions d'enfants en Birmanie, l'un des pays les plus touchés au monde par le travail des mineurs, ces deux amies travaillent 13 heures par jour. Dans ce pays où le travail des enfants est culturellement accepté, les ONG voient la campagne électorale comme l'une des rares occasions de dénoncer cette situation.
Plusieurs organisations viennent de réunir en colloque, à quelques semaines des législatives historiques du 8 novembre, une grande partie des 90 partis en lice pour les "exhorter à assurer une éducation gratuite et obligatoire pour tous d'ici 2020". La Birmanie est en effet le pays d'Asie du sud-est qui dépense le moins en matière d'éducation et l'un des plus mauvais élèves au niveau mondial, d'après la Banque mondiale. La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi, dont la lutte contre la pauvreté est la priorité affichée, a promis de consacrer davantage à l'éducation.
Selon le dernier recensement, 4,4 millions d'enfants de moins de 18 ans ne sont pas scolarisés dans le pays. D'après la société d'analyse Verisk Maplecroft, la Birmanie se situerait en termes de travail des enfants juste devant l'Inde et le Liberia, à la 7e plus mauvaise place. Le phénomène n'est pas récent mais s'est accentué avec la fin de la dictature militaire en 2011 et l'ouverture de nouvelles usines, d'hôtels, de cafés... Des entreprises à la recherche de main-d'oeuvre bon marché.
A Rangoun, dans les "teashops", ces cafés populaires ouverts sur la rue où les Birmans aiment s'asseoir à toute heure pour siroter du thé au lait en parlant affaires ou politique, quasiment tous les serveurs sont des enfants, âgés parfois de 7 ou 8 ans. La plupart des travailleurs sont issus des minorités ethniques, viennent des zones rurales, travaillent 7 jours sur 7 et en moyenne 13 à 14 heures par jour.
Dans les cafés, souvent, ils dorment sur place dans de grands dortoirs ou simplement sous les tables. "Je viens de la campagne et je dois aider mes parents qui n'ont pas d'argent", raconte Myat Noe, dont le prénom a été modifié. Elle n'a pas encore 13 ans et travaille depuis l'âge de 9 ans pour à peine plus d'un dollar par jour. En Birmanie, des lois existent pourtant, explique Piyamal Pichaiwongse, de l'Organisation internationale du travail (OIT). Mais elles "ne sont pas appliquées", constate-t-elle. Face à cette situation, quelques associations offrent une scolarisation partielle à ces jeunes travailleurs.
Malgré ses yeux rougis par la fatigue, Naing Lin Aung semble boire les paroles de son professeur. Depuis 6 mois, 3 soirs par semaine après sa journée de travail, il s'assoie autour des tables qu'il nettoie tous les jours, pour suivre des cours. "Je sais pas ce que sera ma vie à l'avenir, donc je veux avoir quelques notions d'anglais, d'informatique et des connaissances pour savoir me débrouiller si je suis malade...", explique l'adolescent de 15 ans, qui a quitté l'école à 10 ans.
L'association myME, qui scolarise 600 enfants de Rangoun et Mandalay, les deux plus grandes villes du pays, a décidé de donner les cours en plein cafés, sur les lieux même de travail des enfants, en dehors des horaires d'ouverture. Pour ceux qui travaillent dans des cafés ouverts 24 heures sur 24, la salle de classe est improvisée dans un minibus.
Pour certains, il s'agit d'apprendre tout simplement à lire, écrire, compter. Pour ceux ayant déjà quelques notions scolaires s'ajoutent des cours d'anglais et d'informatique. Et pour tous, livrés à eux-mêmes, sans parents au quotidien, un enseignement des règles élémentaires d'hygiène corporelle. "La plupart des enfants travaillent toute la journée, donc ce n'est pas toujours facile pour eux de rester concentrés sur les leçons", raconte Thaw Wai Htoo, jeune professeur bénévole de l'association.
Une autre organisation, "Scholarships for street kids" (Des bourses pour les enfants des rues), propose aussi des cours et a mis en place un système de subventions: l'association verse aux parents un complément de revenus qui correspond à la somme que leurs enfants auraient pu gagner pendant le temps du cours, explique Aye Aye Thinn, qui gère l'association, en grande partie financée par l'aide internationale comme nombre d'ONG en Birmanie. "Dans un pays très pauvre où le système d'éducation est en lambeaux, il est difficile de persuader les familles de l'importance de l'école pour leurs enfants", explique John McConnell, le fondateur de l'association.
