Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
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Dernière mise à jour :
26.10.2025
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Russie: Un immigré tué en marge d'une manifestation de nationalistes
Le Monde - 05 nov 2013
http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/11/05/russie-un-immigre-tue-en-marge-d-une-manifestation-de-nationalistes_3508389_3214.html#xtor=AL-32280515
Un immigré d'Asie centrale a été tué à coups de couteau en marge d'une manifestation de nationalistes lundi à Saint-Pétersbourg, ont indiqué mardi 5 novembre la police et un site d'information. Ce meurtre, commis dans une banlieue de la ville, s'inscrit dans une série d'agressions commises lundi lors de la "marche russe" dans l'ex-capitale impériale, selon le site d'information locale Fontanka.ru. "Le corps d'un ressortissant d'un pays d'Asie centrale a été retrouvé vers 17h, portant des traces de blessure à l'arme blanche", a indiqué la police dans un communiqué, ajoutant rechercher des "suspects". La police n'a pas fait état explicitement à ce stade de motivations racistes.
Fontanka.ru a cependant décrit une agression commise, selon ses sources, en pleine rue par un groupe de jeunes nationalistes. La victime serait originaire d'Ouzbékistan, une des anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale qui fournissent l'essentiel de la main-d'œuvre immigrée en Russie. "Vers 16h, le travailleur immigré de 51 ans est sorti de la cour de son usine. Au niveau du numéro 31 de la rue Karavaevskaïa, un groupe de 10 adolescents l'a agressé. L'homme est mort des suites de ses blessures, les médecins légistes ont relevé 14 blessures à l'arme blanche sur son corps", a indiqué Fontanka.ru. Les enregistrements de caméras de vidéosurveillance montrent des agresseurs portant "l'uniforme" caractéristique des ultranationalistes, dont des chaussures militaires, selon le site.
La police de Saint-Pétersbourg a fait état de la découverte lundi matin d'un autre immigré, originaire du Kirghizistan, mort de blessures à l'arme blanche, sans que la piste d'une agression raciste soit à ce stade évoquée. La "marche russe" avait eu lieu à Saint-Pétersbourg comme dans d'autres villes du pays à l'occasion de la journée de l'Unité du peuple, fête nationale russe. A l'issue de ce défilé qui a rassemblé environ 3.000 personnes à Saint-Pétersbourg (10.000 à Moscou), des groupes de jeunes gens ont agressé des passants en plusieurs endroits de la ville, selon Fontanka.ru. Une soixantaine de personnes ont été interpellées. Le site renvoie à une vidéo présentée comme celle d'une agression commise dans le métro contre des passagers d'apparence "non russe". La "marche russe" s'est déroulée cette année dans un contexte de montée de la xénophobie, trois semaines après de violentes émeutes perpétrées contre des immigrés dans une banlieue de Moscou.
La Russie ne peut pas se passer des immigrés
par Mélanie Moxhet d'après un article de Anton Klioutchkine (lenta.ru)
Le Courrier de Russie - 02 avr 2013
http://www.lecourrierderussie.com/2013/04/02/russie-immigres-xenophobie/
Fin février, les médias russes ont relaté une histoire curieuse: un immigré tadjik, à Moscou, avait dérobé l’étui d’un professeur de musique sous la menace d’un couteau, avant de s’enfuir à toutes jambes avec sa balalaïka. La police est parvenue à retrouver le voleur dans une cour voisine grâce au bruit de l’instrument. L’immigré de 26 ans ne parlait pas russe et le commissariat a dû faire appel à un interprète. La forte résonance de l’affaire a révélé la question plus large, récemment sortie de l’ombre, de la situation des immigrés en Russie. Analyse et explications.
