Le Monde d'Antigone

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Dernière mise à jour : 13.09.2025
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En Afrique, l’amour est dans les malls

Publié le 23/09/2015 à 17:52 par monde-antigone


En Afrique, l’amour est dans les malls
par Camille Belsoeur
Slate Afrique - 21 sep 2015
http://www.slateafrique.com/612793/afrique-jeunesse-%20amour-malls


Les jeunes du continent raffolent de ces centres commerciaux démesurés pour flirter et échapper aux moeurs parfois rigides de la société.

C’était la veille de Noël. J’arpentais les couloirs du Suncoast casino, un luxueux mall qui fait face à l’océan Indien et ses plages de sable blanc au nord du centre-ville de Durban, en Afrique du Sud. Au milieu des nombreuses familles qui léchaient les vitrines et s’emplissaient le ventre de poulet frit ou de calamars, des dizaines de jeunes couples flirtaient de façon parfaitement anonyme dans cette ambiance de fête. Dans les salles du cinéma du complexe commercial, les couples d’adolescents ou de jeunes adultes qui s'échangeaient des baisers dans le noir comptaient mêmes pour une bonne moitié du public.

Troisième ville la plus peuplée d’Afrique du Sud, Durban compte une forte minorité indienne qui compose 24% de sa population, selon le dernier recensement réalisé en 2011. Souvent bien installés dans le commerce, les sud-africains d’origine indienne de la ville sont nombreux à venir se délecter en soirée de l’ambiance très animée du Suncoast Casino, devant lequel les mini-bus et les taxis collectifs défilent en procession à partir de la fin d’après-midi. Et les jeunes apprécient plus que tout l’endroit. Loin des moeurs plutôt rigides de la communauté indienne, ils peuvent ici se donner la main, déguster une glace sur un banc en s'échangeant des regards amoureux sans craindre les réprimandes.

En Afrique du Sud, les malls ne sont pas nouveaux dans le paysage urbain. Les premiers construits sont sortis de terre dans les années 1970. Mais sous l’apartheid, ils étaient réservés aux blancs. Ce n’est qu’au début des années 1990, quelques années avant la fin de la chute du régime, qu’ils ont commencé à devenir des lieux mixte. « Comme dans la plupart des pays avec un niveau élevé de violence, les gens viennent d’abord dans les malls car ce sont des lieux sécurisés », nous explique Myriam Houssay-Holzschuch, chercheuse spécialiste de l’aménagement urbain.

Sur le continent africain comme dans l’ensemble des pays émergents, ces centres commerciaux aux dimensions parfois démesurées poussent comme des champignons. En Algérie, des investisseurs projettent d'ouvrir le plus grand mall d'Afrique, directement inspiré du luxueux Park Mall de Dubaï, et ce, à Baraki, une banlieue où les groupes armés islamistes faisaient régner la terreur dans les années 1990. Au Maroc, c’est à Casablanca qu’a été bâti en 2011 le plus grand centre commercial d’Afrique du Nord, le bien-nommé Morocco-Mall. Au Cap, deuxième ville d’Afrique du Sud, c’est dans les Cape Flats, les immenses townships qui bordent le centre-ville, que les promoteurs construisent aujourd’hui de nouveaux malls.

Chez les jeunes marocains, kényans ou égyptiens, ces nouveaux espaces urbains ont un succès fou. « Les jeunes y échappent au cadre rigide la société. C’est un lieu de liberté qui permet de faire des choses qu’on ne peut pas faire ailleurs », explique Myriam Houssay-Holzschuch. Tout l’inverse de la désaffection qu’ont les adolescents américains pour les malls. Dans une étude publiée en 2014, le cabinet Piper Jaffray notait que la fréquentation des centres commerciaux avait baissé de 30 % en 10 ans chez les jeunes.
« L’étude souligne que les restaurants remplacent de plus en plus les centres commerciaux comme lieu de rendez-vous pour les adolescents américains », écrivait Slate.fr dans un article consacré au sujet.


Le nouveau centre-ville
En Afrique, les malls ont eux trouvé leur place dans la jungle urbaine du XXIe siècle. « Ce sont des espaces extra-territoriaux, des bulles, qui permettent de créer une distinction sociale, dans un lieu très sécurisé par rapport à l’espace public. Les parents peuvent permettre à leur fille de passer la journée entière au mall. Elle peut rencontrer un petit copain. Surtout si la famille de la jeune fille n’est pas d’un milieu social qui fréquente le mall, car elle peut s’y balader de façon anonyme », souligne Gaëlle Gillot, universitaire auteur du texte « Faire sans le dire. Les rencontres amoureuses au Caire ». (...)

Dans les grandes villes africaines modernes, souvent sorties de terre de manière archaïque et où le piéton n’a pas vraiment sa place dans les rues, les malls sont aussi l’un des rares lieux de loisir gratuit et il est souvent très pratique de s’y rendre en transport en commun. « Il existe très peu de lieux de loisir dans les villes africaines. Quand on sort avec son amoureux on veut aller au resto, au cinéma… Les malls sont un lieu qui offre cela et sont bien desservis par les transports. Dans les grandes villes africaines, cette combinaison de choses qui attirent se trouvent dans le mall », analyse Myriam Houssay.

Mais s’il est un endroit ouvert où des milliers de personnes s’y croisent, le mall n’est pas vraiment un lieu de brassage social. D’abord car il y a un filtre à l’entrée, les vigils qui peuvent y interdire l’accès. Mais aussi car s’y rendre présente malgré tout un coût pour les ménages africains. Et une fois sur place, on reste entre amis comme l’explique Gaëlle Gillot. «On y va pour se balader, s’habiller. Mais dans un mall, on ne fait pas de nouvelles rencontres, on s’y déplace en groupe avec ses amis ou en couple.» C’est l’une des raisons qui motivent les parents à y laisser leurs enfants. « Ils savent que leurs enfants vont rencontrer des jeunes de même milieu, voire d’un milieu plus favorisé », ajoute Gaëlle Gillot.

