Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· 37 - Lointains échos dictatures africain (393)
· 00 - Archivage des brèves (771)
· .[Ec1] Le capitalisme en soins intensifs (549)
· 40 - Planète / Sciences (379)
· 10 - M-O. Monde arabe (382)
· . Histoires et théories du passé (218)
· 20 - Japon, Fukushima (237)
· .[Ec2] Métaux, énergies, commerce (251)
· 24 - USA (299)
· 19 - Chine [+ Hong Kong, Taïwan] (316)

Statistiques

Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour : 02.10.2025
8586 articles


Rechercher

L'intervention militaire française au Mali et l'uranium

Publié le 16/01/2013 à 17:39 par monde-antigone


C'est tentant de résumer l'intervention de l'arméee française au Mali à une sécurisation des approvisionnements en uranium et à l'exploitation du site de Faléa, mais c'est réducteur. Il y a énormément d'intérêts en jeu, pétroliers, miniers, commerciaux, stratégiques. La France ne pouvait accepter qu'une puissance militaire comme celle des jihadistes menace durablement ses intérêts. Pendant plusieurs mois il y a eu des négociations à Ouagadougou, à Alger pour tenter de diviser les groupes islamistes, pour gagner du temps jusqu'à la saison des pluies. Mais le pouvoir fantoche de Bamako ne pouvait plus faire illusion. La France est intervenue pour empêcher l'écroulement d'un régime où les représentants officiels étaient devenus les otages d'une junte d'incapables, un peu comme les Américains l'avaient fait au Sud-Vietnam. La guerre s'était étendue au Cambodge, au Laos. Je m'attends à ce que cette guerre-ci embrase tous les Etats de la région (Algérie, Niger, Tchad...). Seule la Mauritanie qui abrite discrètement les bases arrières des jihadistes pourrait être épargnée dans un premier temps.

Aujourd'hui des jihadistes se réclamant d'un groupe dissident d'AQMI ont investi un site gazier exploité par Sonatrach-BP-Statoil à Tiguentourine (In Amenas) dans le sud-est de l'Algérie non loin de la frontière libyenne, prenant en otage une quarantaine d'employés étrangers. Il faut s'attendre à ce que l'Algérie ne reste pas à l'écart longtemps. La guerre va s'étendre au nord du Sahel. La France a annoncé qu'elle allait tripler à 2500 le nombre de soldats déployés au Mali. Le chiffre grossira encore.

On aurait pu croire que la guerre d'Afghanistan allait servir de leçon à toutes les grandes puissances tentées par des aventures militaires exotiques. Les guerres impérialistes entreprises contre des armées de guerilla depuis la fin de Seconde guerre mondiale se sont toutes transformées en bourbiers qui ont coûté très cher aux Etats-Unis et à l'URSS notamment. La multiplication des raids aériens, les "frappes chirurgicales", les milliers et milliers de tonnes de bombes larguées n'ont pas empêché les puissantes armées de battre en retraite piteusement à la fin. Mais cependant dans les écoles militaires françaises, on en est resté aux vieux manuels. Pas question de s'interroger si la faillite de cette approche guerrière ne serait pas une conséquence de la faillite des Etats et de leur stratégie de contrôle des richesses loin de leurs frontières. Or la mondialisation a remplacé l'appropriation directe par une forme de sous-traitance, la mise en réseaux que les BRICS appliquent depuis une dizaine d'années. Aujourd'hui la crise économique fait craindre des accrochages guerriers dans plusieurs coins du monde, en mer de Chine, à la frontière du Pakistan et de l'Inde, au large des Malouines, mais leur coût sera moins élevé que celui que la France va payer pour un demi-siècle de décolonisation inaboutie. C'est un enjeu qui dépasse largement celui de l'uranium.


L’intervention militaire française au Mali vise-t-elle à assurer les intérêts d’Areva ?
CounterPsyOps - 15 jan 2013
http://counterpsyops.com/2013/01/13/lintervention-militaire-francaise-au-mali-vise-t-elle-a-assurer-les-interets-dareva/


Les soldats français vont-ils risquer leur vie au Mali pour « la France » ? Pour empêcher « l’islamisation » de la région ? Pour défendre la « conditions des femmes et de la liberté d’expression », comme l’indiquait Bernard Kouchner sur BFMTV ce samedi, ou pour qu’Areva puisse obtenir les droits d’exploitation d’une mine d’uranium de 5.000 tonnes dans le sud-ouest du pays qu’elle convoite depuis de nombreuses années ?

