Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour : 05.10.2025
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La guerre en Syrie a encore de beaux jours devant elle

Publié le 10/03/2014 à 19:04 par monde-antigone


La nature de la guerre a changé, ce qui n'est pas de bon augure pour les minorités en Syrie
par Patrick Cockburn
traduit par Sayed Hasan
The Independent (01/03/2014), rapporté par Tlaxcala - 08 mar 2014
Article original:
http://www.independent.co.uk/voices/comment/the-nature-of-war-has-changed-which-is-bleak-news-for-syrias-minorities-9162694.html
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=11663


Une fois enclenchée la spirale meurtrière des affrontements interconfessionnels, il est presque impossible de l'arrêter. Un nouveau type de guerre se développe. Il est très différent du conflit de masse de la Première Guerre mondiale durant lequel les gouvernements ont mobilisé des millions d’hommes et des ressources industrielles considérables. Les guerres sont devenues plus restreintes, mais sont tout autant et, parfois, bien plus féroces que par le passé. Bien qu’ils présentent de notables différences, les conflits armés en Tchétchénie, dans les Balkans, en Irak, en Afghanistan, en Syrie et en Libye présentent de nombreux points communs, et pas seulement parce que les habitants de ces pays sont majoritairement musulmans – à l’exception des Balkans.

Les invasions pures et simples d’un autre pays sont devenues moins fréquentes, la dernière en date étant l’invasion de l’Irak par les Américains et les Britanniques en 2003. Son issue désastreuse a rendu plus difficile de se lancer dans de telles entreprises, même lorsque les gouvernements le souhaitent. En témoigne la vague d’hostilité inattendue mais irrésistible émanant des populations des États-Unis et du Royaume-Uni en septembre dernier contre une intervention armée en Syrie. Dans les deux cas, les élites politiques et militaires étaient divisées sur l’opportunité de se livrer à une autre guerre au Moyen-Orient.

Les guerres de nos jours sont, à un degré plus ou moins élevé, des guerres par procuration, et cette tendance va vraisemblablement augmenter, ne serait-ce que parce qu’elles sont plus faciles à vendre aux électeurs des pays agresseurs. On peut citer l’exemple particulièrement éloquent du renversement de Kadhafi en Libye en 2011 par une campagne soutenue par l’OTAN et dans laquelle les miliciens rebelles libyens, qui ont dominé les écrans de télévision, ont agi comme une force de ratissage dans le sillage d’attaques aériennes dévastatrices.

Les violations des droits humains sont devenues la justification classique des interventions étrangères, et les rapports sur ces abus pourraient bien être véridiques. Mais leur couverture médiatique a tendance à être partiale, souvent trompeuse et parfois même fabriquée de toutes pièces. En Libye, l’histoire très médiatisée des viols de masse perpétrés par l’armée libyenne a été révélée par des organisations de défense des droits humains comme une pure invention. Le prétexte initial justifiant l’intervention aérienne de l’OTAN était d’empêcher les forces de Kadhafi de massacrer l’opposition à Benghazi. Mais les anciens rebelles, aujourd’hui membres de milices toutes-puissantes, ont véritablement commis des massacres de manifestants à deux reprises à Benghazi et à Tripoli, sans que les gouvernements étrangers aient fait montre de la moindre lueur d’intérêt.

En Syrie, il faut également faire preuve de méfiance face aux allégations d’atrocités. De toute évidence, les forces gouvernementales syriennes dévastent et dépeuplent systématiquement les zones tenues par les rebelles au moyen de salves d’artillerie, de bombardements aériens et de bulldozers. Elles assiègent et affament des civils dans des enclaves tenues par les rebelles telles que le camp de Yarmouk, la vieille ville de Homs et ailleurs.

Tout cela est vrai. Il est vraisemblable que le gouvernement tue beaucoup plus de civils que les rebelles. Mais c’est peut-être en grande partie parce que les capacités de mort et de destruction du gouvernement sont plus importantes que celles de l’opposition. L’État Islamique d’Irak et du Levant (EIIL), affilié à al-Qaïda, a récemment dévoilé ses intentions en publiant une vidéo sur YouTube qui montre ses miliciens arrêtant des camions sur une route, demandant aux conducteurs de prouver leur connaissance des rituels sunnites et les abattant lorsqu’ils échouent à l’examen. Les assassins ne demandent jamais aux chauffeurs s’ils sont alaouites, chiites, chrétiens, druzes ou ismaéliens; il suffit de ne pas être sunnite pour être mis à mort.

