Le Monde d'Antigone

Ni rouge, ni noir, ni vert. L'autonomie rejette partis,
syndicats et toute forme de gestion et de pouvoir.
Rassembler des foules sous un même drapeau
trouve toujours son origine dans une imposture.
Seule une révolution mettra fin à un système
dont l'obsession de l'argent entraine l'humanité
vers la catastrophe.

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"Pourquoi nous rejetons le citoyennisme"

Publié le 18/03/2017 à 09:06 par monde-antigone

 
Le citoyennisme n'est pas une idée nouvelle. Il n'y a rien de très subversif à réclamer une démocratisation des institutions, une "république participative", la "démocratie directe", des référendums d'initiative populaire comme il en existe déjà en Suisse depuis 1948. Ce que veulent surtout les citoyennistes qui se présentent comme "l'expression de la société civile", c'est que le système ne soit plus confisqué par des politiciens professionnels de façon à qu'il puisse "mieux fonctionner", disent-ils.

En France, le citoyennisme a déjà eu (dans l'esprit) son candidat à une élection présidentielle. C'était en 1965. Marcel Barbu était candidat sans parti, bien qu'ayant eu une petite expérience de député dans les années 50 sous une étiquette catholique de gauche. Il parlait déjà d'un ministère des Droits de l'homme, d'un médiateur de la République pour les affaires familiales. Il fustigeait l'administration et sa bureaucratie accusées d'empêcher l'individu de s'accomplir, et était attaché à ce que chacun ait un toit bien à lui, un logement qui ne soit pas une cage à lapin. Tout le monde s'était moqué de lui. De Gaulle l'avait traité d'"hurluberlu", il se qualifiait lui-même de "candidat des chiens battus". Finalement, il avait obtenu 1,15 % des suffrages.

A  l'époque le parrainage d'une centaine d'élus suffisait. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La barre a été relevée pour empêcher la prolifération des candidats dits "fantaisistes". Alexandre Jardin pour Bleu Blanc Zèbre et Charlotte Marchandise, candidats citoyennistes déclarés (ils ne s'étaient même pas associés !), ont été recalés, n'ayant récolté que 165 et 135 parrainages (= 300, ce qui n'est pas si insignifiant).

La "démarche citoyenne" est pourtant devenue de nos jours un argument commercial synonyme de vertu, d'honnêteté, de solidarité, de souci de l'intérêt général, de responsabilité au regard de la société. "Citoyen" est le terme que le capitalisme donne au consommateur lambda pour que celui-ci se sente pris en considération. On vend du "citoyen" à tour de bras. On parle ainsi de "gestes éco-citoyens", d'"entreprise citoyenne", de "Gestion Relation Citoyen" (GRC), de "banque citoyenne" (Banque Postale), d'"assurance citoyenne" (AXA, GMF)... et même de "nucléaire citoyen" (mais si !), à croire que toutes les saloperies finiront par se recycler en s'attribuant ce label.


Le Citoyennisme, prémisse d’un corporatisme citoyen  
par anticitoyennisme (Cerca / 2001)
Bruxsels indymédia - 20 sep 2016
https://bxl.indymedia.org/spip.php?article12126


« Heureux celui qui respecte la loi, mais plus heureux celui qui la détruit »
F. Nietzsche


Cette contribution à une réflexion sur le citoyennisme ne prétend pas apporter toutes les réponses à ce qu’est exactement cette nouvelle forme contestataire, ni ne reprend ce qui a déjà été dit sur le sujet, mais tente de repréciser certains points qu’il nous semble utile d’approfondir afin de mieux l’appréhender. Le citoyennisme, selon les propres dires des citoyennistes eux-mêmes, ne vise pas à un changement radical des rapports sociaux mais à une adaptation de ceux existants; nous nous devons donc de le saisir dans sa/ses totalité/s et d’explorer toutes les pistes qui permettraient de mieux le cerner, de mieux le combattre.


Redéfinition d’un concept

La vision du citoyennisme en tant qu’idéologie ne permet pas d’analyser cette forme de contestation "intégrée" dans ce qu’elle est vraiment, dans ce qu’elle suppose.

Si par idéologie, il faut entendre système de pensée cohérent et/ou dogmatique alors, le citoyennisme n’en est pas une car la façade unitaire cache une multitude de réalités pouvant être sans liens directs, voire contradictoires. Le militantisme d’AC ! n’a que peu d’influence sur l’instauration ou non de la taxe Tobin tout autant que les "dying" d’Act-Up restent sans effet sur les conditions de travail défendues par la CNT. Cela semble logique mais permet de repréciser qu’en cela, toutes ces organisations adoptent une démarche citoyenne et non pas une idéologie, le citoyennisme. La concertation n’est pas de mise, chacun a son territoire et sa lutte, et entend bien les défendre; ainsi il est plus facile de discuter avec les autorités qu’avec les autres organisations ou associations, malgré cette apparente unité.