L’intervention française, baptisée « Opération Serval », du nom d’un félin africain, a été décidée après que les islamistes d’Ansar Edine ont pris plusieurs positions dans le sud du pays, notamment la région de Komma, et menacé de prendre la capitale Bamako, et donc d’avoir un contrôle total du pays. Une situation qui posait un problème à la France, non pas pour les raisons « humanitaires » si chères à Bernard Kouchner et autres BHL, mais plus vraisemblablement parce que la société Areva, groupe industriel français spécialisé dans les métiers du nucléaire, en particulier l’extraction de minerai d’uranium, bataille depuis plusieurs années pour obtenir l’exploitation de quelques 5.000 tonnes de minerai qui se trouvent à Faléa, une commune de 21 villages et 17.000 habitants, située dans une région isolée à 350 kilomètres de Bamako.

L’histoire de l’exploration du sous-sol de la région de Faléa ne date pas d’hier: dans les années 1970, déjà, la Cogema (l’ancien nom d’Areva) et le Bureau de Recherche Géologique Minière en collaboration avec la société d’État malienne (SONAREM) avaient effectué travaux de prospection. L’exploitation n’avait pas semblé rentable à l’époque, notamment du fait de l’enclavement de la zone, des problèmes d’accès à l’eau et de l’énergie nécessaire au fonctionnement de la mine. Depuis, le contexte mondial a changé et c’est désormais une véritable « colonisation minière » qui se joue au Mali.

Depuis 2005, la société canadienne Rockgate a été mandatée par le gouvernement malien afin d’effectuer des forages et recherches à Faléa. Rockgate a produit en 2010 un rapport préliminaire, qui a ensuite été complété par Golder Associates, une société internationale de « conseils dans les domaines connexes de l’énergie » qui indique « que le Mali offre un environnement de classe mondiale pour l’exploitation d’uranium ». Depuis 2011, Rockgate a mandaté l’entreprise française Foraco, basée à Marseille et cotée en bourse à Toronto, pour l’aider dans l’expansion des explorations et forages à Faléa.

La France semble donc bien engagée sur le dossier de l’uranium malien. D’ailleurs, son ambassadeur, Christian Rouyer, déclarait il y a quelques mois « qu’Areva sera le futur exploitant de la mine d’uranium à Faléa ». De là à penser que l’intervention militaire française au Mali vise principalement à protéger les intérêts d’Areva, il n’y a qu’un pas !


EDIT (19 janvier 2013) Réaction à un tract d'Alternative libertaire


"(...) Rendre la liberté aux populations de Gao ou de Tombouctou, cela aurait dû être l’affaire des Maliennes et des Maliens eux-mêmes, éventuellement avec l’aide de pays voisins. Cela aurait réellement signifié une rupture avec la dépendance vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale. (...)"


Rendre la liberté ?? Parce que la liberté existait au Mali avant l'invasion des jihadistes ? Le Mali "démocratique" avait adopté quelques mois plus tôt un code de la famille particulièrement rétrograde qui, sous la pression des religieux, faisait de la femme une mineure soumise au chef de famille.
Et de quelle aide était-on en droit d'attendre "éventuellement" des "pays voisins", autrement dit de dictatures militaires au vernis politicien dont les principaux faits d'armes se mesure en terme de corruption, de répression et d'exactions sur les populations civiles ? Il n'y aura pas de liberté pour les exploités maliens tant qu'ils ne se seront pas débarrassés de leur propre nationalisme qui n'est que la forme la plus visible du néo-colonialisme.


EDIT (8 février 2013) La France impose sa présence au Sahel et l'imposera "aussi longtemps qu'il le faudra", comme l'a dit Hollande au début de l'engagement militaire, en vue de la redistribution des cartes à la fin du conflit avec les Etats de la région. Les intérêts en jeu dépassent largement les mines d'uranium d'Areva.


Au Mali, la France sécurise aussi les sous-sols du Sahel
par Dominique Perrin
Challenges - 07 fev 2014
http://www.challenges.fr/monde/20130207.CHA5985/au-mali-la-france-securise-aussi-les-sous-sols-du-sahel.html


Si d'importants groupes français sont présents au Mali (France Télécom, Bolloré, BNP Paribas, Castel...), leur activité y est peu significative. En revanche, chez ses voisins, au Niger, en Algérie et en Mauritanie, Areva, Total et GDF Suez ont des intérêts hautement stratégiques.

Les apparences sont trompeuses. A priori, le Mali, un des pays les plus pauvres d'Afrique, n'est pas un enjeu économique majeur. La France n'y possède « aucun intérêt, elle est seulement au service de la paix », assure le président François Hollande. Et pourtant. Derrière l'intervention française débutée le 11 janvier se cachent d'importantes préoccupations économiques. Car les pays limitrophes regorgent de ressources naturelles.

