Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
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Dernière mise à jour : 20.11.2025
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Ruée sur les terres vertes africaines

Publié le 06/06/2010 à 11:02 par monde-antigone

 

L'Afrique du Sud et la ruée sur les terres vertes africaines
Les Echos, rapporté par Star du Congo - 29 mai 2010
http://www.starducongo.com/etudiantcongolais/L-Afrique-du-Sud-et-la-ruee-sur-les-terres-vertes-africaines_a305.html
d'après un article "South Africa-Congo ‘land grab’: Exploitation or salvation ?", paru dans The Mail & Guardian du 12 mars 2010


A son tour, après la Chine et d'autres pays d'Asie ou encore du Golfe, l'Afrique du Sud se lance à la conquête des terres agricoles africaines.
D'après l'hebdomadaire sud-africain « The Mail & Guardian », la république du Congo vient de proposer 10 millions d'hectares à des agriculteurs sud-africains pour cultiver du maïs et du soja et développer l'élevage. Selon Johannes Möller, le président de la fédération agricole Agri SA, qui regroupe 70.000 exploitants, quelque 220 agriculteurs pourraient partir bientôt s'installer « au nord ». L'un des objectifs n'est pas d'encourager les agriculteurs sud-africains à quitter leur pays mais plutôt de leur permettre de diversifier leur production, dont une partie devrait être vendue au Congo-Brazzaville et les excédents exportés vers d'autres marchés, notamment l'Union européenne. L'accord avec le Congo intervient alors que nombre d'interrogations se font jour sur ces investissements agricoles en Afrique.

Sont-ils une menace ou au contraire un bienfait pour le continent ?
Cette quête de terres agricoles s'est intensifiée sous la pression de la hausse des prix agricoles, qui ont atteint des sommets en 2007 et 2008, rappelle le journal. Des pays comme l'Ethiopie, le Kenya, le Mali, le Mozambique, le Soudan, la Tanzanie, la Zambie et le Nigeria ont ainsi cédé des terres à des investisseurs étrangers. D'après un négociant agricole à la Chambre d'agriculture sud-africaine, de nombreux pays africains ont aujourd'hui besoin à tout prix d'investissements étrangers. « Mais ces pays doivent s'assurer que ces cessions de terre ne sont pas une autre forme de néo-colonialisme. »

La Banque mondiale accusée de favoriser l’accaparement des terres africaines par des groupes étrangers
Ouestaf news - 25 mai 2010
http://www.ouestaf.com/La-Banque-mondiale-accusee-de-favoriser-l-accaparement-des-terres-africaines-par-des-groupes-etrangers_a2994.html


Un rapport accablant, produit par un « think tank » (centre de recherche) américain a accusé la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) de faciliter « l’accaparement des terres » en Afrique par des groupes privés étrangers.

Le rapport, obtenu par Ouestafnews, passe en revue les réformes foncières dans près d’une trentaine de pays, dont près d’une vingtaine en Afrique et une demi-douzaine en Afrique de l’Ouest, dénonce l’action de la Banque mondiale à travers sa composante privée, la SFI.
Ce rapport est produit à un moment où l’insécurité alimentaire se pose avec acuité dans les pays du Sahel, ramenant à l’ordre du jour la question de l’accaparement des meilleures terres agricoles en Afrique, à la faveur de la nouvelle ruée vers ce continent, favorisée par les politiques libérales imposées par la Banque mondiale aux Etats africains.

« Suite à la crise alimentaire et financière de 2008, la Banque devait jouer un rôle central dans ce qui aurait dû être une offensive en faveur de la sécurité alimentaire dans les pays en développement», affirme les deux rédactrices du rapport de l’Oakland Institute, Anuradha Mittal et Shepard Daniel

Basé aux Etats Unis, le Oakland Institute s’est donné comme mission de favoriser « la participation publique et un débat démocratique sur les problèmes cruciaux au plan social , économique et environnemental », à l’échelle nationale ou internationale.
Toutefois, accusent les deux auteurs, « les faits révèlent que le Groupe de la Banque mondiale est justement en train de faire le contraire, par le biais de ses programmes ‘Access to land’ (accès à la terre) et ‘Land market for investment’ (marché foncier pour l’investissement) ».