S’il faut comprendre idéologie dans le sens d’un nouveau système de pensée se différenciant de l’approche capitaliste, là encore, le citoyennisme ne peut être qualifié comme tel, n’étant que la simple émanation d’un environnement politique et social particulier. Il est une démarche et l’expression politique d’un état de fait: l’existence du citoyen en tant qu’homo politicus et de son corollaire démocratique, ses représentants. Il n’y a pas d’antagonisme entre cette expression citoyenne et le système capitaliste qui lui fournit ses fondements.

L’impasse citoyenniste définissait le citoyennisme selon trois traits principaux que sont la croyance en la démocratie comme pouvant s’opposer au capitalisme, le projet d’un renforcement de l’État (des États) pour mettre en place cette politique et le citoyen comme base active de cette même politique.

Au regard de nos remarques, nous tendrions à plutôt considérer le citoyennisme comme forme intégrée de contestation qui espère pouvoir rééquilibrer les dysfonctionnements du système économique ou réajuster ses dérives par une meilleure participation des citoyens. La démocratie n’est pas vue comme moyen de s’opposer mais bien d’accompagner le capitalisme, pas de le rendre plus humain mais de le "démocratiser". Un peu comme si l’absence de démocratie était seule responsable de l’exploitation et de ses conséquences ! Les citoyennistes ne s’opposent pas, ils demandent une meilleure gestion: La démocratie est vue en tant que partie indissociable du capitalisme dont elle serait la forme politique. Le capitalisme, comme système économique, ne peut fonctionner correctement que s’il est démocratique.

La démarche citoyenniste n’est pas à proprement parler adepte d’un renforcement de l’Etat mais, à l’image de la conception libérale, pour une minimisation de celui-ci dans des secteurs pouvant être rentabilisés "démocratiquement" et son renforcement dans les "secteurs citoyens vitaux". Nous pouvons considérer qu’un redéploiement des compétences de l’Etat contenterait pleinement les citoyennistes: Minimalisation des activités économiques directement sous la coupe de l’État et renforcement de l’aspect oppressif et coercitif de celui-ci. Bien qu’interlocuteur principal, l’État n’est, dans la démarche citoyenniste, qu’un intermédiaire entre les instances interpellées et les organisations citoyennistes; toutes deux le considérant comme garant de la concorde civile. L’appel constant à la médiation ou à l’intervention de l’État dans les luttes que mènent les différentes associations et organisations citoyennistes ne doit pas cacher le fait qu’elles ne font appel à lui qu’en le considérant uniquement de ce point de vue, ce que montre(nt) leur(s) pratique(s). L’État sans l’économie, l’État à son strict minimum. Ceci ne signifie ni renforcement, ni disparition mais réorganisation de l’appareil étatique, atrophies dans certaines branches et hypertrophies dans d’autres. La démarche citoyenniste propose donc, de fait, trois pôles fondamentaux de l’organisation politique: l’aspect économique considéré comme lien organique entre les individus où l’État n’aurait qu’un rôle de cohésion sociale. Nous ne reviendrons pas sur l’émergence de la conscience corporatiste ouvrière qui permit l’apparition de forts courants contestataires (que certains appellent révolutionnaires) dans un contexte où l’État était indispensable au développement du capitalisme industriel naissant, mais soulignerons que, pour nous, le redéploiement des fonctions étatiques est l’aspect principal de la disparition de cette conscience. A une époque où la dimension économique et politique de l’État était prépondérante, où le prolétariat était devenu indispensable au développement économique, il était normal que naisse une conscience corporatiste, consciente de son rôle et des perspectives qu’offrent cette place de "privilégiés" que sont les indispensables. La phase d’industrialisation étant terminée (nous sommes industrialisés) et l’accumulation du Capital le permettant, l’État voit son rôle redéfini et par conséquent en découle une adaptation de la forme contestataire. A la conscience corporatiste ouvrière répond la démarche citoyenniste, à l’éclatement et à la parcellarisation du travail répond la diversité de la contestation citoyenniste.