Si le gouvernement russe assure mener une politique visant à attirer des professionnels, ce sont en réalité des ouvriers non qualifiés qui gagnent le pays. Le système de quotas qui limite la main-d’œuvre étrangère autorisée à immigrer à un chiffre significativement inférieur au nombre de personnes qui le désirent condamne les nouveaux arrivants au statut d’illégaux avant même qu’ils ne franchissent la frontière. Selon les données non officielles, la Russie abriterait aujourd’hui entre 7 et 12 millions d’immigrés, majoritairement issus des pays les plus défavorisés de la CEI. Difficile de se fier aux chiffres officiels, mais même eux le montrent: hormis les 3 millions d’étrangers légaux, 3,3 millions de sans-papiers travaillent dans le pays et plus de 4 millions sont entrés en Russie prétendument à d’autres fins. Fin 2012, le président du site Superjob.ru Alexeï Zakharov a publié une lettre ouverte au président russe pour se plaindre de la « rude concurrence » sur le marché du travail entre les Russes et les ressortissants d’Asie centrale. Mais les hauts fonctionnaires en sont certains: la Russie ne peut tout simplement pas se passer de travailleurs immigrés.
Le pourquoi du comment. Avant tout pour des raisons économiques. Le ministère du développement économique prévoit en effet une chute de 8 à 9 % de la population active en Russie à l’horizon 2020. Andreï Klepatch, le ministre adjoint, table dans le meilleur des cas sur une densité de population avoisinant les 80 millions, contre les 87 d’aujourd’hui. La population active s’amenuisera même malgré la dynamique positive des flux migratoires. « Dans l’histoire de l’économie mondiale, aucun pays n’a jamais joui d’une croissance effrénée si sa population active est amenée à s’amenuiser sur le long terme », commente Andreï Klepatch en évoquant les conclusions de Konstantin Romodanovskiï, directeur du Service fédéral migratoire. Face à la réduction de la population, ce dernier est catégorique: attirer les travailleurs immigrés est aujourd’hui une nécessité. « Refuser la main-d’œuvre étrangère et se focaliser exclusivement sur ses propres ressources pose problème », confirme Romodanovskiï. Même si le taux de natalité est reparti en hausse, stabilisant et augmentant la population, l’économie russe a des immigrés un besoin crucial.
Romodanovskiï montre que la décroissance de la population – liée à l’étendue du territoire, à la pression démographique des États limitrophes, à l’exode des populations depuis des régions géopolitiquement stratégiques – a des conséquences sur le développement socio-économique autant que sur la sécurité nationale. Et il n’est pas seulement question du risque que l’État perde le contrôle sur ses propres territoires. La Russie ne peut pas se permettre de fermer ses frontières parce que l’immigration est aussi un vaccin contre la pauvreté dans la région d’Asie centrale, éminemment instable. L’explosion de ces territoires impliquerait de graves dangers pour la Russie à ses frontières sud, d’autant plus à la veille du retrait des casques bleus d’Afghanistan.
La Russie est liée à la plupart des pays de la CEI par des régimes sans visa et contribue en grande partie à leur stabilité nationale en ouvrant ses frontières. Au Tadjikistan par exemple, le marché russe offre de l’emploi à un million de personnes sur les 7 millions de citoyens du pays, et les virements d’argent depuis la Russie représentent la moitié de son PIB. Dans le cadre d’une telle politique, l’accord établissant une base militaire russe dans la république en échange de la possibilité pour les Tadjiks de travailler librement en Russie s’avère logique et mutuellement avantageux. Parmi les travailleurs étrangers, nombreux ne rentrent que rarement au pays, d’autres tentant carrément de s’installer définitivement. Le gouvernement n’a d’autre choix que d’acquiescer. Romodanovskiï souligne que le gouvernement devrait limiter le flux migratoire entrant aux alentours des 300.000 personnes par an.
Si la Russie ne pourrait pas survivre sans les immigrés, le problème est que ces derniers sont nombreux à ne pas pouvoir – ou ne pas vouloir – vivre selon les normes du pays. Ce qui provoque de multiples conflits entre immigrés et autochtones, voire entre les communautés d’immigrés elles-mêmes. La Russie manque cruellement d’une politique d’immigration, et le gouvernement ne propose pas assez de mesures d’intégration. On préfère maintenir les immigrés « dans le noir » en refusant d’admettre que la corruption empêche le bon fonctionnement du système de contrôle des flux. Et finalement, ce sont les structures de maintien de la force qui se chargent de résoudre les problèmes.