Les agissements de la SFI, notamment la promotion des « investissements directs dans le secteur agricole, posent la dangereuse question de la terre dans des pays déjà parmi les plus vulnérables », note par exemple Shepard Daniel, co-auteur du rapport.
« Près de 50 millions d’hectares de terres cultivables dans les pays en développement sont actuellement aux mains d’investisseurs privés », a-t-elle encore affirmé.
Ces accusations sont corroborées par des informations obtenues par Ouestafnews à partir d’autres sources.

Ainsi, selon un article daté du 25 mai 2009 et publié sur le site internet du journal « Les Afriques », depuis 2004, ce sont « au total de 2,49 millions d’hectares de terres qui ont fait l’objet de transactions, soit des concessions, soit des ventes » rien que dans cinq pays africains, dont deux en Afrique de l’Ouest.
Les cinq pays concernés sont l’Ethiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali et le Soudan.

L’article en question cite un rapport commandité par le Fonds international pour le développement agricole (FIDA) et l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui averti contre le risque d’accentuation de la situation de pauvreté dans laquelle se trouve des populations déjà démunies.

Ces transactions, à l’origine de la dépossession des petits propriétaires africains, sont rendues possibles, selon le rapport de l’Oakland Institute, par les pratiques de la SFI, qui pousse les Etats à modifier leur législation en matière d’investissement dans le but de faciliter l’implantation de groupes privés issus des pays du nord.

En Afrique de l’ouest, le texte cite les cas de la Sierra Leone et du Liberia où « 21 modifications ont été opérées sur les textes régissant les affaires en un temps record de quatre mois» et au Mali où le programme de réforme de l’environnement des affaires imposé au gouvernement n’avait d’autre but que de « favoriser l’investissement privé dans le secteur de l’agro-business, du tourisme et des mines…»
D’autres pays ouest africains (Guinée Bissau, Bénin), où l’action de la Banque mondiale et de sa filiale a des effets néfastes sur la propriété et le contrôle des terres, sont aussi cités dans le document.

Les accusations de collusion entre les intérêts de la Banque mondiale et ceux du secteur privé, que ne sont pas nouvelles, sont fondés sur le fait que sa filiale SFI a parfois des intérêts dans les projets d’investissements ou détient des parts dans les sociétés qui investissent.
«La SFI conseille ainsi les gouvernements en étant dans la position d’un investisseur et dans le but d’accroître et de renforcer non seulement les investissements directs étrangers mais aussi son propre programme d’investissement et de croissance », affirment les auteurs du rapport.

Interrogés par Ouestafnews, les responsables de la SFI n’ont pas totalement nié les accusations sur la question des investissements privés étrangers dans les terres.
Elle a plutôt tenté de minimiser les accusations, en arguant que la question foncière est « compliquée », assurant même vouloir aider la Sierra Leone, par exemple à « atteindre son objectif de créer 25.000 emplois directs dans les zones rurales ».

« Notre objectif premier est de favoriser les investissements privés, qu’il soient locaux ou étrangers afin d’encourager la croissance économique et la création d’emplois », a affirmé la SFI dans sa réponse transmise par email à Ouestafnews.
La même source précise qu’au Libéria tout comme en Sierra–Léone, le but est de «simplifier la procédure pour la création d’entreprises.»

Pourtant selon le Oakland Institute, « plusieurs exemples de grands projets » existent qui prouvent que les terres vont aux étrangers.
Au Mali par exemple, plus de « 160.000 hectares » ont été cédés à un groupe privé pour développer la culture du Jatropha, plante utilisée dans la production de biocarburants.
En Sierra–Leone, une multinationale helvétique va produire « 100.000 mètres cubes de bioéthanol à partir de la canne à sucre locale».
Cette compétition entre biocarburants et produits alimentaires est l’un des gros arguments de ceux qui s’opposent à l’expropriation des petits exploitants agricoles.

En dehors de ces deux pays d’Afrique de l’ouest, ailleurs sur le continent, les rapporteurs ont mis en relief le cas éthiopien « un pays où plus de 13 millions de personnes souffrent de la faim et paradoxalement où le gouvernement a mis plus de 7,5 millions d’acres (soit un peu plus de 3 millions d’ha) de terres aux mains de groupes étrangers qui exportent la nourriture vers leurs propres pays ».
En République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement devrait « céder à partir de 2009 près de dix millions d’hectares de terres cultivables à des exploitants étrangers ».