Win Shein, directeur de l'inspection du travail birmane, ne dit pas autre chose: "Le pays est pauvre et encore en développement. Les parents doivent envoyer leurs enfants travailler car un seul salaire ne suffit pas". Mais Tim Aye-Hardy, qui a créé l'association myME en revenant dans son pays après plus de 20 ans d'exil, est inquiet qu'une nouvelle génération entière soit sacrifiée. "Quelque 10 % de la population sont des enfants de moins de 18 ans ayant quitté l'école. Quel type de travail vont-ils avoir dans le futur, et quel avenir pour eux et pour le pays ?", s'inquiète-t-il.
En Birmanie, des magnats au passé trouble, acteurs clés d'une économie en mutation
AFP, 20minutes - 02 nov 2015
http://www.20minutes.fr/monde/1721809-20151102-birmanie-magnats-passe-trouble-acteurs-cles-economie-mutation
Hôtels, port, mines… Les magnats birmans, qui ont bâti des empires grâce à leurs liens avec l'ancienne junte, sont des acteurs avec lesquels l'opposante Aung San Suu Kyi devra composer, si son parti remporte les élections du 8 novembre. Les législatives de dimanche en Birmanie sont historiques: le pays n'a pas connu d'élections libres depuis plus de 25 ans et la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Suu Kyi est donnée grande favorite. Alors qu'elle a fait campagne sur ses promesses de lutter contre la corruption - la Birmanie est à la 3ème plus mauvaise place du classement Verisk Maplecroft -, se pose la question de l'avenir de ces hommes d'affaires tenant encore l'économie.
Ces « cronies », magnats liés à l'ancien régime, « sont les principaux vainqueurs de l'ouverture du pays », constate Sean Turnell, expert de l'économie birmane à l'Université Macquarie en Australie, qui a conseillé le parti de Suu Kyi. « Ils sont des éléments clés et ils le resteront. Vu leur considérable pouvoir économique, leur influence se fait sentir dans de nombreux secteurs et pourrait continuer, peu importe qui est au pouvoir », renchérit Htwe Htwe Thein, de l'université australienne Curtin.
Le pays n'en est qu'au début de sa mue et les liens avec les hommes bien placés de l'ancien régime restent une clé dans un pays où l'armée a des participations dans certaines entreprises. « Se lancer dans les affaires est facile quand on a les bonnes connexions », explique Aye Ne Win, le petit-fils de l'ancien dictateur, rencontré par l'AFP dans sa villa de Rangoun, la capitale économique. Victime d'une purge, sa famille a passé plusieurs années en prison sans toutefois perdre sa fortune. Ils investissent aujourd'hui tous azimuts, aidés par des investisseurs chinois, explique l'homme, qui arbore une énorme bague couverte de perles et porte une chemise sur laquelle sont gravées ses initiales.
Aye Ne Win fait figure de petit poisson comparé aux magnats de premier plan comme Tay Za ou Zaw Zaw, encore sur une liste noire américaine. Cela n'empêche pas Zaw Zaw d'investir, avec son entreprise Max Myanmar, dans les pierres précieuses, l'immobilier et le tourisme, trois industries qui ont explosé depuis les réformes. Sollicité par l'AFP à plusieurs reprises, ce dernier n'était pas disponible pour une entrevue. C'est en grande partie à eux que la Birmanie, et notamment Rangoun, doit ses changements.
Le poumon économique du pays est passé en quelques années d'un statut de ville figée dans le temps, aux bâtiments coloniaux décatis, à celui de ville en mouvement. Les chantiers pullulent, la poussière des constructions envahit les rues et les grues et les marteaux piqueurs sont partout. « Ils continuent de gagner d'importants contrats avec le gouvernement. Et surtout ils dominent dans les secteurs où le pouvoir leur donne des concessions spéciales ou dans ceux où ils sont protégés de la concurrence », explique Sean Turnell. Fils d'un parrain de la drogue, Steven Law, à la tête du groupe Asia World, a ainsi construit un empire dans le tourisme et la construction. Il vient de rénover l'aéroport de Rangoun.