Les groupes djihadistes qui dominent aujourd’hui l’opposition armée tuent automatiquement les non-sunnites, qui représentent environ 25 % de la population de la Syrie. En d’autres termes, au moins 5 millions de Syriens ont de bonnes raisons de craindre qu’ils seront massacrés si les rebelles gagnent la guerre civile. En fait, le nombre est encore plus élevé car l’EIIL et d’autres groupes djihadistes ont par le passé tué des sunnites kurdes, qui représentent encore 10 % de la population à ajouter aux victimes potentielles des djihadistes, ainsi que tous les sunnites qui sont des employés civils du gouvernement.

Les atrocités commises par les rebelles ne disculpent pas le gouvernement ou vice versa. Mais lorsque des hommes politiques tels que William Hague [ministre britannique des Affaires étrangères, ndc] et le secrétaire d’État des États-Unis [John Kerry, ndc] diabolisent seulement les actions du gouvernement, ils donnent une fausse image de ce qui se passe en Syrie. Le soulèvement de 2011 contre le président Bachar al-Assad a été lancé par des militants civils qui voulaient mettre fin à un régime autoritaire cruel et corrompu et créer une société laïque, démocratique et régie par la loi. Mais cette option a disparu depuis longtemps, et en prétendant le contraire, les gouvernements occidentaux favorisent la guerre civile plutôt que de chercher à y mettre fin [Je crois que c'est plus cynique que ça. Les marchands d'armes ont besoin d'un théâtre d'opérations permanent pour écouler leurs produits. Si la Syrie fermait, il resterait quoi ? Les petites guerres africaines ?, ndc].Gardez à l’esprit que si les rebelles l’emportent, le résultat immédiat sera encore 5 ou 6 millions de Syriens fuyant le pays [Pas forcément, si cela arrivait beaucoup trouveraient refuge dans la zone côtière alaouite. Les chiites en Syrie sont moins nombreux que les sunnites, ndc].

Pourquoi le résultat de révolutions qui ont commencé avec de si grands espoirs a-t-il été si nocif ? Depuis 1999, j’ai couvert les conflits de Tchétchénie, d’Afghanistan, d’Irak, de Libye et de Syrie, et dans chaque cas, l’opposition armée a progressivement sombré dans la criminalisation et dans ce qu’on pourrait appeler la « talibanisation ». Les circonstances ne sont pas identiques, mais les similitudes sont frappantes.

Une des raisons de cette talibanisation est que seul l’Islam semble capable de mobiliser des gens prêts à se battre jusqu’à la mort. Cela est important car les guerres ne sont pas déterminées par le nombre de personnes soutenant une cause, mais par le nombre de ceux qui sont prêts à mourir pour elle. Avant l’effondrement de l’Union soviétique, les causes nationales étaient souvent menées par des communistes [staliniens, ndc], qui pouvaient commencer en étant une petite minorité, comme ils l’ont fait dans la guerre civile espagnole, mais s’étendaient rapidement en raison de leur organisation et de leur engagement fanatique.

Au Moyen-Orient, un défaut commun aux régimes assiégés et à leurs opposants laïques les affaiblit tous les deux. Les anciens dirigeants nationalistes de l’Egypte, de la Syrie, de la Libye et de l’Irak depuis Nasser ont justifié leur monopole du pouvoir politique et économique en prétendant que c’est seulement ainsi qu’ils pourraient faire de l’autodétermination nationale une réalité [L'auteur fait allusion au panarabisme. Celui-ci proposait de conjuguer le nationalisme arabe avec l'idéologie stalinienne quand elle était au sommet de sa puissance au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Il s'agisait de faire renaître la "Nation arabe" après la disparition de l'Empire Ottoman, et de reconstituer l'unité lointaine qui existait à l'époque des Omeyyades (661-750). Le panarabisme a été porté par le parti Baas. Le drapeau rouge-blanc-noir est encore celui du Yémen (depuis Saleh), de l'Irak (depuis Saddam Hussein), de la Syrie (depuis Hafez al-Assad) et de l'Egypte (la R.A.U. - République arabe unie - de Nasser). Mais dans les années 60, le "rêve" panarabe ne fonctionnait déjà plus qu'à travers le rejet d'Israël. Il a vite été rendu caduque par la défense par chaque Etat de ses intérêts nationaux, et la défaite des nations arabes à la Guerre des 6 jours en 1967 y a mit fin, sans doute définitivement. Le dernier lambeau de panarabisme qui existe aujourd'hui est celui de la Ligue arabe, ndc]. Dans les premiers moments, ils connurent certains succès: Nasser a triomphé de la Grande-Bretagne et de la France dans la crise de Suez en 1956, Kadhafi a pris le pouvoir et a augmenté le prix du pétrole libyen en 1973, et Hafez al-Assad a victorieusement affronté Israël au Liban dans les années 1970 et 1980. En 2011, cependant, ces gouvernements étaient devenus des cliques soumises à des intérêts privés dont les slogans nationalistes étaient discrédités depuis longtemps et dont la corruption délégitimait l’Etat-nation.