Selon certains analystes, cette dépossession des terres est porteuse de réels dangers pour le continent.
Ainsi dans sa préface au rapport de l’ Oakland Institute, Howard G. Buffet, homme d’affaires, philanthrope, avertit que si « l'Afrique a besoin d'investissements dans l'agriculture », elle n’a pas besoin, par contre, « de politiques qui permettent aux investisseurs étrangers de cultiver et d’exporter la nourriture vers leurs propres peuples au détriment de la population locale ».
« Je vais être encore plus audacieux », écrit le préfacier, par ailleurs fils du milliardaire Warren Buffet : « de telles politiques vont nuire à l’Afrique, en aggravant les conflits liés à l'eau ,à la terre » avant de rappeler que « l'Afrique n'est pas une marchandise avec une étiquette ‘ouverte à tous’ ».

Ce n’est pas la première fois que la SFI est accusée de collusion avec les intérêts privés, dans des secteurs où elle sert aussi de « conseiller » aux Etats, en Afrique principalement.
Avant le foncier et l’agriculture, de pareilles objections étaient apparues dans ses opérations dans le secteur minier africain, où certains experts du continent ont souvent dénoncé une véritable situation de « conflit d’intérêts ».

 

Les responsabilités du capitalisme
par Paul Martial
Biladi (Réseau Mauritanien d'Informations) - 26 Mai 2010
http://www.rmibiladi.com/fr/index.php?option=com_content&view=article&id=860:les-responsabilites-du-apitalisme&catid=1:actualites&Itemid=2


De nouveau, une crise alimentaire de grande ampleur menace les pays de la bande sahélienne: Sénégal, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Tchad, Soudan et Niger. Les populations en font les frais et, plus particulièrement, celles du Niger. La junte qui a renversé la dictature de Tandja a reconnu la vraie situation existante dans le pays. Elle est catastrophique puisque la moitié des habitants sont touchés. Les conditions climatiques ont été mauvaises. En effet, les pluies sont arrivées trop tard et se sont arrêtées trop tôt. Ainsi la période de soudure, traditionnellement difficile, en sera plus longue. Six millions de personnes ont épuisé leur stock de nourriture et déjà deux cent mille enfants doivent suivre un traitement dans des centres de santé qui sont dramatiquement sous équipés, alors que 35 millions de dollars permettraient de faire face.

Mais le problème n’est pas que climatique, il est surtout économique. Les journalistes remarquent que les denrées comme le riz, le sorgho ou le mil sont bien sur les étals des marchés, mais à des prix bien trop élevés pour la très grande majorité de la population. D’autres pays sont touchés, à l’exemple de la République démocratique du Congo (RDC) où le Programme National de Nutrition (PRONANUT) – une agence étatique – considère que dans les provinces de l’Equateur, des Kasaï occidental et oriental, du Katanga et du Maniema, la malnutrition sévit, alors que ce sont des régions particulièrement riches. L’exemple du Katanga à cet égard est révélateur puisque cette région, considérée comme le poumon économique du pays, connaît une situation de malnutrition. La cause principale est liée à la crise économique. Les grands trusts miniers, qui pillent allégrement la région, ont licencié la plupart de leurs employés au motif d’une baisse des carnets de commande. Ainsi des centaines de milliers de familles se trouvent-elles sans ressources.

On se retrouve donc dans une situation où les causes de la crise alimentaire de 2008 restent pérennes, aggravées par la crise économique.
Cette dernière risque fort de limiter les marges de manœuvre des gouvernements pour amortir la hausse des prix des produits de première nécessité. Le problème récurrent n’est pas un manque de nourriture, mais un manque d’argent pour acheter cette nourriture. Avant même la crise, la faim continuait à se développer à travers le monde. Actuellement, plus d’un milliard de personnes souffrent de problèmes de nutrition. Les prix des produits alimentaires, s’ils ont baissé par rapport au pic de 2008, restent néanmoins globalement élevés. En Ouganda et au Kenya le prix des denrées de base, comme le maïs, a été multiplié par deux par rapport à 2007, idem pour le Sorgho au Soudan et selon l’OCDE, les prix vont continuer à augmenter au cours de la prochaine décennie. L’IFFRI (l’International Food Policy Research Institute), une organisation américaine, a calculé qu’un pourcent d’augmentation des prix réels des denrées aurait comme conséquence la malnutrition de 16 millions de personnes supplémentaires dans le monde.