De cette manière, le mall offre un lieu de rencontre entre gens de même classe, qui est tout de même un peu plus ouvert aux nouveaux entrants que les traditionnels clubs très élitistes que l’on peut trouver au Caire. « Il y a des stratégies matrimoniales qui sont très fortes en Egypte. Les stratégies sont menées depuis que les enfants ont 7-8 ans dans des milieux où l’on cultive l’entre-soi pour qu’ils rencontrent un conjoint de la même classe sociale ou d’un milieu supérieur », poursuit Gaëlle Gillot. Un phénomène qui se répète à l'identique aux quatre coins du continent et d'une certaine façon dans les malls.

Une réalité qu’ont sûrement intégré les familles indiennes de Durban qui n’ont pas besoin de surveiller leurs enfants pour savoir qu’il ne feront pas de mauvaise rencontre dans les allées du Suncoast casino.


Les jeunes Algériens se libèrent dans les centres commerciaux
AFP, Africa n°1 - 07 sep 2015
http://www.africa1.com/spip.php?article58329


ALGER - Dans une Algérie où les espaces de divertissement sont rares, les centres commerciaux en plein essor sont devenus le terrain de jeu d’une jeunesse en quête de lieux branchés propices aux rencontres en tout genre. Avec leurs parkings gigantesques, leurs sols brillants, leurs fontaines et leurs bancs, les temples de la consommation ne désemplissent pas à Alger comme dans les grandes villes. "Ce ne sont pas seulement des lieux de commerce mais aussi de sociabilité", témoigne Tahar Drici, sociologue à l’université d’Alger. "La fin du terrorisme a suscité une envie de détente et de sorties, qui a été rendue possible par ces centres où jeunes hommes et filles se retrouvent pour flirter car ils se savent à l’abri du regard moralisateur de leurs proches", explique-t-il à l’AFP. De tels lieux de convivialité sont rares dans un pays où les jardins publics sont souvent squattés par les marginaux tandis que 95 % des 400 salles de cinémas ont baissé le rideau, comme l’a récemment déploré le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi.

L’immense centre commercial de Bab Ezzouar est l’un des plus prisés.Implanté dans un nouveau quartier d’affaires près de l’aéroport d’Alger, il offre depuis cinq ans cinémas, bowling, cafés, espaces détente, où chacun peut échapper à l’œil inquisiteur des proches et des voisins qui guettent le comportement des filles. Dans l’enceinte du bowling, la lumière tamisée et la musique à pleins décibels offrent l’ambiance d’une boîte de nuit.Garçons et filles tombant le voile jouent au billard. "Je viens pour la drague", confesse sans hésitation Rym, une bachelière moulée dans un jean’s, résidant à Constantine, la grande métropole de l’est algérien.

Meriem, une adolescente de 18 ans, affectionne l’intimité que procurent de tels lieux. "L’avantage, c’est qu’il y a beaucoup de monde.Il est donc peu probable de tomber sur quelqu’un que l’on connaît.Parfois, j’enlève mon voile et je ne le remets qu’en partant.Mais je ne suis pas la seule à le faire". Malgré des signes d’ouverture, la société algérienne demeure "conservatrice, traditionnelle et hiérarchisée", souligne le sociologue Tahar Drici. Ainsi, on ne croise pas, même dans les rues de la capitale ou dans les transports publics, de couples main dans la main ou enlacés. Un comportement qui était pourtant banal jusqu’au déferlement d’une vague islamiste sur l’Algérie à la fin des années 80.

"Dans les malls, les enseignes présentes sont pour la plupart occidentales et proposent un art de vivre et de se vêtir qui rompt avec les valeurs traditionnelles prônées par la société algérienne", précise M. Drici. Le responsable d’un centre commercial d’une ville de province note qu’"il n’est pas rare de voir des jeunes de tout âge flirter" dans ces centres, "c’est l’endroit parfait pour"."Les jeunes filles disent à leurs parents qu’elles vont faire les boutiques sans que cela ne soit suspect", explique-t-il.

Les jeunes ne sont pas seuls. Des clients de tous les âges fréquentent ces nouveaux pôles de consommation, qui dédient des espaces aménagés aux familles qui peuvent venir partager une pizza tout en regardant leurs enfants se divertir dans une aire de jeu. Le centre de Bab Ezzouar attire désormais plus de 7,5 millions de personnes par an, "ce qui représente en moyenne annuelle 21.000 clients par jour", jubile Alain Rolland, PDG de l’entreprise qui le détient.

Construit près d’une marina en chantier et de tours d’affaires, le centre Ardis capte, lui, la clientèle grâce notamment à sa terrasse qui donne sur la plage des Sablettes, célébrée par l’écrivain Albert Camus et reconquise cette année après des décennies d’abandon.Beaucoup s’y retrouvent pour admirer le coucher du soleil derrière les collines blanches d’Alger. Comme dans de nombreux pays émergents, l’engouement pour les centres commerciaux n’est pas prêt de s’essouffler en Algérie.Des investisseurs projettent même d’y ouvrir le plus grand mall d’Afrique, directement inspiré du luxueux Park Mall de Dubaï, et ce, à Baraki, une banlieue où les groupes armés islamistes faisaient régner la terreur dans les années 1990.