Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.
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Date de création : 10.03.2011
Dernière mise à jour :
19.12.2025
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L'Etat tunisien, par la voix de ses "trois présidences", a fait savoir que la vague de violences de ces derniers jours est imputable aux "provocations" d'une exposition de peinture "Le Printemps des Arts". Les organisateurs de la manifestation culturelle sont même accusés de troubles à l'ordre public par le ministre de la Culture ! Le parti Ennahda trouve dans ces événements l'occasion de cadenasser un peu plus la liberté d'expression. Et il est soutenu par ses otages beniouiouistes, les deux autorités laïques du pays: Marzouki (le chef de l'Etat) et Ben Jaafar (le président de l'assemblée). Cela donne une idée de l'influence des salafistes aujourd'hui en Tunisie ! L'Etat réprime leurs excès, mais il s'en sert pour imposer peu à peu leurs idées.
A quelques jours de son congrès, Ennahda doit montrer qu'il maitrise la situation. Son leader, Rached Ghannouchi, a appelé ses partisans à descendre demain dans la rue au nom de "la gloire de l'islam", pour la défense de "l'identité sacrée", contre le "blasphème" et la "dépravation". Dans son souci de ne pas se faire déborder par son aile la plus droitière, il répond point par point à la surenchère du leader salafiste Abou Ayoub. Celui-ci s'en est pris au gouvernement (qualifié de "pseudo-islamique"), mais visait surtout Marzouki: « Si vous ne réagissez pas à ces images, vous faites partie d’eux » avant d'appeler à l'insurrection vendredi à la sortie des mosquées.
Tunis dénonce les "extrêmistes" et les "provocations artistiques"
AFP, France24 - 13 jun 2012
http://www.france24.com/fr/20120613-etat-tunisien-denonce-extremistes-provocations-artistiques-exposition-art-contemporain-salafistes?ns_campaign=editorial&ns_source=RSS_public&ns_mchannel=RSS&ns_fee=0&ns_linkname=20120613_etat_tunisien_denonce_extremistes_provocations_artistiques
L'Etat tunisien a mis en cause mercredi des "groupes extrémistes" et des "spectres du régime déchu" dans la vague de violences qui a secoué le pays lundi et mardi, mais a également condamné les "provocations" artistiques accusées d'avoir enflammé le pays. Par ailleurs, le chef du parti islamiste Ennahda Rached Ghannouchi a rejeté tout lien entre les violences de lundi et mardi et l'appel au soulèvement en Tunisie lancé dimanche par le chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri. "Ayman Al-Zawahiri n'a pas d'influence en Tunisie. Cet homme est une catastrophe pour l'islam et pour les musulmans", et le courant salafiste en Tunisie, "dont seule une minorité prône la violence, "n'a pas de lien" avec l'organisation terroriste, a lancé M. Ghannouchi.
Le calme semblait prévaloir mercredi au lendemain de deux jours d'émeutes dans plusieurs villes tunisiennes, qui ont poussé le gouvernement à décréter mardi un couvre-feu nocturne sur huit gouvernorats du pays, dont Tunis. Le bilan encore provisoire des violences est d'un mort - un jeune décédé après avoir reçu une balle dans la tête à Sousse (est) -, plus d'une centaine de blessés dont 65 policiers et plus de 160 arrestations.
Dans un communiqué publié mercredi au nom des "trois présidences" (le chef de l'Etat Moncef Marzouki, le président de l'Assemblée constituante Mustapha Ben Jaafar et le chef du gouvernement Hamadi Jebali), l'Etat a condamné "des groupes extrémistes qui menacent les libertés", allusion implicite aux salafistes impliqués dans les violences. Ces groupes "tentent de perturber le pouvoir et de semer la terreur, s'arrogent le droit de se substituer aux institutions de l'Etat et tentent de mettre sous leur coupe les lieux de culte", ajoute le communiqué. Mais les présidences ont aussi mis en cause "des spectres du régime déchu qui tentent de mettre en échec le processus de transition", accréditant la thèse d'une infiltration des salafistes par des ex RCdistes, les membres du parti dissous RCD de Ben Ali. "Ces événements surviennent à un moment où le pays avance vers l'écriture de sa nouvelle Constitution et l'édification de ses institutions", et où "le pays enregistre des indicateurs économiques positifs et une saison agricole et touristique prometteuse", relève le communiqué officiel. "A chaque fois que la Tunisie entre dans une phase d'apaisement, de tels événements ressurgissent", ajoute-t-il.