La raison principale de la crise ne vient pas de l’augmentation des besoins de nourriture de la population. Cette dernière peut être largement satisfaite par la production actuelle. Mais par contre, le développement du carburant issu de produits agricoles a accaparé les terres qui, auparavant, étaient dédiées à l’agriculture de nourriture. Une organisation comme Action Aid estime que cette réaffectation des terres pour le carburant est la cause d’une augmentation des prix des denrées à hauteur de 30 % en 2008. C’est ainsi que les spoliations de terre par des grands trusts capitalistes en Afrique ne cessent de s’accroître, expulsant les populations de leur terre. Désormais ces grandes entreprises pourront faire ce quelles veulent, utiliser engrais chimiques, pesticides et OGM. L’abandon de la souveraineté, d’une partie d’un territoire du pays, s’apparente bien à un processus de recolonisation au sens strict du terme.

De nouveau, l’Europe a une responsabilité importante dans ce drame. Après avoir soutenu massivement les projets économiques des institutions financières internationales visant à casser les services publiques des Etats, à détruire les cultures vivrières au profit des cultures d’exportation tout en démantelant les caisses de régulation de ces cultures, imposant les APE (accord de partenariat économique) qui visent à libéraliser totalement les relations économiques avec l’Afrique, elle se lance dans le carburant agricole. Toujours, selon la même organisation Action Aid, les conséquences en seraient que plus de cent millions de personnes risqueraient la famine.

L’Union européenne vient de mettre au point son énième plan d’aide alimentaire avec l’idée de transformer le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CFS), structure technique de la FAO, pour en faire: « l’institution internationale centrale sur la sécurité alimentaire» laissant en suspend la pérennité du financement, se refusant à abandonner les APE et restant étrangement muette sur la question de la spoliation des terres. Etrangement ? Pas si sûr, car plus de 5 millions d’hectares sont achetés ou en passe de l’être par les entreprises appartenant à l’Union européenne !

 

EDIT (14 octobre 2010)

 

Les mystères de la ruée vers l'or vert africain
par Michel Pauron
Jeune Afrique - 08 oct 2010
http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/ARTJAJA2594p090-091.xml0/soudan-kenya-benin-maliles-mysteres-de-la-ruee-vers-l-or-vert-africain.html


La ruée des pays et des groupes étrangers vers l’or vert africain inquiète experts et ONG. Reste que le phénomène est difficilement quantifiable, nombre d’annonces d’accords n’étant pas suivies d’effet.

Alem a trouvé du travail depuis peu. Ce paysan éthiopien qui avait du mal à joindre les deux bouts avec son lopin de terre gagne désormais 1 euro par jour pour travailler sur les 300.000 ha du groupe indien agroalimentaire Karuturi. Maïs, riz, palmier à huile... L’arrivée des investisseurs indiens dans les plaines verdoyantes de la rivière Tekezé, dans le nord du pays, n’est pas le fruit du hasard.
L’Éthiopie est un promoteur actif: elle aurait déjà cédé 1,2 million d’hectares, selon la Banque mondiale. « Nous sommes les moins chers et les plus compétitifs », se vantent même les autorités, espérant convaincre les investisseurs de ne pas dépenser leurs dollars ailleurs. Tout comme le Soudan voisin, concurrent sérieux qui affiche presque 4 millions d’hectares de terres déjà vendues ou louées.

Les porteurs de projets n’ont pas fini d’affluer sur le continent. Ils sont asiatiques, saoudiens, maghrébins, européens, américains, privés ou étatiques, et lorgnent plus de 200 millions d’hectares cultivables et disponibles en Afrique, sur 445,6 millions dans le monde.

Mozambique, Bénin, Nigeria, Mali... Combien de terres ont déjà été acquises sur le continent ? Ce qui fait la une des journaux et qui, au nom du droit au sol des populations, anime les passions, locales et internationales, est invérifiable. Selon l’International Food Policy Research Institute (Ifpri), il s’agirait de 9 millions d’hectares depuis 2006. « On ne connaît pas la réalité », assure pour sa part Bernard Bachelier, directeur de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm). « Il y a beaucoup d’effets d’annonce », poursuit-il. La Banque mondiale, dans son rapport publié le 7 septembre (« Rising Global Interest in Farmland »), estime qu’à la fin de 2009 ces annonces ont concerné plus de 30 millions d’hectares. Mais « dans de nombreux cas, les accords annoncés n’ont jamais vu le jour », explique l’institution.