La première d'entre elles se trouve dans le sous-sol du Niger: l'uranium. « C'est vraiment le gros enjeu de la région », selon Philippe Chalmain, professeur à Paris-Dauphine et spécialiste des matières premières. A Arlit, Areva exploite une mine à ciel ouvert et une autre, souterraine. Pour le géant français du nucléaire, l'endroit est hautement stratégique, car il en tire plus du tiers de sa production mondiale. Il le vend ensuite à des clients, à l'étranger ou en France. Ce minerai nigérien représente ainsi près de 20 % de l'uranium consommé par les centrales nucléaires d'EDF. Areva est aussi installé plus au sud, sur la mine géante d'Imouraren, dont le lancement a été reporté à 2015. L'uranium y est d'autant plus précieux que très convoité. Ces dernières années, le Niger a en effet accordé de nombreux permis de recherche « à des sociétés canadiennes, australiennes, russes, indiennes et sud-africaines », relèvent les députés Henri Pagnol et François Loncle, dans un rapport parlementaire sur la "situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne".

Au total, le groupe emploie dans le pays 2.700 personnes, dont une cinquantaine d'expatriés, et recourt à 5.000 salariés d'entreprises sous-traitantes. Sur place, les Français travaillent d'ailleurs dans des conditions très sécurisées, depuis l'enlèvement, en septembre 2010, à Arlit, de 7 salariés d'Areva et d'une filiale de Vinci. Quatre d'entre eux sont toujours détenus. En janvier, Paris a même envoyé une dizaine de réservistes des forces spéciales sur les sites du groupe.


Potentiel algérien
Autre ressource très prisée dans le Sahel: les hydrocarbures. Ils ont attiré deux autres multinationales françaises, Total et GDF Suez. S'il ne possède qu'une quarantaine de stations-service au Mali, Total exploite en Algérie un champ à Tin Fouye Tabankort, au nord d'In Amenas, où a eu lieu la sanglante prise d'otages de janvier. Pour des raisons de sécurité, le groupe a d'ailleurs rapatrié ses quelques salariés français dans l'Hexagone ou à Alger. De ce site, il tire une partie minime de sa production mondiale, un peu plus de 1 %. Mais il cherche à développer deux autres champs, à Timimoun et Ahnet. « La production de Total en Algérie a baissé ces dernières années, explique Francis Perrin, président de la société Stratégies et politiques énergétiques. Mais pour un groupe qui prend soin de diversifier ses implantations, ce pays est malgré tout important. Total y est présent depuis les années 1950 sans interruption et souhaite y investir davantage. »

Total est également présent en Mauritanie, car les sous-sols regorgeraient de pétrole. Depuis 2005, il y multiplie les opérations d'exploration. « Le groupe considère qu'il y a un potentiel réel dans ce pays, explique Francis Perrin. Il y possède quatre permis, ce qui est beaucoup. Mais, pour l'instant, rien n'a encore été découvert. »

Pour GDF Suez, l'Algérie fait aussi partie des pays-clés, car le groupe y achète du gaz en quantité (12 % de ses besoins). Mais il prévoit également de devenir producteur. Il développe pour cela avec la société publique algérienne Sonatrach un projet dans le Touat, région de l'ouest du Sahara algérien. Il pourrait y extraire du gaz dès 2016. Comme Total, le groupe explore les sous-sols mauritaniens, mais, plus chanceux, a déjà découvert du gaz. Dans toute cette partie du Sahel, le contrôle de la circulation des hydrocarbures devient aussi très stratégique. L'Union européenne s'intéresse par exemple de très près au gazoduc de 4.000 km qui devrait relier d'ici à 2015 le Nigeria à l'Algérie pour alimenter l'Europe.


Le Mali, petit partenaire
En revanche, les intérêts directs avec le Mali sont minimes. Le pays n'est en effet que le 87e client de l'Hexagone, et son 165e fournisseur. La France exporte au Mali à hauteur de seulement 280 millions d'euros et les exportations du Mali vers la France - surtout de l'or et du coton - n'atteignent que 5,8 millions d'euros (chiffre 2010). Directeur du département risques d'Aon France, Arnaud Froideval précise que, pendant la guerre, « les échanges continuent au Mali, mais les primes d'assurance sur les contrats d'exportation se sont accrues de 30 % par rapport à l'an dernier ». D'importants groupes français oeuvrent sur place - France Télécom avec Orange Mali, la BNP, via sa filiale BICIM, Castel... -, mais, là encore, leur activité reste faible. Le groupe Bolloré, par exemple, ne compte que 200 personnes au Mali, soit 0,8 % de ses effectifs africains. Et les chiffres d'affaires additionnés du Mali, de la Mauritanie et du Niger représentent moins de 1 % de son activité sur le continent.

Les arrière-pensées de l'intervention au Mali ne se situent donc pas dans les échanges avec le pays, mais bien dans la bataille pour le contrôle des sous-sols du Sahel. D'ailleurs, le député socialiste François Loncle l'explique clairement: « La raison majeure de l'intervention était politique, pour contrer la menace d'un Etat terroriste au Mali, avec une contagion possible au Niger, au Burkina et au Sénégal. Et si cela peut sécuriser les entreprises occidentales dans les pays limitrophes, tant mieux. »