L’erreur des militants des droits civiques et des révolutionnaires non-sectaires en 2011 a été de ne pas voir que mettre l’accent sur les droits humains et civils ne signifiait pas grand-chose à moins qu’un État-nation fort puisse être régénéré [Les "droits humains" dépendent du PIB. C'est un luxe que seuls les pays développés peuvent se payer, ndc]. Le nationalisme peut ne plus être à la mode, mais il unit la société, et sans lui, l’alternative est le sectarisme, le tribalisme et la domination étrangère [Faute d'une plus-value sociale à partager, le nationalisme remplit la fonction de ciment à la cohésion nationale, ndc] . En tant que bailleurs de fonds, les pays producteurs de pétrole sunnites du Golfe définissent le programme, et celui-ci est profondément réactionnaire. Il est hypocrite et absurde pour les puissances occidentales de prétendre qu’elles cherchent à construire des démocraties laïques en alliance avec les monarchies absolues théocratiques en Arabie Saoudite et dans le Golfe.

L’avenir ne semble pas radieux. Une fois que les furies sectaires sont libérées, elles deviennent presque impossibles à contenir. Malgré tous les bouleversements qui ont lieu en Turquie, celle-ci ressemble plus à un État-nation achevé que les autres pays de la région. Mais c’est en partie parce qu’un cinquième de la population turque était chrétien en 1914 et que, après les massacres d’Arméniens et les expulsions ou les échanges de populations avec la Grèce, la proportion est tombée à environ 1 % 10 ans plus tard.

Les gens se demandent pourquoi les révolutions en Europe de l’Est au moment de la chute du communisme [du Mur de Berlin, ndc] étaient beaucoup moins violentes qu’au Moyen-Orient. Une réponse inquiétante est que les minorités de l’Est avaient été assassinées, expulsées ou contraintes de fuir pendant ou peu après la Seconde Guerre mondiale. Le même sort pourrait attendre les minorités de Syrie. [On présente toujours aux opprimés "l'autre" comme étant la cause de leurs malheurs, ndc]


Syrie: Selon les experts la guerre pourrait durer encore 10 ans
AFP, RTBF - 07 mar 2014
http://www.rtbf.be/info/monde/detail_syrie-selon-les-experts-la-guerre-pourrait-durer-encore-10-ans?id=8216843


Avec l'Iran et la Russie qui soutiennent le président Bachar al-Assad et les groupes extrémistes qui envahissent le champ de bataille, la guerre pourrait encore durer une décennie, ont mis en garde jeudi des experts. Assad a délibérément choisi une "stratégie machiavélique" de ne rien faire pendant qu'émergeaient des groupes d'opposants extrémistes comme al-Nusra etl'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), quittant le giron de l'opposition modérée au régime, qui doit elle se battre sur deux fronts, ont-ils expliqué. "Il est maintenant clair que la chute d'Assad n'est plus aussi inévitable que beaucoup de spécialistes le croyaient il y a un an", a souligné l'analyste Daveed Gartenstein-Ross de la Fondation pour la défense de la démocratie. "Le scénario le plus probable est celui que les renseignements américains prévoient maintenant: que la guerre va continuer encore pendant 10 ans, voire davantage", a-t-il ajouté.

Les discussions à Genève pour un accord de paix, initiées par Washington et Moscou, ont échoué fin février, tandis qu'Assad a été renforcé non seulement par les armes et l'argent de la Russie et de l'Iran, mais aussi par sa "volonté éhontée" de ne pas intervenir contre les mouvements extrémistes, selon cet expert. "Le rôle majeur que jouent désormais les djihadistes (au sein de l'opposition) a dissuadé les pays occidentaux de peser davantage", explique Daveed Gartenstein-Ross. Le 15 mars marquera le 3e anniversaire du conflit, qui avait démarré par des manifestations contre le régime brutalement réprimées. La guerre a fait depuis 140.000 morts [plus de 200.000 en comptant les disparus, ndc], tandis que 2,5 millions de Syriens ont fui leur pays, et 6,5 millions ont été déplacés à l'intérieur de la Syrie.