Et de la même manière que dans le mouvement ouvrier, les citoyennistes se pensent comme archétypes du sujet conscient, comme représentant "naturel" de l’ensemble des individus. Les prophéties quant à l’avènement d’un monde meilleur, dont les rênes seraient confiées à un prolétariat théorisé salvateur, sont sans doute du même ordre que la mission dont se sentent investies les organisations et associations citoyennistes. Autodésignées et reconnues ou ayant su se faire reconnaître comme interlocutrices par l’Etat, elles se considèrent chacune comme étant la seule véritable alternative pour un changement, voire pour une révolution. Sentiment renforcé par l’oreille que veut bien prêter l’État à leurs revendications. Mais qu’elles soient corporatistes ouvrières ou citoyennistes, leur réflexion et leur pratique ne sont jamais globales mais toujours parcellaires ou sectorielles et ne sont jamais représentatives de l’ensemble des individus. En aucun cas la démarche citoyenniste ne souhaite associer les citoyens mais plutôt se substituer à eux, - comme voulut le faire le prolétariat salvateur - et se présenter comme l’ultime recours: Ce n’est pas le citoyen, et encore moins l’individu, qui est la base active du citoyennisme, mais le citoyennisme lui-même.

Par ce qui précède, nous avons voulu définir ce que n’était pas le Citoyennisme ou plutôt ce que nous pensions devoir en être précisé. La démarche citoyenniste est fondamentalement une attitude de collaboration consciemment exprimée, dans la contestation certes, mais néanmoins dans le cadre du système capitaliste. Ce qui différencie un citoyen d’un citoyenniste ce n’est pas le degré d’implication politique ou associatif mais le sentiment, pour le second, d’être une nouvelle "avant-garde", un groupe de pression suffisamment fort pour imposer ses adaptations. Nous pourrions dire que le citoyennisme est l’expression politique de l’émergence d’un corporatisme (classe) citoyen conscient, comme le fut à son époque la "classe" ouvrière, de son rôle et des perspectives qu’offrent une nouvelle fois cette place de "privilégiés".


Contraintes et limites du "citoyennisme"

Posé en tant que démarche, le citoyennisme exprime de lui-même ses propres limites qui inévitablement sont posées par une utilisation contrôlée de la "violence" et de la discussion. Le but n’est aucunement de chercher la confrontation, que se soit sur le terrain des idées ou de l’action, mais de demander la parole. Se présentant porteur de la parole d’une invisible et symbolique opinion publique, les organisations et associations citoyennistes se sentent investies d’une mission : Porter les revendications des citoyens. Ni élues, ni désignées, elles n’ont une image d’elles-mêmes que par l’importance de leur médiatisation, la légitimité que leur offre l’État et leurs possibilités d’intégration.

Il ne s’agit pas de minimiser le nombre d’individus tentés par la démarche citoyenniste mais bien de mettre en avant l’existence purement médiatique de cette contestation. Malgré les milliers de personnes présentes lors des contre-sommets devenus grand-messes, aucun véritable débat de fond n’en a émergé. Chacun y vient avec ses propres aspirations, slogans et réclamations, chacun se sentant différemment concerné. Aucune vision commune, aucune cohérence à ces masses qui ne font alors que plébisciter les candidats à la discussion et ceux qui symbolisent dorénavant telle ou telle lutte, que ce soit des individus ou des organisations. Adoubées par les médias, plébiscitées de fait par les manifestants, ces "guest-stars" citoyennistes peuvent ainsi être reçues: Les apparences sont sauves !

Mais sans ce support médiatique dont bénéficient toutes ces stars du citoyennisme, la fragmentation extrême du citoyennisme et le peu de cohésion idéologique, atouts qui lui permettent ces rassemblements de masses, se transformeraient rapidement en grave handicap. Impossible de survivre au silence des médias si ce n’est de manière totalement atomisé. Les citoyennistes offrent une vision trompeuse tendant à les montrer comme un mouvement de masse unitaire, au même titre qu’il était trompeur de vouloir assimiler l’ensemble du prolétariat à sa frange la plus "consciente". L’idéologisation du citoyennisme doit plus aux Amis du Monde Diplomatique qu’à tous les anonymes qui participent à cette démarche. Ce n’est pas de la pratique qu’est né ce mouvement contestataire mais de la nouvelle configuration économique qui a progressivement amené une part non négligeable de la population à intégrer la contestation dans le système. Qu’il soit sans papier ou étudiant, ouvrier ou artisan, citadin ou non, chômeur ou sans domicile, le citoyen se définit plus par son attitude que par son statut social et c’est sans doute pour cela qu’il peut se retrouver facilement dans les milieux intellectuels où certains se transforment en citoyens-spécialistes, écrivains "malgré eux" d’un Guide du bon Citoyen. Cette identification est la base réelle de la démarche citoyenniste mais aussi l’une de ses limites.

