Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
18.11.2025
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La France n'a pas spécialement envie d'intervenir non plus, ne serait-ce par un "soutien logistique", en dépit des déclarations présidentielles. Elle connait les obstacles (l'opposition de l'Algérie est le princial) et elle les exploite pour discourir sur le respect de la souveraineté territoriale malienne. Pour l'Elysée, les relations commerciales avec l'Algérie seront toujours plus importantes que d'essayer de mettre la pâtée aux islamistes. Finalement, faire semblant d'agir pour éviter d'agir afin que ses intérêts stratégiques ne soient pas remis en cause, telle est la stratégie de la diplomatie française. La sécurisation des champs gaziers et pétroliers sera sans nul doute au centre des entretiens que Hollande aura avec l'exécutif algérien au mois de décembre lors de sa visite officielle.
J'ajoute pour finir que des tractations secrètes ont lieu ces jours-ci à Alger entre des représentants de Ançar Dine et des militaires maliens. Le ministre de la Défense du Niger est passé lui aussi. Une preuve s'il en est que l'Algérie joue les bons offices et qu'elle entend montrer que rien ne se décidera sans elle.
Pourquoi l'Algérie ne veut pas intervenir au Sahel
par Kamel Daoud
Slate Afrique - 28 sep 2012
http://www.slateafrique.com/95291/algerie-mali-guerre-au-sahel-le-complexe-cachee-de-l-armee-algerienne
Les hésitations de l'Algérie au sujet d'une intervention militaire au Nord-Mali s'expliquent surtout par les craintes d'une éventuelle déstabilisation du régime.
Pourquoi l'Algérie ne veut pas intervenir au Sahel ? C’est le grand mystère qui intrigue les diplomates installés à Alger. La question semble ne pas avoir de réponse "logique". Pourtant, tout indique que rien ne peut se faire sans l'Algérie dans cette région désormais aux mains des terroristes. Mieux, et comme pour accentuer le mystère, il est dit que lors d’une audience accordée à Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika a été clair dans la logique du flou: il avait admis qu’il faudrait agir militairement au Mali même si « il refuse — officiellement — toute ingérence étrangère en Afrique ».
Une bonne synthèse du malaise national: comment à la fois ne pas bouger, ne pas s’impliquer, ne pas cautionner une intervention militaire de la France et des Etats-Unis, tout en sachant qu’il faut se débarrasser d'une crise qui menace de gangréner la région puis tout le désert ? Ce désert nourricier qui donne à l’Algérie son pétrole. En Algérie donc, on sait qu’il faut faire quelque chose tout en devinant qu’il vaut mieux ne rien faire toutefois. En prose diplomatique, le ministre algérien des Affaires africaines s'exprime cette semaine à l’ONU au sujet d'une « solution politique globale ».
D’abord, l’Algérie voit d’un mauvais œil le retour de l’OTAN dans la région, celui de la France et des Etats-Unis. Si la frontière nord de l’Algérie est verrouillée par une belle épopée de guerre de libération, et qu'au sud, les tribus touareg la rende poreuse, une "internationalisation" de cette frontière la rendra irrécupérable. Rien de bon donc pour un pays leader de la décolonisation et fervent de la souveraineté des peuples. Des militaires occidentaux au flanc sud, ce n’est pas une bonne chose pour une Algérie déjà cernée: à l’ouest, un Maroc pas très ami, un Sahara occidental instable par définition; à l’est une Tunisie qui ressemble à l’Algérie des années 90 et une Libye chaotique. En face un Occident qui veille sur sa sécurité d’approvisionnement en gaz et en pétrole.
Autre élément qui explique que l'Algérie n'intervienne pas au Sahel est la question des otages. Des diplomates algériens sont en effet retenus prisonniers dans cette zone, dont l’un est entre la vie, la mort et la rumeur. Donné pour mort par al-Qaida, il est toujours en vie pour les Affaires étrangères algériennes. Intervenir dans la région, c’est tuer les otages et provoquer des drames. Une explication fragile cependant, car un peu trop… généreuse.
Une dernière explication parle de solution algérienne alternative: au lieu de libérer avec fanfares des villes occupées par al-Qaida et que l’on ne peut garder par la suite dans un désert de 800.000 km2, il vaut mieux opter pour un plan d’assèchement des recrues d’al-Qaida et une solution qui permet d’isoler cette holding. Pour certains, s’il faut chercher une réponse à la question de l’année, c’est bien du coté de la psychologie. Celle du régime algérien, vieux, soupçonneux, paranoïaque mais aussi très intuitif, prudent et calculateur.