Toutefois, comme cela a été le cas depuis un an en Tunisie à chaque éruption de violences liées à des questions religieuses ou morales, les autorités ont aussi dénoncé les "provocations" artistiques supposées avoir mis le feu aux poudres. Les violences ont démarré à la suite d'une controverse autour d'une exposition,"Printemps des Arts", à La Marsa (banlieue nord de Tunis), où des oeuvres ont été jugées offensantes pour l'islam. En cause notamment: un tableau de l'artiste Mohamed Ben Slama représentant une femme quasi nue avec en arrière plan des hommes barbus, et une toile façon bande dessinée représentant un salafiste furieux.
Dans leur communiqué, les trois présidences ont ainsi condamné "l'atteinte au sacré", qui "ne procède pas de la liberté d'opinion et d'expression et qui vise à provoquer et à semer la discorde ainsi qu'à profiter d'une situation sensible pour nourrir les tensions". Dès mardi, le ministre de la Culture Mehdi Mabrouk avait annoncé qu'il allait déposer plainte contre les organisateurs de l'exposition et fermer le palais où les oeuvres ont été exposées. Le mouvement Ennahda a également dénoncé l'atteinte au sacré et appelé à manifester vendredi après la prière, se joignant de facto aux groupes salafistes qui avaient lancé cet appel dès mardi. Ces prises de position ont consterné des artistes tunisiens, qui ont dénoncé "la lâcheté" des autorités et "un conservatisme absolument incompatible avec la liberté de création et d'expression".
Tunisie: Ennahda veut interdire l'atteinte au sacré dans la Constitution
AFP, Romandie news - 12 jun 2012
http://www.romandie.com/news/n/_Tunisie_Ennahda_veut_interdire_l_atteinte_au_sacre_dans_la_Constitution79120620121726.asp
TUNIS - Le groupe parlementaire islamiste Ennahda dominant l'Assemblée constituante tunisienne a annoncé mardi qu'il allait proposer une loi incriminant l'atteinte au sacré, après une nouvelle éruption de violence de groupes salafistes contre des oeuvres jugées blasphématoires.
« Les symboles religieux sont au-dessus de toute dérision, ironie ou violation », écrit le groupe Ennahda (89 élus sur 217) dans un communiqué, précisant qu'il oeuvrera à inscrire le principe d'interdiction d'atteinte au sacré dans la future Constitution tunisienne. « Les libertés d'expression et de création, bien que reconnues par le mouvement Ennahda, ne sont pas absolues et ceux qui les exercent doivent respecter les croyances et les moeurs du peuple », ajoute le texte.
Des actes de violence ont été perpétrés par des groupes de salafistes et de casseurs mêlés qui protestaient contre une exposition Printemps des Arts dans un palais de La Marsa (banlieue nord de Tunis). Des oeuvres jugées blasphématoires ont été détruites dans la nuit de dimanche à lundi, et le lieu de l'exposition a été de nouveau la cible d'attaques la nuit suivante, parmi d'autres violences survenues en divers points de la capitale.
Dans un communiqué mardi, le mufti de la République Othmane Batikh a également dénoncé les oeuvres présentées qui, selon lui, comportent des représentations symboliques portant outrage au sacré en Islam. Les symboles sacrés de l'Islam sont des lignes rouges à ne pas franchir, a-t-il ajouté en exhortant les membres de l'Assemblée constituante à adopter dans les plus brefs délais, un projet de loi qui incrimine toute atteinte aux symboles de l'Islam.