Début 2013, des amendements au code pénal ont durci les sanctions à l’immigration clandestine. La peine peut désormais aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement. Les étrangers arrêtés pour infraction à la loi sur l’immigration sont interdits de séjour en Russie pendant 3 ans. Le 15 février 2013, la Douma a adopté en première lecture un projet de loi, proposé par le Kremlin, imposant des amendes en cas de non-enregistrement dans les délais prévus afin de lutter contre le trafic de faux papiers. L’amende pour les bailleurs qui ne déclarent pas leurs locataires est passée de 3.000 à 5.000 roubles (75 à 125 €) et celle qu’encourent les locataires s’élève à 7.000 roubles (175 €). Les ressortissants étrangers risquent quant à eux une amende salée – de 100.000 à 500.000 roubles – ainsi que le renvoi, voire une peine de prison pouvant grimper jusqu’à 3 ans. En outre, d’ici 2015, les ressortissants des pays de la CEI n’auront le droit de pénétrer en Russie qu’en présentant leur passeport. Mais ces mesures ne permettent ni aux immigrés de s’adapter à la vie en Russie, ni d’apaiser le mécontentement croissant des Russes.
Ce « complot du silence » entraîne une montée de la xénophobie. En décembre 2010, plusieurs milliers de nationalistes et supporters de football, enragés par l’assassinat d’un de leur camarade par des nord-Caucasiens, ont tabassé gratuitement et en hurlant des slogans xénophobes tous les ressortissants d’Asie centrale qui avaient le malheur de croiser leur chemin. Les sociologues constatent que la plupart des Russes se prononcent désormais pour l’expulsion de tous les sans-papiers ainsi que pour une limitation des taux d’immigration, quelque soit l’origine des arrivants.
Les études révèlent que la société se tourne vers les politiciens nationalistes. L’opposition exploite cette problématique de l’immigration en soumettant des solutions ayant la faveur du public, mais visant moins à résoudre le problème qu’à attirer l’attention de la Russie centrale. On constate avec étonnement que des personnalités politiques aussi différentes que les députés communistes, les représentants du Conseil de coordination de l’opposition ou le milliardaire Mikhaïl Prokhorov se prononcent unanimement pour l’instauration de visas avec les pays de la CEI.
On entend déjà des voix qui reprochent au Kremlin de vouloir remplacer son électorat désenchanté par les travailleurs immigrés. Mais pour l’instant, nul politique ne s’est aventuré sur ce terrain glissant où, jusque très récemment, ne régnaient que des forces marginales. Pourtant, l’apparition de tels mouvements politiques est peut-être l’affaire de quelques années. Les nationalistes ont salué la proposition du Service migratoire fédéral de créer des « patrouilles d’immigrés » dans les mégapoles russes. Le maire de Moscou Sergueï Sobianine insiste quant à lui pour que la société ne « se laisse pas aller », et ne permette pas que ces patrouilles d’immigrés deviennent des « patrouilles ethniques ».
Quelques chiffres. Au 1er janvier 2013, le Service fédéral des statistiques Rosstat a évalué la population russe à 143,3 millions d’habitants. En 2012, les résidents permanents en Russie ont augmenté de 292.400. Cette hausse, majoritairement due aux travailleurs immigrés, compense un taux de mortalité élevé: 1,898 million de décès contre seulement 1,896 million de naissances. Le Service de l’immigration fédéral indique que la majorité des sans-papiers viennent d’Ouzbékistan, d’Ukraine et du Tadjikistan. Le Service pénitentiaire fédéral précise que les colonies russes abritent aujourd’hui près de 27.000 étrangers. La majorité des détenus sont originaires des pays de la CEI, la moitié venant d’Asie centrale.