Le rapport qui lie la démarche citoyenniste à l’État est de plusieurs natures.
La nécessité de reconnaissance est indissociable de cette démarche, car sans elle, rien n’est possible. Nous pouvons affirmer, sans trop risquer de nous tromper, que le choix de tel ou tel par l’État pour jouer le rôle d’interlocuteur est déterminé essentiellement par des critères qu’il juge acceptables. La faiblesse du rapport de force dans "l’affrontement" entre les citoyennistes et les instances interpellées, par État interposé, ne permet pas d’imposer une tactique offensive, seulement de se voir restreint à une contestation récupérable et exploitable pour les différentes politiques étatiques. A titre d’exemple, nous pouvons citer cet anti-américanisme dont chaque version locale justifie les "difficultés" économiques nationales par la suprématie américaine, ou bien encore l’exception culturelle qui ne vise qu’à contrer l’anglophonie dans des domaines économiques jusqu’alors dominés par la francophonie, la lusophonie, etc. Nous pourrions multiplier les exemples: l’immigration comme besoin économique, l’Europe en rempart du capitalisme américain, l’écologie devenue paramètre économique, le commerce équitable et le développement durable…

Cette duplicité quasi systématique entre les revendications citoyennistes et les différentes politiques nationales fait de ceux-ci des alliés objectifs des capitalismes nationaux et de leurs structures politiques que sont les États. Cette proximité n’est sans doute pas à chercher dans une convergence de vues - il ne faut surtout pas nier le rapport de force qui s’est créé - mais plutôt dans une base commune de réflexion. Ce qui les délimite, ce sont plus des manières différentes de mener le "bateau capitaliste" que de véritables oppositions de fond: Point de remise en cause du système dans son essence ou dans sa pratique, mais des ajustements citoyens ponctuels.

Ainsi, la démarche citoyenniste ne cherche ni à combattre l’État, ni à détruire le capitalisme mais s’appuie sur le premier afin d’assurer la pérennité du second. Quelle que soit la forme de la structure étatique, la démarche citoyenniste a nécessairement besoin de l’Etat, car sans lui le rapport de force créé est insuffisant pour imposer le dialogue, et encore moins pour forcer quoi que ce soit ! Il suffit pour cela de voir l’utilisation symbolique ou très contrôlée de la "violence" que les organisations et associations citoyennistes soutiennent ou autorisent, et qui ne visent qu’à attirer l’attention sur elles. La "violence" utilisée n’a pas pour but de contraindre mais d’attirer l’attention, et c’est pour cela qu’elles ne veulent pas agir autrement. Tant que le niveau de violence reste faible et n’attaque que des domaines où seul l’État est responsable, la démarche citoyenniste demeure dans ses propres limites, et si par "malheur" cette violence devait faire encourir des pertes directes au Capitalisme, alors l’État - en garant politique des intérêts financiers - se verrait contraint d’intervenir par la force: Ce que les citoyennistes de désirent pas.

Les possibilités d’intégration sont sans doute un des déterminants de la démarche citoyenniste. Celle-ci, en tant que conscience corporatiste émergente, correspond à un stade de développement du Capitalisme et ne peut être tolérée qu’en fonction des ajustements possibles en vue de sa pleine intégration par lui comme le fut progressivement la "classe ouvrière". Toutes deux factuelles, conséquences plus que causes de changements, ces formes de corporatismes contestataires ne peuvent réellement dépasser le système qui les fait "être" sans risquer de se voir pour ce qu’elles sont, des concepts flous n’ayant aucune réalité anhistorique. Reste donc à trouver les moyens de leur intégration, ce que firent les marxistes en proposant un réajustement économique et politique des structures de l’État au profit de la "classe ouvrière", a qui était attribué un rôle de libérateur, et ce que font donc les citoyennistes en cherchant à réajuster le Capitalisme tout en n’espérant qu’une plus juste rétribution. Les "Libérateurs" sont devenus "Justiciers", mais pris dans leurs propres logiques et leurs théorisations, ils ne demandent ni plus ni moins qu’une meilleure intégration au système capitaliste.

La démarche citoyenniste ne peut à terme que se transformer en "cogestion tronquée", en une forme de participation. Comme le remarque lui-même Serge Halimi, "financées par l’argent public, mais au service quasiment exclusif des intérêts privés, les institutions économiques internationales, machines à fabriquer du marché, ont désormais compris que le maintien de leur influence passait par un effort supplémentaire de relations publiques. Elles ont les moyens de se l’offrir. Et elles sont assez avisées pour savoir que la contestation qu’elles affrontent est susceptible d’être résorbée comme la concurrence: par la séduction ou le partenariat". La nature du citoyennisme fait que cette fois, contrairement à la contestation corporatiste ouvrière, cela se passera en douceur !