Manque de transparence

« Il y a d’abord la volonté des opérateurs et des gouvernements de triompher et de faire vite une annonce sur un accord, précise Bernard Bachelier. Mais après, les discussions techniques commencent avec les administrations et, bien souvent, elles s’enlisent autour de la question du droit au sol, du foncier et du cadastre. Aussi, les investissements pour la mise en culture et l’acheminement des récoltes s’annoncent fréquemment bien plus élevés que prévu. Au final, nombre d’investisseurs se retrouvent dans l’incapacité de financer le projet et abandonnent. »

Selon Bernard Bachelier, le Mali est un bon exemple. « Sur 1 million de terres irrigables, gérées par l’Office du Niger, il y a eu pour 650.000 ha de lettres d’intention. Au final, il ne reste plus que 45.000 ha de projets. » Et de citer le projet libyen: « Tripoli et Bamako ont communiqué, en grande pompe, sur un accord portant sur 100.000 ha. Le document ne donne aucune précision sur le type de contrat: bail à durée déterminée ? Propriété ? Au final, seuls 25.000 ha sont évoqués. Et jusque-là, un canal de 40 km a été construit par des Chinois, sans aucun canal secondaire pour irriguer. »
Madagascara elle aussi vu son accord sur 1 million d’hectares tué dans l’œuf: la pression populaire a eu raison du groupe sud-coréen Daewoo, qui avait négocié un bail de... 99 ans.

Le phénomène d’achat de terre sur le continent n’est pas nouveau, mais la Banque mondiale relève que la quantité de terres négociées dans chaque contrat, qui dépassait rarement quelques milliers d’hectares il y a encore cinq ans, en concerne aujourd’hui allègrement plusieurs centaines de milliers. Comme au Bénin, où Green Waves, un groupe à capitaux italiens, a obtenu l’appui du gouvernement béninois pour l’exploitation annuelle de 250.000 ha de tournesol en août 2007, essentiellement pour cultiver des agrocarburants.

Le pays de Boni Yayi entend offrir plus de 3 millions d’hectares de terres d’ici à 2011 aux groupes étrangers pour la culture et le développement des agrocarburants. Avec un prix compris entre 76 et 456 euros l’hectare (suivant le sol, la proximité d’un point d’eau…), l’opération peut être juteuse. Mais pour quelle rentabilité ? Personne ne s’avance sur cette question délicate. Beaucoup de facteurs entrent en compte: prix des produits sur le marché, fertilité des sols, coûts d’acheminement des récoltes, prix des intrants (engrais, semences...).

La Banque mondiale prévient d’emblée qu’une rentabilité de court terme est inenvisageable pour des terres à irriguer et loin des axes routiers. Mais les perspectives de retour sur investissement sont impressionnantes. Ainsi, pour la culture du sucre, une fois les obstacles dépassés et la culture lancée, 1 hectare de terre pourrait rapporter 18.500 dollars en Zambie (environ 13.850 euros), 8.000 dollars au Kenya, contre 3.750 dollars au Brésil...


Un secteur porteur

L’engouement pour les terres fertiles de l’Afrique est bien réel et, tout le monde en convient, le secteur a de l’avenir. La société Investisseur et Partenaire pour le développement (I&P) en est convaincue. Avec 14 millions d’euros engagés sur le continent, dont un bon tiers (hors micro­finance) dans l’agroalimentaire, I&P considère que « le domaine agricole est un secteur clé », selon Sébastien Boyé. L’entreprise, qui investit spécifiquement dans les PME africaines, accompagne entre autres la société Sagex, qui cultive du maïs et du soja sur quelque 3.000 ha au Cameroun.