Selon le directeur de l'exposition Printemps des Arts Luca Luccatini, les oeuvres incriminées sont notamment deux toiles de l'artiste Mohamed Ben Slama. L'une, Femme au couscous à l'agneau représente une femme quasi nue avec en arrière plan des hommes barbus, l'autre montre des fourmis sortant du cartable d'un petit garçon et formant le nom d'Allah. Un autre tableau représentant un Superman barbu portant un homme également barbu dans ses bras a aussi déclenché le courroux des islamistes. Les autorités tunisiennes ne sont d'ailleurs pas montées au créneau pour défendre l'exposition, le ministère de la Culture ayant dénoncé lundi soir toutes les formes d'agression contre les valeurs sacrées présentes dans quelques-unes des oeuvres exposées.
Ennahda a dû renoncer en mars dernier sous la pression de l'opposition et de la société civile à toute référence explicite à la charia dans la future Constitution tunisienne, mais le débat revient régulièrement dans les travaux des commissions qui rédigent la Constitution, sous la forme de propositions d'articles ou de lois.
Tunisie: L’art attaqué, les artistes révoltés
RFI - 13 jun 2012
http://www.rfi.fr/afrique/20120613-tunisie-art-attaque-artistes-revoltes-Printemps-des-Arts-Mohamed-Ben-Slama-Pers%C3%A9polis-Africart-%C3%A0-Tunis
« Révoltés », « catastrophés »: ciblés à plusieurs reprises depuis un an par des extrémistes islamistes, des artistes tunisiens fustigent la « lâcheté » du gouvernement, qui a mis en cause « les provocations artistiques » dans la vague de violences des derniers jours. Peintres, plasticiens, cinéastes, ils étaient une petite trentaine ce mercredi 13 juin matin devant le ministère de la Culture à brandir quelques pancartes: « retirer à l'art sa fonction subversive, c'est l'assassiner ». Mais l'abattement le dispute à la colère.
Mardi soir, le ministre de la Culture Mehdi Mabrouk, un sociologue indépendant et respecté, a annoncé son intention de porter plainte contre les organisateurs de l'exposition qui serait à l'origine des troubles. Et le palais Abdellia de La Marsa où étaient exposées les œuvres de cette manifestation annuelle d'arts plastiques sera fermé jusqu'à nouvel ordre. « C'est une réaction lâche, catastrophique, dramatique. Il a lâché les artistes, je n'arrive même pas à réaliser l'énormité de la chose », dit en secouant la tête Salima Karoui, membre du Syndicat des arts plastiques.
Le « Printemps des Arts » est pointé du doigt dans le déclenchement des émeutes qui ont enflammé plusieurs villes tunisiennes lundi et mardi. En cause, des œuvres qui porteraient « atteinte au sacré », tel un tableau de Mohamed Ben Slama représentant une femme demi-nue avec des hommes barbus en arrière plan. Ou encore le visage d'un salafiste bouillant de colère, dessiné façon BD.
Au dernier jour de l'exposition dimanche, deux hommes se présentant comme huissier et avocat et dont les mandataires sont inconnus étaient venus demander le décrochage des toiles contestées. Dans la soirée, des groupes de présumés salafistes se sont introduits dans le palais Abdellia et lacéré ou détruit plusieurs œuvres. Lundi soir, les émeutes commençaient. Les tableaux en question pouvaient être « choquants pour des esprits non avertis, mais en aucun cas il n'y a atteinte au prophète ou à l'islam », selon une source diplomatique qui a suivi de près le déroulé des évènements.
« C'est de l'acharnement, on se sent menacé désormais, personne ne nous protège », soupire Nahla Dkhili, une plasticienne, en rappelant les attaques contre des artistes depuis un an: agression contre le cinéaste Nouri Bouzid en avril 2011, saccage du cinéma Africart à Tunis en juillet 2011, un professeur de théâtre molesté le mois dernier au Kef (ouest de Tunis)... « Je suis révolté. La révolution est confisquée par une idéologie fanatique en train de tout contaminer », s'énerve le cinéaste Mohamed Zram. « L'art, c'est la dérision, la provocation. Mais aujourd'hui, toute personne qui réfléchit différemment, qui rêve, est suspecte", ajoute-t-il, ironisant tristement sur les salafistes « qui n'ont pas le sens de l'humour, c'est certain ».