Perspectives d’affrontement(s)

Les quelques remarques ci-dessus ne prétendent pas expliquer la démarche citoyenniste dans son ensemble et sa complexité mais d’en repréciser les contours et les fondements.

Nous pouvons d’ores et déjà considérer qu’il existe quatre manières de se déterminer: par l’indifférence, la collaboration, l’accompagnement ou l’affrontement. La première est l’attitude la plus généralisée sur laquelle nous n’avons réellement que peu de prises et qui se nourrit d’un quotidien assumé; c’est celle du citoyen, et plus généralement de celui qui vit dans un pays et s’en contente. La seconde, la collaboration, n’est autre que le citoyennisme. Les deux dernières sont des attitudes que peut prendre une critique radicale de la démarche citoyenniste. L’accompagnement vise à radicaliser la démarche citoyenniste en la débordant afin de la mettre face à ses propres contradictions, mais cette position risque de se transformer d’une opposition de fond en une simple opposition de forme, la forme primant sur le fond; celle-ci s’exprimant alors essentiellement lors de manifestations ou rendez-vous citoyens. Une opposition radicale intègre autant le fond que la forme dans une critique qui aboutit à l’affrontement avec les tenants du citoyennisme et au-delà avec les maillons politique et économique du système capitaliste qu’ils légitiment, mais cette perspective d’affrontement peut aussi sombrer dans sa propre logique et se transformer en une lutte anti-citoyennisme/tes.A chacun de nous d’y réfléchir et de se déterminer en fonction.

Ces quelques lignes de conclusion provisoire n’ont d’autre but que d’esquisser les différentes façons de se positionner face à la démarche citoyenniste et à leurs propres limites et/ou risques de "dérives". Nous avons conscience que notre modeste contribution ne répond que partiellement à de nombreuses questions mais nous avons voulu participer de la sorte à un nécessaire débat sur le citoyennisme et plus largement sur les moyens de mettre fin à des rapports sociaux, économiques et politiques ne correspondant pas à l’image que nous avons de l’être humain, de nous-mêmes.


Pourquoi nous rejetons le citoyennisme
Non Fides - 16 sep 2016
http://www.non-fides.fr/?Pourquoi-nous-rejetons-le-citoyennisme


Que les choses soient claires, nous ne considérons pas notre positionnement sur cette question comme étant supérieur aux autres, ni comme le seul valable. Néanmoins, nous voulons apporter notre contribution au débat. Nous trouvons que la question du citoyennisme et des attitudes militantes qui s’y rapportent n’est pas, ou peu, posée frontalement (de même que d’autres questions, qui seront abordées dans de prochains textes), ceci sans doute par peur de faire tomber l’illusion de l’unité, et nous souhaitons faire la démonstration que la tendance hégémonique des discours emprunts de citoyennisme, loin de donner de la vigueur aux mouvements sociaux, les affaiblit considérablement.


« Lorsqu’une association s’est cristallisée en société, elle a cessé d’être une association, vu que l’association est un acte continuel de réassociation. Elle est devenue une association à l’état d’arrêt, elle s’est figée. […] Elle n’est plus que le cadavre de l’association ; en un mot, elle est devenue société communauté. »
Max Stirner, L’Unique et sa propriété, 1845


Nous entendons par « citoyennisme » la croyance selon laquelle on pourrait apprivoiser le capitalisme, par l’intermédiaire d’un État qui serait au service du « peuple » [1] et qui serait susceptible – si on savait se doter de moyens de contrôles sur les « élus » – de venir à bout des diverses formes d’oppression découlant de l’activité capitaliste. Le plus souvent, comme source de tous nos maux, les discours citoyennistes ne mentionnent d’ailleurs que le « néo-libéralisme » ou « la finance » qui une fois maîtrisés (aux moyens de mesures d’État dont on aura préalablement repris les rênes) laisseraient place à une société « débarrassée du chômage » où s’épanouiraient des citoyens responsables, jouissant équitablement des bienfaits d’un capitalisme à visage humain. Au sein de cette vision du monde où la conscience de classe s’est éteinte, la démocratie, c’est-à-dire le régime politique le plus apte à la sauvegarde des intérêts bourgeois, est devenu le mode d’organisation indépassable des sociétés humaines. Des citoyens, toutes classes confondues battent le pavé unis par ce maître-mot, quand bien même un-e exploité-e aurait pour voisin-e de manif un cadre, un petit patron ou bien même son bailleur. Nul ne discerne plus les points d’émergences des rapports de domination. « Démocratie », ce mot résonne aux oreilles du citoyen comme la promesse de l’âge d’or du progrès social – moyennant quelque ajustement de formes . Et dans le temps où les citoyens négocient avec les pouvoirs publics telle ou telle revendication, l’État qui a réussi à se fondre en eux et à les assimiler au point de leur faire dire « l’État c’est nous », poursuit son rôle de courroie de transmission du capital et de fructification des intérêts bourgeois.