Mais les temps changent. « Certains ont commencé à s'inquiéter de leur image publique et à apporter leur soutien en faveur d'une nouvelle Birmanie démocratique », explique Htwe Htwe Thein. Ainsi Zaw Zaw mais aussi comme Tay Za, à la tête de Htoo Group, ont fait la une des journaux pour leurs dons généreux en faveur de la LND. Le parti a pourtant promis de mettre fin à certains « privilèges » dont profitent ces magnats, explique Hantha Myint, chargé des questions économiques à la LND. Aujourd'hui, ils continuent de dominer les marchés publics, secteur où les dés restent notoirement pipés. Kyaw Kyaw Hlaing, président de Smart groups of companies, spécialisé dans le pétrole et le gaz, souligne que « 60 % des contrats sont conclus à l'avance dans les ministères».
Les investisseurs étrangers en Birmanie doivent s'associer à des acteurs locaux pour espérer mettre pied dans l'eldorado birman, au 4e rang des pays connaissant la plus forte croissance selon la Banque mondiale. Mais beaucoup s'inquiètent des limites d'un système tenu par l'ancienne garde. Parmi les problèmes: l'inefficacité du secteur bancaire, qui créé des problèmes de liquidités pour les petites et moyennes entreprises. « Nos partenaires, des entreprises en bonne santé, grandissent mais ne trouvent pas de crédits pour financer leur croissance », explique Pascal Reigner, en Birmanie depuis 3 ans pour implanter une branche de Schneider Electric. Selon les analystes, la mue en profondeur de l'économie pourrait venir de ces PME, souvent développées par une nouvelle génération d'entrepreneurs, moins compromise avec les généraux.
Le pouvoir birman redoute un soulèvement populaire
ATS, 20minutes - 04 nov 2015
http://www.20min.ch/ro/news/monde/story/Le-pouvoir-birman-redoute-un-soulevement-populaire-27232550
A cinq jours d'élections auxquelles le parti de l'opposante Aung San Suu Kyi est donné favori, les Birmans ont été mis en garde contre la tentation d'une révolution populaire de type "Printemps arabe". Dans une vidéo, la présidence birmane prône une transition en douceur. Cette vidéo a été postée mardi sur une page Facebook. Il s'agit d'expliquer à la population ce que devrait être « la transformation de la Birmanie en une démocratie », qui devrait se faire « pas à pas », a expliqué Zaw Htay, porte-parole de la présidence birmane.
Le document a été réalisé par la première chaîne publique de télévision MRTV. Il montre des images de Tunisie, avec des affiches du président Zine el-Abidine Ben Ali déchirées, et des émeutes. En alternance, les rues calmes de Naypyidaw, la capitale administrative birmane, le président Thein Sein tout sourire ainsi que des listes électorales complétées en bonne et due forme. « Le goût du printemps (...) mais avec un autre goût », y lit-on entre deux images de violences lors des soulèvements populaires contre des régimes autoritaires au Proche-Orient, de la Tunisie à l'Egypte. Un dessin humoristique montre le doigt du "peuple" faisant tomber les dominos les uns après les autres, de la Tunisie à la Libye, en passant par la Birmanie. (...)
Depuis l'autodissolution de la junte en 2011, le pays s'est ouvert. Mais le régime de transition, qui reste dominé par d'anciens généraux comme Thein Sein, donne des signes de nervosité, à l'approche des législatives. Des dizaines d'étudiants ayant manifesté contre une réforme de l'éducation sont ainsi emprisonnés depuis des mois. Un leader étudiant en fuite a encore été arrêté la semaine dernière. « En quoi emprisonner des étudiants qui manifestaient est-il une façon pacifique de transformer le pays en démocratie ? », écrit un internaute du nom de Thet Ko Ko.
L'opposante Aung San Suu Kyi, en pleine campagne pour les législatives du 8 novembre, a dénoncé les tentations de retour en arrière du gouvernement actuel, d'anciens généraux convertis aux réformes en 2011. Mais elle a multiplié les appels au calme, notamment face aux critiques suscitées par la désorganisation des autorités, qui n'ont toujours pas publié les listes électorales.