Les autorités ne sont pas montées au créneau, loin s'en faut, pour défendre les artistes. Elles ont condamné « l'atteinte au sacré » et Mehdi Mabrouk a même parlé de « provocations artistiques ». « C'est honteux de la part du ministre de trahir les siens et de mettre au même niveau des pilleurs, des casseurs, et des artistes soi-disant provocateurs », s'étrangle le réalisateur Karim Belhadj. Il concède toutefois un certain malaise, que l'on retrouve dans les débats passionnés sur la liberté de création et d'expression. « Je suis un peu entre deux feux, adepte d'une liberté totale, et en même temps, est-il sensé ces temps-ci de mettre de l'huile sur le feu alors que les extrémistes sont aux aguets ?"
Le même débat avait affleuré lors de l'affaire Persépolis qui a agité la chronique judiciaire tunisienne pendant 8 mois. Certains salariés de la chaîne Nessma, tout en défendant leur patron poursuivi en justice pour la diffusion d'un film jugé « blasphématoire », s'étaient interrogés sur l'opportunité de programmer le film franco-iranien dans un contexte tendu, juste avant les élections d'octobre 2011. « Quel que soit le débat, les faits sont là: les artistes ont peur désormais. Certains se cachent, d'autres envisagent de quitter le pays », tranche la source diplomatique.
EDIT (15 juin 2012)
Tunisie: Les islamistes renoncent à manifester vendredi
AFP, 14 jun 2012
http://www.france24.com/fr/20120614-tunisie-islamistes-renoncent-a-manifester-vendredi
La branche la plus radicale de la mouvance salafiste tunisienne, Ansar Al Charia, ainsi que le parti islamiste au gouvernement Ennahda, ont renoncé à manifester vendredi pour la défense des "valeurs du sacré", quelques heures après l'interdiction de toute marche par le gouvernement en raison de violences cette semaine.
"La manifestation est annulée pour respecter la décision du ministère de l'Intérieur" qui a interdit toute marche à travers le pays vendredi, a déclaré Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahda. "Après concertation de nos frères dans toutes les régions du pays et l'examen de la situation, Ansar Al Charia a décidé d'annuler les manifestations de vendredi", indique le texte posté jeudi soir sur la page facebook du mouvement dirigé par l'ex-jihadiste Abou Iyadh. "Nous appelons tous nos frères à comprendre cette décision et à ne pas se laisser entraîner par leurs émotions", poursuit le texte.
Le mouvement islamiste Hizb Ettahrir a également renoncé à manifester. "Il n'y aura pas de manifestation demain", a déclaré à l'AFP Ridha Belhaj, porte-parole de ce mouvement qui prône l'application de la charia et la restauration du califat. "En revanche, il y aura un rassemblement à la Kasbah (place du siège du gouvernement à Tunis) où nous expliquerons nos positions", a-t-il déclaré, précisant que "toutes les tendances" islamistes seraient présentes.
Plusieurs groupes de la mouvance salafiste avaient lancé depuis le début de la semaine des appels à manifester à travers le pays après la grande prière du vendredi, pour dénoncer les "atteintes aux valeurs du sacré" contenues selon eux dans des oeuvres exposées la semaine dernière à La Marsa, banlieue nord aisée de Tunis. L'exposition, cible d'attaque par des salafistes présumés dimanche dernier, a servi de détonateur à une flambée de violences lundi et mardi qui a fait un mort et plus de 100 blessés dans tout le pays.
En réponse à ces violences, le gouvernement tunisien a rétabli mardi un couvre-feu, pour la première fois depuis mai 2011 à Tunis, et le ministère de l'Intérieur a annoncé jeudi l'interdiction de toute manifestation vendredi, évoquant des "appels à la violence". "Le ministère de l'Intérieur n'a autorisé l'organisation d'aucune marche pour demain", a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère Khaled Tarrouche. "Des appels à la violence circulent sur Facebook", a-t-il précisé. Sur certains sites extrémistes, on peut voir la liste nominative des artistes dont certaines oeuvres sont été détruites dimanche ainsi que des appels au meurtre contre "les mécréants", a constaté l'AFP.