Les outils utilisés par les diverses organisations et individus propageant le citoyennisme sont, parmi d’autres, les manifestations « à slogans », les actions symboliques (ATTAC utilisant beaucoup ce genre d’action, ainsi que Nuit Debout, comme on a pu le voir ces derniers mois), les pétitions (dont certains sites comme change.org ont fait un véritable business en revendant les informations des pétitionnaires à d’autres entreprises) et de manière générale, toute action favorisant la négociation avec l’État afin de satisfaire tout ou partie des revendications.

Lors de ces actions, l’obsession des organisations et individus propageant le citoyennisme, est leur visibilité médiatique, l’objectif étant si possible de mettre en valeur un nombre important de participants. Ainsi, l’utilisation des médias bourgeois comme vecteurs d’idées et actions citoyennistes est quasi-systématique, alors même qu’une grande partie des militant-e-s sont (à juste titre) critiques envers ces médias. On a parfois l’attitude inverse qui consiste en une complaisance aveugle envers des médias dit « alternatifs », sans se rendre compte que ceux-ci sont souvent des acteurs de la confusion politique (parmi eux, Reporterre est très populaire chez certain-ne-s militant-e-s).

Puisqu’il est question de confusion politique, il peut être pertinent de s’intéresser au terme « citoyen ». À l’image du mot « peuple », il s’agit d’un terme fourre-tout censé désigner toute personne qui se place sous l’autorité d’un État, sans prise en compte de la manière dont un individu en particulier se situe en regard de cette autorité, et sans considérer sa condition sociale. Lorsqu’il est utilisé comme adjectif, il désigne tout ce qui semble bon pour l’intérêt général, tout en se plaçant dans le cadre bien confortable de ce qui est autorisé par l’État, ou du moins dans le cadre de ce que « l’opinion publique » approuve.

Globalement, le citoyennisme s’appuie sur le réformisme : changer sans détruire, construire « à côté » (assemblées « citoyennes », petites entreprises locales, business militants en tous genres, etc.), chercher des alternatives, opérer des transitions, parfois propulser son/sa candidat-e-s « citoyen-ne- » aux élections (cela se voit peut-être plus facilement au niveau local). On pourrait résumer ce réformisme à un morceau de slogan bien connu: « Partage des richesses, partage du temps de travail », lequel témoigne d’une absence d’analyse critique des dites « richesses », qu’il s’agisse de l’argent ou de la marchandise, et du travail. Partant de là, un certain nombre d’organisations anarchistes peuvent elles aussi être considérées comme étant complaisantes avec le citoyennisme.

De par la direction qu’il prend chaque fois qu’il s’exprime, le citoyennisme est fondamentalement contre-révolutionnaire. Il crée en effet un plafond de verre au-delà duquel les personnes prenant part aux actions « citoyennes » ne peuvent penser. Il est aussi contre-révolutionnaire dans la mesure où les forces mises en jeu dans ces actions et pensées « citoyennes » finissent bien souvent par y rester et par s’y perdre. Cela conduit non seulement à une désertification de l’analyse révolutionnaire, mais aussi à augmenter le nombre de faux-alliés, voire d’ennemis, de ce-lle-ux qui veulent en finir avec le vieux monde.

Notons aussi qu’on retrouve souvent le citoyennisme associé au patriotisme ou au nationalisme (quelque soit la place qu’il prend sur l’échiquier politique). Pour ne citer qu’un exemple, on a pu voir ces derniers mois des stickers bleus et oranges reprenant le slogan à la fois ridicule et dégueulasse de la nouvelle campagne de Mélenchon.

En tant qu’anarchistes, nous refusons tout pouvoir, et notamment celui de l’État. Nous souhaitons avoir la liberté de décider par nous-mêmes et pour nous-même sans qu’aucun élément extérieur, qu’il soit minoritaire ou majoritaire, ne vienne décider à notre place de la manière de mener nos vies. Ainsi, nous trouvons inconcevable le fait de donner une quelconque légitimité à l’Etat, ni même à n’importe lequel de nos ennemis, en le choisissant comme interlocuteur, en acceptant de négocier avec lui.