Pour l’histoire, il faut rappeler que l’Algérie n’intervient jamais militairement hors de ses frontières. Les deux derniers mouvements de troupes remontent aux premières décennies de l’indépendance, avec notamment les fameuses guerres des Sables contre le Maroc, en octobre 1963 et en 1976. Depuis, rien. Ou si peu. Ou clandestinement. On parle bien de discrets mouvements de bataillons durant les années 90 pour faire peur à un agitateur libyen du nom de Mouammar Kadhafi, mais rien d’important. Les guerres algériennes sont "virtuelles" et dissuasives: pour faire peur à l’ennemi ou augmenter la pression, l’Algérie achète des armes, mais ne les utilise pas. Le ballet des achats d’armes est cyclique entre l’Algérie et le Maroc. Quand l’un achète un avion, l’autre achète de quoi y faire face. Depuis des années.
Intervenir au Sahel viendra donc briser cette doctrine militaire algérienne de la dissuasion passive. L’engagement cassera des équilibres régionaux précaires, mais qui durent depuis les années 70. Quelle sera en effet la situation du Sahara occidental et comment va évoluer la tension entre l’Algérie et le Maroc, si l’Algérie s’engage physiquement au Sahel ? Certains disent que c’est l’une des raisons "discrètes" de la réserve algérienne: le souci de ne pas bousculer un ordre régional éternellement précaire. D’autres parlent cependant d’un souci d’équilibre interne encore plus mystérieux: le pouvoir algérien n’est pas "personnaliste", comme on le sait depuis les premiers états-majors FLN de la guerre d’indépendance. Il s’agit bel et bien d’un conseil d’administration entre plusieurs centres avec pour socle idéologique le nationalisme protecteur, et avec pour gardien de la légitimité l’armée et les vétérans de la guerre. La chefferie est une sorte de directoire collégial né de la guerre d’indépendance mais qui ne veut plus refaire la guerre.
Selon cette doctrine de vétérans immortels, il n’y a eu qu’une seule guerre, celle contre la France et qu’une promotion de héros, eux, justement. Engager l’Algérie dans une guerre physique au Sahel va l’entraîner, en externe à faire des alliances, briser son idéologie hypernationaliste antioccidentale, alerter le Maroc et… surtout voir émerger peut-être une nouvelle caste de chefs militaires qui auront de nouvelles armes, de nouvelles troupes et une nouvelle autorité. Il ne faut pas oublier qu’en Algérie, le régime est une régence de décolonisateurs en chefs. L’armée y a le poids le plus lourd mais aussi le plus surveillé par les pairs. D’ailleurs, en Algérie le pouvoir se méfie tellement de lui-même que le poste de ministre de la Défense a été supprimé. Il n’y a qu’une sorte de doublure: un ministre délégué auprès du ministre de la Défense qui est le civil Abdelaziz Bouteflika le président de la République.
Confusément, il semble à certains, que s’engager au Sahel va avoir un impact à Alger. Rajeunir un peu les états-majors et précipiter des retraites anticipées. Pas dans l’immédiat, mais l’engagement miliaire externe ne sera pas sans conséquences. L’armée algérienne a menée plus de guerres en interne (coup d’Etat de 1965, celui raté de Tahar Zbiri en 1967, guerre des wilayas, été 1962, guerre civile des années 90) que hors des frontières. L’une des clefs de ce complexe est à chercher, peut-être, dans l’histoire nationale: la guerre d’indépendance a été menée par deux armées algériennes: celle interne qui sera décimée par la France à l’époque, entre 1954 et 1962 et une armée dite des frontières, établie en Tunisie et au Maroc. C’est cette armée qui prendra le pouvoir, après une guerre fratricide avec l’armée intérieure en été 62. Cela s’appellera la guerre des wilayas. Bouteflika était officier de cette armée des frontières, née hors du pays et qui, apparemment n’aime pas en sortir. Par méfiance. Dans le lexique algérien, on parle du clan de Oujda, famille politique issue de cette armée qui campait au Maroc.
« En 1960, le commandant Abdelaziz Bouteflika est affecté aux frontières méridionales du pays pour commander le “front du Mali” dont la création entrait dans le cadre des mesures visant à faire échec aux entreprises de division du pays de la part de la puissance coloniale; ce qui lui vaudra le nom de guerre de Si Abdelkader El Mali.» C’est ce qu’on peut lire sur le site de la présidence en guise de bio du président. L’épisode malien de Bouteflika est cependant peu clair. Il fait l’objet de beaucoup d’humour chez les Algériens. Il le fera encore plus si l’Algérie s’engage au Nord-Mali pour faire la guerre. On y verra un étrange clin d’œil du destin: cette région que Bouteflika n’a pas aimé, qui a été une affection de sanction pour lui, selon certains, et sa première traversée du désert va le poursuivre jusqu’à la fin de ses jours.