Aung San Suu Kyi appelle à « ne pas exagérer » le drame des Rohingyas
AFP, La Presse - 06 nov 2015
http://www.lapresse.ca/international/asie-oceanie/201511/05/01-4917576-aung-san-suu-kyi-appelle-a-ne-pas-exagerer-le-drame-des-rohingyas.php
RANGOUN - L'opposante birmane Aung San Suu Kyi, souvent critiquée pour son silence sur la minorité musulmane persécutée des Rohingyas, a appelé jeudi à « ne pas exagérer » le drame, alors qu'un rapport de l'université américaine Yale parle de « génocide ». Lors d'une grande conférence de presse à trois jours de législatives historiques, la chef de file de l'opposition a réagi à l'emploi du terme « génocide » dans une question d'un journaliste. « Il est très important de ne pas exagérer les problèmes de ce pays », a-t-elle déclaré. « Le pays tout entier est dans un état dramatique, pas seulement l'État Rakhine », région de l'ouest du pays où vit des milliers de Rohingyas, pour nombre d'entre eux dans des camps de déplacés, a-t-elle lancé.
Aung San Suu Kyi a été critiquée ces derniers mois à l'étranger pour son silence au sujet des 1,3 million de Rohingyas musulmans confrontés à des violences communautaires et des lois discriminatoires dans un pays très majoritairement bouddhiste. D'après un rapport de l'université Yale publié la semaine dernière, il existe de « solides preuves » pour dire qu'un génocide est en cours contre les Rohingyas. Les étudiants en droit ayant mené une enquête juridique évoquent les meurtres, les restrictions imposées sur les naissances et l'instauration de conditions ayant pour conséquence de détruire le groupe (vie dans des camps, privation de nourriture, de soins...), ce qui s'apparente selon eux à la définition d'un génocide.
En 2012, des violences intercommunautaires avaient éclaté en État Rakhine, faisant plus de 200 morts, principalement chez les musulmans. Des milliers d'entre eux avaient dû quitter leurs maisons. Plus de 140.000 vivent toujours dans des camps et des milliers tentent chaque année de fuir la misère et les persécutions. Le pays est également confronté à une montée d'un bouddhisme radical incarné par le mouvement MaBaTha, mené par le moine Wirathu, qui répand un discours antimusulman violent. « La situation en État Rakhine des Rohingyas apatrides est vraiment désastreuse. Et la réponse de Suu Kyi aujourd'hui était vague alors que la situation exige une action décisive et coordonnée », a regretté David Mathieson, de l'ONG Human Right Watch.
En mai dernier, le sort de la communauté rohingya avait fait la une de la presse internationale. Des milliers d'entre eux fuyant sur des bateaux de fortune s'étaient retrouvés piégés dans le golfe du Bengale après une désorganisation des filières de passeurs clandestins passant par la Thaïlande. Suu Kyi a néanmoins promis à « toutes les personnes qui vivent dans ce pays une protection » en accord avec les droits de l'homme. Sans trop se compromettre alors que les bouddhistes extrémistes tentent de la décrédibiliser auprès des électeurs en la dépeignant comme promusulmane.
13/11/2015 >> Résultats officiels -
Parlement (224 sièges): Forces armées: 56 / LND: 134; USDP: 12; PN Arakan: 7; Shan NLD: 3
Sénat (440 sièges): Forces armées: 110 / LND: 253; USDP: 29: Shan NLD: 12; PN Arakan: 8
La LND obtient la majorité absolue dans les deux chambres. Les chefs de l'armée ont reconnu leur défaite. Aung San Suu Kyi les invite à des pourparlers.
02/04/2017 >> La LND de Aung San Suu Kyi remporte près de la moitié des sièges (9 sur 19) qui faisaient l'objet d'élections partielles en Birmanie Ces résultats ne modifient pas l'équilibre des forces politiques au parlement. La LND dispose d'une solide majorité depuis sa large victoire aux législatives l'année dernière. Pourtant les résultats économiques ne sont pas bons: la croissance ralentit tandis que l'inflation grossit et érode le pouvoir d'achat des ménages.