L’État ne voit en chaque individu qu’il tient sous son joug qu’un citoyen, un contractant, dénué de fait de son individualité, sans que celui-ci ait jamais eu la moindre possibilité de refuser le « contrat social ». En considérant ainsi l’individu, l’État l’annihile, le noie dans une masse apolitique de citoyen-ne-s, et lui vole bien souvent toute volonté d’être pour lui-même et par lui-même. Le citoyen, la citoyenne devient alors un élément d’un système bien huilé qui rejettera tout ce qui sort du cadre étatique, tout ce qui n’est pas approuvé par l’opinion publique.

Pour cette raison, nous considérons de fait les citoyen-ne-s comme des ennemi-e-s avant de les considérer comme de potentiel-le-s complices, et nous rejetons toute pensée, toute action qui perpétue le/la citoyen-ne. Cependant, nous ne fétichisons pas la forme radicale. Des formes d’actions radicales, violentes, ont été sporadiquement utilisées pour servir des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Dans le mouvement qui a agité le début de l’année 2016, on a vu apparaître une sorte d’idolâtrie d’une forme de cortège qui n’est pas nouvelle, mais qui s’est vue pour l’occasion affublée d’un nouveau nom: le « cortège de tête ». Ce cortège de tête a rassemblé aussi bien des anarchistes que des communistes autoritaires, aussi bien des syndicalistes que des nuitdeboutistes. Certaines personnes s’en réjouissent, ce n’est pas notre cas. Nous ne nous plaçons pas dans un délire de pureté révolutionnaire, nous faisons juste preuve de pragmatisme: le « cortège de tête » est animé par la forme avant d’être animé par une perspective commune.

Nous ne recherchons pas l’union à tout prix, nous recherchons des individus qui puissent être nos complices à la fois dans l’action et dans les perspectives, qui partagent avec nous à la fois le rejet de ce monde, et les idées d’un monde dans lequel nous souhaitons vivre.


[Tract trouvé dans les rues de Grenoble le 15 septembre 2016]

conflits@riseup.net
https://conflits.noblogs.org/

P.S: Une critique approfondie du citoyennisme ne pouvant tenir sur un A4 recto-verso, nous conseillons la lecture du texte « L’impasse citoyenniste ».
Notes:[1] La notion de « peuple » regroupe tous les individus, indépendamment de leurs objectifs et de leurs intérêts, donc aussi bien les exploiteurs et exploiteuses que les exploité-e-s.


Présidentielle 2017: Charlotte Marchandise, candidate de la société civile
Le Monde - 04 jan 2017
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/01/04/presidentielle-2017-charlotte-marchandise-candidate-de-la-societe-civile_5057502_4854003.html


Une Rennaise de 42 ans a remporté samedi Laprimaire.org. Elle a été désignée par 30.000 votants candidate de la société civile pour 2017. Aux plaisirs démodés, c’est dans ce bar rennais que Charlotte Marchandise a appris sa victoire au second tour de Laprimaire.org, samedi 31 décembre. « Je suis extrêmement touchée de cette victoire. Je suis convaincue qu’on a gagné parce qu’on a appelé à une candidature collective », a-t-elle alors annoncé.

Porter un candidat issu de la société civile vers l’élection présidentielle de 2017, tel est l’objectif que s’est fixé cette primaire citoyenne, près de 9 mois après sa création. Un projet qui se veut fédérateur, pour lutter contre le manque de représentativité des partis politiques actuels. Il compte près de 126.000 inscrits, un niveau d’adhésion que ses organisateurs, l’avocat David Guez et le développeur Thibauld Favre, n’hésitent pas à comparer aux quelque 120 000.adhérents du mouvement d’Emmanuel Macron. Ainsi, 50,76 % des 30.000 votants – soit environ 13.000 de plus qu’à la primaire écologiste – ont accordé la mention « très bien » à Charlotte Marchandise qui était opposée à quatre concurrents.

Professeur de français, guide touristique, gérante d’un bar culturel, infographiste, responsable webmarketing, cofondatrice bénévole d’un collège laïque et aujourd’hui consultante formatrice… La liste des différents emplois qu’a occupés cette Rennaise de 42 ans est longue. Adjointe déléguée à la santé à la mairie de Rennes depuis 2014, elle a été élue en tant que représentante de la société civile.

« Citoyenne lambda », cette candidate qui propose « un projet sérieux » sans toutefois « se prendre au sérieux » défend un programme rassembleur. Selon elle, face à l’urgence démocratique, le « changement de méthode » s’impose. « 99 % des jeunes pensent que les hommes politiques sont corrompus [selon une dernière étude du Cevipof], ne cesse-t-elle de répéter. Je n’en pouvais plus de voter contre, il fallait un projet positif. » Pour ce faire, la candidate propose un revenu de base universel, un changement de Constitution « pour instaurer un régime parlementaire piloté par un Premier ministre », une transition écologique, économique et énergétique, le tout en se réappropriant « l’expérience du pouvoir citoyen ». Pour l’heure, la plate-forme citoyenne n’a récolté qu’un peu plus du 1/5e des 300.000 € attendus pour le financement de la campagne. Autre défi de taille: obtenir les 500 signatures nécessaires pour pouvoir se présenter.