La question est donc complexe: comment faire la guerre au sud sans déstabiliser l’équilibre d’Alger au nord, celui avec le Maroc, celui avec le Sahara occidental, celui avec les tribus touareg mais sans s’allier avec le diable idéologique alias la France et les Etats-Unis ? Pour certains experts militaires algériens, cette guerre va transformer le Sahel en un Afghanistan africain, en essayant de transformer l’Algérie en un Pakistan de service. Et on sait ce qui se passe au Pakistan en terme de stabilité du pouvoir et comment finissent ses présidents.
EDIT (2 octobre 2012)
Mali du Nord: Alger négocie avec les islamistes
par Mélanie Matarese
Le Figaro - 02 oct 2012
http://www.temoust.org/mali-du-nord-alger-negocie-avec,16103
« Il y a urgence à trouver une solution pour empêcher une intervention militaire dans le nord du Mali. Nous devons absolument convaincre toutes les factions sur le terrain de rompre les liens avec les terroristes d’Aqmi et du Mujao. » À en croire une source proche des négociations, c’est en recevant en secret une nouvelle délégation d’Ansar Dine qu’Alger essaie de trouver au plus vite une issue politique à la crise au Sahel. Les tractations avec le mouvement islamiste touareg, qui ont commencé depuis le rapt des diplomates algériens à Gao en avril dernier, visent « à unir les différents courants d’Ansar Dine » la faction la plus radicale - et la plus influente - qui ne reconnaît pas Aqmi comme un groupe terroriste, la frange plus souple, qui souhaite faire du Mali un émirat islamique mais pourrait se démarquer d’al-Qaida, et le courant composé essentiellement d’anciens du MNLA qui veulent privilégier l’autonomie de l’Azawad. « Voilà pourquoi cette délégation était menée par Tena Ould Ahmed (le père spirituel d’Iyad ag Ghali, chef d’Ansar Dine), tenant de l’aile dure, et Amada ag Bibi, plus modéré », explique un proche du mouvement.
Des pourparlers qui ne sont pas du goût de Bamako, où le premier ministre, Cheick Modibo Diarra, a appelé samedi les Occidentaux à envoyer avions et forces spéciales au nord du pays. « Nous ne reconnaissons pas ce type de rencontre informelle, commente . Le Mali compte exclusivement sur une résolution des Nations unies pour envoyer les 3 300 hommes de la Cédéao qui se tiennent prêts. L’Algérie cherche à protéger ses hommes, quitte à sacrifier la population malienne. Elle ne doit pas se sentir obligée de s’impliquer dans une opération militaire, le Mali ne lui demande rien. »
Sur un autre front, les Algériens soignent leurs relations avec les pays acquis à leur cause. Le ministre nigérien de la Défense, Mahamadou Karidiou, reçu par le président Bouteflika la semaine dernière a rappelé la « convergence de vues » entre les deux pays. Autres partenaires privilégiés, les Américains… même si leurs déclarations se contredisent parfois.
Alors que le général Carter F. Ham, haut commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom) affirmait dimanche à Alger que « la situation dans le nord du Mali ne peut être réglée que de manière diplomatique ou politique », le plus haut responsable de l’Afrique au département d’État américain, Johnnie Carson déclarait hier que les États-Unis « seraient prêts à soutenir une intervention armée bien préparée, bien organisée, bien pourvue, bien pensée et agréée par ceux qui seront directement concernés ». Les États-Unis semblent en fait garder deux fers au feu. Ils devraient soutenir au Conseil de sécurité des Nations unies le principe d’une intervention armée internationale aussi large que possible, mais tiennent à s’assurer des conditions dans lesquelles elle pourrait se dérouler.
Attendus le 19 octobre à Washington pour la première session de dialogue Algérie-États-Unis, les Algériens martèlent qu’une telle opération serait « vouée à l’échec ». « Jeter quelque 3 000 hommes dans un théâtre d’opérations de plus de 8 000 km2 serait insignifiant, s’emporte un haut gradé algérien. De plus, l’ennemi, invisible et insaisissable, mènera une guerre d’usure qu’il gagnera à coup sûr contre une formation militaire telle que la pense la Cédéao, qui ne connaît pas, non plus, le terrain saharien. Enfin, les groupes armés s’appuieront sur la population locale, des Touaregs, pour qui une armée africaine équivaut à une force d’occupation étrangère. »