Pour Daveed Gartenstein-Ross, la politique de Washington, qui s'est toujours gardé de livrer des armes lourdes aux rebelles tout en apportant de l'aide humanitaire, est "confuse" et manque d'un vrai "désir de mettre fin" à la guerre. L'arrivée de soldats étrangers dans le conflit pose aussi des risques réels, car "la majorité de ces combattants radicalisés vont revenir chez eux pour combattre (...) avant d'aller en Europe ou aux Etats-Unis", prévient Matthew Levitt, du Washington Institute for Near East Policy. "Alors que la guerre elle-même pourrait être (...) négociable, le sectarisme ne l'est pas, et va certainement créer les conditions de l'instabilité pendant de la prochaine décennie", selon lui.


EDIT (11 mars 2014) On apprend également dans le rapport qu'un enfant réfugié sur 10 travaille et que 25 % des filles dont le mariage a été enregistré en Jordanie sont mineures. « Dans les pires cas, des femmes enceintes et des enfants ont été délibérément blessés ou tués par des tirs de snipers ».
Combien d'enfants qui passeront leur jeunesse à croupir dans ces camps sans perspective d'avenir s'engageront demain dans une milice en échange d'une grosse somme d'argent ?


Impact dévastateur du conflit syrien sur les enfants et la jeunesse
ATS, Romandie news - 11 mar 2014
http://www.romandie.com/news/n/Impact_devastateur_du_conflit_syrien_sur_les_enfants_et_la_jeunesse25110320141021.asp


Le conflit en Syrie a un impact dévastateur sur 5,5 millions d'enfants, a affirmé l'UNICEF. Le nombre des victimes de la guerre a doublé en un an. Un million d'entre elles vivent dans des ruines ou des zones assiégées, sans accès à l'aide humanitaire. Dans un rapport publié mardi à Genève "En état de siège", l'UNICEF affirme que le nombre d'enfants victimes à un degré ou à un autre du conflit a passé de 2,3 millions il y a un an à 5,5 millions. Le flux d'enfants déplacés en Syrie a triplé pendant la même période: de 920.000 à presque 3 millions. Si les hostilités ne cessent pas, des millions de jeunes deviendront une génération perdue, exposée à une violence brutale, sans accès correct à l'éducation et à la santé, prévient l'agence de l'ONU. "Les trois années écoulées ont été les plus longues de leur vie pour les enfants syriens. Ils ne doivent pas endurer une autre année de souffrances", a déclaré le directeur exécutif de l'UNICEF Anthony Lake.

Un enfant syrien sur 10, soit 1,2 million d'enfants ont été contraints de fuir à l'étranger et vivent dans les camps de réfugiés dans les pays voisins, dont 425.000 ont moins de 5 ans. Quelque 40.000 enfants sont nés dans les camps depuis 2011. L'UNICEF estime qu'au moins 10.000 enfants ont été tués depuis mars 2011 et que des dizaines de milliers d'autres survivent avec des blessures handicapantes, comme des amputations et des brûlures. Quelque 2 millions ont besoin d'un soutien psychologique.


Pénurie et déchéance en Syrie après trois ans de conflit
AFP, Assawra - 11 mar 2014
http://www.assawra.info/spip.php?article6422


Des habitants se nourrissant d’aliments pour animaux, d’autres se contentant d’épluchures: la déchéance humaine en Syrie, notamment dans les zones assiégées par l’armée, a atteint une dimension inimaginable il y a trois ans. A mesure que la guerre s’éternise, se multiplient les images effrayantes d’enfants émaciés ou de milliers de personnes attendant désespérément des aides.

Yarmouk, Homs, Ghouta: ces villes et localités sont devenues synonymes de misère et de pénurie, notamment en raison du siège imposé par le régime de Bachar al-Assad. Le pouvoir dit vouloir ainsi déloger les rebelles, qu’il qualifie de "terroristes", mais l’ONU et des ONG comme Amnesty l’accusent d’utiliser la faim comme "arme de guerre". Selon un rapport publié mardi par l’Unicef, un million d’enfants se trouvent dans des zones assiégées ou impossible à atteindre. (...)