Ansar Al Charia avait violemment dénoncé l'exposition mais démenti toute implication dans les émeutes et mis en garde contre des "provocations". Un autre leader salafiste, Abou Ayoub, avait de son côté lancé un appel enflammé au "soulèvement" dans une vidéo - dont l'authenticité n'a pas été vérifiée - mise en ligne mardi.
Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennahda qui domine le gouvernement et l'Assemblée nationale constituante, avait de son côté appelé les Tunisiens à "une marche pacifique" pour protéger "la révolution" et s'opposer à la violence, mais également pour défendre "les valeurs du sacré", rejoignant de facto les mots d'ordre des salafistes. Selon M. Tarrouche, l'interdiction s'applique également à cette marche.
Jeudi, l'appréhension était palpable chez de nombreux Tunisiens, marqués par les émeutes du début de semaine et le climat de tension général. Huit gouvernorats tunisiens sont sous couvre-feu nocturne depuis mardi soir, dont la capitale et des régions touristiques comme Sousse et Monastir (est). "Les Tunisiens doutent. Beaucoup ont peur", relevait le journal La Presse, tandis que Le Quotidien se demandait "qui tire les ficelles de cette situation exécrable" ?
EDIT (16 juin 2012)
Tunisie: Déçus par la révolution, galvanisés par la religion
par Julie Schneider
Le Point - 14 jun 2012
http://www.lepoint.fr/monde/tunisie-les-decus-de-la-revolution-galvanises-par-la-religion-14-06-2012-1473505_24.php
Des émeutes ont éclaté dans la nuit de lundi à mardi et mardi toute la journée dans plusieurs régions de la Tunisie, dont Cité Intilaka. Certains boivent de l’alcool, d’autres fument des drogues, mais tous ont "défendu" l’islam.
À Cité Intilaka, banlieue populaire de Tunis, la vie reprend son cours. Le métro circule de nouveau. Quelques klaxons de voiture retentissent. Des traces de pneus brûlés, des pierres et des cartouches de gaz lacrymogènes qui traînent sur le sol témoignent des affrontements qui ont opposé les forces de l’ordre aux manifestants pendant près de 24 heures. Mais dans les rues, ce mercredi 13 juin, pas un seul policier ou militaire.
"Il y avait environ 2 000 personnes dans la rue à cause des dessins. Il ne faut pas s’attaquer à Dieu, c’est un sujet très sensible", explique le gérant de la librairie Nasser, qui fait l’angle devant la station de métro. Il sort de son tiroir une feuille A4 sur laquelle figurent quatre peintures. Ces affichettes auraient été accrochées aux murs de la ville et étaient censées représenter les tableaux de l’exposition du Printemps des arts. Trois d’entre eux étaient bel et bien exposés au palais Abdellia, à La Marsa, mais le quatrième qui représente Mahomet sur un âne en train de chevaucher La Mecque ne l’était pas. "Ces images nous ont tous choqués. Ce sont des salafistes, mais aussi des voleurs et des gamins de 14-16 ans qui manifestaient", témoigne un serveur du Café de l’oasis, qui avait vidé sa terrasse la veille. "Beaucoup sont des jeunes en manque de sensations fortes", nuance, de son côté, Hichem, étudiant en informatique.
"Le gouvernement s’est moqué de nous ! On veut qu’il réagisse à ces dessins", fustige Marouan Ghribi, pour qui la décision de porter plainte pour "atteinte aux valeurs du sacré" contre les organisateurs de l’exposition est "insuffisante". Qamis, barbe en bataille, n’y va pas par quatre chemins: "Les responsables de ces images doivent être jugés selon la loi islamique. Selon la religion, tous ceux qui touchent au Prophète ou à Allah doivent être tués", assène ce vendeur de prêt-à-porter, père de deux enfants. Il sait pourtant que, fin mars, le mouvement Ennahda, dominant au sein de l’Assemblée constituante, a déclaré que la charia ne serait pas inscrite dans la Constitution. Une décision dénoncée dimanche par le chef d’al-Qaida, Ayman al-Zawahiri. "Pourquoi ils se sont présentés comme des islamistes ? Le peuple ne votera pas pour eux aux prochaines élections", lance Marouan.