À Madagascar, I&P est actionnaire de Phileol, producteur d’huile de ricin. Ce n’est pas de tout repos: « Les risques juridiques sont importants, bien souvent le droit coutumier se superpose au droit national, les parties prenantes locales sont fortes. Il faut être souple sur le schéma de sécurisation du foncier. D’ailleurs, nous sommes rarement propriétaires des surfaces. »

Sébastien Boyé pointe en outre le manque d’initiatives africaines. « L’accaparement des terres par des étrangers est au cœur du débat. Or il faut reconnaître que nous ne sommes pas submergés par les demandes émanant d’Africains. Mais la situation va évoluer. » « Le problème de l’Afrique est l’accès au financement, privé et public », soutient ainsi Bernard Bachelier. Les compétences sont un autre obstacle. Ainsi que le résume un agriculteur éthiopien, qui appelle de ses vœux une politique d’accès aux terres de son pays ?: « Nous avons de l’or entre les mains, mais nous ne savons pas comment l’utiliser pour lutter contre la pauvreté. »


EDIT (27 avril 2012)


Acquisitions de terres agricoles: La ruée vers l'Afrique continue
La Tribune - 26 avr 2012
http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20120426trib000695682/acquisitions-de-terres-agricoles-la-ruee-vers-l-afrique-continue.html


Dans un rapport, la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC) estime que le phénomène de l'acquisition à grande échelle de terres agricoles se poursuit. Une dizaine de pays concentrent l'essentiel des assauts des grands groupes internationaux. La ruée des grandes entreprises mondiales sur les terres agricoles, qui avait atteint des sommets en 2009, n'était pas un épiphénomène mais une tendance de fond. Tel est le principal enseignement d'une étude publiée ce vendredi par la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), rédigée avec l'aide d'une quarantaine d'organisations à l'occasion de la Conférence annuelle de la Banque mondiale sur la Terre et la Pauvreté.

L'étude analyse ainsi les investissements fonciers agricoles au niveau international sur les 1217 transactions signalées depuis 2000, concernant 83,2 millions d'hectares de terres dans les pays en développement. Soit l'équivalent de 1,7 % de la surface agricole mondiale. "La ruée s'est ralentie, mais elle continue à un haut niveau" précise le rapport. Et c'est l'Afrique qui concentre, sans surprise, toutes les attentions des acheteurs de terres. Ainsi, 754 transactions sur les 1.217 recensées concernent le continent noir, ce qui représente 56,2 millions d'hectares. Soit beaucoup plus qu'en Asie (17,7 millions d'hectares) et en Amérique latine (7 millions). Ces acquisitions de terres représentent 4,8 % du total des terres agricoles africaines, c'est-à-dire une superficie équivalente au Kenya. La majorité des acquisitions concernent d'ailleurs une infime minorité de pays. Ainsi, onze pays concentrent plus de 70 % de la surface totale des terres acquises dans ces transactions. Sept sont Africains (le Soudan, l'Ethiopie, le Mozambique, la Tanzanie, Madagascar, la Zambie et la République démocratique du Congo). Les trois autres sont les Philippines, l'Indonésie et le Laos.

Selon l'étude, les investisseurs choisissent des pays parmi les plus pauvres, les plus faiblement intégrés dans l'économie mondiale, notamment les pays africains, mais qui offrent de grandes protections pour les investisseurs. Les investisseurs ? L'étude souligne que les principaux pays investisseurs se divisent en trois groupes: les économies émergentes, les Etats du Golfe, et l'Europe et l'Amérique du Nord. Ils proviennent à la fois du secteur public et du secteur privé, et sont attachés aux partenariats avec les pays dans lesquels ils veulent s'implanter, à la fois pour réduire les coûts d'une administration locale souvent complexe, et pour des raisons légales. Un précédent rapport de la Coalition internationale pour l'accès à la terre (ILC), publié en janvier dernier, faisait également état de l'augmentation des acteurs locaux dans l'achat de terres. Ainsi, à Madagascar par exemple, des entreprises locales ont acheté en masse des terres, puis ont signé des contrats avec des entreprises étrangères, de manière à devenir des intermédiaires entre des sociétés étrangères et la population locale.

Mais qu'est-ce que ces investisseurs viennent chercher dans ces terres agricoles ? Plus des trois quarts (78 %) des transactions qui ont donné lieu à des vérifications croisées concernent ainsi la production agricole, notamment les biocarburants. Le reste se répartit entre l'extraction minière, le tourisme et la reconversion forestière.

La ruée sur les terres semble motivée, selon l'étude, par des intérêts de long terme. "La crise alimentaire de 2007-2008 a entraîné une ruée des investisseurs pour les terres agricoles disponibles, qui va continuer dans les années à venir et sur le long-terme", estime l'étude. L'augmentation probable des prix des matières premières alimentaires, la croissance de la population mondiale et de la demande de nourriture, et le développement des biocarburants et de la spéculation financière, font que les terres agricoles sont des investissements d'avenir.