La distribution d’aide humanitaire est entravée dans des régions rebelles du nord-est par des groupes armés hostiles aux organisations internationales, selon le Programme alimentaire mondial pour qui 500.000 personnes ne reçoivent toujours pas de nourriture.Le camp palestinien de Yarmouk, dans le sud de Damas, était un quartier populaire et commercial où vivaient 170.000 habitants. Fin décembre 2012, il est devenu un champ de bataille avant d’être soumis en juin à un siège impitoyable. Près de 40.000 civils palestiniens et syriens y vivent dans des conditions abjectes: au moins 60 % souffrent de malnutrition selon Amnesty et plus de 120 personnes en sont mortes selon une ONG syrienne.

"Au lexique de l’inhumanité de l’Homme envers son frère s’ajoute un nouveau terme: Yarmouk", affirme à l’AFP, bouleversé, Christopher Gunness, porte-parole de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), dont une photo de milliers d’habitants en attente d’aide a fait le tour du monde. "Les gens sont réduits à manger des aliments pour animaux et des femmes meurent en couches faute de soins", ajoute-t-il. Amnesty qualifie le siège de Yarmouk du "plus meurtrier" des blocus en Syrie.

Pour Sahar, habitante du camp, 56 ans, "cette pénurie est une insulte à notre dignité". Pour elle et des milliers d’autres civils pris au piège, un repas n’est qu’un lointain souvenir. "Il y a quelques jours, des voisins ont fait entrer des aubergines et du riz de Babbila", une localité à 5 km du camp, raconte-t-elle. "C’était la première fois que je prenais un repas depuis des mois... je me suis sentie revivre", assure-t-elle en ravalant ses larmes. "On a presque oublié ce que cuisiner veut dire". De nombreux témoignages recueillis par l’AFP à Yarmouk et ailleurs reflètent la situation d’avilissement dans un pays autrefois auto-suffisant. "Des gens meurent chez eux et les rats s’en nourrissent avant même que les voisins ne les découvrent", explique Jassem, un militant à Yarmouk.

Depuis le 18 janvier, l’UNRWA a distribué près de 8.000 colis de vivres: "une goutte d’eau dans un océan" d’après l’agence. Les pénuries de médicaments, d’essence et d’électricité n’en sont pas moins aiguës. "Le kilo de farine est passé de 50 à 750 livres (0,30 $ à 5 $), le litre de diesel de 20 à 1.700 livres" (0,13 $ et 11 $), explique Tarek, instituteur dans la Ghouta orientale, une région considérée avant son siège comme le "verger de Damas", également contacté via Skype. "On creuse des puits comme autrefois mais l’eau y est très polluée", poursuit Tarek, qui enseigne dans des sous-sols par crainte des bombardements, à la lumière de bougies et de lampes de poche. Le siège est instauré par l’armée dans plusieurs localités et quartiers comme à Homs, d’où 1.500 civils, à bout de force, ont été évacués en février par l’ONU.

Début mars, la Commission d’enquête de l’ONU sur les violations des droits de l’Homme en Syrie a rapporté que "plus de 250.000 personnes sont soumises à un siège en Syrie" et "doivent choisir entre famine et reddition", mettant en cause l’armée mais aussi les rebelles qui encerclent des villages pro-régime. Ce chiffre s’ajoute à un constat humanitaire terrible: plus de 140.000 morts, plus de 9 millions de réfugiés et de déplacés, plus de 2,2 millions d’enfants sans scolarité et près de 50 % des hôpitaux du pays détruits ou endommagés.


Syrie: Les combattants témoignent avoir trop « sacrifié » pour abandonner le combat
par Angélique Férat
RFI - 22 jan 2014
http://www.rfi.fr/moyen-orient/20140122-syrie-katiba-jordanie-irbid-temoignage-geneve2-bachar


IRBID (nord de la Jordanie) - La région Sud de la Syrie est le berceau de la révolution syrienne. On compterait environ 27 000 combattants rebelles dans cette zone. Rencontre avec Ahmed Hariri, chef d’une brigade rebelle. Il se bat depuis près de trois ans, et le dit haut et fort: Genève 2 ne donnera rien. Les combats vont continuer. Le régime doit partir, clame-t-il.