"Tout ça, c’est la faute du gouvernement d’Ennahda. C’est lui qui a pris cette décision d’exposer. C’est la faute du ministre de la Culture", dénonce un jeune homme âgé de 16 ans portant une casquette militaire. Le palais Abdellia, où se tenait l’exposition tant controversée, se trouve être sous la tutelle du ministère de la Culture. La voix raillée, l’adolescent soulève son tee-shirt pour montrer la brûlure laissée par une grenade lacrymogène prise en pleine poitrine la veille. Un de ses doigts est pansé. "On manifestait pacifiquement. Puis la police est arrivée et a tiré des gaz lacrymogènes", raconte-t-il. À ses côtés, un autre jeune homme du même âge ramasse une cartouche tombée au sol. Dans la nuit de lundi à mardi, les forces de l’ordre ont tiré en l’air pour disperser les manifestants. "Ils nous tiraient dessus avec des balles qui ne tuent pas", explique le lycéen. Des balles à blanc ? "Non, des balles qui lâchent de petits projectiles."
Les vitres du café Le rendez-vous sont brisées. "Une personne a sauté par la fenêtre du premier étage, parce que la police a envoyé des grenades lacrymogènes à l’intérieur. Elle a les deux jambes brisées", explique Wahid Rajhi, le propriétaire. Lui se vante de boire de l’alcool. La prière ? "Des fois", répond-il, ce qui ne l’empêche pas de "donner raison aux salafistes". Les cheveux grisonnant, il explique de manière pointilleuse: "Il y a des choses dans la vie qui sont très sacrées. On ne joue pas avec la religion. La religion passe avant tout, même avant les parents ! Salafistes ou pas, il faut respecter la religion." Contradictoire ? "C’est très personnel, la religion. Je peux boire et prier. Avant [sous Ben Ali, NDLR], quand on allait à la mosquée, on était suivis. Et on ressortait sans passeport ni travail. Mais on avait la religion dans nos coeurs. Maintenant, on est libres. Avec Ennahda, je peux choisir entre les bars et la mosquée", sourit cet homme qui porte de grosses lunettes de soleil noires.
"Moi, je fais pas la prière, mais je suis allé manifester. On a attaqué ma religion", lâche Mohamed, 21 ans. Devant les regards interrogatifs des adolescents à ses côtés, il justifie: "Je suis étudiant, je ne peux pas pratiquer correctement." Lui n’est "pas du côté des salafistes. Mais ils font des choses bien. Ils collectent de l’argent pour aider les veuves, par exemple. Et ils ont protégé des bâtiments qui allaient être attaqués [mardi] soir [premier soir du couvre-feu, NDLR]. Ils sont bien."
Du haut de ses 17 ans, Najeh, lui aussi est allé protester "à cause des dessins qu’il a vus sur Facebook". Mais sa cible, c’était la police: "Elle ne nous donne aucune liberté. Ceux qui fument des joints prennent le risque d’aller en prison pendant un an et de ne pas avoir de travail après. C’est pas normal." En rougissant, celui qui se vante d’avoir fait la révolution avoue en fumer. En janvier 2011, Cité Intilaka était l’un des principaux foyers de contestation de la capitale. "En fait, c’était pas une révolution. Rien n’a changé. On a toujours la pauvreté et le chômage."
"Certains vont dire que c’est de la démagogie, mais c’est pas ça. Je comprends ceux qui ont manifesté. L’adoration du Prophète et d’Allah unit tout le monde ici. Personne ne nous l’impose, on grandit avec", rappelle Hichem. Assis sur des marches, à l’ombre d’un magasin fermé, il estime que "la liberté d’expression absolue n’existe pas et n’a jamais existé. Dans n’importe quelle société, il y a des tabous."
EDIT (17 juin 2012)
Tunisie: une violence symptôme des failles du pouvoir
AFP, France24 - 16 jun 2012
http://www.france24.com/fr/20120616-tunisie-une-violence-symptome-failles-pouvoir
Le gouvernement tunisien a adopté pour la première fois une ligne ferme vis-à-vis des salafistes, un revirement imposé par les circonstances qui cache mal les faiblesses de l'exécutif et du parti islamiste dominant face à la pression extrémiste, selon des analystes. Interdiction de toutes manifestations vendredi, déploiement sécuritaire dissuasif, sanction contre un imam radical: les autorités ont fait preuve ces dernières 24 heures d'une fermeté inédite. Le calme est revenu et le couvre-feu imposé mardi après deux jours d'émeutes attribuées à des groupes mêlant salafistes et casseurs a été levé.