Au Tadjikistan, le salut vient des migrants partis travailler en Russie
par Akbar Borissov
AFP, Libération – 05 nov 2013
http://www.liberation.fr/monde/2013/11/05/au-tadjikistan-le-salut-vient-des-migrants-partis-travailler-en-russie_944752
Entre 800.000 Tadjiks, selon les chiffres officiels, et près du double selon des estimations officieuses - sur une population totale de 8 millions de personnes - travaillent en Russie, une manne financière indispensable pour ce pays pauvre d'Asie centrale. Pour l'économiste Khodjamkhamad Oumarov, le pays ne survit que grâce à cette émigration. "Imaginez ce qu'il y aurait ici sans cela: la famine et des troubles sociaux", assure-il à l'AFP. Le Tadjikistan, petite république d'Asie centrale, est dirigée depuis 1992 par Emomali Rakhmon.
En Russie, pays pour lequel ils n'ont pas besoin de visa, les Tadjiks travaillent essentiellement sur les chantiers, dans les marchés et comme chauffeurs. Ils vivent pour la plupart dans des logements de fortune et sont de plus en plus confrontés à la xénophobie. Dès qu'elle entend un bruit à l'entrée de sa maison, Rano, une jeune Tadjike de 32 ans, se précipite en espérant voir sur le pas de la porte le père de ses 4 enfants, de retour au bercail. "Il est parti gagner de l'argent pour nourrir la famille, pour que les enfants puissent aller à l'école et grandir en bonne santé", explique Rano en soupirant.
Autrefois, "il y avait des jours où nous n'avions pas d'argent, même pour acheter du pain. Pour manger et s'acheter des vêtements, il a fallu que je vende les bijoux qu'on m'avait offert à mon mariage", raconte la jeune femme, qui vit avec ses enfants et sa belle-mère dans une modeste maison aux meubles usés. Depuis que son époux est parti chercher du travail en Russie, il lui envoie chaque mois 10.000 roubles (230 €). "On peut s'acheter à manger et de quoi s'habiller. J'essaie aussi d'économiser un peu, je sais qu'il a dû travailler dur pour gagner cet argent", dit Rano.
La vie des migrants est difficile en Russie où les violences xénophobes et racistes sont fréquentes, mais la situation économique au Tadjikistan ne laisse guère d'autre alternative. "Mon mari qui travaillait comme chauffeur de taxi à Moscou a été un jour tabassé avec un objet métallique parce qu'il demandait qu'on le paie pour une course", raconte une femme de 43 ans. "Aujourd'hui, il est invalide, et pourtant il veut repartir", ajoute-t-elle.
Ravagé par la chute de l'URSS, qui a entraîné la fermeture d'une multitude d'usines, le Tadjikistan a aussi été déchiré par une guerre civile sanglante dans les années 1990, qui a fini de mettre son économie à genoux. Aujourd'hui, le pays qui dispose de peu de ressources et dont la démographie augmente chaque année, est confronté à un excédent de main-d'oeuvre, essentiellement des jeunes peu qualifiés. "L'émigration est un des facteurs qui a permis de réduire le taux de pauvreté dans le pays. Ca a aussi éliminé les tensions sur le marché du travail", commente pour sa part la sociologue Dilorom Rakhmatova.
Mais ce phénomène a aussi des conséquences désastreuses sur la société tadjike, selon certains observateurs. "Cela a engendré de gros problèmes: les fondements de la famille sont fragilisés, les enfants grandissent sans père, les familles se décomposent", déclare M. Oumarov. Par ailleurs, nombre d'enfants et d'épouses restant seuls au foyer tombent en dépression, souligne Akobir Zokhidov, porte-parole de l'Unicef à Douchanbé, la capitale tadjike. "La dépression ne touche pas que les enfants, elle touche aussi les mères qui doivent assumer toutes seules le poids de l'éducation de leurs enfants", explique-t-il. "Les enfants grandissent et ne voient pas leur père. Ils l'entendent seulement au téléphone", raconte ainsi tristement une femme de migrant à l'AFP.
Sans frontières, la notion même d'immigrés n'existerait pas.