Ce jour-là, un de ses lieutenants qui est resté à Deraa l’appelle. Les hommes n’ont plus rien à manger. Il a besoin d’argent. Ahmed Hariri explique qu'il n’a pas un sou. Mais promet de trouver une solution. « Hier, on m'a coupé l'électricité, raconte-t-il, parce que je n'ai pas pu payer la facture. Je paye mes hommes 50 € par mois. Alors ceux qui laissent tomber ou qui vont vers les groupes islamistes qui payent mieux, je ne leur en veux pas ». « Je ne regrette rien, poursuit-il. J’ai perdu de la famille, des gens que j'aimais, j'ai perdu ma maison, comme tout le monde autour de moi. Mais nous n’arrêterons pas. Le plus important, c'est de se débarrasser de Bachar el-Assad. Nous avons sacrifié beaucoup, et dans le sang. »

Il n'a jamais milité dans un parti, des idées politiques, il n'en avait pas, dit-il. Il y eu a juste une accumulation de choses: les humiliations, les convocations aux services de sécurité, la peur de ne pas pourvoir sortir du pays, voter en signant avec son sang, sous l’œil des agents des services de sécurité. Puis il y a eu les manifestations, en 2011. Ahmed Hariri s'est dit « je veux respirer, je veux plus de libertés ». La répression féroce, le siège de Deraa par l’armée l’ont convaincu que la seule solution, c’était de changer le régime et non pas de le réformer.

Après tout ça, une solution concoctée à Genève avec le régime, il n’en veut pas: « Nous accepterons toute solution politique, mais seulement et seulement si Bachar et son régime partent. Ils doivent partir. Point. On va continuer à se battre, et si là-bas, ils prennent de mauvaises décisions, on va manifester contre eux ». L'air fatigué, il caresse la tête de l’une de ses petites filles. « Je fais tout cela pour mes enfants, ils méritent un avenir meilleur avec un dirigeant meilleur. Bachar n’a fait qu'amener des milices qui nous assassinent. »


15/03/2014 >> L'armée syrienne s'empare de la ville de Yabroud et coupe la dernière voie de ravitaillement avec le Liban.
 
08/05/2014 >> Les forces syriennes prennent le contrôle de la vieille ville de Homs après l'évacuation de la quasi totalité des insurgés dans le cadre d'un accord passé avec le régime de Bachar al-Assad.

10/05/2014 >> Plus de 100.000 civils fuient les combats entre les jihadistes de l'EIIL et du Front Al-Nosra qui font rage dans  la province de Deir Ezzor à l'Est.

21/05/2014 >> L'armée régulière brise le siège qui lui était imposé depuis 13 mois par le Front Al-Nosra à la prison centrale d'Alep. Elle coupe de ce fait la principale voie de ravitaillement des "rebelles" avec la Turquie.

11/06/2014 >> L'armée syrienne reprend la ville de Kassab frontalière avec la Turquie.

02/07/2014 >> Les jihadistes de l’Etat islamique s'emparent du champ pétrolier d’Al-Omar dans la province de Deir ez-Zor. Les principaux champs pétroliers et gaziers de la région sont en leur possession.

13/08/2014 >> Les jihadistes de l'EI ont réalisé une importante avancée dans le nord de la province d'Alep, chassant des groupes "rebelles" islamistes de plusieurs localités. L'Etat islamique, qui contrôle en très grande partie l'est syrien et une partie du nord, avance rapidement vers l'ouest.

24/08/2014 >>  Les jihadistes de l'EI s'emparent de la base de Tabka, dernière position qui était tenue par le régime dans la province de Raqqah.

27/08/2014 >> Des combattants d'al-Nosra (franchise d'al-Qaïda) ont pris le contrôle du passage de Qouneitra, seul point de contact entre Israël et la Syrie sur le plateau du Golan.

30/08/2014 >> D'après le HCR, la barre des 3 millions de réfugiés syriens enregistrés a été franchie. Le HCR estime par ailleurs que 6,5 millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de la Syrie. Cela signifie, en tout, que près de la moitié de la population a quitté son domicile à cause de la guerre.

13/09/2014 >> Le Front al-Nosra et d'autres formations islamistes prennent au régime le contrôle d'une grande partie du plateau du Golan non occupée par Israël.

15/09/2014 >> L'armée syrienne fait sauter le dernier pont de Deir Ezzor qui permettait aux jihadistes de l'EI de s'approvisionner sur l'autre rive de 
l'Euphrate. La destruction de ce pont met la partie de la ville contrôlée par l'EI en état de siège.

22/09/2014 >> Premières frappes américaines en Syrie avec l'accord du régime de Damas.

27/09/2014 >> Le Front Al-Nosra dénonce les frappes en Syrie de "guerre contre l'islam" et menace les pays de la coalition de "représailles dans le monde entier".