Pour l'analyste Ali Laïdi Ben Mansour, "le gouvernement a eu tellement peur que ça dégénère, qu'il n'avait pas d'autre choix que de faire preuve de fermeté. C'était ça ou le chaos". Il n'y voit toutefois "pas encore un changement d'attitude", estime-t-il rappelant que les autorités ont renvoyé dos à dos émeutiers et artistes "provocateurs", après le saccage d'une exposition jugée blasphématoire qui a donné le coup d'envoi des émeutes.
Comment expliquer la brusque flambée de violences ? "Le pari de Rached Ghannouchi (chef d'Ennahda) était de bénéficier de la base sociale des salafistes, en échange de quoi le gouvernement était relativement tolérant vis à vis d'eux. C'est un pari qui a fonctionné jusqu'à maintenant mais qui est en passe d'échouer", juge le sociologue Samir Amghar. "Ennahda a laissé les salafistes s'organiser et d'un coup, la créature leur échappe", renchérit une source diplomatique.
Le chercheur Alaya Allani, spécialiste des mouvements islamistes au Maghreb, identifie trois facteurs expliquant le déclenchement des violences: "social, avec une augmentation du nombre de chômeurs et de marginaux, couches où recrutent les salafistes"; "sécuritaire, avec l'incapacité du gouvernement à réagir, surtout dans les zones déshéritées". Et enfin un "facteur idéologique": "le pouvoir n'arrive pas à identifier le modèle de société qu'il veut pour la nouvelle Tunisie", oscillant entre "un islam modéré dans une démocratie moderne et un islam conservateur hostile à la modernité". Les observateurs soulignent aussi l'incapacité de l'opposition de gauche, très divisée, à peser pour défendre son modèle libéral de société, certains l'accusant même de "jouer avec le feu" en focalisant l'attention sur les questions identitaires et religieuses.
Dans ce contexte brouillé, les salafistes avancent leurs pions. Estimés à quelques centaines après la révolution, ils seraient désormais plus de 10.000 en Tunisie. "Par leurs actions spectaculaires, ils veulent faire entendre leur voix, à un moment charnière de l'histoire de la Tunisie où s'élabore la constitution qui va donner un cadre juridique, institutionnel et sociétal pour des décennies", affirme Samir Amghar.
En Tunisie comme dans des pays voisins (Libye, Mauritanie), les salafistes sont travaillés par des débats internes sur leur entrée dans la sphère politique, "à l'instar de ce qui se passe en Egypte où ils constituent la deuxième force", explique Alaya Allani. Lors du congrès annuel en mai d'Ansar Al Charia, principale branche de la mouvance salafiste tunisienne, son chef Abu Iyadh a fait "un discours sur le tourisme, la santé, le gouvernement, c'était un vrai programme politique", rappelle-t-il. Le même mois, le parti islamiste interdit Hizb Ettahrir, qui prône la restauration du califat, a de nouveau déposé une demande de légalisation.
Reste une interrogation: l'influence d'Al-Qaïda sur certaines des factions de la mouvance salafiste. De nombreux observateurs ont relevé que la flambée de violences survenait deux jours après l'appel du chef d'Al-Qaïda Aymen Al-Zawahiri au soulèvement en Tunisie "pour réclamer l'application de la charia". "Al-Zawahiri a cru que le comportement souple du gouvernement tunisien lui permettait de passer à l'étape supérieure", note M. Allani, soulignant qu'"il n'existe pas jusqu'à présent de preuve d'un lien organisationnel entre al-Qaïda et Ansar al-Charia". "Al Qaïda n'a pas d'influence en Tunisie", et Al-Zawahiri "est une catastrophe pour l'islam et les musulmans", a rapidement mis au point Rached Ghannouchi, le leader d'Ennahda.