Sa profession de foi:
Charlotte Marchandise Franquet, 42 ans, Formatrice (35 - Ille-et-Vilaine). Une candidature collective pour un projet de société humaniste axé sur le renouveau démocratique et l'éthique. Je porte une methode ouverte pour faire vivre les propositions de ceux qui expérimentent déjà des solutions et créent de nouvelles solidarités sur le terrain. Chacun doit avoir la possibilité de trouver sa place, de retrouver la confiance pour construire, ensemble, un nouvel espoir.


Une campagne difficile pour Charlotte Marchandise
par Fanny Beaurel
France Bleu Armorique - 06 fev 2017
https://www.francebleu.fr/infos/elections/une-campagne-difficile-pour-charlotte-marchandise-1486402751


Après avoir été plébiscitée par les citoyens sur la primaire.org, l'adjointe à la ville de Rennes chargée de la santé est entrée en campagne pour l'élection présidentielle. Mais pour cela, il faut des moyens. Charlotte Marchandise a donc lancé un appel aux dons sur son site charlotte-marchandise.fr espérant récolter 300.000 €, 200.000 au minimum pour pouvoir salarier une équipe de 6 personnes et financer ses déplacements dans la France entière. Pour le moment, les dons ne sont pas à la hauteur de ce qu'elle attendait. Elle n'a pu récolter que 57.000 €. "Je suis extrêmement inquiète et on va de toutes façons partir sur une campagne réduite par rapport à ce qu'on pensait il y a un mois".

Il faut aussi réussir à récolter les 500 parrainages nécessaires pour valider sa candidature. La date limite est fixée au 17 mars. Pour cela Charlotte Marchandise s'appuie sur 1.700 bénévoles prêts à aller chercher des engagements d'élus mais là aussi, c'est difficile. La candidate a notamment un gros déficit d'image par rapport à la plupart des autres candidats. "On a pour le moment 20 parrainages sûrs et une centaine en cours. On aurait un mois de plus, je serais sûre d'avoir les parrainages, on a un discours qui passe vraiment bien, là le temps est contre nous, c'est une course contre la montre".


L’écrivain Alexandre Jardin annonce sa candidature à l’élection présidentielle
Le Monde - 03 dec 2016
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2016/12/03/alexandre-jardin-annonce-sa-candidature-a-l-election-presidentielle_5042850_4854003.html


Un candidat de plus s’est placé sur la ligne de départ, samedi 3 décembre. Au micro de Franceinfo, Alexandre Jardin a annoncé qu’il se présentait à l’élection présidentielle française de 2017. Ecrivain et cinéaste, il est également fondateur du mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre. Il a expliqué être le candidat de L’Appel des mouvements citoyens, dont Bleu Blanc Zèbre fait partie. Cet appel souhaitait désigner un candidat à la présidentielle qui ne fasse pas partie des formations politiques déjà représentées au Parlement. « Les gens qui nous écoutent ne supportent plus ce cirque, a estimé M. Jardin à la radio. Ils ne supportent plus qu’on réduise le discours sur la politique aux discours entre les hommes politiques. Ce qui est important, c’est que les gens qui nous écoutent existent. C’est pas de savoir si on va faire exister des starlettes ou des partis ».

Fondateur de plusieurs associations citoyennes, Alexandre Jardin n’a jamais caché son ambition présidentielle, notamment depuis le 8 septembre, jour de la création des Maisons des citoyens, une plateforme déclinée localement. « Ça marche tout seul, on est débordés. Plus de 100 maisons se sont déjà créées sur Facebook », constatait-il alors. « Il faut raisonner à partir du terrain, du réel, de ceux qui font déjà leur part. En finir avec l’approche administrative, normative, centralisatrice. Il faut parier sur les régions, leur confier l’effectivité des grandes politiques », défendait-il en juin dans un entretien au Monde. (...)

["Les organisations partenaires (fondations, associations, collectivités …), amicalement appelés « faizeux », mettent en place des projets d’intérêt général dans divers domaines tels que l’éducation, la santé, l’environnement, le logement et l’emploi. En 2015, l’association comptait sur le soutien de 18.000 philanthropes" (Carenews, 01/02/2017)]